Foi et malédiction (Dorian & Mercy)

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Foi et malédiction

En attente devant le passage piéton, Dorian lève les yeux vers le ciel couvert de nuages. À l’Est, en direction de la mer, une ombre grise semble attendre son heure comme une armée prête à livrer bataille. Philadelphie grondera-t-elle encore sous l’orage, ce soir ? Týr est souvent coupé de sa force céleste, depuis quelques jours, mais la femme apathique qu’il tient par le bras semble sur le point de s’effondrer.
À tout juste 26 ans, Serena Mason bravait pourtant la vie avec l’inépuisable énergie de la jeunesse. Son enthousiasme débordant plaisait à sa malicieuse déesse. Greffière au tribunal de Philadelphie, une belle carrière s’ouvrait devant elle sous l’aile bienveillante et avisée de la procureure Irene Whitestone.
Le feu passe au rouge, le flot incessant de voitures s’interrompt. Dorian baisse les yeux sur la jeune femme de petite taille. Ses longs cheveux auburn tombent en cascade hirsute sur ses épaules avachies. Un voile gris couvre ses grands yeux clairs, comme éteints. Sa large bouche autrefois rieuse donne l’impression de sortir d’une traversée du désert.
Dorian entraîne la jeune femme sur le passage piéton. Mason marche telle une somnambule, regardant devant elle une réalité qu’elle décrit peuplée de sombres entités. « Le ou la responsable de cette malédiction mérite mille tourments pour son œuvre odieuse. Je vais trouver une solution pour te libérer, et rendre la justice pour laquelle toi et ta noble déesse avez toujours combattu. », s’est-il engagé une fois certain de l’origine surnaturelle des visions cauchemardesques.

À l’approche du Moon & Stars, le bras frêle se met à tressaillir sous la poigne vigoureuse de Dorian. La tête de Serena rentre dans ses épaules ; sa bouche émet un long gémissement de protestation. La voix puissante du Nordique lui intime de tenir bon, de rester digne et relever la tête.

— Tu représentes Athéna, et Athéna s’est toujours tenue droite face à l’adversité. Montre-toi digne de ta foi, et de l’intérêt qu’Irene te portait. C’est une déesse amie que je te fais l’honneur de rencontrer. Peu importe ce qu’elle te demandera ou te fera subir, obéis et ne fais pas honte à ta déesse.

Son regard bleu acier toise la jeune croyante, qui se redresse du mieux qu’elle peut. Hors de question d’encourager cette mortelle sur le chemin de la faiblesse, à l’image de son entourage qui l’a l’abreuvée de mots doux et de médicaments. « La guerre pour la dignité humaine commence au fond de son cœur. Ressaisis-toi. Bas-toi et triomphe. », assénait-il une heure plus tôt, tandis que Serena fondait en larmes à ses pieds.

Dorian pousse la porte du café. Une atmosphère chaleureuse les enveloppe comme une brise chargée de senteurs familières. Des flagrances sucrées emplissent les narines de Dorian, lui rappelant aussitôt les nombreux délices dont raffolait Irene. Sa poitrine se serre douloureusement, pareille à la couche de glace d’un lac gelé qui se fissure. Au fond de la salle, un pâle rayon de soleil éclaire la table favorite d’Irene d’une lumière diaphane. Les oreilles de Dorian se tendent dans l’espoir insensé d’entendre l’écho de sa voix de cristal, de son rire semblable au chant d’une cascade…

Le passé n’est plus. Irene est morte. C’est à moi de veiller à ce que son culte perdure et lui offre l’énergie de se réincarner.

La prise du Nordique, qui n’a faibli à aucun instant, se fait plus impérieuse. D’un pas résolu, il dirige Serena vers l’arrière-salle où, suppose-t-il, Mercy prépare une batterie de cocktails. Une employée le dévisage, se mord la lèvre inférieure en avisant le visage épuisé de Serena, mais ne pipe mot. L’agent du FBI n’est pas un inconnu, bien que ses visites se sont considérablement espacées depuis le 21 juin.
Il entre, et sans lâcher Serena referme la porte derrière lui.

— Bonjour, Zorya Utrennyaya. Je te suis reconnaissant de nous recevoir si vite. (Il désigne son invitée d’un geste guerrier de la tête.) C’est la croyante d’Athéna dont je t’ai parlé. Celle dont les rêves et dorénavant la réalité sont peuplés de visions cauchemardesques. Nous avons besoin de tes talents d’exorciste. Et je veux découvrir quelle divinité ou disciple est responsable de cette infâme malédiction.

@Mercy Islington

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Foi et malédiction

“Très bien. Je comprends. Si la date te convient, c’est parfait, mais vient plutôt le matin. Oui. A bientôt.”

La conversation téléphonique prend fin et je repose mon téléphone à l’arrière du comptoir. Týr a besoin de mes services d’exorciste. Une croyante d’Athéna souffre d’étranges visions depuis quelques temps, et il veut l’en débarrasser. J’espère pouvoir le faire. Car qui sait ce qu’il peut se passer? Oui, la magie à Philadelphie semble être bien plus présente depuis la destruction de Sanctum, mais si ce n’est pas l’oeuvre d’une divinité ou d’un disciple, si c’est parce qu’elle est elle-même devenue une disciple, et que c’est son pouvoir qui lui apporte ces visions de cauchemars...Je ne pourrais absolument rien faire. Mais je ne le souhaite pas. Je sais combien préserver le culte d’Athéna, ses croyants et ses valeurs sont importantes pour Týr.

Pour moi aussi, quelque part. Athéna était une très bonne amie, en plus d’être une excellente cliente et ma testeuse officielle de nouveaux cocktails sucrés, chauds ou froids. Une amie qui me manque, terriblement. J’aimais sa combativité, sa détermination, mais aussi cet petit quelque chose typiquement elle qui la rendait si charismatique et attachante. Je n’aurais pas aimé me retrouver face à elle dans une cour de justice, c’est certain, tout comme je n’aimerai pas me retrouver face à la colère, froide et calme, de Týr. Ils ont tous les deux cette intensité qui impose le respect, qui incite les gens à les écouter, aussi gentils puissent-ils paraître de l’extérieur.

Le jour du rendez-vous arrive, et entre temps, j’en ai parlé à mes moitiés, qui sont naturellement un peu inquiets. Les exorcismes ne sont jamais un exercice facile pour moi, car pour exorciser, je dois pouvoir comprendre ce qui fait effet, et donc, en partie, subir ce que subit la personne sous influence magique. Ce qui n’est jamais très agréable, sans compter que je ne peux pas toujours effacer l’influence magique, si cette dernière est trop puissante. Ou du moins, pas du premier coup, ou pas sans aide. Aussi bien Tony que Cecil savent ce que ça peut provoquer chez moi, en plus de la fatigue logique qu'entraîne l’utilisation de ce pouvoir.

Mais je ne peux pas laisser tomber Týr de cette façon. Ce matin-là, j’ai prévenue l’employée qu’il viendrait avec quelqu’un, et qu’elle devrait le laisser aller sans s’interposer. Elle n’a pas cherché à en savoir plus. Je vais, dès ce message passé, dans l’arrière boutique, en profitant pour ranger un peu les stocks en attendant l’arrivée de Týr. Je finis de poser une bouteille de sirop quand la porte s’ouvre, révélant celui que j’attendais et la jeune femme, dans un piteux état. La pauvre...Je m’approche aussitôt, mon instinct maternel se réveillant à une vue pareille.

“Bonjour à toi aussi. Ne me remercie pas encore, je ne sais pas si j’arriverai à faire ce que tu me demandes, mais tu sais que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir.”

Je leur fais signe de me suivre et installe la jeune femme allongée sur le petit canapé que nous avons installé dans cette salle, au cas où l’un d’entre nous aurait besoin de se reposer un peu. Pour ma part, je m’agenouille à ses côtés, passant une main tendre, calme, dans ses cheveux, essayant de la calmer comme je le peux. Elle semble le faire, un peu, c’est presque infime, mais c’est présent.

“Tu peux t’asseoir dans le fauteuil si tu le souhaites, Týr” dis-je en désignant d’une main vague le fauteuil à l’angle du canapé “Je ne sais pas combien de temps cela peut durer.” puis j’ajoute me tournant vers lui, un sourire doux aux lèvres “Et, désolée de te dire cela, mais tu as l’air fatigué. Reposes-toi, pendant que je m’occupe de Serena.”

C’est un fait, je suis incapable de simplement le laisser être sans m’inquiéter pour lui quand je vois des signes qui peuvent me mener à m’inquiéter. Or, avec le sale temps qu’il a fait dernièrement, je doute qu’il soit au meilleur de sa forme. Je n’en dis pas plus cependant, et commence à sonder cette malédiction qui est en train de perdre cette jeune femme. Si je ne la vis pas de plein fouet, j’entrevois des bouts de la façon dont Serena voit le monde aujourd’hui et j’en tremble. Moi qui ai vu des champs de batailles meurtrières, je n’aurais pas pensé voir de telles choses. Vu les cauchemars qui attaquent l’esprit de cette pauvre jeune femme, s’ils n’arrivaient pas aussi en plein jour, j’aurai été tentée de soupsonner Tchernobog, notre cher cousin slave qui aime tant se repaître de la peur en chacun de nous, mais là…

“Ce sont des cauchemars, mais pas...pas de ceux qui se nourrissent de nos peurs, enfin, je ne pense pas. Relativement puissant, mais plus que cela, bien ancré.”

Et je continue à sonder, cherchant la solution.

(c) AMIANTE

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Foi et malédiction

La douce voix de Mercy s’élève comme le chant rassurant d’une mère dans la petite pièce aménagée avec soin. La croyante épuisée tombe rapidement sous l’emprise de la déesse bienveillante, et Týr se sent délesté d’un poids malgré l’incertitude soulignée par Zorya. Le talent et la bonne volonté de l’exorciste ne suffiront pas à lever la malédiction tenace d’une puissante divinité. L’ancien Vice-Primat en est conscient. Par le passé, les meilleurs experts de Sanctum butaient parfois contre des sortilèges inexpugnables. Alors les soupçons de Týr se tournaient vers Iemanja. Mais aujourd’hui ? La faiblesse de leurs conditions se rappelle cruellement à lui.

— Merci de ton conseil, répond-il à Mercy qui l’invite à s’assoir et se reposer.

Bloquant la porte de son imposante carrure, le Nordique croise les bras sur sa poitrine. Je me reposerai dans les bras d’Athéna lorsqu’elle sera de retour, pas avant.
Il observe avec un pincement au cœur la main gracile de la déesse caresser les cheveux de Serena, se rappelant le contact soyeux des longs cheveux de jais d’Irene glissant entre ses doigts. La pâleur écossaise de son enveloppe guerrière.
Le rapport de Mercy l’arrache de sa rêverie. Aussitôt, la colère jaillit dans ses veines.

D’un geste vif, il se retourne et ouvre la porte en grand.

— Vous ! tonne-t-il à l’employée du café. Que personne ne nous dérange. Sous aucun prétexte. Vous entendrez peut-être des bruits étranges. Auquel cas, vous mettrez de la musique pour nous couvrir. Est-ce que c’est compris ?

La jeune femme opine du chef, les yeux écarquillés. Les muscles de son visage tressautent de nervosité. Les humains du XXIe siècle… si peu de bravoure dans le cœur !

— Promettez-le-moi, ordonne le dieu des serments.

Il n’est pas encore débarrassé de cette vieille habitude, issue de son incarnation antérieure. Lorsque le dieu nordique portait le nom de Godric, une promesse faite à son égard pouvait difficilement être brisée.

— Je… c’est promis, monsieur l’agent !

— Je ne suis pas un banal policier, mademoiselle. Adressez-vous à moi en tant qu’agent spécial Kerr.

Dorian claque la porte derrière lui sans attendre la réaction de l’employée, puis ferme le verrou.
En trois grandes enjambées, il gagne le divan où repose Serena. Pose un genou à terre et braque son regard intense sur le visage de Mercy.

— Je vais t’aider. Poursuis ta recherche.

Après un hochement de tête complice, Mercy explore à nouveau l’esprit malade de la croyante. Dorian ferme les yeux, faisant appel aux maigres ressources magiques qui sommeillent en lui, attendant l’occasion d’une juste bataille pour s’exprimer. La force de la victoire jaillit de son essence divine, vive et puissante comme un geyser. Du bout de l’index, il dessine une flèche dirigée vers le ciel sur le front de Serena et prononce son mot de pouvoir :

— Tiwaz.

Après quelques secondes, le corps de la croyante s’agite de convulsion. Sa tête oscille de droite à gauche, comme perdue. Elle se met à gémir.

— Dé… démons! Ô… griffes… obscurité… Non ! … Pitié… à l’aide !

Le Nordique s’empare de la main de Serena, surpris par la froideur de celle-ci. Son visage juvénile a blêmi. Le sang semble avoir quitté ses lèvres pâles.

Par les glaciers de l’Asgard !

Dorian adresse un regard inquiet à Mercy.

— Je crains que mon incantation guerrière ait fait remonter tous les démons qui la tourmentent, afin de les affronter de face et les terrasser. Mais cette mortelle est déjà à bout de force. Elle n’aura pas la force de vaincre seule.

Il serre la main de la croyante, lui sommant de tenir bon.
Et prend celle de Mercy dans l’autre.

— Il ne s’agit plus d’un simple exorcisme, mon amie, mais de livrer une bataille féroce pour une âme noble. Envoie-nous là-bas, dans le monde de ténèbres qui a envahi son esprit maudit. Je vais baisser mes barrières, afin que tu puisses m’associer à ton sort. Grâce à l’alliance de ta magie et de ma force, nous terrasserons les démons cruels qui accablent cette pauvre mortelle. Ce ne sera pas un combat facile, mais nous sommes des dieux. Nous n’avons pas le droit d’abandonner nos croyants ; y compris ceux que nos êtres chers ne sont plus en mesure de protéger.

Dorian ne maîtrise pas suffisamment les rituels d’exorcisme pour évaluer les dangers, mais il sait que leurs essences divines s’exposent à d’importants dégâts. Peu lui importe les risques : le Nordique ira jusqu’au bout. Une extrémité où Zorya ne pourra guère le suivre : sa sœur et son époux ont besoin d’elle, tout comme Týr a besoin d’Athéna pour respirer.
Sa requête est solennelle :

— Si la situation tourne à notre désavantage, ou que le danger devient trop grand pour toi, promets de nous laisser et retrouver ton corps. Pour Tony et pour Cecil. (Dorian affiche un sourire complice.) Je n’ai pas envie que ta sœur pique une nouvelle colère par ma faute.

@Mercy Islington

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Foi et malédiction

“Il ne changera jamais”

Est la pensée qui me vient le voyant prendre place à la porte, la gardant tel le protecteur qu’il est. Oui, je suis inquiète, mais je ne suis pas en mesure de le changer, d’autant plus que je ne le souhaite pas. Il est très bien tel qu’il est, même s’il est vrai que j’aimerais qu’il fasse peut-être un peu plus attention à lui. Cependant, je peux le comprendre. Il a perdu un être très cher à son coeur, et si j’avais perdu ma soeur ou mon époux dans de telles circonstances, je serais probablement incapable de me laisser aller tant que nous n’aurions pas ramené la personne disparue. Ceci étant dit, il y a une différence majeure entre Týr et moi: à moins de perdre les deux d’un coup, il me restera toujours ma soeur ou mon mari. Lui n’a plus personne d’aussi proche. Je fais de mon mieux pour l’aider, le soutenir, mais il est pudique, il ne se laisse pas observer ainsi, et je ne compte pas le pousser à s’ouvrir plus s’il ne le souhaite pas.

Le premier sondage de l’esprit de la demoiselle est inquiétant et si je m’attendais à une réaction de la part de Dorian, je ne m’attendais pas à une telle violence dans sa façon de faire. Je me tourne vers lui, clignant des yeux de surprise. Je grimace même un peu de compassion pour ma pauvre employée qui n’a rien demandé à personne. Je pense que je verrai avec Tony et Cecil si on peut lui donner un petit extra pour sa peine. J’attends qu’il se tourne à nouveau vers moi pour lui parler.

“Elle n’est qu’une employée temporaire, une étudiante de l’université qui plus est. Ne soit pas trop dur avec elle.” Ca ne sert à rien de le reprendre sur sa façon de gérer la chose puisque c’est déjà passé.

Un sourire plus tard, et je reprends mon exploration dans l’esprit torturé de Serena. Tout semble devenir d’autant plus palpable quand Týr active sa rune sur Serena. Si palpable que ça m’en coupe presque le souffle le temps d’une seconde, tant la terreur qui s’empare d’elle est violente, et tant les visions qui s’imposent à mon esprit son dignes des pire cauchemars. Le constat de Dorian est certain et je suis d’accord avec lui.

“Je peux essayer de l’aider. Mais ça ne durera qu’un temps.”

Me concentrant pour mettre de côté le sondage en cours, je relâche la main de Dorian, la posant sur le front froid, si froid, de la jeune croyante. Puis, c’est comme si un voile se posait sur elle.

“Je ne peux pas garantir sa survie, mais je peux essayer de limiter ses chances de rencontres avec la Mort.”

Ma main retrouve celle de mon ami, allant nous plonger dans les cauchemars qui rongent Serena quand sa demande me parvient, et je fronce les sourcils. Si d’ordinaire son trait d’humour m’aurait tiré un sourire amusé, ce n’est pas le cas ici.

“Non.” dans ce simple mot, on ressent toute la détermination qu’on me connaît “On revient tous les deux. J’ai déjà perdue une amie qui m’était très chère, je ne veux pas perdre quelqu’un d’autre. Nous avons déjà perdu trop de gens.” je cligne des yeux pour effacer l’humidité qui s’est installée “Promets-le moi Týr.”

Je sais que c’est un coup bas, mais si mon mari a pu l’utiliser pour cacher ses activités au sein du FBI, alors je peux bien l’utiliser pour protéger Dorian. Ce que je lui dis est vrai: je ne veux pas perdre quelqu’un d’autre dans cette histoire. Pourtant il y a une autre raison, beaucoup plus égoïste: celle de ne pas vouloir supporter la culpabilité qui me prendrait à la gorge si je le laissais se perdre ainsi. Il aura beau me dire que je ne suis pas responsable, qu’il a décidé de faire cela en dépit des risques, j’aurais été complice de sa perte le cas échéant, car j’aurais accepté sa requête. Et ça, je le refuse. Nous ne savons pas exactement à qui ou quoi nous avons à faire, ni de la puissance dont il ou elle dispose par rapport à nous, ce qui rend l’exorcisme/sauvetage, d’autant plus dangereux.

“Une fois là-bas, ne t’éloigne pas de moi. On ne sait pas comment cette malédiction pourrait réagir à notre arrivée. Il nous faudra faire très attention. C’est bien compris?”

(c) AMIANTE

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Foi et malédiction

En réclamant une promesse, Zorya accule le dieu nordique à une obligation sacrée qu’aucun subterfuge, aucun imprévu ne pourrait détourner. Mâchoire serrée, Dorian évalue dans le regard de Mercy le degré de sa détermination. La déesse slave occupe l’enveloppe d’une jeune femme inoffensive et au visage doux, en revanche les yeux ne mentent jamais pour qui sait observer. Derrière un voile humide de tristesse, semblable à une cascade d’eau claire dévalant des sommets montagneux, se dresse une muraille de pierre qu’aucune force ne délogera dans le temps qui leur est imparti.
Týr a obtenu sa réponse. Une passion guerrière enflamme son sang maintes fois répandu sur l’autel de la justice. Leur cause est noble. Une longue amitié le lie à la Slave, et leurs talents complémentaires ont démêlé plusieurs enquêtes impliquant des dieux sournois. L’essence du dieu de la victoire presse Dorian de partir au combat.

— C’est d’accord, Zorya Utrennyaya. Je te fais le serment de rentrer avec toi. Et comme je n’ai pas l’intention de m’accabler du poids de la honte, cela signifie que nous triompherons ensemble du mal qui tourmente cette pauvre croyante. Quoi qu’il en coûte.

Dorian prend une grande inspiration, purgeant la moindre idée de repli de ses manœuvres stratégiques. Toute la puissance de son esprit se concentre sur l’obtention de la victoire – impliquant qu’ils émergent tous les trois des limbes horrifiques qui emprisonnent Serena.

— Je suis prêt. Allons-y.

Dorian baisse ses défenses divines afin que l’exorcisme de Mercy le transporte. Sa vision s’obscurcit. Il flotte dans un silence de plomb. Des ténèbres plus noires que la nuit l’aspirent dans un long tunnel.

Týr rouvre les yeux dans un monde de cauchemar.
Cet endroit ne ressemble à rien que Týr ait connu. Un ciel gris cendré les surplombe. Des nuages noirs évoquant des fumées de charbon le traversent avec une rapidité anormale. Autour d’eux s’élèvent des parodies d’habitations et d’immeubles aux fenêtres opaques. Leurs contours gris se tordent, pareillement à des reflets sur un lac de pétrole. En plissant les yeux, le Nordique a l’impression de reconnaître des bâtiments de Philadelphie. Les rues mouvantes forment de longs sillons au revêtement de basalte. Les trottoirs obscurs ondulent sous la pression de vagues invisibles. Des formes spectrales et hurlantes errent au-dessus du sol, emplissant l’atmosphère d’une terreur sans nom. Leurs yeux sont des puits sans fond, leurs membres difformes se terminent par des griffes acérées comme des rasoirs.
Effroi et désespoir tentent de se frayer un chemin jusqu’aux os du Nordique, dépouillé de ses défenses divines jusqu’à la fin de l’étrange voyage. Son cœur bat lourdement dans sa poitrine ; l’image d’un sang noir et épais s’insinue dans son esprit. Ses poumons peinent à respirer l’air vicié. Týr commence à suffoquer. Un frisson lui parcourt l’échine. Irrité par l’intrusion terrifique dans sa propre chair, le Nordique serre les poings… et seul le droit réagit.
Il baisse les yeux et se voit comme il était jadis, du temps de l’ère des dieux. Un rire puissant jaillit de sa gorge, libéré de toute entrave. Exempt de toute peur. Týr, dieu primordial de l’Asgard, tourne la tête en direction de Zorya. Le fils de géant doit baisser les yeux pour contempler la déesse slave dans toute sa splendeur retrouvée.
Il brandit le moignon de son bras mutilé vers le ciel. Un solide bouclier y est fixé par des atèles.

— Par les Neuf Mondes ! Nous n’avons aucun contrôle sur cet univers étrange, et je ne suis même pas capable de léviter, mais Tiwaz nous fait grâce de notre grandeur passée.

Alerté par la voix rugissante de Týr, un spectre se met à voler vers le dieu guerrier de trois mètres. Un horrible grincement déchire l’espace. L’éclat étincelant d’une épée fend l’air. Le tranchant de la justice s’abat, ouvrant en deux la figure fantomatique. Des cendres noires s’éparpillent là où se trouvait l’assaillant.
Les réjouissances sont de courte durée : déjà Týr reprend sa mine austère.

— L’influence que j’exerce sur les forces du destin n’est plus ce qu’elle était, mon amie slave. Je crains que nous n’ayons pas beaucoup de temps devant nous.

Il plisse les yeux, lamine un deuxième spectre grimaçant d’un revers mortel.

— Affronter pareil endroit doit être une expérience terrible, pour une mortelle. Je suppose que Serena se terre quelque part à l’abri de ces spectres, et peut-être de créatures plus terribles encore.

Týr observe les alentours. Devant la façade déformée d’une vidéothèque en noir et blanc, une masse de formes spectrales s’agglutinent. D’autres se regroupent aux points cardinaux.
Le demi-géant se rapproche de Zorya, la couvrant de son grand bouclier.

— Ils tentent de nous encercler. Nous devons bouger, et vite. Peux-tu localiser l’humaine ?

@Mercy Islington

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Foi et malédiction

Aucun des rares voyages dans les mondes nés d’une malédiction n’ont été une promenade de santé, ou même vaguement agréables. C’est souvent des images sur lesquelles j’aimerai n’avoir jamais posé les yeux, qui en général laisse une impression dans mon esprit que je me dois de combattre avant de pouvoir retrouver une paix d’esprit. En cela, ce pouvoir d’exorcisme pourrait presque s’apparenter à une malédiction, tout comme la pouvoir de combustion de ma très chère soeur. Nous sommes soeur, nous sommes semblables tout en étant si diamétralement différentes. Le trajet jusqu’au monde de cauchemar n’est pas plus agréable que l’arrivée. Ce noir complet, un noir que je ne devrais pas craindre, que je sais être irréel, factice. Pourtant, je ne peux empêcher l’effroi de se faufiler dans mon être, ni ce noir profond de chercher à étouffer l’espoir et la détermination qui est pourtant en moi depuis que Týr a passé la porte avec cette pauvre jeune femme qui a besoin de mon aide.

A l’atterrissage, il me faut quelques secondes pour reprendre mes esprits. Cela fait bien longtemps que je n’ai pas eu à faire un tel voyage, qui plus est, dans un état affaibli comme nous le sommes à l’heure actuelle, en transportant une autre divinité qui plus est. C’est le rire rugissant de Týr qui me pousse à rouvrir les yeux, intriguée, et un peu inquiète, de ce qui peut pousser mon ami pourtant si réservé à partager un tel éclat de rire. Mes yeux ne voient pas clair, ils sont obstrués par...Un voile? Entre ce que j’observe et ce dont fait part mon ami, je comprends alors et me redresse finalement sur toute ma hauteur, bien loin d’égaler celle du dieu Nordique à mes côtés. Cette forme fut la mienne, bien des siècles auparavant. Cet être de lumière, enveloppée de voile évanescents qui apparaissent au fur et à mesure qu’ils disparaissent. Un cycle éternel, semblable à celui qui ponctua ma vie avant que nous ne venions sur Terre. Les voiles qui peuvent me servir à protéger les guerriers de la mort, du moins les aider à l’éviter…

Même si pour le moment, c’est surtout Týr qui me protège des spectres qui semblent vouloir faire de nous leur quatre heure, me gardant sous son bouclier. Je hoche la tête à sa question.

“Oui. Je suis en lien avec son essence. Donnes-moi un instant” J’ai bien conscience que le temps joue contre nous, mais je ne peux pas non plus tout réaliser instantanément. Je me concentre, appel à cette essence purement mortelle (bien la seule dans cet endroit) et m’y accroche quand elle me fait signe dans ce cauchemar qui lui sert de prison. Finalement, je pointe une direction du doigt, le Nord-Ouest de notre position “Elle est par là. A quelle distance, je ne peux pas être certaine. Je te laisse nous frayer un chemin au travers de ces spectres et je nous conduirai vers elle.” j’allais le laisser faire, quand une idée me vint. Je me saisis de son poignet non mutilé et détache un des voiles m’entourant, le déposant sur son visage, ce dernier disparaissant aussitôt “Tu es un grand et valeureux guerrier, mais je peux au moins faire cela pour toi.”

A défaut de pouvoir plus activement l’aider dans l’extermination de ces spectres. Il y a des fois ou je jalouse mon mari pour son pouvoir offensif, au moins je ne serais pas inutile dans ce genre de cas. Quand un chemin est dessiné dans la masse de spectres, je file à toute allure au travers, ne perdant pas de temps, mais gardant un oeil sur Týr, prête à l’aider (du mieux que je peux du moins) si besoin est. Notre chemin est encombré par diverses apparitions qui tentent de nous ralentir. Plusieurs fois, je dois me forcer à détourner les yeux, mais une attire mon regard, et si je n’arrête pas course totalement, je ralentis, et ouvre de grands yeux horrifiés.

En face de moi se trouve la vision de Tony, dévastée, face à un corps carbonisé. Seul le mot qu’elle prononce me fait comprendre de qui il s’agit, et mon coeur se serre. Il me faut me rappeler que ce n’est pas réel pour continuer d’avancer, le regard fixé sur l’avant, et le pas plus déterminé que jamais.

“Cet endroit veut se servir de nos peurs pour nous arrêter. Il ne nous fera pas de cadeau, alors rappelles-toi bien: rien ici n’est réel.”

Avisais-je Týr sans oser tourner le regard vers lui, de peur de voir une autre vision de cauchemar sur mon chemin par la suite. Je sens l’humaine proche, si proche, mais je ne la vois pas. Cela m’enrage. Après ce que j’ai pu voir, je refuse de croire qu’on ne puisse rien pour elle...

(c) AMIANTE

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Foi et malédiction

La sensation grisante de puissance aiguise l’appétit guerrier du dieu déchu. Un accès de nostalgie trouble son essence déclinante. Les reflets illusoires d’un âge d’or révolu, ère de gloire et d’honneur.
La grande lame du Nordique fend toujours l’air avec efficacité.
Le monde serait tellement plus simple, se dit-il, si le mal apparaissait sous la forme de ces démons hideux. Une armée invincible de braves suffirait à répandre la justice à travers les routes et les cités, préservant l’ordre et harmonie de l’influence perfide des forces du mal. Mais hier comme aujourd’hui, aucune civilisation n’a jamais cédé à la caricature de ce cauchemar grotesque.
Aux affreux visages grimaçants répond la mine stoïque du Nordique, concentré à défendre ce qu’il a de plus précieux en ce monde fantasmagorique : le spectre enchanteur de la déesse qui guide leurs pas.
Drapés de la magie slave qui les camoufle, le tandem progresse avec facilité dans les limbes hostiles. Le subterfuge ne plaît guère à Týr, habitué à combattre ses adversaires face à face. Mais il s’agit là de stratégie contre un ennemi sans existence réelle, et Týr avance en ligne droite – fauchant les obstacles et repoussant les spectres qui parviennent à détecter leur présence.

— Qu’est-ce…

Des trolls répugnants, dans ce monde ? Cela signifie-t-il qu’un dieu nordique a orchestré cette malédiction ?

— Que vois-tu dans cette direction ? s’enquit-il en désignant les créatures monstrueuses à sa droite.

Zorya lui explique d’une voix légèrement éraillée que les apparitions sont différentes pour chacun, trouvant leur origine dans les secrets enfouis de leurs peurs. La compatissante déesse a manifestement fait l’expérience de ce qu’elle rapporte.

— Peuh ! Aucun adversaire ne me fait peur, assure Týr avec conviction. Cette magie maléfique n’aura aucune prise sur moi.

De fait, Týr se souvient d’un épisode ancien où les trolls foulaient encore les terres nordiques. Un groupe de ces maudites créatures avait attaqué une tribu sous sa protection, faisant festin de leur chair. Týr était descendu du Ciel pour sauver ses croyants du massacre, mais pas assez vite pour sauver la majorité des mortels. L’image d’une mère au ventre arrondi, hurlant de terreur au moment où la mâchoire cruelle d’un monstre la croquait en deux, n’a jamais cessé de le hanter.
Les trolls n’existent plus depuis des temps immémoriaux, mais l’émotion de cette scène cruelle ressurgit avec la force d’une comète s’écrasant dans un déchaînement de flammes.
Týr grogne de mécontentement, puis continue à avancer. Au-dessus de leurs têtes, des lueurs infernales glissent sur d’impénétrables nuages noirs.

— Je serai quand même heureux de retrouver Philadelphie, avec son ciel terne et ses rues empuanties de gaz d’échappement. Seul un dieu du mal se complairait en pareil endroit.

Soudain, le demi-géant se fige.
Un loup colossal lui fait face, ses poils hérissés comme des pics sur sa fourrure sombre.
Fenrir.
Une douleur cuisante rejaillit sur le moignon de Týr, vive comme au jour où le monstre terrifiant a dévoré sa main. Le cœur du puissant Nordique tambourine contre sa poitrine. Il fixe la bête cruelle d’un regard horrifié.
Deux yeux jaunes le contemplent avec haine et colère, mais c’est la gueule baveuse de son pire ennemi qui le paralyse. Étendue entre deux rangées de crocs acérés, gît une silhouette humaine. Féminine. Meurtrie.
La silhouette d’Irène Whitestone.

Dans un formidable effort de volonté, il lance un avertissement à sa partenaire slave :

— J’ignore si tes pouvoirs te permettent de voir ce que je vois, mais je ne peux pas rester sans rien faire !

Quand bien même Týr est conscient que la scène est factice, il a prêté serment de sauver et protéger Athéna… sous toutes ses formes et jusqu’à ce que le monde tombe en poussières.
Il bondit sur le loup colossal, bouclier en avant, s’attendant à une lutte acharnée. L’illusion disparaît au moment même où son épée fend le crâne immense de la créature. Le sol disparaît sous lui. Týr chute à l’intérieur d’un gouffre sans fond.

Lâchant son épée, le Nordique se rattrape in extremis à la paroi rocailleuse. Une arrête entaille sévèrement la paume de sa main vigoureuse. Le sol se trouve à une quinzaine de mètres autour de lui. Ses jambes pendent inutilement dans le vide. Son bras invalide, alourdi par un bouclier attelé à son avant-bras, cherche en vain le moyen de s’accrocher.

— Sleipnir ! scande Týr en levant les yeux vers le ciel tourmenté. Forces du destin, faites venir Sleipnir !

Si Odin a réussi à soumettre ce cheval démoniaque, alors Zorya Utrennyaya le peut également ! Et quelle meilleure monture pour chevaucher parmi les spectres et les porter ensuite jusqu’à Serena ?

Citation :: Sleipnir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sleipnir

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