Les retrouvailles nous font rappeler de vieilles histoires

ft. Liam - Hermès

15 août 2020 - Quartier Historique de Philadelphie

Notre quotidien n’était pas des plus simples. Naomie ne s’était pas encore résignée, je sentais encore des traces résiduelles de sa présence et je savais ce qu’il lui fallait pour qu’elle finisse par me laisser pleinement le contrôle, une occasion de faire ses adieux. Une occasion de tourner la page de sa vie et d’abandonner car il n’y avait de toute manière aucune autre issue pour elle. C’est certainement par compassion et par amour pour cette ancienne disciple que je n’écrasais pas encore sa personnalité, que je lui permettais pour un temps encore être spectatrice de cette vie. Pour autant, même si je lui laissais un laps de temps pour avoir l’opportunité de revoir Hermès, je n’allais pas courir après le Dieu Grec, il avait fauté, à lui d’en assumer les conséquences pour une fois. Sa réputation n’était plus à faire et je me demandais comment il allait accepter ce vol plutôt … inhabituel. Nous ne parlions pas de voler des bœufs, des voitures ou des demeures, nous parlions actuellement d’un vol d’âme, d’entité et de corps tout simplement. J’avais, par mon acte réduit à néant l’essence divine qu’il avait offerte à la miss Morgans et je ne pouvais que comprendre que cela allait lui déplaire mais … c’était plus fort que moi.

Je me doutais qu’un tel affront ne resterait certainement pas impuni mais je n’en avais que faire car la mission qui m’incombait était un millier de fois plus importante que le fait d’avoir volé une Disciple et de toute façon, ils ne seraient pas allés bien loin tous les deux, le cœur de Naomie brûlant de cet amour si fort et à sens unique n’aurait pas supporté plus longtemps de souffrir ainsi. Connaissant à présent le caractère de cette charmante Brune, je savais aussi de quoi elle aurait été capable et c’était un mal pour un bien d’avoir fait ce que j’avais fait.

Perdue dans mes rêves et à songer à ce passé qui devenait à présent le mien également, j’ai reçu un coup de coude dans les côtes et je me suis retournée vers la charmante blonde à ma droite qui essuyait des verres. Elle me tendit un torchon avec un doux sourire sur le visage, mais son regard semblait préoccupé.

« Oui Lola ? Que se passe-t-il ? »

Lola, car tel était son nom était l’une des plus proches amies de Naomie. Elles en avaient connu des aventures ensemble et je n’avais pas l’intention de laisser cette douce créature sortir de Notre vie. Elle ne méritait pas de subir la perte de sa chère amie au caractère bien trempé certes, mais dont l’amitié était sincère.

« Tu n’as pas l’air bien Nao, tu es souvent perdue dans tes pensées en ce moment, tout va bien ? »

Elle connaissait Naomie mieux que cette dernière ne se connaissait. Elle sentait que quelque chose était différent, parce que malgré ses airs d’ingénue, elle était bien plus maline que son joli minois ne le laissait à penser. Un simple haussement d’épaules pour début de réponse, j’ai saisi une tasse qui était utilisé pour les Chaï Latté et j’ai commencé à l’essuyer, prenant un air songeur avant de répondre à sa question sans vraiment aborder le sujet qu’elle attendait.

« Ça va, c’est juste que je m’interroge au sujet d’Amos. Je n’ai plus trop de ses nouvelles et je ne sais pas ce qu’il devient. J’ai un peu peur qu’il lui soit arrivé quelque chose. »

Amos, un homme qui était passé dans leur vie à toutes les deux, qui était intervenu lors de l’agression des deux demoiselles et qui les avait sauvées de bien des tourments. Un homme de la rue, un sans domicile qui semblait perdu entre deux mondes, celui du sang et des combats, mais aussi paradoxale que cela puisse paraître, il était aussi porté par la compassion et par une douceur qui était incompréhensible. Il avait été capable de briser les membres des assaillants et par la suite d’être gêné par les rudes paroles de Naomie et par son statut de sans domicile. Une personne fort intéressante qui ne méritait qu’une chose, qu’on s’intéresse à lui et qu’on le sorte de ce monde dans lequel il avait atterri mais j’étais arrivée un peu trop tard pour cela.

Un regard sur la pendule et l’heure de finir était arrivée pour moi. J’ai rangé le verre à sa place, remis le torchon à sécher et j’ai déposé un baiser sur la joue de cette amie si chère au cœur de mon enveloppe.

« Ne t’inquiètes pas pour moi Lola, tout va bien, on se voit demain ! »

Ni une ni deux, tel le courant d’air que j’étais j’ai saisi mes affaires dans les vestiaires avant de sortir du Coffee-Shop pour retourner dans mon domicile. Le duplex dans lequel habitait Nao’ était vraiment sympa. Petit à mon goût, il était assez épuré au niveau de la décoration mais très confortable. Des poufs et coussins encadraient la table basse sur laquelle elle s’adonnait à l’art de la Cartomancie, sa cuisine était fonctionnelle, sa chambre très féminine et élégante, à l’image de son logement. Comme à mon habitude, une fois entrée dans le duplex, j’ai ouvert grand les fenêtres, respirant avec un plaisir non feint l’air des hauteurs qui était bien moins pollué que celui qui était au plus près du sol. Il manquait quelque étages pour être au mieux, mais pour le moment je faisais avec.

Je suis allée m’installer sur l’un des poufs encadrant la table basse, prenant l’Oracle de Belline qui avait été en possession de Naomie, regardant les cartes avec curiosité. L’art de la Divination n’était pas dans mes cordes, mais cela attisait ma curiosité. Si j’avais été en capacité de lire les cartes, peut-être aurais-je su qu’aujourd’hui allait être une journée bien particulière et que l’occasion que la douce et noble Anglaise attendait allait enfin se présenter.

Les retrouvailles nous font rappeler de vieilles histoires

ft. Liam - Hermès

15 août 2020 - Quartier Historique de Philadelphie

Le regard figé sur les cartes, j’essayais de comprendre comment on pouvait lire quoique ce soit avec ces dessins incomplets. Elles étaient à mes yeux inutilisables et donc inutiles. A voir cela, j’étais presque agacée de voir que la pauvre Naomie n’avait vraiment pas été convenablement épaulée dans sa vie de Disciple et qu’elle avait été laissé seule dans des moments où elle aurait cruellement eu besoin d’aide. J’ai fermé les yeux un instant, prenant une profonde inspiration, ressentant le vent qui s’engouffrait par la fenêtre ouverte. Respirer n’était pas une nécessité, seulement un plaisir que je n’allais pas me refuser et qui m'apaisait. Même si l’air ici n’était pas celui de Sanctum, j’avais de la chance que Naomie n’habite pas au rez-de-chaussé, au niveau des pots d’échappement de tous ces véhicules.

Je me suis levée pour aller me servir un verre, autre petit plaisir que je n’allais pas me refuser. Lola m’avait fait goûter un cocktail de sa création que j’avais adoré et je ne pouvais m’en passer ces derniers jours. Les ingrédients mis dans le Shaker, je venais à peine de mettre la glace dans un verre que la sonnette retentit. Je n’attendais pas de visite, ou plutôt devrais-je penser, Nous n’attendions pas de visite car elle était encore là, encore présente, comme une musique de fond qu’on finit par oublier avant de réaliser au bout d’un certain temps qu’il y a bien une mélodie qui s’élève, tout en douceur, mais qui est tout de même présente pour donner le rythme.

Je me suis dirigée vers la porte, l’ouvrant avant de voir une personne que je n’étais pas préparée à retrouver de sitôt.

« Bonjour Naomie. »

Un simple bonjour et il n'en fallu pas plus que que je me sente partir. J’ai foncé dans ses bras ou plutôt Elle le fit, le serrant contre moi comme si je ne l’avais pas vu depuis des lustres, ce qui était un peu le cas, mais ce n’était pas Ma volonté. C’était la sienne. La musique de fond reprenait de l’ampleur et de la vie.

« Hermès ! Tu m’as tellement … tu m’as manqué. »

Doucement, sans aucune colère ni amertume, la phrase sortit de Notre bouche tandis que Nous reprenions de la distance. Nous nous sommes décalées pour lui permettre d’accéder à la demeure dans laquelle Nous vivions encore toutes les deux pour le moment, mais Nous le savions toutes les deux, Naomie le sentait, il allait bientôt être temps pour elle de laisser les commandes et de se reposer. Lutter ainsi ne servait à rien, elle le savait.

« Je te sers un truc à boire ? J’allais prendre un cocktail que Lola m’a montré, il y en a assez pour deux. Tu pourras m’expliquer ce qu’il s’est passé dans ta vie comme ça. »

Je ne comptais pour ma part pas le leurrer bien longtemps. Il avait été son Dieu, il devait sentir en toute logique qu’elle n’était plus, il était Grec, pas Aztèque ni Maya. Il devait avoir un minimum de respect et d'affection pour ses Disciples mais pour autant, il ne pouvait pas savoir qui avait pris possession de sa chère et tendre Amie. Là se trouvait mon seul et unique atout, la seule carte que j'avais dans la manche et qu'il me fallait jouer intelligemment et au moment propice.

J’ai sorti un second verre que j’ai également rempli de glaçon avant de le remplir, séparant en deux ma préparation. Pile ce qu’il fallait pour remplir nos verres. Le verre glissa sur le bar de sa cuisine aménagée pour s’arrêter devant le Dieu Grec.  Un sourire sincère se dessina sur le visage de la petite anglaise qui était ravie de revoir son Dieu. Elle lui devait beaucoup, j’étais d’accord là-dessus, mais sa dette n’excusait pas tout.

« Alors, Donovan, quoi de neuf depuis la destruction de Sanctum ? Depuis avant même. En vadrouille pour ta société ? »

Aucun reproche, je la laissais faire et s'exprimer pour le moment. Elle ne cherchait qu'à comprendre, ce n'était rien de plus qu'une envie sincère de savoir pourquoi elle avait été abandonnée. Elle ne lui en voulait pas, elle savait qu’ils n’étaient pas du même monde, qu’ils étaient différents, mais au fond du cœur de la petite Anglaise, il y avait cette pointe de colère qui grandissait et qui ne demandait pas grand-chose pour s’embraser et devenir un véritable brasier ardent.