Bring me back to the good old days

Flotter au-dessus des nuages, voguer dans les cieux jusqu'à dépasser la stratosphère et s'enfoncer au fin fond de la galaxie jusqu'à en avoir le souffle coupé. On se sentait alors comme un proton libéré après la mort d'une étoile dans un ciel plein de lumières momentanées. C'était une sensation étrange mêlant le vide et le plein, la légèreté et la densité. Il arrivait très souvent à Nika de faire ce rêve sans queue ni tête, et pourtant tellement significatif pour elle. Il lui semblait que quelque part, quelqu'un souhaitait l'aider à s'échapper de son quotidien bien loin de son heure de gloire. Alors elle s'envolait, voyageant dans la Voie Lactée et se déplaçant au grès de ses envies. Ici elle n'était pas asphyxiée par la ville, par la peur et la colère. Elle y trouvait une paix bien méritée. Elle se réveillait alors souvent dans un état apathique qui lui faisait le plus grand bien. Ce matin-là, le réveil avait été plus difficile, moins volontaire, comme si le jour l'avait tiré d'une quiétude qu'elle aurait espérée être éternelle. C'était son jour de repos aujourd'hui, mais déjà son téléphone sonnait. Une urgence vraisemblablement. Une famille russe qui souhaitait que l'enfant de la famille décédé ce matin d'une longue maladie soit préparé pour le lendemain. Ils avaient choisi la maison mortuaire de la slave pour la préparation du corps, mais avaient demandé à l'église orthodoxe de s'occuper des funérailles et de l'inhumation. C'était fréquent et Nika accepta. Il était parfois préférable pour certains parents que les enfants soient enterrés rapidement. La divinité s'installa au bord du lit et regarda par la fenêtre. Il neigeait à gros flocons et à en juger par l'épais manteau blanc qui recouvrait les toitures et les voitures, il avait dû neiger toute la nuit. Les passants étaient emmitouflés dans de gros manteaux tandis qu'ils pressaient le pas pour se rendre au travail ou à l'école. Nika quant à elle, se doucha, et s'habilla d'un simple jean noir et d'un pull à col roulé noir également. Une paire de baskets fourrées aux pieds feraient l'affaire pour la journée. Le corps de l'enfant n'arrivait qu'en fin d'après-midi et la slave avait donc du temps pour faire un saut au Moon and Stars. Étonnamment, chaque fois qu'elle faisait ce rêve étrange, il lui prenait l'envie d'aller voir les Zorya dans leur café. Alors Nika enfila son manteau, son écharpe et son bonnet, puis quitta la morge. Elle ferma derrière elle et siffla un taxi. La slave n'aimait pas les transports en commun et elle préférait nettement le mouvement de la voiture qui la berçait à chaque trajet. En raison de la neige, le trafic était perturbé mais pas catastrophique. En arrivant face au café après avoir réglé le conducteur, elle s'arrêta et contempla la façade. Un sourire se dessina sur son visage, se sentant soudainement à l'aise à l'idée de retrouver des divinités qu'elle connaissait bien et avec qui elle entretenaient de bons rapports. Dans un sens, il lui semblait rentrer à la maison... Nika poussa alors la porte de l'établissement tandis que la chaleur du lieu vint lui rosir les joues. "- Salut c'est Nika ! " fit-elle, ne voyant personne.

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Sentir à nouveau la présence d'une très vieille amie lui arracha un franc sourire. Elle était venue se changer les idées, essayer de profiter un peu de l'ambiance du café avant de revenir à ses affaires. Depuis quelques temps déjà, la slave sentait son travail lui peser de plus en plus sur le moral, et même lorsqu'elle était en repos, le boulot n'était jamais loin, parce que la mort elle, ne chômait pas."- Je suis venue me changer les idées. Tu sais, le boulot, la pression quoi... Et puis c'est étrange mais j'ai rêvé cette nuit que je flottais au sein des étoiles alors, tu sais, j'ai pensé à vous. " fit-elle, souriant. Ce n'était pas la première fois que ses rêves les poussaient à se rendre au café de ses amis. Parfois, Nika en venait même à se demander si ce n'étaient pas eux qui l'attiraient ici. On lui avait déjà reproché de ne pas assez donner de nouvelles, alors l'éventualité d'un petit songe lui suggérant de venir n'était pas si stupide."- Mmmh... Un chai s'il te plait. J'ai besoin de dormir cette nuit, alors je vais éviter le café. " ajouta-t-elle en riant. Ici, elle se sentait chez elle, elle y était la bienvenue. Il y régnait toujours une ambiance doucereuse, une atmosphère qui se voulait rassurante et accueillante, bien loin de l'angoisse et de l'oppression de sa morgue. Pourtant, Nika avait tout fait pour s'y sentir bien et éviter d'être de trop accablée par la forte énergie qui y persistait après chaque cérémonie, mais rien n'y faisait. Dès lors qu'elle quittait les étages supérieurs - son appartement - pour descendre au rez-de-chaussée, un sentiment de lourdeur s'installait. Même pour une déesse, ce genre de choses était une épreuve quotidienne. L'appel de ce matin avait eu raison de sa motivation et de sa bonne humeur habituelle. Nika n'avait jamais perdu de proches et ne connaissait pas la sensation de deuil. C'était sans doute la raison qui l'avait poussée à ne jamais s'attacher aux humains, car, lorsqu'ils partaient - puisqu'ils partaient toujours avant elle -, plus rien ne pouvait les ramener, si ce n'est un pouvoir divin. Et il était évident que l'égo de la slave l'empêchait de demander un quelconque service au dieu qui s'en chargeait. Elle refusait de montrer la moindre faiblesse. Alors elle avait appris à vivre dans la solitude afin de mieux se protéger. Elle avait bien sûr eu quelques aventures mais son détachement avait bâti une barrière infranchissable entre le charnel et l'émotion. C'était mieux ainsi. Elle s'installa alors à une table, retira son manteau et le posa sur la chaise, frissonnant en retrouvant une température ambiante supportable. Elle était là pour se détendre et voir ses amis, il était donc temps de mettre son travail à l'écart. "- Comment ça se passe en ce moment chez vous ? " - puis elle baissa d'un ton, inaudible pour ses voisins mortels - " Et avec les nouveaux dieux... pas de trop de soucis ? "

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Un large sourire se dessina sur son visage lorsque Mercy lui fit part de leur confort actuel. Rien n'était plus apaisant que de savoir ses amis en sécurité et en paix. Si en plus leur affaire tournait bien, il n'y avait aucune raison de s'inquiéter pour eux. "- C'est gentil, vraiment. Mais je ne suis pas certaine que la morgue vous conviendrait. Disons qu'étant seule là-bas, j'ai beaucoup de travail et les familles russes me demandent en priorité. Tu sais, le nationalisme... J'essaye de récupérer de nouveaux fidèles à l'occasion, mais c'est compliqué. Je sais aussi que ce n'est pas super approprié comme comportement de ma part, mais c'est la seule méthode que j'ai pu trouver sans que cela soit affiché au grand jour. Mais je ne vais pas me plaindre, je me paye très très bien tous les mois et je suis aussi en sécurité dans ma maison. Personne ne se doute vraiment qu'une déesse de la boisson irait se nicher aux abords d'un cimetière et qu'elle passerait ses journées à recoudre et préparer des morts. " - fit-elle en alternant sourire et air désolé. "- Je m'excuse, c'est pas très ragoutant comme discours.   " - ajouta-t-elle en riant. C'était pourtant son quotidien. Et Nika épargnait les détails plus sordides, parce que si elle avait choisi sa voie, Merci en revanche en avait pris une autre, et il était hors de question qu'elle connaisse les détails des interventions de la thanatopracticienne. Mais il existait aussi d'autres raisons à cette pression qui planait sur les épaules de Pereplut. Depuis quelques temps déjà, elle sentait la colère monter en elle et ses envies de tout détruire ne présageaient rien de bon. Elle fulminait à l'idée d'être pieds et poings liés dans cette société où ses pouvoirs étaient bridés et où son importance pour les hommes n'était plus rien. Et pourtant... La chance passait souvent par elle. L'alcool était son flux. Mais aujourd'hui, qui le savait ? "- Je ne vais pas te mentir non plus Mercy. Mais cela fait longtemps que j'ai du mal à refouler mes colères. J'ai peur de provoquer un incident un jour.   ". Son regard s'était assombri et ses traits s'étaient soudain retrouvés bien ternes. Le monde ne tournait plus rond dans sa tête et ses désirs de vengeance contre la Terre entière étaient bien trop présents désormais.

Spoiler:

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La guerre... Les mortels et les dieux avaient toujours fait la paire lorsqu'il s'agissait de se battre et de faire couler le sang. Les hommes aimaient se battre pour leurs divinités, et les divinités aimaient voir leurs sujets se battre pour eux. Pereplut, elle, aimait les voir s'entretuer sous l'influence des transes qu'ils avaient eux-même demandé. Souvent, ils mourraient l'écume au bord des lèvres et un sourire de satisfaction sur le visage : ils partaient en héros, ils avaient vaincu pour la gloire et l'honneur. La déesse reconnaissait en eux un courage qui dépassait celui des dieux. Les humains étaient prêts à se sacrifier pour la reconnaissance de leur panthéon. C'était d'ailleurs ce qui unissait les mortels entre-eux durant leurs guerres : ils combattaient et mourraient pour la même chose. Peut-être était-ce cela, qui lui provoquait des accès de rage... le manque de batailles, de sang, de guerre, de cris, de morts. Pourtant, elle était servie en macchabées. Là où elle était, elle en avait des dizaines par semaine. Mais c'était différent ici, les gens étaient morts de vieillesse, de maladie, d'accidents etc. Aucun n'était mort pour la gloire des dieux. "- C'est gentil. Mais ça va aller, ne t'inquiète pas.   " - fit-elle en mentant. Non, les choses n'iraient pas en s'arrangeant. À mesure que le temps passerait, les colères de Nika ne s'estomperaient pas. Mais la slave changea de sujet. "- Tu te souviens de nos batailles ? Et des fêtes les veilles de grandes guerres ? C'était le bon temps hein...  ". Il existait peu de divinités qui réprimaient la guerre. Et si certains le faisaient, c'était pour mieux les admirer en secret. On aimait le fracas des armes sur les boucliers, les hurlements des hommes scandant leurs noms, le bruit des chairs se déchirant, la musique du conflit. De nos jours, les choses ne se passaient plus comme ça. On ne se battait plus pour des dieux en lesquels on croyait, on se battait pour des politiques en lesquels on devait obéir, on ne se battait plus pour la gloire ni pour l'honneur, on se battait pour un bon salaire, pour défendre son pays - qui parfois n'était même pas la cible d'attaques -, pour défendre d'autres personnes qui étaient incapables de se battre pour elles-mêmes, faute de moyens, et les batailles ne ressemblaient plus qu'à une vaste farce orchestrée par des personnages bien trop puissants. Les temps avaient bien changé. "- Je donnerais n'importe quoi pour revivre ces batailles épiques. Pas toi ?  " - demanda-t-elle, sirotant son chai chaud.