ft. Mica Argañaraz
♆ Enveloppe charnelle ♆Âge : Un peu plus de 2000 ans dans un corps de 23 ans.
Date et lieu de naissance : Dans une pâture à quelques lieues de Thèbes dans le courant du premier siècle avant le Crucifié.
Lieu de résidence actuel : Un pied à Sanctum et l’autre bien ancré dans les tréfonds de Philadelphie.
Occupation : Pour l’instant, patiente en internement volontaire à l’hôpital psychiatrique.
Orientation sexuelle : Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse.
Situation matrimoniale : Veuve depuis quelques millénaires.
Nature : Déesse mineure.
Dieu incarné/créateur/vénéré : Méthê, déesse et personnification de l’ivresse. Fille oubliée de Dionysos, elle a hérité de son père son goût pour les excès et sa nature d’enfant du chaos. De sa mère, la naïade Thyia, elle a puisé une rancœur féroce envers son géniteur. Bien plus tard — presque aujourd’hui — au seuil de la mort et plus encline à l’indulgence, la nymphe a arraché un serment à sa fille : retrouver ce père honni et renouer avec lui.
Panthéon du dieu : Grec.
Alliance : Résolument moderne. Les dieux antiques croulent sous leurs millénaires et s’étiolent chaque jour un peu plus, asphyxiés par l’oxygène raréfié de leurs croyants. Surtout pour une déesse insignifiante et quasi-oubliée comme Méthê. Elle en est convaincue, la salvation réside dans une alliance avec ces nouveaux dieux élusifs. Si seulement elle parvenait à entrer en contact avec le panthéon actuel des addictions chimiques, elle pourrait conclure un accord avec eux et retrouver un ersatz de sa puissance perdue.
Rang au sein de Sanctum : Anonyme. Son culte est presque éteint et ne vivote plus que sur des confusions et des malentendus. Ce qui la sauve encore ? Le monde n’est jamais à court d’ivrognes.
Pouvoir(s) : Déshinibition : Révèle les vérités inavouées et les comportements refoulés. Sous son regard, les esprits faibles disent tout haut ce qu’ils pensaient tout bas. Les secrets remontent avec insouciance et elle pousse à l’action sans honte. Un esprit aguerri et résistant peut y résister.
Alcool Mauvais : Une fois par jour et pour un maximum d'une heure, Méthê peut profiter d’une force physique décuplée. Elle y perd néanmoins tout jugement et contrôle, et pourrait alors retourner sa folie meurtrière contre un proche ou un allié.
Blackout : L’oubli est une bénédiction ou un maléfice que Méthê peut prodiguer. En un claquement de doigts, quelques minutes ou quelques heures disparaîtront temporairement de l’esprit des mortels visés. Elle pouvait jadis effacer un souvenir précis et le remodeler à sa guise, mais sa puissance émoussée la prive désormais de cette capacité. De plus, les souvenirs occultés finissent par ressurgir au bout de quelques jours.
Point faible : Delirium tremens : Tout excès à ses conséquences et la déesse est la première à en faire les frais. Chaque redescente est ponctuée d’hallucinations psychédéliques (Méthê prétend que ces visions sont prophétiques, mais cela n'a jamais été vérifié) suivies d’insoutenables migraines et d’une humeur massacrante qui la contraignent à un repos hebdomadaire.
♆ Mythes et légendes ♆ obstinée ♆
impulsive ♆
altruiste ♆
jalouse ♆
enthousiaste ♆
chaotique ♆
franche ♆
insécure ♆
sociable ♆
retorse ♆
fantasque ♆
pragmatique ♆
ambitieuse Tout le monde n’a pas la chance d’être né de la cuisse de Zeus. Moi, je suis née du coup d’un soir du rejeton de la cuisse de Zeus, ce qui est tout de suite beaucoup moins glorieux. Ma mère était la naïade Thyia, première prêtresse du culte de Dionysos, puisqu’il faut le nommer. Ils ont bien sûr fini par partager une couche, probablement à l’issue d’une de ces nuits orgiaques dont les dieux — et lui en particulier — ont le secret. Mais Thyia n’était qu’une passade, le dieu de la vigne est bientôt reparti vers d’autres conquêtes, laissant la nymphe et son ventre rond. Je suis née de cette union, dont je n’ai tiré presque aucun prestige.
Élevée par ma mère, mon père ne nous faisait que rarement l’honneur de sa visite mais j’en savourais chaque seconde comme un cru millésimé. Enfant, je l’adulais, encore incapable de lire l’amertume dans les yeux de son amante éconduite. J’ai ainsi grandi dans l’insouciance de l’ère des dieux, profitant de ma puissance et de ma place, changeant de forme au gré de ma fantaisie.
Jeune adulte, j’ai épousé un mortel, Staphylus, qui m’a donné un fils. C’était un mariage de raison, comme souvent à l’époque. Mais j’avais fini par me prendre d’affection pour mon mari et la vie paisible qu’il m’offrait, après quelques siècles de débauche olympienne. Je me coulais presque trop facilement dans cette existence sans remous, avec l’approbation de ma mère, qui voyait sans doute dans cette alliance la stabilité qu’elle n’avait jamais connue. Une femme, toute déesse soit-elle, n’est rien sans une bonne situation, répétait-elle à qui voulait l’entendre. J’ignore si j’aurais fini par aspirer à quelque chose de plus grand. Je n’ai pas eu l’occasion de le vérifier. Un jour, mon père a fait annoncer sa visite imminente en notre palais. Nous nous sommes bien sûr affairés à le recevoir avec tous les égards que son rang exigeait. Un agneau a été abattu et rôti, pièce centrale du banquet dressé en son nom, où le vin coulerait bien sûr à flot. Ce fut une belle fête, qui s’étira jusque tard dans la nuit, rappelant par ses excès une époque pour moi révolue. Et au matin, Staphylus était mort. Il avait toujours été bon vivant… S’était-il rempli la panse jusqu’à exploser, ou avait-il abusé des pichets qui semblaient se remplir miraculeusement à mesure qu’on les buvait ? À moins qu’il ne s’agisse d’un cadeau empoisonné de mon père… Père qui s’est d’ailleurs empressé de donner le nom de mon défunt époux à du raisin, de mon fils Botrys à ses grappes, et de me renommer Ivresse, comme si j’étais quelque part responsable de ce décès. C’est en tout cas ce que ma mère s’est employée à répéter. Je ne l’ai pas crue.
J’ai tout quitté. Palais, fils, mère, simulacre de vie humaine. J’ai rejoint pendant un temps le cortège dionysiaque, joignant ma petite folie à celle, infinie, de mon géniteur. Je dansais, je déliais les langues et les corps, je noyais les âmes jusqu’à l’oubli, je me complaisais dans l’indiscipline titubante des faunes et des nymphes. Je prenais mon nouveau rôle à cœur. Et puis, alors que j’étais moi-même en voyage, c’est mon père qui, à son tour, a disparu. Hermès lui-même n’a pas su le retrouver. Il m’avait abandonnée. Comme il avait abandonné Thyia avant moi. La tête basse, je suis retournée auprès de celle qui m’avait élevée, et j’ai compris. J’ai compris mon erreur, d’avoir porté aux nues cet homme qui n’avait jamais su, ou voulu, donner grand-chose de plus que sa semence. J’ai ouvert les yeux et rejoint dans la rancœur celle qui à l’inverse avait toujours été présente.
Mais il n’y avait plus de retour en arrière possible. J’étais Méthê l’ivresse, Méthê la délirante, Méthê aux mille caprices, parfois douce comme une torpeur, parfois violente et frénétique, toujours vertigineuse. J’ai retrouvé l’Olympe, où mes services étaient toujours bienvenus. J’ai retrouvé la sarabande des dieux et de leurs caprices.
Jusqu'à ce que je m'en lasse à nouveau. J’ai rejoint une seconde fois le monde des hommes. Et quels hommes. C’est un tout autre cortège, plus belliqueux, que j’ai rejoint alors. Alexandre le Grand et son général Ptolémée, à la conquête de l’Asie. Pour eux, je me suis faite hétaïre. Courtisane privée. Ptolémée était mon amant, et parfois Alexandre aussi. Je jouissais d’une grande indépendance, de richesses largement dispensées par mes bons amis, et d’une vie d’aventure à leur côté. J’accueillais leurs soupirs et leurs confidences, leurs doutes et leurs ambitions. Ils s’oubliaient dans mes bras, grisés de promesses. Je les manipulais comme des pantins soumis à mon bon vouloir. C’est d’ailleurs à mon initiative que le grand conquérant a choisi un jour, à l’aube d’une nuit de beuverie, d’incendier la belle cité de Persépolis. Mesquine revanche divine pour l’embrasement de mon temple à Athènes.
Plus tard, j’ai épousé Ptolémée et lui ai donné trois enfants, deux garçons et une fille. Mais je n’étais pas digne de leur donner le statut d’héritier. Ce privilège est revenu à une autre épouse. Avec mon général de mari, j’ai vécu quelques temps en Égypte, mais il s’assagissait à mesure qu’il prenait de l’âge, tandis que je n’aspirais qu’à de nouvelles passions. Nos chemins se sont séparés.
Et puis un jour, j’ai corrompu une vestale. C’était un jeu instigué par je ne sais plus quelle divinité. Le défi s’est révélé beaucoup plus facile à relever que je ne l’aurais cru, la fille était toute prête à dévier de sa vie d’abstinences. Son âme semblait déjà moulée à l’empreinte de mon essence. Je l’ai possédée et je l’ai gardée. Tout comme j'ai choisi de conserver le nom mortel sous lequel Alexandre et Ptolémée me connaissaient. Thaïs. Thaïs aux jolies boucles.
L’ère du déclin avait déjà débuté. Ma puissance s’étiolait dans les ruines déjà presque froides de l'Olympe. Lentement d’abord, sans que je ne m’en aperçoive. Je n’avais jamais été une grande déesse, tout juste une nymphe glorifiée. Et pourtant… J’ai survécu à Rome, un peu comme nous tous, sous un autre nom. J’ai survécu à l’obscurantisme des siècles suivants grâce à l’érudition de quelques moines plus amoureux de la boisson que de leur Dieu de pondération. J’ai survécu à la Renaissance dans les œuvres des peintres. J’ai continué de vivre, ensuite dans les ver(re)s des artistes. Ivre de joie, ivre d’amour, ivre de colère, ivre de douleur. Ivresse des montagnes, ivresse des profondeurs. Tout est prétexte à griserie et toute altération de l’esprit est mienne. C’est ainsi que je suis encore là. En parasite. Le ru de mes dévots presque tari, mais jamais tout à fait.
J’ai fini par trouver refuge à Sanctum, en compagnie de toutes ces divinités apatrides. J’y ai retrouvé ma mère, dans un état de déliquescence avancée. Cette incarnation serait sa dernière, elle préférait laisser son essence se disperser aux quatre vents que de prolonger cette existence anémiée. Je l’ai accompagnée jusqu’à la fin, lui ai tenu la main dans ses derniers râles. Elle en a profité pour m’extorquer une promesse. Retrouver Dionysos et oublier la rancune qui me rongeait toujours. Elle-même lui avait pardonné, assurait-elle. Il était temps que j’en fasse autant. Face à l’adversité, notre seul salut résidait dans l’unité. J’ai prêté serment, à contre-cœur.
On commençait alors tout juste à évoquer la présence potentielle de nouveaux dieux immatériels, mais je m’y suis tout de suite intéressée. La politique à Sanctum me semblait réservée aux divinités majeures, je nourrissais quant à moi l’ambition de jouer sur un autre terrain. Si ces jeunes essences étaient aussi puissantes qu’on le disait, pourquoi ne pas former une alliance ? On supposait que certaines présidaient aux addictions, et donc, par extension, à diverses formes d’ivresse. Ne pourrais-je pas avoir moi aussi ma part du gâteau, contre quelques services rendus ? Tout plutôt que de finir comme ma mère.
Dans cette quête, j’ai tenté d’infiltrer le monde interlope de la drogue, pour me faire rabrouer par un vilain gang de motards. Leur chef, un chevelu au tempérament irascible, n’a pas apprécié que j’empiète sur ses plates-bandes. Je ne suis pas déesse à me laisser décourager aussi facilement, mais j’ai décidé de concentrer mes efforts sur un autre dessein.
Car devinez qui avait soudain refait surface, plus brillant et fou que jamais ? Dionysos, bien sûr, et vice-primat de la cité avec ça. Pour être tout à fait honnête, je savais déjà depuis longtemps qu’il fréquentait aussi Sanctum, ou sa nouvelle antichambre, Philadelphie. Je n’avais simplement aucune intention de recroiser sa route. Maintenant, je n’avais plus le choix. J’ai élu pour cela le monde des hommes, et son propre terrain, en me faisant volontairement interner dans l’établissement où il officie. Je l’ai abordé humblement, avec tout le respect dont j’étais capable. Il n’a pas même fait l’effort de me reconnaître. Quelle humiliation. J’aurais voulu tourner les talons, le chasser de ma vie aussi aisément qu’il m’avait effacée de la sienne. Et pourtant… J’avais promis.
Dans les couloirs de l’aile psychiatrique, j’ai également retrouvé une vieille et jeune connaissance. Vous vous souvenez de Persépolis ? Nergal, son temple était parti en fumée pour venger le saccage du mien. Un partout, balle au centre. Mais attendez, il y a mieux : le chevelu sur sa bécane, c’était lui aussi. Prisonnier d’un nouveau vaisseau de chair encore mal maîtrisé, c’est à peine s’il savait encore qui il était. Comme je ne suis pas rancunière — ou si peu —, je lui ai porté secours alors qu'il se trouvait en fâcheuse position, et l'ai ensuite aider à obtenir de meilleures conditions de séjour. En retour, peut-être me laissera-t-il poser un orteil sur sa toxique chasse gardée. Et par ce biais, je compte bien réussir à approcher enfin ces nouveaux dieux insaisissables.