« Une affaire de Famille »

D'une certaine manière, Loki avait toujours respecté ses engagements, ou du moins, sa parole. En effet, il n'était pas rare pour l’illusionniste que d'essayer de trouver une faille dans les mots du dit engagement. Sans doutes était-ce là une des raisons que certains historiens lui avaient donnés l'épithète de ''génie'' du feu, plutôt qu'incarnation, avatar, ou simplement divinité. Sans doutes que ses agissements rappelaient-ils les méthodes de certains esprits des croyances orientales où, le mot faisait loi. Méfiez-vous, en formulant votre souhait, sous peine que celui-ci ne se retourne contre vous. Là était une des façons de faire de notre homme qui, lorsque le marché se retrouvait moins intéressant qu prévu, cherchait une fourbe cabriole pour échapper à ce que son interlocuteur désirait réellement. Après tout, n'était-ce pas sa faute, s'il la formulation était mauvaise? Sans nul doutes que, l'essentiel de la réputation du nordique est dû à ces facéties-là. Malgré tout, jamais ce dernier n'a rompu directement ses engagements et, certains d'entre eux, bien trop importants, ne pouvaient souffrir d'aucune dérobade. Le plus essentiel de tous, celui sur lequel son existence fut bâtie est bien évidement son pacte de sang avec Odin. Lui qui avait accueilli le fils de son ennemi juré, comme s'il faisait parti des siens. Lui qui l'avait traité comme son égal. Lui qui avait voulu l'élever au rang de frère. Comment pouvait-il le trahir ? Comment pouvait-il ne serait-ce que médire à son sujet ? Certains pourraient dire que le père de tout était trop bon. Sans doutes. Sans doutes aussi que certains essaieraient de profiter de ce grand cœur pour se jouer de lui. À n'en point douter. C'était en  quelques sortes une tâche que le fripon s'était lui-même assigné : faire en sorte que personne n'en joue. Faire en sorte d'être son gardien et protecteur. Loki avait un esprit tordu, il en était parfaitement conscient. Changeant et incompréhensible pour l'écrasante majorité de notre monde, cela faisait sa plus grande force. Un ennemi difficile à appréhender et à comprendre était dangereux. Encore plus si ce dernier était capable d'imaginer vos plans les plus fourbes. Alors oui, ce fut-là son but, dans cette nouvelle vie qu'on lui avait offerte.

Cependant, juste derrière ce pacte résidait un engagement des plus importants. Un de ceux que notre ami ne pouvait rompre sous aucun prétexte, avec des humains. De simples humains sans réelle importance, ou impact dans sa vie. Des gens dont il n'aurait pu se souvenir et leur noms et leurs visages. Alors pourquoi me direz-vous ? Tout simplement parce que cet engagement concernait Juliet. Une femme à la beauté indescriptible, dont il fit la connaissance au Japon. Ce ne fut pas seulement son physique, ses compétences au combat étaient incroyables, tout comme son caractère et son mental. Personne ne pouvait lui marcher sur les pieds. Personne. Elle lui plut, oh ça, elle lui plut. Rares, très rares furent les disciples de Loki à travers l'Histoire et, cette jeune femme semblait parfaite pour le rôle. Bien entendu, le dieu scandinave s'attacha à cette femme, sincèrement. Ainsi, la promesse qu'il fit à sa famille pour la libérer de leur emprise ne pouvait être rompue. Après tout, une intervention, de temps à autres, pour les aider, était-ce tant demander ? Certainement pas. Pour l'avoir à ses côtés, le dieu aurait pu offrir plus, bien plus. De plus, retrouver son Italie natale devait lui faire plaisir. Que ne donnerait-il pas pour lui tirer un sourire.

Alors, lorsqu'une nouvelle demande de leur part arriva jusqu'à eux, Tryggvi se proposa de se joindre à elle pour ce voyage. Chose qu'elle accepta. Cela lui faisait-elle plaisir de le voir avec l'envie de l'aider ? Ou bien se sentait-elle enfermée, observée ou surveillée ? La vérité était que la sicilienne était entièrement dévouée à son dieu et que, il était probable que lui offrir un quelconque refus lui semblait impossible. Sa divinité avait eu beau lui dire de nombreuses fois de faire à son aise, mais la belle était des plus têtue – une des choses qui lui avait plu – et, la faire changer d'avis était certainement impossible. Tout comme ce vouvoiement auquel elle semblait tenir. Était-ce vraiment nécessaire ? Juliet était son bras droit, sa conseillère et amie. Ce genre de politesse n'avait pas de raison d'être même si, il serait mentir de dire qu'un tel dévouement ne lui réchauffait pas le cœur.

Laissant sa disciple s'occuper des formalités pour le voyage, l’illusionniste s’attela à donner des instructions pour que ses affaires puissent continuent de tourner durant son absence. Quelques rares humains de confiance étaient ainsi missionnés pour endosser son rôle pour quelques jours. Des gens compétents dans la confidence qui savaient ce qui les attendaient en cas de fausse note. Chose que le nordique savait peu probable. S'il les avait choisi, c'était pour une bonne raison. Suite à cela, le malicieux réunit quelques armes personnelles. Il appréciait manier la lance et la hache mais, ces armes-là étaient pénibles à transporter alors, il fit comme à son habitude depuis quelques siècles désormais : des couteaux. Facilement transportable et dissimulable même sans user de ses dons, ils faisaient une arme parfaite pour lui, en plus d'être mortelle dans ses mains. Quant à ses habits, pour flatter leur ego, Tryggvi opta pour des costumes italiens hors de prix, élégants et confortables.

Arrivé dans leur avion, sa jeune disciple était déjà présente. À en croire le contour de ses yeux et de sa mine, la blondinette était plus que fatiguée. L’enchaînement de travail et de préparation pour le départ lui avait coupé toute possibilité pour se reposer. Bien entendu, Loki aurait bien proposé de s'en occuper lui-même mais, comment l'aurait-elle perçu ? N'y aurait-elle pas vu une forme de pitié ? Ou pire encore, d'inutilité ? Elle avait cette fierté qu'il devait garder intact, alors, il l'avait laissé faire. Encore en train de travailler sur son ordinateur lors de son arrivée, le dieu ne releva pas les marques flagrantes de fatigue, se contentant de l'embrasser sur le coin des lèvres pour la saluer, avant de la complimenter pour la logistique et se retirer dans sa cabine pour la laisser travailler en paix. Ce ne fut que deux heures plus tard que la sicilienne vint vers lui pour lui demander s'il souhaitait un résumé de l'affaire, ou s'il préférait les regarder lui-même, au cas où elle serait passé à côté de quelque chose. Cette dernière partie le fit longuement soupirer. Posant son livre en cours, après avoir replié un page sur elle-même pour garder l'avancée de sa lecture, son regard se tourna vers elle, en agitant son index. « Veux-tu cesser ? À quand remonte la dernière fois où je me suis penché sur ce que tu avais fait ? Allons, je ne le répéterai jamais assez, tu es parfaite. Et pas seulement dans ton rôle. Alors, garde la tête haute. » Un léger ricanement empli de fierté vint couper son court monologue. « Cependant ... » Un profonde inspiration tout en se redressant sur on fauteuil. Ce qui allait suivre n'allait certainement pas lui plaire. « Tu devrais profiter du voyage pour te reposer. J'entends bien que tu désires faire le plus possible, cependant, tu ne dois pas en oublier de te reposer. Quelle que soit cette requête, il me semble nécessaire que tu sois en pleine forme. Que ferais-je si je venais à te perdre ? » Un petit haussement de menton en sa direction, avant de la pointer de son index « Je refuse de te voir blessée, surtout pour de telles choses. Ces dossiers, je peux m'en charger. Nous avons quelques heures devant nous, cela me donne de quoi m'occuper. » Finissant par se relever pour déplier la banquette qui lui était destinée, Tryggvi tapota le matelas de celle-ci pour l'inviter à s'en servir. « J'ai cru comprendre que tu avais été incapable de dormir récemment. J'ose espérer que ma présence suffira à t'aider pour trouver un sommeil réparateur. Qu'en dis-tu ? »

Il était parfois difficile de discuter avec sa disciple. Non pas qu'elle l'ennuyait, non, certainement pas. Le soucis, parfois, était cette dévotion aveugle qu'elle avait envers lui. Ainsi, l’illusionniste se devait de bien choisir ses mots, faire en sorte que rien, ou peu de choses, ne semble être un quelconque ordre, mais plutôt une requête, ou une demande. Ce n'était pas le genre de relation qu'il souhaitait avec elle et, il ne le voudrait jamais. Malgré tout, notre ami était conscient que quoi qu'il puisse lui ordonner, Juliet s'exécuterait. Chose qu'il préférait éviter, sauf en cas extrême. Bientôt, son interlocutrice en vint en le remercier pour sa présence. Cela l'amusa. Se relevant, le nordique fit quelques pas en direction de la tatouée pour lui caresser délicatement l'épaule, se voulant rassurant. « Si ça te concerne, mon temps ne sera jamais perdu. » Un joyeux sourire avant de reprendre d'un ton un peu plus sérieux. « Quand comprendras-tu que tu es bien plus importante que quoi que ce soit qui pusse se passer là-bas ? Les affaires, sont les affaires. L'argent perdu se retrouve, les partenaires se remplacent. Toi, non. Tu es importante, le reste … » Levant sa main vers au dessus de sa tête, le blondinet agita ses doigts tout en continuant de les agiter. « … Est secondaire. Ainsi, tu n'as pas à me remercier de ma présence. Ce serait plutôt à moi, de faire l'effort de te remercier de me permettre de venir. C'est toujours un plaisir que de m'afficher en si charmante compagnie devant des inconnus. » Un rire, léger et doux, pour détendre l'atmosphère. « Quant à ta dernière question …  Elle est … Difficile. Je savais que cela serait une tâche de longue haleine, malheureusement, je n'avais guère le temps de passer par la voie traditionnelle, ainsi … Je m'attendais à une certaine réticence. Elle est coriace. » Un petit rire à nouveau, suivi d'un long soupir. « Enfin … J'ignore si vous serez capable de vous entendre toute les deux, vous avez un caractère … Explosif. Mais, je pense que tu comprendras bien vite pourquoi je l'ai choisie. » Ponctuant ses mots sur une moue coupable, Loki attrapa bien vite les mains de son interlocutrice pour venir les emprisonner devant lui, avant de reprendre. « Sache que cela me pèse d'avoir à te cacher des choses, je m'en excuse de nouveau, malheureusement certains secrets se doivent de le rester pour l'instant. J'ose espérer que tu comprendras la raison, lorsque les révélations viendront. »