Milieu de matinée, un moment plutôt tranquille pour un rendez-vous au Divina. C’était l’heure adéquate pour rencontrer en toute discrétion des contacts car l’endroit était moins fréquenté qu’en fin de journée ou qu’en pleine soirée. Généralement à cette heure-là, il n’y avait que quelques employés qui préparaient le service du midi. 10h, elle entra par la porte de service, sans adresser un regard aux employés qui étaient présents. Ce n’était pas la première fois que Jay passait par là et si on lui avait indiqué ce passage, c’était bien pour qu’elle l’emprunte sans avoir à se justifier.

Telle l’habituée qu’elle était, elle se dirigea directement au sous-sol par ce passage qui ne payait pas forcément de mine. Elle vérifia que personne ne la regardait avant de descendre. Simple précaution, même si elle se doutait que les employés de la Déesse Kali ne diraient rien, être prudente ne lui coûterait rien de plus, si ce n’était lui assurer une certaine tranquillité et surtout s’assurer que personne ne la suivait. Avec les différentes activités qu’elle exerçait, il fallait qu’elle soit toujours sur ses gardes. Une erreur de débutant ne serait pas permise.

Jay descendit les escaliers et arriva dans cette partie du Divina qu’elle connaissait et affectionnait le plus. L’espace des combats. Elle adorait ressentir l’adrénaline du combat, la tension qui régnait ici-bas, la violence de chacun qui se libérait, le côté bestial qui ressortait pour que ces hommes montrent enfin leur vrai visage, qu’ils révèlent leur véritable nature, celle d’un animal complètement fou ne cherchant qu’une chose, blesser l’opposant, le détruire, l’anéantir et libérer cette rage qui consumait chacun d’eux.

Elle se souvenait de l’époque où elle s’adonnait elle aussi à des combats, même si dans son cas, elle ne l’avait jamais fait pour l’argent, juste pour le plaisir de pouvoir écraser certains hommes qui considérait qu’étant une femme, ils pourraient aisément faire une seule bouchée d’elle. Erreur de débutant que de sous-estimer sa vitesse et sa détermination, erreur machiste qu’ils payaient bien vite. Les gardes étaient généralement faiblardes dans ces moments et les premiers coups qu’elle portait étaient ravageurs. Le temps qu’ils se reprennent, il était bien souvent trop tard. Certains arrivaient à éviter l’humiliation et finissaient par riposter, la laissant dans un sale état mais cela ne calmait pas pour autant.

Depuis le 21e siècle elle faisait plus attention, cette partie de sa vie était à présent derrière elle. Les combats et ses participations se faisaient avec parcimonie. Elle poursuivait l’entraînement, occupée à apprendre, se perfectionner. Pour autant, elle ne refusait jamais un combat amical mais il n’y avait plus de combats clandestins pour elle. Elle avait pour ainsi dire passé l’âge.

La Sicilienne se dirigea vers le fond de la salle, ouvrant grâce à une clé que lui avait confié la gérante des lieux la porte d’un petit bureau. Elle en sortit un dossier qu’elle avait laissé la veille, avant de ressortir, scellant derrière elle la pièce. Elle n’avait plus qu’à attendre Cortés, espérant qu’il soit dans de bonnes dispositions aujourd’hui. Elle avait un service à lui demander et priait bien que la réponse serait favorable. En réalité, elle n’espérait pas, refusant de laisser son sort au destin. Elle ferait tout pour obtenir ce qu’il lui fallait et elle ne voulait pas que les enchères montent trop haut. Cependant, avec des Divinités comme de Monroy, on ne savait jamais à quoi s’attendre. Certes, il pouvait être assez prévisible mais parfois les Dieux avaient des lubies qu’elle ne cherchait pas à comprendre. Seules les pensées et envies de Loki lui importait, le reste n’avait pas d’importance.

Il était en retard. Elle détestait le retard. Deux hommes entrèrent et s’approchèrent d’elle. Tels des zombies, les deux robots marchaient vers la Disciple, lui tendant une enveloppe qu’elle saisit sèchement. Elle l’ouvrit, connaissant d’avance le contenu. Pas avant midi, guère surprenant pour un Dieu du Soleil mais ce n’était pas agréable pour autant. Elle détestait qu’on la fasse attendre. Rares étaient les personnes qui avaient osé arriver en retard. Elles l’avaient fait une fois mais cette erreur n’avait jamais été répétée, l’occasion leur ayant été retirée.

C’était avant tout une question de respect et Huitzilpochtli lui montrait par ce retard qu’il ne la respectait pas. Elle prit une profonde inspiration. Elle avait deux heures pour se calmer et reprendre contenance car le Dieu ne pouvait la voir autant excédée. Pour se calmer, elle regarda les deux hommes envoyés, comme s’ils n’étaient rien d’autre qu’une entracte avant leur entretien.

Jay les regarda un instant, s’allumant une cigarette pour se détendre. Il lui arrivait encore de fumer, lorsqu’elle se retrouvait bloquée dans une situation qui ne lui convenait en aucun point. Elle ne pouvait incendier le Dieu Aztèque lorsqu’il arriverait, elle ne pourrait le remettre à sa place, elle était irritée mais pas dénuée de cervelle pour autant. Elle partit s’enfermer durant une heure facilement dans le bureau, préférant mettre à profit le temps qui lui était imparti au lieu de le gâcher complètement. Quitte à être coincée ici, autant qu’elle s’occupe et prépare son déplacement du lendemain.

Au bout d’une heure, elle finit par sortir, constatant que des employés étaient descendus pour nettoyer un peu cette partie. Elle les regarda travailler, persuadée d’entendre certains faire des messes basses dans son dos. Non, personne ne lui avait posé de lapin, il allait arriver. Les chuchotements venaient de son esprit, ils n’étaient pas réels. C’était ce qu’elle se répétait en boucle. Les personnes qui travaillaient ici la connaissaient, ils n’oseraient pas parler ainsi d’elle, à portée d’oreille. Non, ils n’en étaient pas capables…

« Toi, la Brune. Il reste du sang là-bas. »

Elle détestait quand il restait des traces des anciens combats. Chaque soirée devait donner l’impression d’être la première et il n’était pas nécessaire de laisser des traces des anciennes rixes. Elle regarda sa montre, plus que quelques minutes, mais même si en apparence la ponctualité rimait avec les Divinités, ce n'était pas le cas, surtout celles avec lesquelles elle travaillait. Les Dieux avaient de toute façon une notion bien particulière du temps.

Il arriva finalement, sans excuses, sans salutation, sans aucune forme de politesse. Alors que dans d’autres circonstances la Sicilienne serait déjà partie depuis bien longtemps, elle se contenta de saluer d’un signe de tête la Divinité, comme si tout était normal. Elle n’allait pas se prosterner devant lui non plus, mais lui manquer de respect n’allait arranger en rien ses affaires.

« Votre expertise n’est plus à prouver dans ce domaine. »

Elle ne trouvait pas que deux fantômes soient de bons sujets pour des sacrifices. Certes ils étaient forts, mais sans âme, des pantins qui n’apporteraient aucun plaisir à être brûlés ou égorgés. Ils ne semblaient même plus être humains, c’était typiquement le genre de sacrifies que la combattante refusait. Sacrifier un de ces hommes n’était complètement inintéressant et elle ne comprenait pas comment ce Dieu pouvait se satisfaire d’un sacrifice … incomplet mais elle garda pour elle ses interrogations. Plus apaisée que lorsque son message fut délivré, elle le suivit et s’installa face à lui, posa le dossier qu’elle avait récupéré dans le bureau sur la table. Elle arrêta le verre qu’il venait de faire glisser en sa direction. Elle le but en même temps que le Dieu borgne, mais ne toucha pas au second verre qui venait déjà de lui être resservi, attendant que l’occasion de lui parler lui soit donnée. Elle ne buvait que peu durant ses heures de boulot, autant dire que de manière générale, elle ne buvait presque pas. Il fallait toujours qu’elle ait les idées claires, qu’elle soit toujours sur le qui-vive et l’alcool en excès pouvait être fatal.

Il l’interrogea sur son Dieu. Les bonnes vieilles conversations anodines qui visaient à récupérer des informations, de manière innocente mais qui permettaient avant tout de prendre la température. Elle ne se laisserait pas prendre au jeu, elle se doutait bien que la réponse en elle-même ne l’intéressait pas.

« Il va bien, il est très occupé, c’est pour cela que je suis là. »

Sur le ton de la conversation, elle aussi s’amusait, son Dieu n’était pas là et c’était une mortelle qui s’occupait donc du boulot. Elle savait que les Divinités préféraient échanger entre eux concernant certaines affaires, mais pour tout ce qui concernait la salle, ou les combats, que ce soit de près ou de loin, Loki ne s’en mêlait pas, tout ce secteur était sous l’entière responsabilité de la Masseria. Elle saisit le dossier et l’ouvrit, jugeant que le moment était à présent opportun pour faire un point sur les soldats de la Black Sun qui s’entraînaient chez elle.

« Si vous permettez, j’ai là quelques informations concernant vos nouvelles recrues, certaines apprennent très vite et sont d’excellents éléments, comme Martinez, Liu ou Robert. »

A chaque nom prononcé, elle illustrait avec une photo pour montrer au Dieu qui n’en avait certainement que faire de savoir qui était qui, mais elle faisait son travail, elle se contentait d’exécuter la mission qui lui avait été assignée.

« Lui par contre, Meyers. Il est faible. Que de la gonflette, aucune de ses techniques n’est précise, les bases sont inexistantes. Il est largement inférieur aux autres. »

Un homme sur lequel il était impossible de compter en d’autres mots. Elle savait très bien qu’en disant cela, elle le condamnait mais elle n’était pas là pour faire la charité. Le sort de cet homme n’avait aucune importance à ses yeux, tout comme cette première partie de conversation. Elle savait que Lyons pouvait et surtout qu’il lui faisait certainement des comptes rendus réguliers. Elle, dans toute cette histoire, elle était juste là pour un service. Un service qu’elle avait déjà demandé auparavant, un service qu’elle payait avec des informations, concernant ses hommes, concernant la "location " de sa salle et son silence, un service qui allait lui être nécessaire pour le lendemain.

Huitzilopochtli décida d’accorder du repos à ses deux gorilles. D’un claquement de doigts, le bruit sourd de leur combat s’arrêta enfin et ils reprirent leurs esprits. La Sicilienne ne tourna pas la tête pour les regarder, elle entendait simplement le pas lourd de l’un d’entre eux se rapprocher de la table où ils s’étaient installés. La photo glissa vers les deux recrues, l’ordre d’éliminer Meyers fut prononcé, son sort était à présent scellé. Même si elle n’en avait pas douté un seul instant en ayant donné l’information qu’il n’était pas compétent. Ce n’était pas son problème, ce n’était pas ses affaires et elle s’en fichait complètement. Sa vie n’avait pas d’importance à ses yeux. Il n’était qu’un homme parmi les milliards qui peuplaient cette planète. S’il n’était pas utile à la Divinité Aztèque, il ne l’était pas non plus pour Juliet qui préférait amplement que sa place à l’entraînement soit réservée à une personne méritante.

La Tatouée leva la tête pour regarder, par simple curiosité, les blessures que s’étaient infligés les deux hommes de Cortés. Mouais, c’était moche et leur insensibilité à la douleur pendant le combat n’était en rien distrayant. Il n’y avait pas cette adrénaline, ce questionnement sur la douleur provoquée par le prochain coup, sur l’étourdissement provoquée par cette dernière, tout ce qui rendait un combat intéressant, divertissant et surtout vivant n’était plus quand on les regardait.

La photo quitta la table et le moins amoché des deux se permit de lui faire un clin d’œil. La Disciple de Loki n’appréciait pas ce geste qu’elle jugeait complètement irrespectueux. Elle ne pouvait pas le remettre à sa place comme elle l’aurait fait dans sa salle, à la place, elle se contenta de lui imposer une petite hallucination, un flash de son corps dénué de vie, démembré, décomposé, allant même jusqu’à lui faire sentir l’odeur d’un corps en pleine putréfaction. C’était un avertissement.

Elle ne s’intéressa pas à sa réaction, se concentrant plutôt sur ce que lui disait le Dieu Aztèque. Elle ne pouvait pas se permettre de manquer un mot de ce qu’il lui disait, il ne le lui pardonnerait pas et d’autant plus que ce n’était pas dans ses habitudes. Elle se contenta de hocher la tête une simple fois, pour montrer qu’elle avait bien compris ce qu’il lui imposait. Horaires étendues, plus, il faudrait même certainement aller jusqu’à la privation de la salle pour permettre à ses hommes de s’entraîner en toute quiétude plus la mission se rapprocherait. Elle verrait plus tard quels moyens elle mettrait en œuvre pour satisfaire la demande de la Divinité.

« Ce sera fait. »

Le compte-rendu était effectué, à présent, elle allait pouvoir lui demander son aide. Ce n’était pas dit qu’il accepte mais elle ne voyait pas de raisons pour qu’il refuse. Ce n’était pas la première fois qu’elle lui demandait son aide, il ne lui avait jamais refusé sa demande. Elle était toujours constante dans son travail, dans les prestations qu’elle proposait et n’hésiterait pas à se salir les mains pour lui s’il en avait besoin, moyennant salaire bien entendu. Mais aujourd’hui, c’était elle qui avait besoin.

« Les affaires sont plutôt tranquilles pour le moment, mais je vais avoir besoin d’effectuer un déplacement incognito demain. Si vous êtes disponible, j’aurais besoin d’un masque, je peux fournir le modèle vu le court délai. »

Les conditions ne s’étaient réunies que tardivement et c’était pour cela qu’elle se trouvait à présent un peu coincée par le temps. S’il refusait, elle trouverait une autre solution, mais avoir l’occasion de pouvoir bénéficier de son pouvoir serait un véritable atout pour elle et un moyen de satisfaire plus facilement Loki. Encore fallait-il qu’il accepte et elle savait que parfois son interlocuteur n’était pas des plus simples en affaires.

«  Un masque nécessite un sacrifice... Et tu penses que moi, Huitzilopochtli, dieu du massacre, dieu d'une civilisation aux sacrifices humains exemplaires et inégalés, n'ai pas sous la main un modèle qui pourrait te sied?  Tu m'en vois vexé. »

Bordel. Elle la sent, cette colère mesurée chez le Dieu, cette colère qu’il contrôle. Les Divinités et leur fichue fierté. La Sicilienne était habituée à marcher sur des œufs, aussi bien avec les divins que les partenaires mortels. Mais le choix des mots était toujours une tâche ardue. La confusion n’aurait pas dû avoir lieu. Elle ne doutait pas des produits que lui proposait le Dieu de la Guerre et du Soleil, non, elle souhaitait juste lui éviter d’agir dans un court délai, tout simplement. De toute façon, peu importait sa décision, elle savait qu’elle se serait pris une réflexion plus ou moins virulente. Venir les mains vide aurait été semblable. Elle jugea tout de même bon de justifier son choix, pour ne pas qu’il interprète mal ses paroles.

« Je vous prie de me pardonner, si mes paroles vous ont offensé. Dans un premier temps, vu le court délai pour cette opération je ne voulais vous imposer un choix rapide. Dans un second temps, j’ai besoin du visage d’une femme précise, je ne peux avoir une personne similaire mais encore une fois, je ne doute nullement de la qualité des humains que vous avez à votre disposition. »

La tête droite, elle regardait le Dieu sans pour autant le fixer trop longtemps, pour qu’il ne prenne pas cela comme un défi. Elle n’avait pas envie que les choses dégénèrent à cause d’un énième malentendu. Elle prit le temps de réfléchir à sa question, voyant ce qu’il pouvait lui convenir.

« Pour commencer et cela coule de source, la femme sacrifiée le sera en votre nom. Demain mes affaires m’emmènent dans un musée spécialisé sur l'anthropologie, situé à quelques heures de la ville. Si vous souhaitez un objet en particulier, je peux vous l’obtenir sans difficulté. Ou encore je peux tout simplement vous proposer de vous servir d’intermédiaire dans certaines de vos affaires, même si je doute que vous avez besoin de cela car vous êtes déjà très bien entouré. Cependant, une nouvelle tête peut toujours être profitable au commerce. Pour finir… »

Cela n’allait pas plaire à Loki mais elle pouvait au moins faire cela pour une période définie.

« Une partie de ma Famille est toujours en Sicile, une branche de la Mafia. Ils peuvent effectuer des sacrifices votre nom et vous offrir les souffrances et les morts de leurs ennemis durant six mois. »

Et cela représentait tout de même une sacrée quantité de sacrifices. Elle y était retournée, à la fin du mois de décembre et avait vu que les affaires étaient florissantes. Avec les quelques rivaux qu’ils avaient, les bains de sang étaient monnaie courante, de quoi assouvir la soif du Dieu de la Guerre durant un temps, ou du moins, elle l’espérait. Voilà ce que l’ancienne Mafieuse avait à offrir et de plus précieux. L’allégeance de sa famille durant un temps, accroître la puissance d’un Dieu qui n’était pas le sien afin de faire plaisir à celui qui lui avait fait ce cadeau divin. Telle était à présent la vie de la Masseria. Naviguer en eaux troubles parmi ces divinités toutes plus dangereuses que les autres, éviter les forces de l’ordre, faire en sorte de faire prospérer le culte de son Dieu et surtout, vivre.

« A moins que vous n’ayez quelque chose d’autre en tête ? Une autre proposition qui pourrait plus vous convenir ? »

Il avait déjà un lieu pour entraîner ses hommes qui ne lui coûtait presque rien, un suivi et un coaching irréprochable puisqu’elle n’hésitait pas un instant à mettre la main à la pâte pour partager une partie de ses compétences au combat. Elle faisait beaucoup pour le satisfaire.

« Mais tu peux faire plus » lui souffla une voix enfantine à l’oreille. Enfoiré de gamin. Elle tourna tout de même la tête, regardant autour d'eux pour s'assurer que ce n'était rien de plus que des voix dans son esprit. Ce n’était pas le moment de lui susurrer des mots doux à l’oreille. Elle avait besoin de toute sa tête en cet instant. « Il va te demander plus Juliet, tu le sais, tout comme tu m’en as demandé toujours plus. ».

Personne aux alentours, juste les quelques employés de Rachel qui terminaient leur tâche avant de remonter et qu'ils laissent en paix les deux protagonistes. Qu’il la ferme. C’était tout ce qu’elle lui demandait. Elle savait très bien à qui appartenait cette voix qui lui jouait des tours, mais la place de cet enfant n’était pas ici, alors elle fit de son mieux pour l’ignorer, pour ne pas le laisser la distraire, pour qu’il reste à sa place, à savoir, six pieds sous terre. Là où il était depuis des années.

Elle n’allait pas prendre ses cachets devant lui, elle s’y refusait. Ce n’était qu’une voix dans sa tête, rien de plus. Elle se concentra sur son interlocuteur. Quelques minutes de plus, c’était tout ce qu’il lui fallait.

La proposition de lier sa famille à cet échange semble surprendre la Divinité Aztèque. Rien de surprenant, je lui proposais quelque chose ayant véritablement du poids. Mais cela reste surprenant, elle était d’accord. Elle avait un vrai besoin de bénéficier du pouvoir de ce Dieu, pour effectuer son larcin, mais pour un but plus personnel également, des présentations avec la nouvelle Disciple de Loki. Elle ne voulait pas laisser de traces de son passage et rien de plus simple qu’un visage qui n’était pas le sien pour passer outre la sécurité et que les caméras de surveillance n’enregistrent pas son visage. Elle pouvait leurrer les esprits des gens, jouer avec leurs sens mais en aucun cas elle ne pouvait modifier des enregistrements car tout ce qu’elle produisait n’était qu’illusion et hallucination.

- Je t'accorderais ce masque, pour une vingtaine de sacrifiés en mon nom par ceux de ta famille.

Vingt sacrifiés ? Fort bien. Ce n’était pas un prix excessif et elle n’allait pas chercher à négocier. Peu importait le prix annoncé, elle aurait de toute façon accepté et honoré sa part du marché. Jouer au plus malin avec les divins n’était pas dans ses habitudes. Elle savait qu’ils étaient infiniment plus forts qu’elle à ce jeu là, surtout Huitzilopochtli. Alors la Sicilienne acquiesça devant les demandes du Dieu Aztèque.

Et si dans ce musée tu me trouves des pièces sacrificielles de mon culte alors cela sera un bonus.

Elle trouverait, elle en était certaine, elle n’aurait pas proposé cela si elle n’avait pas eu la garantie d’obtenir des originaux et non des répliques.

Aux premières lueurs du jour, demain matin, amène ton offrande chez moi, pour que tu puisses en bénéficier jusqu'au lever du jour d'après.

Les conditions furent données, le prix annoncé, il ne lui restait plus à présent qu’à récupérer son offrande et à préparer avec minutie la fin de sa journée. Elle avait bon nombre de chose à faire et peu de temps pour tout organiser. Sans compter qu’elle avait aussi un cours à donner dans moins d’une heure. Alors la Blonde termina son verre avant de regarder la Divinité.

« Ce sera fait, je vous remercie. Je serai là demain aux premières lueurs du jour, vous avez ma parole. »

A présent que les termes du contrat étaient définis, il était temps pour la Disciple Nordique de partir, de retourner à ses occupations et à sa vie, maintenant que le point principal de son plan était réglé.

« Puis-je disposer ? »

Elle ne pouvait partir ainsi sans son accord. Ce n’était pas son Dieu mais elle lui devait pourtant un respect presque équivalent. Partir sans y être autorisé était déjà répréhensible auprès de sa Famille, alors auprès des Divins avec lesquels elle travaillait, il ne fallait même pas y penser. Juliet avait connu une éducation stricte, une éducation avec des codes qu’elle suivait à la lettre. Demander l’autorisation avant de quitter la table en faisait partie.

La proposition faite par la Sicilienne semblait intéresser le Divin mais il ne saisit pas l’opportunité dans son intégralité, préférant modérer la proposition, prenant même moins que ce qu’elle avait proposé. Mais Jay ne se leurrait pas, elle se doutait qu’il ne lui faisait nullement la charité et qu’il saurait lui rappeler que le prix demandé avait été bien inférieur à la prestation accordée. Rien n’était jamais simple avec les Dieux, la Blonde le savait mais nager dans ces eaux était toujours bien complexe et demandait une attention constante. Elle n’avait pas le droit à l’erreur, elle le savait.

Il hocha simplement la tête, lui donnant son accord silencieux pour qu’elle puisse partir. Elle récupéra ses documents, retourna les ranger dans le bureau auquel elle avait accès, avant de partir, saluant la Divinité. Elle retrouva sa moto derrière le Divina et démarra en trombe. Elle avait beaucoup de choses à faire et sa journée était donc loin d’être terminée.


Le lendemain matin, la Sicilienne arriva aux premières lueurs du jour devant la demeure du Divin. Son offrande encore vivante dans le coffre de la voiture, elle attendait patiemment que le Dieu arrive. Vêtue d’un tailleur, de hauts talons et parfaitement apprêtée, elle était prête à prendre la place de cette femme afin de mener à bien sa mission. Assise sur le coffre de sa voiture, elle attendait en silence que le Dieu Aztèque lui fasse l’honneur de sa présence. Dans son sac à main, la seule arme présente était un couteau finement aiguisé sagement rangé dans son fourreau. Il ne tarderait pas à sortir de son écrin afin de mener à bien sa mission, mais la Disciple de Loki préférait grandement que le Dieu du Soleil puisse voir la détresse et la peur dans le regard de son sacrifice du jour. Elle se devait de lui accorder ce petit plaisir.

Elle finit par ouvrir le coffre après s’être assurée être à l’abri des regards et fit sortir la femme du coffre, lui fournissant l’illusion qu’elle était entravée par des chaînes au niveau de ses poignets et surtout, que la Blonde tenait une arme à feu dans sa main. Rien de tout cela n’était vrai, la Sicilienne n’était pas folle mais cette illusion était plus grande que nature alors autant en profiter.

« Tu te souviens ? Pas un cri, pas un seul mouvement stupide. On va juste rendre visite à un ami et ensuite tu seras enfin libérée de ces souffrances, d’accord. »

Son otage hocha silencieusement de la tête et suivit la direction que lui indiquait Jay, droit dans le bec du Colibri. La situation l’amusait fortement, elle était impatiente de voir le désarroi lorsqu’elle comprendrait que sa libération signifiait sa mort pure et simple. Ce que les Hommes étaient crédules parfois… mais leur naïveté était toujours aussi amusante et ça, c’était plaisant, même après plus d’un siècle sur cette terre.

Lorsque la Blonde vit le Dieu, elle le salua avec respect avant de lui présenter la jeune femme qu’elle amenait avec elle.

« Voici Mlle Spencer. Je préférais vous l’amener en vie, mais dites-moi où vous souhaitez opérer, je ne souhaiterais pas salir vôtre demeure. »

Elle n’allait pas l’égorger ici, cela laisserait des traces, même si elle avait été discrète au possible et l’avait délesté de son téléphone dès son enlèvement, elle n’allait pas laisser son sang tâcher la demeure du Dieu. Il n’avait qu’à exiger et elle s’exécuterait, il devait bien le savoir, depuis le temps.