Holy ... crap!
C'était compliqué. La journée avaient été compliquées... Les mois précédents...Les années...
Cela fait environ deux mois que je suis revenu de l'Ile de la Réunion, après un mois à vagabonder, à retrouver le peu de force que la catastrophe et le temps m'avaient laissés. Un mois à chercher ma famille. Ma femme allait bien au moins. Enfin. Aussi bien qu'elle pouvait aller. Ma Brigitte, mon trésor, mon cœur.
Mes disciples... Des membres de ma famille...Presque des fils... Morts...Tout les deux...
Envolés après que mon précédent hôte, que j'occupais depuis déjà plus de deux siècles, se soit fait désintégré par l'effondrement du Sanctum.
Mon fils Nibo. Disparu. Introuvable. Depuis deux mois. Deux mois à le chercher, à explorer toutes les pistes possibles, à fouiller l'Amérique, à contacter tous mes contactes. A mourir un peu plus chaque jour à l'intérieur, à se dire qu'il était peut être...Peut être...
J'englouti un nouveau verre de rhum. Le troisième...Le cinquième peut être ? Qui sait ? Pas moi!
Je prend le nouveau que le barman vient de me servir, et après un clin d'œil à son égard, je lève mon breuvage joyeusement en hurlant;
"Je paye sa tournée à celui qui me racontera la meilleure blague dans ce trou perdu!"
Le barman n'apprécie pas vraiment l'adjectif utilisé pour décrire son établissement. Je m'en fout pas mal.
Ma femme a pleuré aujourd'hui. Cela faisait peut être 150 ans que l'on ne s'était pas engueulé comme ça. Je revenais tout juste de Hawaï; une piste pour retrouvée Nibo qui n'avait encore menée à rien. Les choses ont escaladés sans qu'aucun de nous ne sache d'où elles étaient parties. Elle a finit par hurler que notre fils s'était surement fait vaporiser, qu'il était mort comme les jumeaux. Que parcourir le monde ne servait à rien, que je pouvais tout aussi bien me consacrer à retrouver la connasse à l'origine de ce désastre. Que ma puissance ne valait plus rien...Que nous ne valions plus rien...Que les morts s'accumulaient sans guides. Que leurs âmes n'avaient plus d'endroits où aller. Que nous n'étions plus qu'une vieille blague ne valant pas l'importance qu'on nous donnait.
J'ai voulu répliquer. Les larmes dans les yeux, la mort dans l'âme. J'ai hurler à mon tour qu'elle se fichait de notre fils. Que j'étais le seul à chercher sa trace. Qu'elle l'espérait mort. Qu'il aurait peut être fallut que tout notre panthéon meurt entièrement cette nuit là.
Elle m'a répondu un faible "peut être" avant de s'écrouler en pleurs et de me hurler de quitter l'appartement que nous occupions. J'ai retenu mes larmes et suis sorti.
J'évalue les blagues de deux ivrognes incapables d'aligner deux mots convenablement. J'explose de rire face à leurs babillements. Plus je ris plus je pousse les larmes au fond de mon cœur volé. Vers 1h du matin le barman nous signale qu'il est temps de dégager le plancher. Je lui répond que je n'ais pas fini de boire. Il insiste, je crois qu'il commence à s'énerver. Je le provoque volontairement. Peut être qu'une bonne bagarre me restaurera. Rien de plus hilarant que les combats humains pour refaire sa soirée.
Je monte sur le bar pour lui renverser ses bouteilles, il m'attrape la jambe brusquement et me fait tomber au sol, j'entend ma tête s'éclater contre le sol. C'est pas le moment de mourir. Les ivrognes de tout à l'heure m'attrapent par le col et me tirent à l'extérieur en déblatérant de vagues excuses au barman.
Il renifle dans notre direction et ferme la porte derrière nous. Je les regarde tout les deux et explose de rire, malgré le sang maculant mon front. Je les sens m'escorter plus loin vers la route. Ils continuent de ricaner. Je manque de trébucher sur le pavé. Je sens mes larmes essayer de remonter à mes yeux, je les repousse plus bas. Pendant que je tente de reprendre le contrôle je ne vois pas où ils m'attirent. Quand je reprend un tant soit peu de contenance je vois que je suis à coté d'un immeuble, dans une ruelle isolée. Je me retourne, ils bloquent mon chemin pour retourner à la rue principale. Il n'y a personne à part nous aux alentours. Je comprend ce qu'ils veulent.
"Alors les gars c'est pas que baiser des clodos me répugne, mais j'ai une femme à la maison. Et puis honnêtement c'est peut être pas la soirée..."Ils s'approchent. Et soudainement, comme si cette énième constatation me frappait amerement le visage, je me rappelle que mes pouvoirs d'antan sont loin. Je n'en aurai fait qu'une boucher à une époque...Et aujourd'hui...
Ils tentent de me bloquer contre le fond de la ruelle, j'en repousse un d'un revers de main, l'autre en profite pour m'attraper les bras. Je riposte d'un coup de pied. Je suis un putain d'Ioa je suis plus fort que ces guignols...Mais je suis aussi extrêmement alcoolisé. Et affaibli.
L'un arrive à me plaquer, je ne sais comment, à plat ventre contre le mur à ma droite, il m'agrippe la tête, me la cogne contre la brique. Une fois. Deux fois. Je sens mon nez suinter. J'en sens un tenter d'enlever mon haut, j'arrive à me retourner et lui décoche un coup de tête. L'autre réplique d'un coup de poing qui m'arrive droit dans la mâchoire. Je suis sonné quelques secondes, c'est assez pour que le premier se relève et me donne un coup de genoux dans l'abdomen. Je me courbe en deux, je vomis une portion de l'alcool que j'avais ingéré. Des lumières dansent devant mes yeux, un esprit à coté de moi se met à pleurer. Une petite fille morte dans la région. Je l'avais déjà croisé quelques fois. Je lui dis de s'éloigner. Quand je vois qu'elle reste plantée là, terrifiée et perdue, j'utilise mes pouvoirs pour la forcer à partir en courant. Loin.
Je me fatigue. Je sens un des deux loubards me saisir par les cheveux. Il ouvre sa braguette devant moi. Je vois sombre. Je vois rouge.
Avant même qu'il puisse entreprendre quoi que ce soit je chope son appendice entre les dents et le mort avec toutes les forces dont je suis capable. Il hurle, son pote me frappe pour que je le lâche, je maintiens ma position. Ce manège dure bien 3 bonnes minutes avant qu'un dernier coup dans les côtes ne me fasse finalement lâcher. Le gars s'effondre. La bite en sang.
Son pote hurle, il ramasse le gars et m'écrase le visage contre le pavé à plusieurs reprises avant de s'éloigner, son pote sur le bras. Je le vois cracher dans ma direction.
Je reste étalé là quelques secondes. Je sens les larmes remonter. Je n'autorise qu'une seule d'entres elles à couler. Je ferme les yeux quelques minutes puis les rouvre. Je regarde ma montre, je suis resté étalé là pendant deux heures...Il est maintenant plus de trois heures du matin. Je me relève doucement. Un pas après l'autre. Je marche au hasard dans les rues.
J'ai l'impression que ce corps sait mieux que moi où il veux aller. Je m'excuse silencieusement auprès de Jade. Elle ne méritait pas ça.
Je laisse le corps me guider. Je crois que j'ai pris un train de nuit. Je crois que j'ai marché. Longtemps.
Je crois reconnaitre les environs. Philadelphie ma douce, cela faisait longtemps.
Je crois reconnaitre le quartier où j'ai atterrie. Je réalise alors que ce n'était pas le corps qui me guidait. Ou pas complètement. Je ricane amèrement. La pauvre, dans quel état va-t-elle me voir débarquer ?
Je sens ma gorge se serrer, je reste quelques minutes comme un con à la porte. Je sens les lèvres de Jade trembler, je sens son cœur se serrer. Je sens ses mains venir s'enserrer autours de son corps tremblotant, frêle, faible. Je sens ses larmes couler.
" Jade, ma belle... Il ne sert à rien de te mettre dans un tel état...Ressaisis-toi putain, je passe pour quoi moi hein? ... Je passe.. Pour quoi..."Putain Jade... Le Baron Samdi ne pleure pas, il célèbre la vie, tu le sais bien...Arrête ça merde...
Je prend une inspiration, efface les larmes. Je fini par toquer, à moitié affalé devant sa porte.
Je dois m'y reprendre à deux fois. Alors elle m'ouvre. Aphrodite, déesse de l'amour. Je suis tellement désolé ma belle...
"SAMDI!"Je pousse un gémissement de douleur quand elle me soulève pour m'emmener à l'intérieur. Elle est en peignoir, et je ferai bien une remarque sur la chair tendre qu'elle me montre mais ce n'est peut être pas le moment.
Elle me pose dans un fauteuil et tente d'éponger mes plais. Je pousse une grimasse quand elle passe sur les plus grosses: ma tête, mon bras droit enflé...Peut être cassé. Je vois que mon genoux ressort étrangement aussi, en plus de tout le sang sortant d'un peu partout...Comment ai-je fait pour me trainer jusqu'ici moi? Je respire, ça fait mal, maintenant que je suis posé à l'abris je pense m'être cassé une ou deux cotes.
La seule chose idiote à laquelle je pense sur le coup, c'est que mon bel ensemble Gucci est ruiné. Vraiment une soirée de merde.
J'entend qu'elle me pose une question, mais je ne la comprend pas tout de suite.
Je relève doucement la tête vers elle;
"J'ai pas écouté...T'as dit quoi?" Comme si ce n'était pas évident. Je tente de lui lâcher mon sourire type pour la rassurer, ça fonctionne très peu. Même moi je le sens.