Coming Home

Liam était sa drogue. James ne l'avouerait pas à haute voix mais il le savait. Il ne cherchait pas à lutter contre cette addiction, honnêtement il l’avait pleinement accepté des années auparavant. Ce désir d’être auprès de Liam, son dieu, faisait entièrement parti de lui. Liam était sa drogue et aujourd'hui James avait besoin de sa dose. La semaine qui venait de s’écouler avait été très remplie pour eux deux, ne leur laissant pas l’occasion de se voir. Déjà James pouvait sentir le manque se loger en lui, une douleur presque physique. Dans des moments comme ça, James regrettait qu’ils n’aient pas emménagé ensemble. Puis il se souvenait qu’ils aimaient tout le deux avoir une part de liberté, leurs deux vies ne s’accordant pas toujours. Au moins, ils avaient chacun la clef de chez l’autre, leur permettant de pouvoir passer à l’improviste. Juste comme James le faisait actuellement. Il n’avait même pas fait le chemin consciemment, ses pas l’ayant mené chez Liam de leur propre volonté.

Devant la porte de l’appartement de Liam, James hésita un instant à crocheter la serrure, juste par déformation professionnelle. Mais il se reprit rapidement et ouvrit la porte avec la clef, comme une personne normale. Il fit un pas à l’intérieur et se sentit un peu mieux. Il possédait son propre appartement, qu’il aimait beaucoup, pourtant venir ici auprès de Liam lui donnait véritablement l’impression de rentrer à la maison.

“Chéri je suis rentré!” Il lança, suffisamment fort pour que Liam puisse l’entendre. Il s’agissait plus d’un trait d’humour que d’un véritable annoncement. Le dieu savait parfaitement qu’il était là, leur lien ne laissant pas James l’opportunité de disparaître. Pas qu’il ait envie de disparaître, au contraire.

Sans même réfléchir, James se dirigea vers la cuisine. Et comme prévu, Liam y était, préparant visiblement quelque chose. Est ce qu’il avait senti James arriver et avait décidé de lui faire à manger? Ou préparait-il une nouvelle recette pour sa carte au casino? Peu importe la réponse, ça sentait extrêmement bon. Ce qui n’était pas surprenant de la part du cuisinier. James espérait qu’il aurait le droit d’en avoir un peu. Mais avant cela, il fallait qu’il fasse quelque chose d'important.

Il rejoint Liam, traversant cette cuisine beaucoup trop grande même pour un cuisinier. Puis, sans même dire un mot, il l’enlaça par derrière, passant ses bras autour de sa taille et posant sa tête sur son omoplate. Il inspira profondément et sera Liam un peu plus fort. Ca allait mieux. Rien que d’avoir Liam contre lui le faisait se sentir beaucoup mieux. C’était toujours lorsqu’il le retrouvait qu’il réalisait à quel point il l’avait manqué. James avait conscience qu’il le gênait certainement dans sa cuisine mais il ne comptait pas bouger jusqu’à ce que le dieu fasse une remarque.

“J’ai faim” il marmonna, toujours collé à son dieu.

La cuisine de Liam lui avait manqué. Et puis il n’avait pas mangé depuis ce matin. A midi, il a faillit aller dans un fast food mais il ne pouvait pas chasser de son esprit l’air mécontent de Liam s’il apprenait ça. Alors sauter le repas avait semblé être une meilleur idée que de décevoir son dieu. Maintenant, il espérait que le dieu en question allait le nourrir sinon il allait probablement céder à commander une pizza.

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La journée n’était pas particulièrement bonne. D’accord, peut-être qu’il n’était pas objectif, c’est vrai qu’en tant que l’une des 7 divinités du bonheur, il était habitué à un niveau plus élevé  de “qualité de vie”. Soit. Il voulait bien y croire. Néanmoins de son point de vue la journée était particulièrement mauvaise… Tout avait commencé dans la matinée, comme n’importe quel matin en fin de semaine, il était allé faire des courses, rien de plus banale. Sauf que sur le chemin il s’était retrouvé surpris par une averse sortie de nul part qu’aucune des chaînes météorologiques humain n’avait eu le bon sens de prévoir. Transit jusqu’à l’os, il fut forcé de rentrer chez lui en quatrième vitesse. Pourtant si ce n’était que ça, il n’y aurait même pas fait attention, un imprévu aussi bête ça arrive à tout le monde. Non. Bien sûr que non, les choses ne s’étaient pas arrêtées là. Lorsqu’il avait entretenu le mince espoir de se réchauffer sous une bonne douche, il avait eu le malheur de se rendre compte que la tuyauterie de la salle de bain fuyait. Problématique. Pas de plombier avant le début de semaine prochaine ? Impensable.

Malgré tout, il s’était refusé à perdre son calme. Ce n’était que quelques imprévus, rien de grave, il pouvait y survivre. Il n’y a aucune situation que le grand dieu Daikokuten ne peut reverser à son avantage. Il eut alors la bonne idée de recourir au service de livraison à domicile pour que les ingrédients arrivent directement devant le pas de sa porte. Faire la cuisine allait le détendre et en prime, il pourrait même inviter James pour tester le nouveau plat qu’il avait récemment imaginé. Un excellent programme qui lui donnait déjà le sourire aux lèvres.

Il ferma la porte d’entrée derrière le livreur après l’avoir déchargé des sacs de course et remercié d’un généreux pourboire. Il déposa sa double charge sur le plan de travail dans la cuisine. Pourtant, il ne lui fallut que quelques secondes pour se rendre compte d’un énième problème. Ce n’était en rien ce qu’il avait commandé, jamais de toute son existence, il se serait abaissé à commander autant de surgelé et de plat pré-cuisiné ! Le dieu fit un effort de plus pour ne pas céder à la colère, que disait-on encore ? Qu’il fallait faire contre mauvaise fortune bon cœur ? Et bien, c’est ce qu’il allait faire ! Il attrapa la première boîte qui lui tomba dans la main. Puisque le sort s’acharnait sur lui, il allait faire une… une… pizza. Avec une grimace témoignant de tout le dégoût qu’il éprouvait pour ce genre de pratique, il mit la “chose” au four et attendit 35 minutes comme indiqué. Pour Liam, nul doute que les adeptes de ces déchets étaient des fainéants ou de pauvres âmes qui n’osaient espérer mieux venant du monde.

Du bruit provenant de l’entrée attira son attention, une fraction de seconde, il songea vaguement que s’il avait le malheur de recevoir en prime la visite d’un voleur, celui-ci avait très mal choisi son jour. Son lien avec son disciple l’informa très rapidement sur l’identité de son invité. C’était un voleur, certes, mais c’était son voleur. Il n’eut plus aucune place au doute lorsqu’il entendit la voix de James résonner entre les murs de son loft. Liam tiqua légèrement par rapport au “Chérie” avant de secouer la tête et de sourire, c’est nouveau ça, se dit-il. Rapidement, il sentit son disciple se blottir dans son dos, et les échos de son bien-être effleurer son esprit. Liam devait l’avouer, c’était tout simplement adorable, il pencha la tête et embrassa ses cheveux.

Le dieu ne put comprendre ce que marmonnait son disciple, sa voix fut couverte par le tintement de la minuterie. Il se dégagea doucement de l’étreinte de James et enfila le gant de cuisine le plus proche.

“James, recule un peu s’il te plaît.” Précaution inutile ce n’était plus un enfant néanmoins mieux valait prévenir que guérir.

Il sortit le plat du four et dévisagea son contenu quelques secondes, il n’y avait rien à faire, il n’arrivait pas à considérer ce truc comme de la nourriture. Dans un mouvement d’humeur, il jeta l’immondice dans la poubelle la plus proche, plateau y compris. Ensuite, il cria un bon coup parce que cette journée était juste un massacre !! Les excès de colère étaient loin d’être sa marque de fabrique, mais même lui avait parfois besoin d’évacuer sa rage. Il se ressaisit rapidement, se tourna, et vit James les yeux écarquillés de peur ou de surprise, il y réfléchirait plus tard, pour le moment, il s’approcha de son disciple et le prit tendrement dans ses bras. Ah y réfléchir, oui, Il lui avait sûrement fait peur, après tout, il agissait comme un malade mental. Il passa une main dans les cheveux bruns de James et embrassa son front.

“Je suis vraiment. Vraiment. Désolé. Ma journée a été légèrement… chaotique.” Il planta un baiser léger sur les lèvres de l’autre homme s’excusant une fois de plus. “Promis ça n’arrivera plus.”

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“James, recule un peu s’il te plaît.”

James s’éloigna de Liam presque à regret. Mais il n’était pas buté au point de rester collé à lui au risque de se brûler. Liam n’allait certainement pas apprécier l'emmener aux urgences parce qu’il agissait comme un addict en manque. Il recula docilement de quelques pas, regardant avec curiosité ce que Liam avait préparé. Le dieu avait toujours une imagination débordante lorsqu’il s’agissait de nouveaux plats. Nouveaux plats que James se faisait un plaisir de goûter.

Pourtant, ce n’était pas un de ses nouveaux plats en question que Liam préparait. James ne cacha pas sa surprise en voyant une pizza sortir du four. Ce n’était pas du genre de Daikokuten. Sa guerre contre les fast-foods semblaient inclures les pizzas en général. Mais peut être qu’il avait décidé de leur donner une seconde chance? Ou pensait-il que s’il les faisait lui même elles seraient meilleures? James n’en savait rien. Il ne s’y connaissait pas beaucoup en cuisine, aussi ironique que cela puisse paraître, étant le disciple de Daikokuten. Honnêtement, servir Daikokuten ne lui avait jamais donné un intérêt pour la cuisine. Il se contentait de manger joyeusement ce que Liam lui offrait. Cependant, cette histoire de pizza le traquaçait un peu. Il commençait à bien connaître bien Daikokuten et ce n’était vraiment pas son genre. Surtout que s’il regardait d’un peu plus près, cette pizza semblait être du surgelé?

Alors qu’il allait l'interroger sur son surprenant choix de plat, Liam lança rageusement la pizza dans la poubelle. Rage qui fut ponctuée d’un cri de colère. Visiblement, son dieu semblait énervé contre quelque chose. James espérait simplement que cette colère ne lui soit pas destinée. Par réflexe, il ne put s'empêcher de faire un pas en arrière, prêt à s’enfuir au cas où. Il avait eut à faire à des personnes énervées par le passé, le plus souvent les victimes de ces vols et ou escroqueries. Ainsi fuir finissait souvent par être la meilleure solution. Le voleur avait rarement vu Liam énervé. Il ne savait pas vraiment comme il pouvait réagir. Mais James n’oubliait pas que le cuisinier restait un dieu. Un dieu, même affaiblit, était une créature puissante. Les légendes ne manquaient pas d’histoire à propos de dieux énervé dont la colère avait créé quelques catastrophes...

Cependant, Liam se reprit très vite. Si vite qu’avant même que James le réalise, il était de nouveau dans ses bras. La brève tension qui l’habitait à la vue de la colère du dieu le quitta. Il ferma les yeux presque instinctivement. Son cerveau prit quelques secondes à réaliser que Liam s'excusait, enivré par l'affection que lui montrait le dieu.

Il ouvrit les yeux de nouveaux. Liam semblait sincèrement désolé. James savait qu’il regrettait son geste remplis de colère. Pourtant il ne devrait pas. Tout le monde pouvait avoir une journée difficile. James sourit tendrement, essayant de montrer à Liam que tout allait bien.

"Daikokuten." Il prit ses mains entre les siennes. “Pas besoin de t’excuser. Ça va. J’ai été juste un peu surpris.”

La peur avait traversé son esprit rapidement mais ne s’y était pas arrêtée. Au fond de lui, il savait que Liam ne lui ferait pas de mal. Il embrassa légèrement Liam à son tour avant de poser son front contre le sien. Il resta juste un instant, inspirant profondément, ses yeux à demis clos. Il songea vaguement qu’il était véritablement un drogué en manque. Puis il se redressa.

“Est ce que je peux faire quelque chose pour rendre cette journée un peu moins… désastreuse?”

James ignorait comment la journée de Daikokuten avait pu dégénérer à ce point. Il n’était pas certain d’être capable de faire quoi que ce soit pour aider mais il pouvait toujours proposer. Il ferait beaucoup de chose pour faire plaisir à son dieu.

Son estomac décida de le trahir à ce moment là et grogna bruyamment. Il grimaça et lâcha les mains de Liam pour se gratter l’arrière de la tête dans un geste embarrassé.

“Désolé. J’ai à peine mangé aujourd'hui. Ca t'embête si je commande une…” Il s’arrêta brusquement.  Vu la réaction que venait d’avoir Liam, il était hors de question qu’il commande une pizza à présent. Honnêtement, il ne savait pas vers qui la colère de son dieu allait se diriger, lui ou la pizza. Mais son estomac criait famine. Il avait beau être un disciple, il devait quand même se nourrir. “Des sushis?” Ça lui paraissait être une option fiable? Liam n’avait rien contre les sushis n’est ce pas? A moins que dans sa mauvaise humeur, il décide que toute nourriture livré n’était pas de la nourriture de qualité? James avait faim mais son dieu avait déjà eut une mauvaise journée, il ne voulait pas encore plus l'embêter avec ses besoins d’humain.

“Tu sais quoi? Laisse tomber j’ai pas si faim que ça.” Un énorme mensonge. Heureusement que James était doué dans l’art du mensonge. Certes, il n'aimait pas l’idée de mentir à Liam. Cependant, ils ne s’étaient pas vu depuis une semaine et James ne voulait pas gâcher leur retrouvaille avec une bête histoire de nourriture. Il espérait juste que Liam n’allait pas trop ressentir sa légère culpabilité. Et que son estomac allait rester tranquille. Sa faim passait largement après le bien être de son dieu.

“On peut faire ce que tu veux. Pour te remonter le moral.” Il offrit un sourire encourageant à Liam, afin que le Dieu comprenne bien qu'il pouvait lui demander n’importe quoi.

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"Daikokuten. Pas besoin de t’excuser. Ça va. J’ai été juste un peu surpris.” Le dieu ne culpabilisa pas moins en entendant ses mots, il n’avait pas besoin que son disciple trouve des excuses à une attitude que lui-même ne tolérait pas. Encore moins lorsqu’elle venait de sa propre personne. Il soupira de dépit, il devait vraiment se ressaisir, il était trop vieux pour s’adonner aux caprices d’un enfant… Pourtant, il devait avouer que la tentative de son disciple de lui remonter le moral lui allait droit au cœur. S’il est vrai qu’un dieu ne peut survivre sans l’allégeance et la fidélité de ses croyants, à présent il voyait mal comment il pourrait perdurer sans James, son disciple avait simplement une place spéciale à ses yeux.

La considération de James était tellement touchante que son dieu pouffa légèrement de rire lorsqu’il lui demanda comment lui remonter le moral, il libéra doucement une de ses mains et la glissa autour de sa taille le serrant un peu plus fort tout contre lui, se laissant réconforté par la proximité de son être et la chaleur de ses sentiments à son égard. “Ne t’inquiète pas tout va mieux, maintenant.” Et c’était honnêtement le cas, il sentait sa mauvaise humeur refluer tel un mauvais souvenir. Il voulait simplement profiter de ce moment entre sans rien pour les déranger. Malheureusement, ce moment fut légèrement relégué au second plan, lorsque l’estomac de James se mit à grogner… de manière assez bruyante pour ne rien cacher. Daikokuten se figea un instant. Est-ce son disciple était en train de mourir de faim de sa faute ?

Il est vrai que les dieux n’ont pas les mêmes besoins que leurs disciples, voir même les humains en général. Manger, dormir, ce n’était pas nécessaire pour eux, Daikokuten lui-même avait tendance à l’oublier malgré le fait que son travail était justement de nourrir des humains. Une pointe de remords se fraya lentement un chemin dans sa conscience, comment avait-il à ce point négliger son disciple ? Focalisé sur sa propre personne, il n’avait pas fait attention à l’une des personnes qu’il chérissait le plus dans ce monde. Quelle piètre divinité il devait faire en cet instant. Il soupira une nouvelle fois de dépit, il était si peu fiable que James préférait commander des sushis… ? Il ne savait pas si James pensait qu’il n’était pas d’humeur à entendre parler de cuisine ou s’il essayait vraiment de ne pas imposer ses besoins à son dieu. Toujours est-il que Liam croula un peu plus sous le poids de la culpabilité. Qu’est-ce qu’il avait honte !

Il s'apprêtait à se décoller de James, passant mentalement en revue tout ce qu’il pouvait faire en cinq minutes, mais James revint sur ses paroles, préférant “remonter le moral” de Daikokuten comme il disait. Celui-ci réfléchit, il était impossible que son disciple n’ait “pas si faim que ça”, il n’arrivait tout simplement pas à y croire, surtout s’il disait la vérité lorsqu’il affirmait ne pas avoir mangé de toute la journée. En plus, la légère culpabilité émanant de lui laissa à penser que James lui mentait. Liam leva les yeux au ciel et grimaça subtilement, il ne lui en voulait pas, bien sûr que non, il ne pourrait jamais lui en vouloir parce qu’il plaçait ses besoins au second plan face à ceux de son dieu. Simplement, il se demandait si James avait peur de lui au point de ne pas oser être un peu plus égoïste en sa présence. Son rôle était peut-être de vénérer Daikokuten, mais le rôle de son dieu restait tout de même de prendre soin de lui.

“Tu ferais vraiment n’importe quoi ?” Liam lui posa la question droit dans les yeux d’un autre côté le sourire de James, lui, ne faiblit pas un seul instant. Daikokuten le lui rendit sobrement. Il posa ses mains sur les hanches de James et le fit s'asseoir contre une chaise posée contre le comptoir délimitant l’espace entre la cuisine et le salon. “Si c’est le cas, fais-moi plaisir…” Leurs corps étaient si proches l’un de l’autre que leurs respirations s'entremêlaient entre elles, Liam aurait pu jurer que le torse de James se soulevait un peu plus vite contre le sien.

“…Mange, s’il te plaît.” Il embrassa le front de son disciple et lui sourit affectueusement, avant de se tourner vers son frigo et d’en sortir deux tupperwares. Il les passa rapidement aux micro-ondes avant de les poser devant James. “Je les ai peut-être fait la veille mais ça doit encore être bon. En plus, si tu ne les manges pas, ils vont atterrir à la poubelle et tu sais ce que je pense du gâchis.” Il s’éloigna de l’autre homme Daikokuten savait que s’il ne prenait pas un minimum de distance, il aurait du mal à résister à l’envie de l’avoir dans ses bras. “Reste ici, j’ai quelque chose à faire.”

Il ne voulait pas inutilement le déranger, alors se déplaça dans sa chambre et se rappela vaguement que sa salle de bain était fichue. Il se voyait mal rester chez lui avec une canalisation défectueuse, il n’était pas de taille à s'occuper d’une fuite d’eau si elle survenait au beau milieu de la nuit. Il prit un sac et mit le nécessaire à l'intérieur, peut-être qu’il valait mieux passer quelques jours à l’hôtel le temps des réparations. L’idée ne lui semblait pas mauvaise même si dans les faits, il n’aimait pas s’imposer dans un environnement qui n’était pas le sien, ça le mettait toujours un peu mal à l’aise…
Il retourna s’asseoir auprès de James et passa une main dans ses cheveux. “Alors qu’est-ce que tu en penses ?” Bien sûr, il parlait de la nourriture “Je comptais proposer de les mettre sur la carte du mois prochain, mais j’ai encore besoin d’un avis avant de me décider.”

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James n’aimait pas la culpabilité qu’il sentait émaner de son Dieu. Est ce que Liam s’en voulait encore pour son accès de colère? Pourtant il avait affirmé que tout allait mieux. Ou peut être que James avait dit quelque chose qu’il ne fallait pas? Avant qu’il ne puisse poser la question, Liam demanda s’il ferait vraiment n’importe quoi. Et bien sûr qu’il le ferait. Liam était littéralement son Dieu. James n’avait jamais compris le fanatisme de certain avant de devenir un disciple. A présent, une part de lui comprenait. Il ferait tout pour Daikokuten. Un jour, il s’était posé la question devant un miroir. Est ce qu’il tuerait pour son Dieu? Et la réponse, terrifiante, était oui. Avec hésitation certes, et ça ne lui plairait pas, il n’y prendrait aucun plaisir. Il savait parfaitement que Liam ne le lui demanderait jamais. Mais, il s’en sentait capable. La pensée l’avait dérangée à l’époque. Maintenant, il s’y était fait.

Cependant, le ton de Liam, ses mains sur ses hanches, les mots “Fais moi plaisir” laissaient sous-entendre autre chose que le meurtre. Pourtant, James ne se faisait pas d’illusion. Il se connaissait. Il aimait le sexe. Encore plus avec son dieu, les quelques fois ou ça arrivait. Mais il savait que c’était moins le délire de Daikokuten. Honnêtement, lorsque James avait appris le terme d’Asexualité grise, il a immédiatement pensé à son Dieu. C’est la raison pour laquelle, même si Liam semblait insinuer quelque chose, James était certain que c’était juste lui qui projetait ses envies sur son dieu. Et la phrase suivante du cuisinier ne fit que confirmer ça.

“…Mange, s’il te plaît.” Pas que James veuille vraiment le contredire. Il avait véritablement faim. Et si Liam insistait, il ne devrait pas s'y opposer.

Il hocha la tête suite à l’explication de Liam. Lui non plus n’était pas fan du gaspillage. Lorsqu’il était à la rue, ça le dégoûtait de voir toutes ces personnes jeter la nourriture alors que lui mourrait de faim. Comportement qui continuait à le dégoûter de nos jours. Et puis, Daikokuten n’avait pas à s'inquiéter de lui donner un plat fait la veille. Même périmé, il était certain que les plats du chef seraient encore délicieux. Lui était juste content de pouvoir y goûter.

James ne se jeta pas sur la nourriture, il avait encore un peu de dignité. Pourtant, l’envie était là. Il avait déjà une fourchette de nourriture dans la bouche lorsque Liam annonça qu’il avait quelque chose à faire. James haussa un sourcil. Il s’attendait à plus d'explication qui ne virent pas. Il n'insista pas cependant, "Okay" il dit plutôt, entre deux bouchée, regardant Liam retourner dans sa chambre. Que pouvait-il bien avoir à faire? Le voleur espérait juste que ça ne prenne pas trop de temps, ou que Liam soit partit s’engager dans quelque chose qu’il ne pouvait finir seul juste parce qu’il se sentait trop coupable pour demander de l'aide à son disciple.

Une part de lui voulait le suivre dans la chambre. Et cette fois ci, il ne pensait pas au sexe. Il n’avait juste pas envie de le quitter des yeux si vite. Cependant, il ne bougea pas, se contentant de manger. Liam lui avait demandé de rester là, il n’allait pas lui désobéir et son estomac n'apprécierait probablement pas d'être arraché à son repas après l’avoir attendu toute la journée.

Il attaquait le deuxième tupperware lorsque Liam revint. Et il revint avec la question du goût de ses plats. James ne savait jamais comment répondre. C’était tout simplement bon. Excellent même. A chaque fois, le nouveau plat semblait même meilleur que ceux avant lui. James ne connaissait rien en cuisine, sur les saveurs, les goûts, tout ça. Pour lui, c’était juste bon.

“C’est...” Il commença, sans prendre le temps d’avaler, toujours à moitié mâchant. Sa phrase fut interrompue par une quinte de toux, alors qu’il s'étouffait presque avec sa nourriture. Manger aussi vite était le souvenir d’une vie qui n’était plus la sienne, une vie ou la moindre nourriture devait être vite avalé sous peine de se la faire voler. Il pensait avoir plus ou moins perdue cette habitude. Liam lui avait appris à respecter un peu plus la nourriture. Mais peut être que la démonstration de colère de Daikokuten l’avait un peu plus affecté qu’il ne le pensait. Il se sentait bien, pourtant il fallait croire les mauvaises habitudes revenaient vite à la moindre stimulation. Il déglutit, faisant cette fois bien attention à ce que sa bouche soit vide avant de parler de nouveaux.

“Désolé.” Il se leva pour boire. Pas besoin de demander où il pouvait trouver un verre. Il connaissait cet appartement aussi bien que le sien. Une fois qu'il eut but un peu, il se rassit, embrassa la joue de Liam au passage, avant de reprendre son repas un peu plus calmement, le tupperware dans une main, la fourchette dans l'autre. Il fit attention cette fois à ne pas avoir la bouche pleine lorsqu’il s’exprima de nouveaux.

“Je voulais dire que c’est excellent. Je trouve que ça serait très bien pour ta carte.” Il sourit à Liam. “Mais bon, je ne suis pas un expert en cuisine. Tu devrais demander à un professionnel.” Il ajouta en haussant les épaules.

Il finit son tupperware et le posa sur la table. Peut-être qu’il devrait faire la vaisselle maintenant? Liam l’avait nourri. Ca serait la moindre des choses. Mais… ca pouvait attendre un peu.

A la place, il posa sa tête sur l’épaule de Liam. Il avait bien remarqué que leur proximité était bénéfique pour eux deux. Il espèrait également que la proximité de sa tête encourage Liam à lui caresser les cheveux encore une fois. Il aimait le geste beaucoup trop pour l’avouer à haute voix. Puis, il glissa sa main dans la sienne. Il ne la retenait pas, ni la serrait. Juste, il lui tenait la main. Peut-être qu’ils seraient plus confortables dans un canapé, mais James ne voulait plus bouger.

“Tu m’as manqué.” Sa voix n’était qu’un murmure presque inaudible. Il peinait à croire qu’il venait de le dire. Il les pensait ces mots, bien sûr. C’est juste que la plupart du temps, il les gardait à l’intérieur. Il profita du moment un instant avant de changer de sujet.

“Alors… Est ce que je peux te demander pourquoi tu t’es énervé? Ca n’est pas dans tes habitudes.” Il demandait sur le ton de la conversation, toujours contre Liam. Peut être qu’il aurait dû se taire mais il ne pouvait s’en empêcher. Pour que Daikokuten soit énervé à ce point, la journée avait dû être particulièrement pourrie et James était curieux. "Et tu es certain que je ne peux pas t'aider à arranger quoi que ce soit?"

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Liam aurait patiemment attendu que son disciple termine son repas avant d’avoir sa réponse. Pourtant, visiblement, James n’avait pas sa patience, il articula à peine un mot avant de se faire couper par une quinte de toux. Daikokuten secoua la tête et lança un regards passablement réprobateur à son disciple, on n’a pas idée de s’étouffer en mangeant, quand même ! Il tapa dans le dos de James dans une tentative de faire passer la crise un peu plus vite. Tout en faisant, il se souvient vaguement d’une conversation qu’ils avaient eu bien des années auparavant, Liam avait tendance à l’oublier à cause de la nature un peu frivole de James, mais il est vrai qu’il existait un passé où ils ne se connaissaient pas encore, un passé où l’enfant qu’était James luttait pour ne pas succomber à la faim. Daikokuten se demanda à quel point cette expérience était gravé en lui. Le dieu soupira de dépit, à l’avenir, il ferait en sorte de ne plus l’oublier, il chassa rapidement la mince culpabilité qui voulait se frayer un chemin dans son esprit. Il n’avait pas besoin de ça pour l’instant. Il se concentrait sur l’enthousiasme que James mettais à dévorer ses plats, c’était plutôt mignon. Enfin, c’était mignon quand il ne manquait pas de mourir étouffer. Finalement, peut-être que son disciple était encore un enfant…

Une fois sa quinte de toux légèrement apaisée, James s’excusa. Liam s'apprêtait à se lever pour lui servir un verre d’eau, il eut à peine le temps d'esquisser le moindre geste que son disciple avait devancé ses pensées, il se servit un verre dans la cuisine et le but presque d’une traite. Son dieu fit la grimace, il aurait pu le lui demander au lieu de se déranger inutilement. Le dieu estimait que son disciple avait bien le droit de profiter d’un repas qu’il avait de toute évidence attendu toute la journée. Maintenant qu’il prenant le temps d’y réfléchir un peu, un dieu qui sert son disciple était assez ironique, si ce n’est paradoxal, dans les faits. James revint s’asseoir et au passage prit le temps d’embrasser sa joue, Daikokuten laissa tomber la grimace et sourit à la place. Le dieu dû faire un effort monstre pour ne pas lui caresser les cheveux encore une fois.

“Je voulais dire que c’est excellent. Je trouve que ça serait très bien pour ta carte. Mais bon, je ne suis pas un expert en cuisine. Tu devrais demander à un professionnel.” Le cuisinier manqua exploser de rire, à la place ses épaules tremblèrent de manière incontrôlable, et il gloussa de manière un peu idiote. Pourquoi diable voudrait-il l’avis d’un expert ? Sans se vanter, il était largement meilleur que n’importe quel spécialiste sur la question. Non, la raison pour laquelle il aimait recevoir l’approbation de James, était parce que c’était les gens comme lui qui constituait la majorité de sa cliente, des personnes simples sans grande prétention, pas des “spécialistes” qui vouaient leur vie à aiguiser leur palais. Daikokuten voulait remplir les estomacs du plus grand nombre, pas de l’élite mortel. Au moins, en laissant James tester ses recettes, il savait si son plat n’était pas compliqué au point de perturber les papilles de ses clients. Il y a longtemps qu’il s’était rendu compte que le plus souvent les humains n’aimait pas manger ce qu’il n’était pas capable de reconnaître. Et puis certes, les mots de son disciple changeant rarement lorsqu’il complimentait sa cuisine, mais ses éloges lui allaient toujours droit au cœur alors pourquoi se priverait-il du plaisir de les entendre dès lors qu’il en avait l’occasion ? “Tu n’as pas besoin d’être un “expert”, tant que tu apprécies mes plats, je n’ai pas besoin de l’avis d’un “professionnel”.”

Une fois son plat terminé, James vint se lover contre lui. Liam sourit chaleureusement, il changea légèrement de position, pour en adopter une plus confortable. Il entremêla les doigts de sa main droite avec celle de James pendant que sa main gauche caressait les cheveux de son disciple. Il apprécia leur nouvelle proximité ainsi que la nouvelle vague de bien-être qui émanait de James. La bonne humeur de son disciple l’aidait à préserver la sienne. Ils restèrent un moment dans cette position, le moment était si calme et paisible que le dieu craignit légèrement que son disciple ne se soit assoupi sur son épaule. Il allait lui proposer de prendre son lit s’il en avait besoin, quand les mots suivant de son disciple le prirent légèrement par surprise. Il est vrai qu’il n’avait pas invité James à venir chez lui aujourd’hui, et bien au moins maintenant, il connaissait la raison de sa présence. Il avait manqué à James, il n’était pas habitué à ce genre de parole de manière générale, pas plus qu’il n’y était habitué de la part de James. Pourtant, étrangement, le savoir fit gonfler une bouffée de fierté en lui, il ne savait pas exactement quoi répondre alors il ne prononça aucun mot et se contenta de laisser ses gestes témoigner de toute l’affection qu’il portait pour l’autre homme.

“Je te l’ai déjà dit tout va mieux, maintenant. Inutile de t’inquiéter.” Pour la seconde fois, il rassura son disciple sur sa journée. Il réfléchit un peu plus longtemps à la question, il doutait que sa réponse allait satisfaire James, alors il argumenta. “C’est juste l’une de ces journées où rien ne va comme prévu… J’ai fini sous une averse, la tuyauterie de la salle de bain a pété, impossible d’avoir un plombier avant la semaine prochaine, ma commande a été remplacé par des surgelés bon marché…” il reprit sa respiration, pendant tout son monologue il n’avait pas osé croiser le regard de James, celui-ci avait raison, ce n’était pas dans ses habitudes, au final, c’était lui qui agissait comme un enfant. Il laissa son regard vagabonder dans toute la pièce quand il remarqua un détail presque minuscule. L’horloge digitale du four avait tout simplement disparu, ne présageant qu’une chose “...et je crois que le four vient de rendre l’âme… Mais comme je te l’ai dit ça va mieux.” Il lui sourit comme pour valider ses propos même si intérieurement l’envie de crier le reprenait.

Il se leva vivement de la chaise et inspira un grand coup. Comme pris d’une impulsion, il prit James dans ses bras et le porta jusque sur le canapé dans le salon. Au final James se retrouva une nouvelle fois dans ses bras sauf qu’au vu de la position, il était plus sur lui qu’à côté de lui… Il soupira passablement agacé, le point positif était que cette journée ne pouvait pas aller en empirant, du moins, c’est ce qu’il croyait. Il réfléchit un moment, si son loft était effectivement en train de claquer entre ses doigts, peut-être qu’il devrait aller à l’hôtel dès ce soir. À moins que… “James… tu penses que je pourrais passer 2-3 jours chez toi ? Ce serait juste le temps de faire quelques réparations.” Il ne voulait pas le déranger, mais au moins, il se sentirait plus à l’aise chez son disciple qu’en séjournant à l’hôtel, au moins il connaissait les lieux. “Tu n’es pas obligé d’accepter si c’est un problème, après je trouverais facilement une chambre à l’hôtel, en plus c’est un peu mon lieu de travail alors…” Il ne savait pas ce qu’il racontait, honnêtement, une part de son esprit voulait fortement qu’il se la ferme “Non, oublie ce que je viens de dire, je vais aller à l’hôtel.”  

Coming Home

“Je te l’ai déjà dit tout va mieux, maintenant. Inutile de t’inquiéter.”

James pouvait sentir que ça allait mieux en effet. La meilleure humeur de son Dieu faisait écho à la sienne à travers leur lien. Le disciple aimait penser que si ça allait mieux, c’était en partie parce qu’il était à ses côtés. Il aurait préféré pouvoir faire plus, mais pour l’instant cela semblait suffisant. Pourtant, il était encore curieux et il voulait un peu plus de détail. Comme lisant dans ses pensées, Liam élabora un peu plus sa réponse. Et effet, le Dieu avait passé sa journée à prouver la loi de Murphy. Un tel enchaînement de malchance pouvait énerver n’importe qui. Même un dieu qui en temps normal se montrait contre les crises de colère. Pourtant, Liam semblait encore honteux d’avoir cédé à l'énervement. Pas une fois il avait croisé son regard. James fronça les sourcils, mécontent. Il lui avait déjà dit que ce n’était pas grave. Il ne voulait pas que Liam passe la soirée à se repentir d’un geste impulsif. Il se doutait que sa réaction n’avait rien fait pour alléger sa culpabilité mais les instincts étaient une chose difficile à contrôler… Alors qu’il allait affirmer à Liam qu’il avait parfaitement le droit de s'énerver, que c’était sain même, Daikokuten ajouta un détail à propos du four. Surpris par cette dernière addition, le four marchait quand il était arrivé non?, James jeta un coup d’œil à l’appareil électroménager en question. Qui venait effectivement de mourir. Peut être que le four high tech du cuisinier n’avait pas apprécié être utilisé pour décongeler une vulgaire pizza. Il devait être habitué à une cuisine de meilleure qualité après tout. Il songea vaguement que cet appartement était peut-être hanté. Autant de problèmes en une journée, c’était presque surnaturel. Et James s’y connaissait un peu en surnaturel, étant le disciple d’un véritable dieu tout ça… Liam affirma une seconde fois que “ça allait mieux.” James pouvait sentir que cette fois, l’affirmation était un peu moins vraie. Probablement le problème du four qui devenait la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

Lorsque Liam se leva, James eut un sursaut, surpris par le soudain mouvement. Il savait que le dieu s'interdisait probablement de s'énerver en sa présence pourtant le voleur cru une seconde qu’il allait crier de nouveaux. Ce qui lui aurait certainement fait le plus grand bien au passage. Au lieu de ça, il le prit dans ses bras. Autant dire que James ne s’y attendait pas. Par réflexe, il passa ses bras autour du cou de Liam pour mieux se tenir. Rationnellement, il savait que sa nature de Dieu rendait Liam plutôt costaud, de plus il n’était pas si lourd que ça, mais la partie moins rationnelle de lui s’accrochait quand même assez fort, de peur de tomber. Il mit de côté sa déception en voyant que leur destination n’était pas la chambre, et se laissa docilement manipuler pour finir sur les genoux Liam. Bah. Ici aussi c’était bien. Il se blottit contre son dieu, souriant d’aise. Il avait presque l’impression d’être un gros chat et s’il pouvait, il serait certainement en train de ronronner. Si ses pseudo-associés du monde des escrocs le voyait, il perdrait certainement tout crédibilité. Pourtant, ce moment de paix lui échappa en entendant Liam soupirer, l'agacement facilement audible dans ce soupir. Clairement, tout n’allait pas mieux. Qu’est ce qui le tracassait comme ça?

Le disciple n’eut pas besoin de poser la question à haute voix pour avoir des détails. Cette fois Liam expliqua les choses de lui-même. James réfléchit un instant. Si Daikokuten n’avait pas de tuyauterie, ni de four, et si, au vu de sa chance actuelle, d’autres éléments de son loft s'effondraient, il serait, en effet, plus sage de ne pas rester ici. Des travaux étaient un choix judicieux. C’était dommage parce que le voleur pensait rester quelques jours dans le loft au côté de Liam. Certes, il n’avait pas amené d’affaires, mais cet endroit était un peu comme sa deuxième maison, peut être même la première si on écoutait son coeur, alors il avait toujours des affaires qui trainaient ici et là. Mais bon, si ces quelques jours étaient passés chez lui plutôt que chez Liam, ça ne changeait pas grand chose à ses plans il supposait. Tant que Daikokuten était à ses côtés, le lieu avait peu d’importance. Cependant avant même qu’il puisse affirmer que bien sûr Liam pouvait rester chez lui, le Dieu commença à parler d’aller à l'hôtel et James n’eut pas le temps de le contredire qu’il prit sa décision d’aller au dit hôtel.

“Quoi?”

James savait que Liam n’était pas comme lui. Il n’allait pas venir squatter son appartement sans demander, comme lui le faisait sans aucune gêne. Alors il s’attendait bien évidement à ce que Liam hésite, demande si ça n’allait pas déranger, formuler une autre solution. Mais il ne s’attendait pas à ce que le Dieu choisisse finalement cette autre solution.

Il se leva, se détachant de Liam pour se poster face à lui, les bras croisés. Il voulait être concentré et généralement, être dans les bras de son Dieu n’aidait pas.

“C’est hors de question que tu ailles dans un hôtel.” Il déclara. “Bien sur que tu peux rester chez moi.”

Une part de lui ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable et blessée. Et étrangement, aujourd'hui, c’est cette part qui prit le dessus. Qu’avait-il fait pour que son Dieu ne se sente pas le bienvenu chez lui? De façon rationnelle, il savait que ça n’était pas la question. Pourtant, il ne pouvait plus arrêter la pensée. Il ignorait si c’était l’éloignement qui le rendait aussi vulnérable et honnêtement, il ne préférait pas y penser.

Il s’approcha de Liam, un genou sur le bord du canapé. Puis, il prit le visage de Liam entre ses mains doucement, le regardant dans les yeux. Il laissa son côté blessé se montrer sur son visage.

“Tu ne veux pas rester avec moi?” Il embrassa légèrement Daikokuten comme pour le soudoyer avec de l’affection. Il n’avait aucune honte à jouer sur la corde sensible. Même contre son dieu, mais là… il était pathétique. Il se sentait pathétique. Et il n’aimait pas la sensation.

Il était James Fawkes. Il avait grandi dans la rue, par ses propres moyens. Il était devenu un maître de l’escroquerie, sans rien ni personne pour l’aider. Il n’avait besoin de personne. Alors pourquoi il se montrait si dépendant de Daikokuten? Habituellement il ne le questionnait pas, pourtant là il voulait savoir. Il voulait presque être en colère contre son Dieu. Mais il ne pouvait pas. Tout ce qu’il ressentait, c’était de la tristesse face au choix de Liam.

Il lâcha soudainement le visage de Liam, levant les mains dans un geste dramatique.

“Je suis désolé.” James s’excusa, son ton plus sec et froid. Il se protégeait avec sa voix, refusant de montrer comment il se sentait. “Si tu veux aller à un hôtel, vas-y. Techniquement, vu que c’est sur ton lieu de travail, c'est même plus pratique pour toi.”

Il essaya de contenir ses émotions, ne pas les laisser passer à travers leur lien. Par fierté, il ne voulait pas que Liam ressente à quel point cette simple conversation l’avait blessé. Il se sentait comme un idiot. Un idiot bien trop émotif.

“Je vais voir si y a pas un dessert dans le frigo.” Il annonça, son ton toujours aussi sec, en tournant les talons. Il fuyait totalement. Mais il avait l’habitude de fuir. Et il préférait se concentrer sur quelque chose d’autre. Même s’il n’avait plus très faim, trouver un dessert ferait l’affaire pour le distraire. “Tu devrais faire tes valises en attendant.” Il lança à Liam sans même se retourner.

Coming Home

“C’est hors de question que tu ailles dans un hôtel. Bien sûr que tu peux rester chez moi.” Le dieu interrompit le flot d’idée, plus stupide les unes que les autres qui envahissaient son esprit. Il pouvait donc rester chez son disciple ? La tension évacua lentement, mais sûrement son corps, si James était d’accord tout allait vraiment pour le mieux alors. Il jeta quand même un coup d’œil vers James pour être sûr qu’il ne disait pas ça par simple devoir d’obligation envers son dieu. Ses précautions pouvaient sûrement paraître exagérées d’un point de vue extérieur, mais pour Daikokuten, c’était absolument nécessaire. Il avait vécu assez d’années pour constater l’étendu de la force de lien qui unit un Disciple à son Dieu. Parfois, ce lien prenait tellement de place que le libre-arbitre du disciple allait en s’effaçait au fil du temps. De temps en temps, cette pensée effleurait l’esprit du dieu japonais, et il devait avouer que cette finalité n’est pas pour lui plaire. James avait ses défauts, certes, il ne se comportait pas toujours de manière très correcte avec ses semblables, Liam le savait, il ne se voilait pas la face. Malgré tout, c’est comme ça qu’il avait connu son disciple, c’était comme ça qu’il le chérissait. Pour rien au monde, il ne changerait la personne qu’il a devant les yeux pour une marionnette sans âme qui accourait pour exaucer le moindre de ses désirs, il lui accordait bien trop de valeur lui souhaiter pour ça. Néanmoins, on ne pouvait pas lui en vouloir d’être trop prudent, non ? Toujours est-il que la question n’avait plus lieu d’être, James semblait accepter de manière plus que volontaire sa présence dans son appartement, alors tout allait pour le mieux. Il aurait tout de même préféré que James reste dans ses bras pour lui annoncer la nouvelle, il aurait grandement profité de son corps collé au sien un peu plus longtemps.

Mais si tout allait, pourquoi est-ce qu’il ressentait ce mélange malaisant de culpabilité et de tristesse émanait de son disciple. Daikokuten ravala le sourire qui voulait se former sur ses lèvres il y a de cela un dixième de seconde. Il examina attentivement son disciple, tentant de déceler dans sa posture, dans son expression ce qu’il pouvait bien penser. Est-ce qu’il avait dit quelque chose de mal ? La dernière chose qu’il voulait était de blesser son disciple. Il reçu le coup de grâce en voyant une expression peiné se dessiner sur le visage de l’Américain, le dieu sourcilla à peine lorsqu’il sentit les mains de son disciple sur son visage. Il voulait lui dire quelque chose, n’importe quoi pour le rassurer, mais les mots restaient bloqués derrière ses lèvres… De toute façon, qu’est-ce qu’il aurait pu dire ? Un pieu s’enfonça dans son cœur lorsque James lui demanda s’il ne voulait pas rester avec lui. Bien sûr, qu’il voulait rester avec lui, il ne demandait rien d’autre, comment James pouvait en douter ne serait-ce qu’une seule seconde ? Son disciple comptait plus que n’importe quel humain à ses yeux. Le dieu japonais pensait pourtant l’avoir suffisamment démontré au cours de ces soixante-dix dernières années, mais visiblement, il n’avait pas pris sa tâche assez au sérieux s’il persistait encore des doutes entre eux. Il fit mine d’ouvrir la bouche pour s’expliquer quand James l’embrassa légèrement. Liam ferma les yeux profitant de son souffle contre ses lèvres, il aurait aimé passer une main sur sa joue, laisser ses doigts jouer dans ses cheveux, tout simplement profiter encore un peu plus de ce contact. Malheureusement, il cessa trop vite.

Lorsqu’il rouvrit les yeux, ce fut comme avoir une personne différente devant lui. Daikokuten tendit la main vers l'autre homme, il voulait le prendre dans ses bras, pourtant le ton qu’employa James le dissuada d’esquisser le moindre geste, ses mains retombèrent lamentablement le long de ses jambes. Pourquoi est-ce que James s’excusait maintenant ? Il n’avait pourtant rien fait de mal, du moins à la connaissance de son dieu. Qu’est-ce qu’il se passait ? Il avait l’impression d’être sur une pente et de voir son disciple s’éloigner hors de sa portée. “James…” Même sa voix, réduite à un simple murmure, ne semblait pas l’atteindre. Liam commençait sincèrement à regretter cette idée d’aller à l’hôtel, il ne se voyait plus laisser son disciple livré à lui-même, alors qu’il ressentait sa tristesse lentement le consumer. Le dieu japonais voulait l'apaiser plus que tout au monde, mais les mots s’étranglaient dans sa gorge, la tempête qu’étaient les émotions de son disciple se déchaînait en lui, et il peinait à les distinguer pour connaître la cause de sa peine.

Impuissant, il ne put rien faire lorsque James s’éloigna, sous prétexte d’aller chez un dessert. Il prit cet instant de répit pour rejouer les minutes précédentes une dizaine de fois dans son esprit. Il n’arrivait pas à comprendre ce qui venait de se passer. Une chose était sûr par sa faute James allait mal, et par la même, il venait de se faire rejeter. Daikokuten n’avait pas pour habitude de ressentir ce genre de sentiment toujours est-il qu’il aurait préféré ne jamais l’expérimenté. Il ne savait pas pour quelle raison il avait aussi mal et dans un sens cela ne faisait qu’accentuer sa douleur. Finalement, il avait eu tort, cette journée pouvait effectivement empirer. Comme un automate, il se dirigea dans sa chambre décidant de faire ses valises comme James le lui avait conseillé. Lorsqu’il manqua trébucher sur un sac négligemment posé par terre, il se rappela qu’il avait effectivement déjà préparé ses affaires il y a de cela quelques minutes. Liam soupira, il ne voulait pas que cette histoire l’éloigne de son disciple, pas plus qu’il ne voulait la voir prendre de l'ampleur. Ils devaient crever l'abcès et en tant que dieu c’était probablement à lui de faire le premier pas.  

Il attrapa son sac et alla jusque dans la cuisine. Il trouva James la tête dans son frigo. Liam s’arrêta. Il cherchait un dessert non ? Si c’était le cas, pourquoi est-ce qu’il n’avait pas pris les macarons posés en évidence sur le comptoir… Est-ce qu’il n’aimait pas les macarons ? Il se ressaisit rapidement, peu importe ce n’était pas le moment, il posa doucement son sac à terre. “James…” Sa voix était faible, presque plaintive, impossible que la personne concernée ait pu l’entendre, il se racla la gorge et recommença “James.” Il n’attendit pas de réponse, il prit James par la taille et le tourna vers lui. Une nouvelle fois, il chercha des mots qui ne voulait pas franchir la barrière de ses lèvres. Au lieu de ça tout ce qu'il sortit fut une connerie “Tu n’aimes pas les macarons ?” Il désigna les pâtisseries, mais il n’osait toujours pas affronter le regard de James. Il inspira profondément et se força à rassembler son courage, il ne pouvait pas se permettre d’agir comme un lâche. Il prit le visage de James entre ses mains et s’obligea à le regarder dans les yeux. Un sourire de façade tenta de lui donner un air plus assuré qu’il ne l’était vraiment.

“Tu sais quoi ? On oublie l’hôtel, je préfère rester avec toi, d’accord ?” Son sourire s’affaissa comme la pathétique divinité qu’il était, il essayait de faire passer ses paroles pour une faveur qu’il accorderait à son disciple. Mais qui est-ce qu’il essayait de tromper ? Il faisait seulement ça pour lui. “Je ne sais pas ce que j’ai dit pour te faire du mal, mais je suis désolé. Vraiment.” Il laissa son masque tomber, il n’arrivait tout simplement pas à jouer la comédie alors que lui-même souffrait. Cela lui coûtait de montrer une facette aussi misérable de sa personnalité “On pourrait passer du temps ensemble, rien que tous les deux ça te dirait ? Je pourrais prendre soin de toi.” Son corps tremblait légèrement et les tressauts de son cœur devenaient incontrôlables.

“Alors… alors…” Ne me regarde pas comme ça. Ne me déteste pas. Ne me quitte pas. Autant de mots qu’il n’arrivait pas à prononcer… Il posa son front contre l’épaule de James et le serra un peu plus fort contre lui “Ne m’en veux pas, s’il te plaît”.

Coming Home

James se dirigea directement vers le frigo. Il ne regarda rien autour de lui, essayant de se concentrer seulement sur cette tâche qu’il s’était imposé. Il ne pensait pas vraiment à prendre un désert. Honnêtement, il voulait juste s’occuper l’esprit. Ignorer la douleur dans son cœur. Forcer ses pensées à prendre une autre direction. Fuir avait toujours été une des spécialités après tout. Dans un endroit reculé de son esprit, la confusion de Liam cherchait à se faire entendre, mais il refusait de l’écouter. Il voulait que ses propres sentiments s’éloignent. Il se sentait comme un imbécile. Si Liam souhaitait aller dans un hôtel, c'était son choix. Peut-être qu’il voulait un peu de tranquillité, loin de son indiscipliné disciple. Le voleur serra les dents. Penser à ça n'allait certainement pas l’aider. Il ouvrit le frigo avec plus de force que nécessaire et chercha quelque chose à grignoter. Mais il ne voyait rien qui trouvait grâce à ses yeux. Le fait qu’il n’ait envie de rien ne l’aidait pas non plus. Il ignorait combien de temps il resta dans cette position, fixant un yaourt sans le prendre. Son esprit refusait de retrouver son calme. Il se sentait toujours aussi triste, son cœur douloureux. Le fait de s’être éloigné de Liam n’arrangeait pas la situation. Il en avait conscience. Mais son côté buté rejetait l’idée même de le voir alors qu’il était encore dans cet état.

Pourtant cette séparation ne dura pas. Liam le rejoint dans la cuisine. James ne pouvait pas le voir mais il le savait. Déterminé à ne pas le regarder, il continua de fixer le yaourt. Même lorsque Liam l’interpella, il ne bougea pas. Pourtant, il fut obligé de lui faire face lorsque le Dieu le prit par la taille. Il pensa à se dégager mais n’en trouva pas la force. Tout son être voulait se retrouver dans les bras de Daikokuten. Seul une partie de son esprit se révoltait contre l’idée. Elle était toujours peinée par le choix de Liam d’aller à l'hôtel au lieu de passer plus de temps ensemble, et peut être un peu en colère contre lui-même d’avoir une réaction si pathétique.

James ne savait pas vraiment ce qu’il attendait de Liam. Mais ce n’était certainement pas une remarque sur des macarons. Surpris, il jeta quand même un coup d’oeil à la pâtisserie. Ce n’était pas qu’il ne l’aimait pas. Au contraire. C’est juste qu’en traversant la cuisine, il s’était concentré sur le frigo et rien que ça. Il voulait garder son esprit fixé sur un objectif pour essayer de penser à autre chose. Ce qui n’avait pas bien marché. Cependant, si c’était tout ce que Liam trouvait à dire, James n’allait pas rester l’écouter. Cette fois déterminé à se défaire de l’étreinte, il leva les bras pour pousser Liam quand ce dernier lui pris le visage entre les mains. Toute envie de le repousser le quitta. Encore une fois, il ne trouva pas la force de le faire en regardant son Dieu dans les yeux.

“Tu sais quoi ? On oublie l’hôtel, je préfère rester avec toi, d’accord ?”

Ces mots là, logiquement, étaient ceux qu’il voulait entendre. Et une part de lui s’apaisa avec eux. Tout ce qu’il voulait était Liam à ces côtés. Pourtant, quelque chose sonnait faux. Comme la façon dont Liam cessa de sourire. Et ses excuses qui suivirent. James se tendit. Soudainement, la culpabilité écrasa la peine. Non, non, non… Il ne voulait pas que Liam s’excuse! Ce n’était pas de sa faute! James était juste un idiot trop collant. Un addict en manque qui avait mal réagi lorsque sa drogue a montré le moindre signe d’éloignement.

“On pourrait passer du temps ensemble, rien que tous les deux ça te dirait ? Je pourrais prendre soin de toi.”

Bien sûr qu’il voulait passer du temps ensemble. C’est tout ce qu’il voulait. Cependant, il n’arrivait pas à s’en réjouir. La peine de Liam passait à travers leur lien et elle lui faisait bien plus mal que sa propre peine. Il en oublia sa propre douleur, dévoré par la culpabilité. C’était de sa faute si Liam se retrouvait dans cet état. Il pouvait sentir les tremblements de son Dieu contre lui et en eut le souffle coupé.

“Alors… alors…”

Même si Liam n’arrivait à prononcer les mots, James pouvait les ressentir. Leur lien aidait bien sûr. Mais c’était surtout parce qu’il les ressentait lui aussi. Les sentiments de son Dieu faisaient écho aux siens. Cependant, lui n’était qu’un disciple. Un grain de sable dans la longue vie du Dieu. De quoi Daikokuten avait-il peur? Liam était sa lumière à présent. Sans lui, il n’était plus rien. Même s’il le voulait, il serait incapable de se séparer de lui.

“Ne m’en veux pas s’il te plait.”

James serra Liam contre lui, presque suffisamment fort pour lui briser une côte. Bordel. Il n’était qu’un idiot. Un abrutit. Sa culpabilité se mêlait à une haine de lui-même. Comment avait-il osé faire ressentir cette détresse à Daikokuten? Mais il pourrait se détester plus tard, il fallait qu’il rassure son Dieu d’abord.

“Je ne pourrais jamais t’en vouloir…” Il murmura. Quoi que Daikokuten fasse, James ne pourrait jamais lui en vouloir. Aussi certainement qu’il se savait capable de tuer pour son Dieu, il savait qu’il était physiquement incapable d’en vouloir à Daikokuten. Il avait été énervé contre lui-même, et là il s’en voulait encore plus. Il serra les dents, essayant de se forcer à reprendre contenance. Une part de lui regrettait de ne pas avoir de l’or à tenir pour l’aider à s’ancrer. Habituellement, être auprès de Liam fonctionnait mais là, sa peine menaçait de le noyer. Et il fallait qu’il se reprenne.

Il s’éloigna d’un pas, juste de quoi décoller légèrement Liam de lui. Il posa sa main contre sa joue, le faisant relever la tête doucement. Il haïssait la détresse qu’il voyait dans les yeux de son Dieu. Il ne devrait pas être triste, encore moins par sa faute.

“Liam, s’il te plaît, ne t’excuse pas.” Il peinait à garder sa voix égale, rendue tremblante par sa culpabilité. Il caressa tendrement la joue de Liam. “C’est moi qui m’excuse. J’ai agi comme un gamin capricieux…C’est juste que…” Les mots avaient du mal à sortir. Être honnête n’était pas naturel pour lui. Pourtant, il voulait presque désespérément effacer la peine de Liam. Il détestait la sentir dans leur lien, tout comme il se détestait encore plus d’en être la raison. Et pour ça, il devait expliquer à Daikokuten sa réaction. Lui faire comprendre que rien de tout cela n’était de sa faute. “Tu m’as manqué.” Il avoua pour la seconde fois. “Et la simple insinuation que tu ne veuilles plus de moi à tes côtés… Je sais que ce n’était pas ce que tu voulais dire.” Il inspira profondément, se forçant à finir. “Mais ça m’a rendu… triste. J’ai juste besoin de plus de temps à tes côtés.”

“Mais….” Il ne souhaitait pas l'emprisonner non plus. Ce qui était également une des raisons pour laquelle il s’était éloigné un peu plus tôt. Et puis, pour qui se prenait-il? Il ne pouvait pas forcer un dieu à rester près de lui. “Si tu ne veux pas de moi dans tes pattes, je peux comprendre.” Ses mots n’étaient pas plus hauts qu’un murmure. Son cœur se brisait. Mais si l’avouer pouvait aider Liam se faire sentir mieux, il pouvait le dire. Il préférait avoir le cœur brisé que d’être la raison de la tristesse de son Dieu.

Il espérait que ses mots suffiraient à calmer Liam. Il le regarda dans les yeux, souriant faiblement. Une part de lui voulait s’enfuir encore une fois, se cacher. L’autre voulait serrer Liam dans ses bras de nouveaux. Mais il n’arrivait pas à se décider. Et il voulait voir le visage de Daikokuten, voir dans ses yeux qu’il allait mieux. Alors il ne bougea pas. Il en était incapable. Il repoussa sa culpabilité dans un coin de son esprit, l’enterrant sans peine sous l'inquiétude qu’il ressentait envers Liam. Cependant, elle était toujours là. Il le savait. Cette culpabilité d’avoir rendu son Dieu triste allait revenir le hanter, probablement accompagné d’une pointe de dégoût de soi.

“Est ce que… Ca va mieux?” Pour l'instant, c’était tout ce qu’il avait besoin de savoir.

Coming Home

Les émotions humaines sont si difficiles à déchiffrer. Il ne suffit seulement pas de les ressentir, il faut aussi en déterminer l’origine. Daikokuten a toujours été doué pour discerner les émotions positives, ce sont celles qu’il suscite la plupart du temps, elles ont une origine simple et précise, il suffit qu’elles existent pour que tout aille pour le mieux. Les émotions négatives au contraire ont mille raisons et aucune d’exister, elles sont tellement compliquées à singulariser, une d’entre elles peut en créer une dizaine d’autre. Le dieu japonais était une divinité du bonheur son rôle est aisé à deviner, mais par extension, il ne savait pas comment les gérer. Assez ironique, un dieu du bonheur qui se trouve démunis face à la tristesse humaine. C’est simple en ce moment, il se sentait pathétique…
Les bras de James le serrant plus fort contre lui furent une maigre consolation à côté de la culpabilité qu’il sentait émaner de son disciple. Il aurait aimé reprendre cette journée du début, oublier la débâcle d'événement qui s’était aussi rapidement succédé, ne pas faire les mêmes erreurs, connaître les mots justes avant même qu’ils soient prononcés, passer un moment agréable avec son disciple. Mais il avait l’impression que chaque fois que l’un d’eux ouvraient la bouche ils s’engluaient un peu plus dans leur mal-être commun. Liam voulait juste que tout s’arrange entre eux cependant, il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il pouvait faire contre la situation actuelle.

C’était ridicule. Totalement futile. Au fond de lui, il savait que James ne pourrait jamais le détester, leur lien était bien trop profondément ancré en eux pour permettre ce genre de sentiment à l’égard de l’autre. Par extension, Daikokuten non plus ne pourrait jamais lui en vouloir ou encore trouver une raison de lui tourner définitivement le dos. C’était tout simplement au-delà de ses forces. Il le savait, pour lui, c’était aussi évident que le rôle de sa divinité sur Terre. Pourtant, il ne pouvait empêcher cette anxiété de trouver une place dans son être. Inconsciemment, il sentait que jamais il ne pourrait entièrement se défaire de cette sensation, pourtant en ce moment, il aurait donné cher pour réussir à s’en détacher. Il ne résista pas lorsque James s’éloigna de lui, il dut malgré tout rester à l’envi de le garder contre lui pour soustraire à la vue de James, l’image minable qu’il finirait immanquablement d’avoir de son dieu. Daikokuten se fit violence pour affronter le regard de son disciple lorsque celui-ci posa doucement une main sur sa joue pour qu’il lève les yeux. Une boule d’angoisse prit place dans son estomac, il redoutait les prochaines paroles de James.

“Liam, s’il te plaît, ne t’excuse pas.” Si des excuses pouvait tout effacer, il les répéterait des milliers de fois pour que James lui pardonne. Il s’apprêtait à s’excuser une fois de plus, quand il ravala les mots qui lui brûlaient les lèvres. Pourtant, la partie la plus raisonnable de son être, celle qui le regardait actuellement avec dédain, hurlait que ses excuses ne résoudraient rien entre eux. Il essayait du mieux qu’il le pouvait de s’extirper de cette spirale de souffrance dans laquelle il les avait tous les deux coincés. Le dieu était conscient que ses émotions résonnaient douloureusement avec celles de son disciple et il s’en voulait tellement de lui imposer ça.

Face à la voix tremblante de son disciple, le dieu voulait lui épargner la peine de parler, mais si James prenait la peine de rassembler son courage pour s’exprimer, qui était-il pour l’en empêcher ? Il écouta attentivement l’Américain même s’il n’aimait pas particulièrement l’entendre se rabaisser. C’est vrai qu’il lui arrivait parfois de comparer son disciple à un enfant, mais la similarité était dans la façon qu’il avait de s’en remettre à lui comme on ferait confiance à une figure parentale. Mais de là à le qualifier de “gamin capricieux”… C’est simple, Liam ne voulait pas entendre son disciple se déprécier de cette façon. Il s’en rendait enfin compte, cette conversation n’avait aucun sens si les deux parties ne faisait que se rabaisser sans cesse. Il s'apprêtait à interrompre l’autre homme quand les paroles de James lui coupèrent le souffle une fois de plus.

“Tu m’as manqué.” Toi aussi, tu m’as manqué. Encore une fois ses mots lui réchauffèrent le cœur du dieu aussi sûrement que la suite le glaça d’effarement. Comment James avait ne serait-ce qu’imaginer une seule seconde que Daikokuten ne voulait plus de lui. Si c’était pour au final se débarrasser de son disciple au détour d’une conversation le dieu n’aurait jamais prit la peine de l’accepter à son service pour commencer. Liam fronça les sourcils, il n’était plus aussi triste qu’avant en fait maintenant ce qu’il commençait à ressentir était plus proche d’un sentiment de révolte. Il s’apprêtait à reprendre un peu sèchement son disciple quand celui précisa sa pensée. À ce moment, la décision de Liam fut prise, si James voulait passer plus de temps avec lui, alors son dieu ferait de son devoir de l’entourer de toute l’affection dont il était capable dans les jours qui viennent.

“Ça ira mieux.” Liam ne voulait pas lui mentir, pour le moment son moral n’était pas encore au beau fixe, mais pour James et pour lui-même, il pouvait le promettre, tout irait mieux pour eux deux. Il posa tendrement une main sur la joue de James et caressa sa pommette de son pouce. Cette fois, il pouvait affirmer que le sourire qui naissait sur ses lèvres était en partie sincère. Il se pencha doucement vers son disciple sans pour autant le lâcher du regard jusqu’à ce que leurs lèvres se touchent. Daikokuten ne savait pas vraiment si le moment adéquat pour s’embrasser, pour lui c’était simplement le moyen le plus simple d’exprimer ce qu’il ressentait sans qu’il n’y ait de place au doute.

Il entoura de ses bras la taille de James et posa son front contre le sien. Il essaya ensuite de calmer les inquiétudes de son disciple. “James… Je ne pourrais jamais me lasser de toi. Tu comptes tellement pour moi.” Il était trop tard pour imaginer un monde sans James, il était bien trop attaché pour ça. Déjà, les souvenirs de sa vie, avant qu’il ne rencontre son disciple, s’effaçaient progressivement de sa mémoire. C’est simple si du jour au lendemain James venait à disparaître, il ne saurait pas comment reprendre un quotidien normal comme lorsqu’il était seul. Il chérissait bien trop les moments passés avec l’Américain pour regretter cette période de son existence.

“Les meilleurs moments, je les passe lorsque je suis avec toi. Alors tu n’as pas à avoir peur de me gêner, j’adore être à tes côtés.” C’était sincère, il ne disait pas ça uniquement pour réconforter l’Américain, ces mots venait d’une part de son cœur dont il n’aurait pas soupçonné l’existence. Il plongea son regard dans celui de James, ne lui communiquant que la reconnaissance de l’avoir auprès de lui à travers leur lien. Son sourire s’étendit.“Si tu savais à quel point je suis heureux de savoir que l’on ressent la même chose.” Il ferma les yeux et embrassa une nouvelle fois James. Pourtant, lorsqu’il les rouvrit, il ne vit toujours rien… Il cligna des paupières plusieurs fois et tourna la tête dans tous les sens. Les chances pour qu’il soit devenu aveugle en seulement quelques dixièmes de secondes étant quasi nulles, voir inexistantes, il pensait ne pas trop s’avancer en affirmant qu’il y avait une panne de courant.

Visiblement, sa malchance avait décidé qu’il n’avait pas assez payé aujourd’hui, si plus tôt cet événement aurait pu lui mettre les nerfs à vif, à présent, il avait presque envie de rire. Il avait compris le message maintenant, il était temps de partir. “James. Loin de moi l’envie de te presser, mais je pense que l’on ferait mieux de partir. Maintenant.” Même dans le noir, il n’eut aucun mal à entremêler ses doigts avec ceux de son disciple grâce à leur proximité. Les guider vers la sortie ne fut pas plus difficile, heureusement, il connaissait assez bien son loft et il était assez organisé pour ne rien laisser traîner par terre, même si au vu de la journée, une chute aurait été le cadet de ses soucis. Il ramassa le sac qu’il avait posé dans un coin et prit la fuite au plus vite. Une fois dehors, il soupira de soulagement, il ne pouvait s’empêcher de penser que s’il s’était trop attardé le plafond aurait risqué de lui tomber sur la tête. Il ferma la porte à clef derrière lui, se tourna vers James et tenta une plaisanterie en souriant. “On ne sait jamais s’il y a des voleurs dans les parages.”

Coming Home

“Ça ira mieux.” Okay. James pouvait se contenter de ça. Liam ne semblait plus aussi triste et c’est tout ce qui importait. Il sentait sa propre inquiétude se calmer, apaisant avec elle son dégoût de soi. Une pointe de colère avait teinté leur lien quelques secondes mais même elle semblait avoir disparu. James décida de l’ignorer. Ils commençaient tout juste à aller mieux, inutile de risquer cette paix en posant une question inappropriée. James pouvait parfaitement se contenter du sourire de son Dieu et sa main sur sa joue. La culpabilité qu’il avait ressentit semblait s’évaporer face à l’affection que lui montrait Liam. Quant aux traces de tristesse encore présente en lui, elles disparurent un peu plus lorsque Liam l’embrassa.

Mais pour une fois, il ne se laissa pas totalement déconcentrer par l’affection que lui montrait le Dieu. Il écouta avec attention ses mots rassurants. Il laissa les paroles de Liam le réconforter. Pour quelqu’un qui préférait montrer ces sentiments plutôt que les dire, James n’avait pas réalisé à quel point il avait eu envie d’entendre ces mots. Il remercia mentalement Liam, espérant qu’il puisse ressentir sa reconnaissance. Intérieurement, il savait que son Dieu l’aimait d’une certaine façon. Mais il ne pouvait enterrer totalement ses doutes. Surtout après une séparation aussi longue. La plupart du temps, il avait l’impression d’être celui qui était bien trop attaché à Liam. Alors entendre que le sentiment était réciproque jusqu’à un certain point le rassurait. Cela n'allait pas entièrement effacer ses doutes. Il restait un humain face à un dieu. Malgré tout ce que disait Liam, même s’il le pensait sincèrement, ils n’étaient pas sur le même pied d’égalité. Pourtant, voir que Liam tenait autant à lui le rassurait.

Le sourire de Liam finit de complètement le rassurer sur son état. Peu importe ce qui lui arrivait à lui. Tant que son Dieu était heureux. Et il devait avouer que le second baiser ne faisait qu’améliorer son humeur. Le disciple était faible face à l’affection de Liam, il l’avait toujours été. Dès que son Dieu le prenait dans ses bras, son esprit peinait à se concentrer sur autre chose. La reconnaissance de Liam et sa joie retrouvée n’aidaient en rien sa concentration.

Mais lorsqu’il rouvrit les yeux, la lumière avait disparu. Malgré l’obscurité, il vit Liam tourner la tête dans tous les sens, ayant quelques difficultés à réaliser ce qu’il venait de se passer. James retint un rire. La situation était drôle l'air de rien. Cependant, la journée de Daikokuten était assez mauvaise comme ça pour ne pas ajouter son disciple se moquant de lui. Alors il se laissa guider docilement hors de l’appartement sans laisser échapper son rire. Il comprenait la précipitation de Liam. Lui non plus n’avait pas très envie que le toit leur tombe sur la tête, ce qui semblait plus que probable actuellement. Une fois dehors, le sourire de soulagement de Liam faillit le faire rire de nouveaux. Le grand Daikokuten, impitoyable commerçant, battu par son propre appartement.

“On ne sait jamais s’il y a des voleurs dans les parages.” Déclara Daikokuten avec humour.

James y répondit au tact au tact.

“Des voleurs ici ?” Il fit mine d’être choqué, plaçant sa main sur le cœur et écarquillant les yeux. “Ne dis pas ça voyons. Jamais un voleur ne passerait par là." Il laissa un temps de silence. "Tu as l’air bien trop pauvre.” Il ajouta en souriant.

Presque machinalement, par habitude, James prit la main de Liam dans la sienne. À l'extérieur, ils ne pouvaient peut être pas se témoigner autant d’affections qu’à l’abri des regards mais ils pouvaient au moins se tenir la main. C’était une dose d’affection parfaitement raisonnable. Une fois chez lui, il aurait tout le temps d’embrasser Liam. Et peut être plus si le dieu était d’humeur à lui céder son corps. Quoi qu'après cette petite dispute, demander ça à Liam serait un peu comme lui forcer la main. Bon. James était parfaitement capable de se contrôler. Il n’était pas un animal.

Ils sortirent rapidement de l’immeuble et marchèrent tranquillement vers l’appartement de James. Le voleur n’habitait pas tout près, cependant, il était inutile de prendre un transport en commun. Cette fin d'Août permettait un ciel encore lumineux malgré l’heure avancée. Pas que la ville de ne se retrouve dans l’obscurité. Déjà quelques lumières artificielles s’allumaient, prêtes à tourner toute la nuit pour éclairer la ville. Il ne faisait pas particulièrement froid, ce qui n’empêcha pas à James ne se coller le plus possible à Liam sans les gêner dans leur marche.

Il se demanda un instant si Liam avait pensé à couper l’eau. Dans cette journée de malchance, il ne manquait plus qu’une inondation pour parfaire le tableau. James repensa à cette théorie du loft hanté à laquelle il avait songé un peu plus tôt. Elle ne semblait pas si surprenante maintenant. A moins que cela soit Liam lui même qui soit victime d’une malédiction. Parce qu'honnêtement, ça commençait à faire beaucoup pour une seule journée et pour une seule personne. En théorie, les pouvoirs des dieux ne fonctionnaient pas entre eux, mais il y avait peut être une exception quelque part? Peut être même que sa réaction un peu disproportionnée de toute à l’heure était dû à cette malchance? Non. Il ne pouvait pas blâmer ses émotions sur une quelconque malédiction. Il avait été idiot et il devait en accepter les responsabilités. Cependant, les choses allaient un peu mieux. Il fallait mieux éviter de repenser à tout ça. Cela n’allait que les rendre malheureux de nouveau.

“Est ce que tu as mis en colère quelqu’un récemment?” Il demanda tout de même, nonchalamment. Cela ne coûtait rien de poser la question. Généralement, c’était plutôt lui qui s'attirait la colère des autres et les ennuis qui allaient avec. Mais peut être qu’il avait fini par déteindre sur son Dieu avec le temps? “Ca expliquerait ta malchance.” Il précisa sa pensée, pas certain que Liam suive son raisonnement.

Alors qu’il allait développer un peu plus, son œil aperçu un bracelet au poignet d’une jeune femme passant près d’eux. Un magnifique bracelet en or. Une voix en lui affirma immédiatement qu’il en avait besoin. C’était de l’or et il en avait besoin maintenant.

Il lâcha la main de Liam sans même s’en rendre compte, momentanément distrait. Il ne fit quelque pas vers la personne qui s'éloignait déjà, comme hypnotisé. Ce qui n’était pas si loin de la vérité.

“Tu m’atttends deux secondes s’il te plait?” Il lança à Liam sans même le regarder, les yeux toujours fixés sur le bracelet, rattrapant la jeune femme. Il ne l’oubliait pas mais à présent toute son attention était tournée vers ce magnifique bracelet. En deux grandes enjambés, le voleur se retrouvait à côté de sa victime.

“Excusez moi mademoiselle.” Il sourit.

La jeune femme se tourna vers lui, surprise d’avoir été interpellée. James ne devait même pas lui donner un moment de réflexion pour que son pouvoir soit optimal alors il enchaîna rapidement.

“Vous voulez me donner ce bracelet non?”

“Je…” Elle fronça les sourcils confuse, mais déjà sous l’emprise du pouvoir de James. Avant qu’elle ne puisse réellement réaliser ce qui lui arrivait, le disciple continua:

“Bien sûr que vous le voulez. Vous n’en avez pas besoin. Il me servirait bien plus. Donnez-le-moi s’il vous plaît.” Sa voix, chargée de magie, pliait la volonté de la jeune femme.

Il tendit la main et elle lui donna le bracelet sans un mot, comme hypnotisée elle aussi.

“Je suis désolé de vous avoir retardée. Vous êtes en retard, vous devriez vous dépêcher.”

Elle regarda sa montre à ces mots et écarquilla les yeux. Puis elle s’éloigna en courant.

James regarda le bracelet dans sa main avec un air satisfait. Bordel, il agissait vraiment comme une pie. Dès que ça brillait un peu, il voulait le voler. Si son point faible en était en parti responsable, il savait parfaitement que sa nature de voleur n’aidait pas vraiment. Si seulement il savait se contenter de ce qu’il avait, peut être que son point faible ne serait pas un si grand handicap. Cependant, il approchait des 110 ans. C’était trop tard pour changer. Et puis, il avait essayé de changer à une époque. Un grand fiasco. Cette vie lui collait à la peau, même s’il le souhaitait, il ne pourrait s’en débarrasser. Si Liam le lui demandait un jour, il essayerait bien sûr. Mais est-ce qu’il y arriverait? Probablement pas.

Il retourna vers Liam, glissant le bracelet dans sa poche, mais sans pour autant le lâcher.

“Désolé.” Il lui lança, s’excusant de son comportement. S’il ne mentait pas, il n’était pas non plus extrêmement repentant. Il était surtout désolé que Daikokuten ait assisté à la scène.

Coming Home

“Jamais un voleur ne passerait par là. Tu as l’air bien trop pauvre.” Daikokuten, écarquilla des yeux légèrement effaré, son cerveau arrêta brusquement de fonctionner et il eut du mal à traiter l’information. C’est simple, les mots n’arrivaient pas à prendre de sens pour lui. Pauvre. Lui ? Ce n’était pas souvent que son nom était associé à la pauvreté, si le sourire de son disciple n’était pas là pour le détromper, il aurait été sincèrement révolté. Non, mais n’importe quoi… Lui. Pauvre ? Et puis quoi encore ! Il n’était pas comme cet irresponsable d’Hotei, qui préférait donner sans compter quitte à se retrouver sans le sou ! Il dégagea cette pensée de son esprit avec une violence inouïe, ce n’était qu’une blague, il devait passer à autre chose, il avait passé l’âge de bouder comme un enfant. Et puis, il l’avait bien cherché, c’est lui qui avait commencé. Reprends-toi Daikokuten !

Le dieu fut tiré de ses pensées lorsque la main de son disciple s'empara de la sienne. Son cœur rata un battement, mais il sut vite se reprendre. Des années de tradition japonaise étaient profondément ancrées en lui, même un dieu n’était pas à l’abri de certains “automatismes”. Les preuves d’affections publiques pour ne citer que cela, s’il se fichait bien que quelques humains puissent trouver à redire du fait qu’il tienne la main d’un autre homme, il est tout de même un dieu ne l’oublions pas, il n’en était pas moins légèrement embarrassé de tenir la main de quelqu’un en dehors du confort de son logis. Il se rendait compte que cela pouvait sembler un brin paradoxal, mais les faits étaient là et il ne pouvait rien y faire. Il devait sans cesse se rappeler que les mœurs américaines accordaient plus de liberté aux relations que leurs homologues asiatiques. Il serra un peu plus fort la main de James dans la sienne, et blâma l’air de cette fin de mois d’août pour la chaleur qu’il sentait monter à ses joues.

Il savait que leurs deux foyers n’étaient pas réellement ce que l’on pourrait appeler voisin, bien au contraire. Il aurait volontiers demandé à James d’attendre un instant, le temps qu’il puisse appeler un taxi, autant ne pas lésiner sur les moyens pour s’économiser de la peine, non ? Cela étant s’il ne s’était pas rendu compte quelques secondes auparavant qu’il avait oublié son portable chez lui. Autant dire que vu la série d’événement plus chaotique les uns que les autres qui s’était succédé au cours de la journée, il n’aurait fait le chemin inverse pour rien au monde… Il se laissa docilement guider, il n’y avait pas de mal à marcher de temps à autre, et puis pour ne rien gâcher, il n’était pas en si mauvaise compagnie. Il sourit pour lui-même et continua d’avancer son disciple collé à lui.

“Est ce que tu as mis en colère quelqu’un récemment ?” La question de son disciple le prit par surprise. Où est-ce qu’il voulait en venir ? Il pencha la tête et regarda son disciple dans un questionnement muet, il n’était pas sûr de suivre son raisonnement, lorsque celui-ci précisa sa pensée, le dieu japonais ne put s’empêcher de rire un peu. James, était-il superstitieux ? Ce serait un peu étrange de ne pas l’être avec l’existence des dieux et tout le bagage qui va avec bien sûr, néanmoins l’idée avait un petit côté amusant en soi. Il tenta tout de même de rassurer son disciple, il ne pensait pas que sa malchance du jour provenait d’un quelconque conflit, mais il préféra tout de même préciser. “Ne t’inquiète pas, mon karma se porte très bien en ce moment et je ne pense pas que qui que ce soit essaye de se venger de moi en essayant de me pourrir la vie.” Il se tourna vers l’Américain et sourit à son intention. “Si tu veux mon avis, c’est le seul moyen que l’univers a trouvé pour que je passe plus de temps avec mon cher disciple et puis… James. Tu m’écoutes ?”

Il lui fallut un moment avant de remarquer qu’il n’était plus le centre de l’attention de son disciple et que celui-ci avait cessé de l’écouter. Il regarda dans la même direction que son disciple essayant d’entrevoir ce qui accaparait visiblement ses pensées. À première vue, il ne remarqua rien sortant de l’ordinaire. James lui lâcha la main et commença à s’éloigner. Il ne s’inquiéta pas au sens propre du terme, mais il était sincèrement intrigué par ce qui se passait. Il ne le fut pas moins lorsque James lui demanda de patienter un instant. Le dieu japonais eut à peine le temps d’articuler un “Oui, si tu veux.” que l’autre homme l’avait déjà abandonné… pour aborder une femme.

Il avait le sentiment que n’importe qui dans sa situation se serait probablement sentit vexé, Liam, lui ne se serait pas senti offusqué outre mesure, si son disciple n’était pas en train de subtiliser le bracelet de cette jeune demoiselle ! Le dieu dut se faire violence pour ne pas crier le nom de son disciple pour le rappeler à l’ordre. Attirer l’attention des autres passants sur cette drôle de transaction, était bien la dernière chose dont ils avaient tous besoin. Tout de même, on n’avait pas idée d’être aussi imprudent, un piéton un peu plus attentif que la norme ne manquerait pas de trouver cette scène des plus étrange, Liam ne voulait même pas imaginer l’ampleur de la catastrophe si une patrouille de police venait à passer dans le voisinage. Peut-être qu’il se faisait des idées, peut-être qu’il devenait paranoïaque, toujours est-il qu’au vu du manque de chance qu’il manifestait aujourd’hui, il ne voulait prendre aucun risque inutile. Il s’approcha discrètement veillant bien à surveiller les alentours que personne ne tente d’intervenir.

James revint bien assez vite auprès de lui, une fois son méfait accompli, sa pauvre victime, quant à elle, s'éloignait en courant dans la direction opposée, Liam la garda dans son champ de vision ne voulant pas la perdre de vu. Le dieu ne manqua pas non plus les excuses de son disciple, il n’aurait eu aucun mal à le croire sur parole, si un sourire de chat, satisfait d’avoir attrapé sa proie, n’étirait pas ses lèvres. Il n’était même pas sûr que James lui-même se rendait compte de la tête qu’il faisait. Toujours est-il qu’il n’avait plus de temps à perdre, il sortit la main de James de sa poche et arracha le bracelet encore fermement serré dans son poing. “Tu restes ici !” Il ne prit pas la peine de préciser à l’intention de son disciple que c’était un ordre avant de s’élancer derrière la jeune femme.

“MADEMOISELLE !” Liam n’était pas un dieu sportif, c’était même tout le contraire, après tout c’était au sein d’une cuisine, au milieu des fourneaux et des casseroles qu’il se sentait à sa place, lorsqu’il se rendit compte qu’il ne pourrait pas rattraper l’humaine en lui courant après il utilisa pour ralentir l'avancée de la femme. Jamais il ne remercierait assez les humains de se couvrir d’objet métallique divers et varié. Une fois arrivé à la hauteur de la jeune femme, il la saisit par le bras. Celle-ci sursauta à son contact, et Liam s’empressa de la lâcher. Evidemment, se faire aborder deux fois en si peu de temps par deux étrangers mettrait n’importe qui sur les nerfs. Il se dépêcha de s’excuser. “Excusez-moi mademoiselle. Je crois que vous avez perdu votre bracelet.” Le regard de la femme passa de lui au bracelet dans sa main, sans comprendre. Visiblement, le pouvoir de James faisait encore effet.

“Je… Je suis pressée… ?”

“Bien sûr, je n’en doute pas. Allez-y je ne vous retiens plus.” Liam glissa le bracelet dans la main de la femme puis il lui tourna vivement le dos retourna auprès de James avant qu’elle n’ait eu le temps de reprendre entièrement ses esprits. Il ne voulait pas être dans les parages lorsqu’elle allait se rendre compte que quelque chose clochait.

Liam soupira de soulagement lorsqu’il vit James au loin, visiblement celui-ci n’avait pas bouger. Il se remémora la façon dont il avait parlé à James avant de partir et il culpabilisa un peu, il espérait sincèrement que James n’allait pas trop lui en vouloir, la situation l’avait rendu plus brusque qu’il ne voulait l’être. Après tout, il connaissait son disciple aussi bien que lui-même, il savait qu’une partie de son temps libre était consacré à ses activités illégales. Liam le savait pertinemment, tant que son disciple était sain et sauve, il avouait ne pas vouloir mettre le nez dans ses affaires, c’était la vie de James, il pouvait la mener comme il la voulait sans la supervision de son dieu. Il n’empêche que lorsqu’il les avait sous les yeux, il voulait tout de même réparer les bêtises de son disciple.

“Désolé.” Il reprit les mêmes mots que James plus tôt. Peut-être que lui arracher le bracelet aussi brusquement, vu son obsession pour l’or l’avait contrarié. Avant de se remettre en route, il récupéra son sac, qu’il avait lâché sans s’en rendre compte et fouilla à l’intérieur, et en sortit un anneau en or. Fier de sa trouvaille, il s’empressa de le glisser au doigt de James avant de lui prendre la main et de reprendre la route. Daikokuten était quelqu’un de prévoyant, il se baladait toujours avec un ou deux objets en or, au cas où son disciple aurait un besoin maladif d’assouvir son obsession. Il saisit quand même l’occasion d’ajouter avec un sourire “Quand on sera chez toi, tu n’oublieras pas de me le rendre, je ne voudrais pas avoir l’air encore plus pauvre que maintenant.”

Coming Home

James mentirait s’il disait ne pas s'attendre à une réaction négative de la part de son Dieu. Ce dernier avait toujours été plus porté sur les bonnes actions que lui. Raison pour laquelle, en général, le voleur évitait de faire ses mauvaises actions en présence dudit Dieu. Il savait que Liam préférait fermer les yeux sur ses activités illégales et lui se faisait un plaisir de les effectuer dans l’ombre, à l’abri de son regard. Mais, parfois, il ne pouvait s’en empêcher. Comme lorsqu'il voyait un magnifique bracelet en or au poignet d’une victime si facile. Avant même qu’il le réalise, le bracelet se trouvait déjà dans ses mains, la victime s’éloignant rapidement. Cependant, il ne s’attendait pas à une réaction si violente. Il s’attendait à une petite engueulade dont Liam ne pensait pas la moitié des mot, certainement pas à ce que Liam reprenne le bracelet. Avant même que James ait l'opportunité de protester, Liam lui ordonna de ne pas bouger. Soudainement figé, le voleur ne bougea pas d’un pas. Il avait beau savoir que derrière cet ordre, il n’y avait aucune magie, il avait quand même l’impression que quelque chose le retenait physiquement. Impuissant, il regarda Liam s’éloigner avec SON bracelet. Rien que voir son or partir loin de lui donnait envie de lui chasser après, mais il ne pouvait se défaire de l’ordre de son dieu.

Alors il resta là, immobile, regardant son Dieu rattraper la jeune femme et lui rendre le bracelet. Une petite voix en lui hurlait de frustration. Son Dieu venait de défaire tout son travail! Un bracelet de plus ou de moins, qu’est ce que ça pouvait faire à cette jeune femme? Quoi que cette remarque le concernait également s’il était honnête. Pourtant, malgré cette voix hurlante, James garda son calme. Il admettait que la situation était un peu de sa faute. Il ne devrait pas mal agir ainsi devant son dieu, surtout quand celui ci essayait de retourner sur le droit chemin. De toute manière, il se savait incapable d’en vouloir à Liam peu importe les circonstances.

Liam revint rapidement vers lui. Et s’excusa. James en fut surpris. Pourquoi est ce qu’il s’excusait? Mais avant que le voleur puisse en placer une, le Dieu se mit à fouiller dans son sac. James le regarda avec curiosité. Qu’est-ce qu’il faisait encore? Il eut rapidement sa réponse lorsqu’un anneau en or sortit du sac. Les yeux de James s’illuminèrent. Oh! C’était beau! Il ignorait que Liam se baladait avec de l’or sur lui. Ses pensées s’éloignèrent du bracelet pour se concentrer sur l’anneau. Sa soif d'or se calmant de nouveau. Son Dieu la lui passa au doigt avant de lui prendre sa seconde main et de repartir.

Il fixa l’anneau pendant quelques secondes, juste content d’avoir de l’or de nouveaux sous la main. Puis il rangea sa main dans sa poche, là ou son or se trouvait à l'abris.

“Tu as fait quelque chose de bien, ne t’excuse pas.” Dit-il finalement.

Même si cette bonne action s’était faite à son léger détriment, James n’allait pas lui en vouloir d’avoir fait quelque chose de bien. Ou alors s’excusait-il pour l’ordre? Liam n’avait pas pour habitude de lui donner des ordres certes. James avait été surpris en l’entendant tout à l'heure. Mais bon, il supposait que ce genre de chose devait arriver entre Dieu et disciple. Surtout lorsque le disciple faisait des actions non approuvées par le dieu. Honnêtement, James s’estimait heureux que son Dieu ne lui donne pas des ordres à chaque instant. Alors si un ou deux ordres passaient ses lèvres de temps en temps, il pouvait bien y survivre. Juste pour être sur, il rassura Liam.

“Et ne t’inquiète pas pour avoir haussé la voix. C’est de ma faute. Je n'aurais pas dû voler devant toi.” James savait bien qu’il y aurait des conséquences à son act. Pourtant, il l’avait fait et le referait. Quand il s’agissait de son Dieu, le disciple pouvait faire face aux conséquences. Dans les autres cas, il préférait la fuite. “Mais je ne suis pas aussi prévoyant que toi.” Il aurait dû se douter que Liam avait quelque chose en or sur lui. Une part de lui le trouvait inconscient. Si jamais il se faisait voler? Cette peur était la raison pour laquelle le disciple lui-même ne portait pas d’or en dehors de ce qu’il venait de voler. Une plus grande part de lui, cependant, se sentait reconnaissante. Avant Liam, il n’avait jamais eut quelqu’un qui veillait sur lui de cette façon. Quelqu’un qui le connaissait suffisamment pour prévoir ses réactions et ses futurs besoins. C’était agréable.

“Quand à ton apparence pauvre, si tu ne m’avais pas repris le bracelet, ça n'aurait pas été un problème.” Il marmonna, son sourire disparaissant au profit d’une moue boudeuse.

Certes, il ne pouvait pas réellement être en colère contre Liam cependant, il pouvait quand même râler un peu. Le bracelet était vraiment magnifique. Il aurait été parfait dans sa collection. Mais le disciple se consolait en pensant aux bracelets qu’il allait voler dans le futur. Des bracelets encore plus beaux que celui-ci. Ce futur plan le fit sourire. Il n’en souffla pas un mot à Liam bien sûr, il s’était déjà fait arrêter une fois alors il fallait mieux faire profil bas.

Après quelques minutes de marche, ils arrivèrent enfin à son immeuble. James les fit rentrer, tenant même la porte pour Liam. Puis il se dirigea immédiatement vers l'ascenseur. Ils venaient déjà de faire leur sport alors ils n’allaient pas, en plus, monter toutes les marches qui menaient au 10ème étage. En tant que voleur, James savait très bien que les appartements au rez de chausser étaient les plus à risque. Et avec toute la quantité d’or, volé, qu’il cachait chez lui, il n'allait pas prendre le moindre risque. Ce qui expliquait pourquoi il avait choisi un appartement plus en hauteur.

L'ascenseur monta quatre étages. Avant de se figer complètement entre le quatrième et le cinquième. Il s’arrêta brusquement, faisant chanceler les deux hommes. Heureusement que James avait un peu d’équilibre sinon il serait certainement tombé. Au même moment, les lumières principales de l'ascenseur s'éteignirent, laissant les faibles lumières de secours les éclairer.

“Est ce que ta malchance nous a poursuivi jusqu'ici ?” Demanda James, mi-moqueur, mi-sérieux. “Toujours aussi certain que personne n’essaye de te pourrir la vie?”

Heureusement, il n’avait pas de tendance claustrophobe. Au contraire, il se retrouvait souvent dans des endroits étroits afin de se cacher. La relative obscurité ne le dérangeait pas vraiment non plus. De plus, ses yeux allaient rapidement s’habituer et voir un peu mieux. Il lâcha la main de Liam, qu’il avait gardé dans la sienne tout ce temps, pour s’approcher un peu plus des portes de l'ascenseur. Il appuya sur le bouton pour les ouvrir. Sans succès. Ca valait le coup d’essayer. Il remarqua cependant le numéro des techniciens en charge de l'ascenseur, écrit près des boutons. Ou bien ils pouvaient appuyer sur le bouton avec une petite cloche au-dessus. Elle était là pour appeler de l’aide, n’est ce pas?

“Tu appelles les réparateurs ou je m’en charge?”

Sa voix était nonchalante. Encore une fois, la situation ne le dérangeait pas vraiment. C’était juste un petit contre temps à ses yeux. Et au moins ils n’étaient que tous les deux. Être piégé avec un inconnu se montrait toujours un peu plus stressant. Il espérait juste que Liam se montre aussi calme que lui.

Coming Home

“Tu as fait quelque chose de bien, ne t’excuse pas.” Liam se demanda ce que voulait dire James par “quelque chose de bien” il venait de faire quelque chose de bien pour lui ? Ou pour la jeune femme ? Parce qu’il y avait quand même une grande différence entre les deux et au vu du sens moral plus que douteux de son disciple le dieu avait quelque doute sur la cible de sa compassion. Mais soit, il voulait bien lâcher l’affaire, l’important étant que James ne soit vexé de s’être fait arracher son “précieux” aussi brusquement. S’il était à présent rassuré sur l’état d’esprit de l’américain, il ne s’attendait néanmoins par à l’entendre se blamer, du moins en quelque sorte… Au moins maintenant, il était savait que James n’avait pas non plus pris la mouche à son éclat de voix. Pourtant, s’il était franc, il avouerait qu’il aurait préféré entendre James promettre qu’il ne recommencerait plus plutôt qu’une espèce de semi mea culpa à peine convainquant. Daikokuten retint de justesse un soupir, il n’avait pas vraiment le droit de se plaindre ou d'émettre une quelconque à l’égard de son disciple. Après tout en partageant son essence avec l’humain, il était tacitement inclus dans le “contrat” que le Dieu devait aider son disciple à gérer son pouvoir et sa faiblesse. Liam avouait timidement que dans les deux cas, il n’avait pas fait de grands efforts. La plupart du temps James était assez indépendant pour se gérer tout seul et lorsqu’il rencontrait un problème, Daikokuten l’aidait avec plaisir. Mais pour être franc cela restait tout de même assez rare. C’était l’un des plus grands problèmes de la divinité japonaise, il était bien trop laxiste.

“Je t’en pris, j’ai mieux à faire que de m'encombrer avec des bijoux pour femme.” Et toi aussi, avait-il envie d’ajouter, mais il savait que c’était faux, son disciple n’avait rien de mieux à faire que de grappiller tout l’or à portée de main tel une pie ! Parfois, il avait envie de le prendre par les épaules et de le secouer pour qu’il reprenne ses esprits. De toute façon avec tout l’or qu’il avait volé et stocké au cours de toutes ces années de méfaits, Liam se demandait sérieusement où James trouvait la place de cacher son butin. Nul doute que depuis le temps son appartement devait à un coffre-fort caché au fond d’une banque. Le dieu espérait sincèrement que l’Américain avait un bon système de sécurité, il ne voulait pas imaginer la dépression nerveuse que ferait James si on venait à lui voler son trésor. Cette possibilité était tout simplement horrifiante.

Par contre s’il entendait encore une seule fois son mal élevé de disciple le traiter de pauvre, il n’hésiterait pas à lui donner une bonne fessée. Et encore, ce serait probablement contre productif… connaissant James à coup sûr il serait bien trop content du résultat. Daikokuten ravala une moue de déplaisir et essaya de passer à autre chose. Son regard dévia sur le visage de boudeur de son disciple et il admira avec quel toupet il osait bouder comme un gamin. Le dieu japonais se pencha vers James et déposa un baiser sur sa joue Bah, il était tout de même mignon quand il se taisait même s’il pouvait tout aussi bien être agaçant.

Ils marchèrent encore quelques minutes dans un silence confortable avant d’enfin arriver devant l’immeuble de James. Liam devait l’avouer, il avait presque oublié à quoi ressemblait l’appartement de son disciple. S’il était vrai qu’il possédait un double des clefs et qu’en théorie il pouvait venir à tout moment. En réalité, il faisait rarement le déplacement… Il avait déjà prouvé qu’il n’aimait pas s’imposer chez les autres, y compris chez James même si ce dernier ne trouvait rien à redire, de plus l’appartement de James en plus d’être loin de son propre loft était encore plus éloigné du casino-hôtel où il travaillait. C’est simple la plupart du temps lorsqu’ils voulaient se voir James venait chez lui ou sinon Liam lui demandait gentiment de passer le voir. Tout compte fait tout ce qu’il faisait avec le double que James lui avait offert, c’était le laissé rouiller sur son porte-clefs.

Daikokuten remercia son disciple lorsque celui-ci lui ouvrit la porte et entra dans le bâtiment. Le dieu eu un mince instant d’hésitation devant les portes de l’ascenseur, après cette journée d’horreur, il ne pouvait s’empêcher d’imaginer les pires scénarios de se dérouler dans son esprit. Et si les câbles de l’ascenseur cédaient alors qu’ils étaient tous les deux à l’intérieur ? Daikukoten ne voulait pas avoir à changer d'enveloppe charnelle ! Il secoua la tête se forçant à reprendre ses esprits, mais non, c’était impossible ! En y réfléchissant bien si ça malchance l’avait poursuivi jusqu’ici, il aurait eu plus de problème sur le chemin jusqu’à l’appartement de James, non ? Du genre, des poutres métallique qui tombent mystérieusement du ciel ou encore une voiture manquant le renverser. Il exagérait peut-être, mais cela suffit à le rassurer un tout petit peu. Malgré tout, il jeta quand même un rapide coup d’œil à l’escalier avant d'entrer dans la cabine.

Liam soupira de soulagement lorsque l’ascenseur se mit en marche sans encombre, pourtant son soulagement fut de courte durée lorsque celui-ci s’arrêta à mi-chemin entre le quatrième et le cinquième étage. “Hein ?” La divinité japonaise ravala le nœud de panique qui s’était formé dans sa gorge. C’est pas possible… Il inspira profondément se forçant au calme, dans son choc, il n’avait capté que quelques mots de ce que James lui avait dit. Il essaya d’en appréhender le sens, mais son cerveau carburait à toute allure et il avait du mal à mettre de l’ordre dans ses idées. “Je… Je ne sais pas désolé…” Au moins, James semblait prendre la situation au rire plutôt qu’à la panique. Une mince consolation du point de vue de sa divinité qui arrivait à peine à esquisser un geste.

James proposa d’appeler les réparateurs. En effet, c’était une bonne idée. Il fouilla rapidement ses poches pour se rappeler une remarque qu’il s’était faite plus tôt. “Désolé, j’ai oublié mon portable chez moi.” Il essayait d’aligner deux pensées cohérentes au-dessus des battements erratiques de son cœur. En vain. Il n’était pas claustrophobe, pas du tout même et ce n’était pas non plus le faible éclairage qui l’inquiétait outre mesure. Mais tout ça commençait à faire beaucoup trop pour les nerfs de la divinité japonaise, qui lentement, mais sûrement lâchaient prise. Une lente respiration tremblante s’échappa de ses lèvres. Liam avait beau essayer de se raisonner se dire que ce n’était qu’une mauvaise passe de plus dans cette longue journée, ses jambes flageolantes peinaient à supporter son poids et il glissa jusqu’au sol.

“Tu veux bien les appeler pour moi s’il te plaît ?” Il rendit sa voix un peu plus assurée qu’il ne l’était vraiment ne voulant pas alarmé James sur son état, même si l’illusion était bancale tout au plus. Il serra la main de James dans la sienne pour se rassurer. Tout va bien se passer, il répéta ces paroles intérieurement tel un mantra. Il savait que ce n’était qu’un jeu de son esprit, mais il aurait juré que la température venait de diminuer de quelques degrés et que ses membres étaient transi de froid “À ton avis, est-ce qu’ils vont mettre du temps à venir ?” Il continua de parler tentant de se distraire “Tu aurais probablement dû rester chez toi aujourd’hui, tu n’aurais pas eu à supporter ma poisse.” Il essaya de rire par auto-dérision, même lui trouvait ça peu convainquant.

C’était décidé s’il arrivait à survivre à cette maudite journée, il irait faire un tour chez Bishamonten, l’autre divinité du bonheur s’y connaissait bien mieux que lui en matière de karma et de malchance, peut-être qu’elle accepterait de lui donner quelques conseils et si quelqu’un voulait en effet lui faire du mal il savait que son frère viendrait à son secours.