sailing away

La lumière commençait lentement à décliner, obligeant la silhouette qui se trouvait à plusieurs mètres sous l'eau d'accélérer son inspection de la coque du navire. Passant d'un pan à l'autre, les doigts caressant la structure en bois. Si ça n'était pas nécessaire, le marin qu'était le Dieu avait pris le réflexe d'inspecter les bateaux qui n'étaient pas son Scuabtuinne. Navire qu'il avait confié à Lugh, ainsi que son cheval, Enbarr. Ce voyage néanmoins se ferait avec un équipage réduit. Un disciple, quelques croyants et humains, ils seront à peine une douzaine et seule le disciple savait que ce voyage était organisé par une figure importante de la mythologie celte. Manannán, Dieu de la mer, capitaine du navire, sous les traits d'un irlandais figé dans la quarantaine. Le bel âge, celui que le Dieu avait choisi lorsqu'il prit la décision de se réincarner après une cuisante défaite bien des années auparavant. Il n'avait pas honte de ses défaites, pas plus que ses victoires, aujourd'hui les Tuatha Dé Danann avaient laissé la place aux hommes, ne devenant qu'une essence même d'eux-mêmes, choisissant parfois de se réincarner s'ils le souhaitaient. Ses pouvoirs s'essoufflaient avec le temps, mais son essence demeurait vibrante, grâce aux fidèles et tradition, mais aussi aux habitants de l'Île de Man. Celle qu'il continuait à protéger, revenant même y vivre lorsque la nostalgie venait animer son coeur. Il revenait toujours sur ses terres d'origine, mais c'était toujours pour repartir.

Et justement, ce soir, il repartirait.

Un sourire satisfait s'esquissait sur ses lèvres, le corps se détachant de la structure, l'ensemble du navire s'avérant être un véritable géant en comparaison de l'enveloppe frêle qu'il habitait. Le dieu ne se sentait pas impressionné pour autant, il savait que le navire ferait pâle figure face à l'immensité de la mer. Lors du voyage qu'il s'apprêtait à entreprendre, il n'y avait que le Dieu pour affirmer sans sourciller qu'ils reviendraient à bon port. Il n'y avait plus de guerre pour les dieux à mener, les humains leur propre vie vie alimentée par de nouvelles croyances, mais ceux qui continuaient à maintenir son existence en vie pouvaient toujours compter sur lui. Certes, il était un vagabond et voyageur, mais il sera toujours présent pour les hommes en détresse, même si l'appel du large sera toujours plus fort.

Retour à la surface, les poumons s'emplir d'air et il lâche un soupiré de satisfaction, presque un ronronnement alors qu'il laissait son corps flotter sur l'eau, regardant le ciel et le mât du bateau amarré au petit port. Manannán se redressait de nouveau, remarquant alors une silhouette se tenait sur le quai, reconnaissant alors le corps habité par sa reine, la légendaire guerrière, Morrigan. En quelques foulées il rejoignait la rive, se hissant hors de l'eau.

« Morrigan, la saluait-il avec une révérence, voilà une visite inattendue. » Une main se glissant dans ses cheveux mouillés pour les plaquer en arrière. Sa reine n'était jamais venu lui souhaiter un bon voyage par le passé, donc il se doutait bien que si elle était ici, c'était pour une raison importante. Morrigan ne se déplaçait pas pour rien et elle n'était pas non plus réputée pour son affinité pour les effusions, Manannán se doutait qu'elle venait pour quelque chose d'importante, mais il ignorait ce que c'était. Jaugeant cette dernière de haut en bas, son langage corporel ne trahissait aucune tension, au contraire elle avait l'air particulièrement calme. Il haussait un sourcil, « Quelque chose s'est passé ? » Il espérait que ça n'avait de pas de rapport avec Dagda, encore. Il n'aimait pas particulièrement être mêlé aux tensions entre le couple royal. par pudeur et respect de leur vie privée. Aussi privée pouvait-elle être, car si Morrigan préférait fermer les yeux, son frère par contre avait tendance à faillir dans l'art de la discrétion et le dieu de la mer avait depuis longtemps laissé tomber de faire remarquer le manque de décence de son aîné.

Manannán espérait aussi que ce n'était rien de grave qui pourrait repousser son voyage qu'il préparait depuis plusieurs semaines maintenant.