Se faire repérer en planque n’est vraiment pas un bon plan

Cela faisait plusieurs jours que son enquête personnelle avait pris un nouveau tournant. Hope avait repris l’enquête sur la mort de son père en service une fois que celle-ci avait été abandonné faute de preuves et même de pistes concrètes. Elle ne voulait pas laisser sa mort impunie. Malheureusement, si la police avait jeté l’éponge, ce n’était pas pour rien. Les indices de départ étaient très minces voir inexistants. Les caméras dans ce coin de la ville ne fonctionnaient plus. Elles avaient déjà été remise en état plusieurs fois mais les malfrats du quartier ne tardaient pas à les taguer ou à les arracher pour pouvoir agir comme ils le voulaient. Aussi, la mairie avait abandonné l’idée de pouvoir surveiller et sécuriser cette partie de la ville au plus grand désarroi de la jeune femme. Lorsqu’elle avait décidé de reprendre l’enquête elle même à titre personnel, elle était allée voir le consultant en criminologie du poste. Certains éléments laissés à penser qu’il ne s’agissait pas d’un simple braquage d’épicerie qui aurait mal tourné. Ce dernier, du haut de son arrogance, avait recalé la brune, prétextant que si les enquêteurs en charge du dossier n’avaient pas été capable d’avancer, ce n’était pas elle qui pourrait le faire. Vexée, cela ne l’avait pas pour autant empêché de poursuivre. Et à l’heure actuelle, elle avait enfin une piste sensée.

Depuis quelques jours maintenant, elle avait réussi à remonter jusqu’à l’un des gangs de la ville, Los Ninos. Elle n’avait cependant pas réussi à glaner beaucoup d’informations, même depuis les archives du poste de police. La seule chose dont elle était certaine, c’est que ce n’était pas le plus gros gang de la ville, mais c’était potentiellement le plus violent et brutal. Elle allait devoir se méfier et redoubler de vigilance. Toutefois, avoir enfin une direction dans laquelle avancer lui avait également permis de reprendre du poil de la bête. Son entraîneur s’en était rendu compte, l’affûblant de terme tel que “pile électrique”, “bulldozer” et autre surnom qui reflétait son état d’esprit actuel. Cela faisait sourire Hope qui l’appelle ainsi, elle qui avait au premier coup d’oeil une silhouette frêle. Lorsqu’elle était devenue lieutenant, tout le monde l’avait pris pour une faible petite chose. Sauf qu’elle s’entraînait depuis qu’elle avait perdu son père aussi commençait-elle à avoir un bon niveau en MMA, l’idéal pour savoir faire face  toutes les situations, même si évidemment elle était spécialisée dans le jujitsu qui rassemblait des techniques de combat permettant de faire face à des adversaires plus grands, plus lourds et plus forts qu’elle, en soit quasiment tous ses adversaires potentiels.

De repos ce jour là, la jeune femme en profita pour revoir son plan pour la soirée. Elle avait découvert l’un des repères du gang et elle comptait bien aller faire du repérage quasiment toute la nuit. Une fois les lieux repérés sur une carte et avec internet, elle se changea pour se vêtir totalement de noir. Après tout, la discrétion allait être de rigueur. Hope n’avait pas l’intention d’intervenir de manière officielle. Elle n’avait pas encore d’indices suffisants pour demander un mandat d’arrêt et passer par la voie légale. Cette sortie nocturne allait être placée sous le signe de l’observation pour récupérer plus d’éléments. Une fois arrivée sur les lieux, la lieutenante s’installa dans un recoin, observant le repère, prenant des photos des allers et venus. C’est en plein milieu de la nuit, alors qu’elle hésitait à rentrer chez elle un peu bredouille, qu’une femme pointa le bout de son nez là où elle s’était installée. Elle l’avait vu rôder autour du repère après en être sortie. Une seule remarque sur son statut de flic fit réagir la brunette qui ni une ni deux engagea le combat. Elle rencontra une résistance qui ne dura pas et finit par plaquer la nouvelle arrivée contre le mur.

Vous faites partie du gang de Los Ninos ?

Etant repérée, elle n’avait pas le temps de passer par quatre chemins. Hope était prête à l’assommer si la jeune femme tentait de crier. Son observatoire était à présent foutu, elle n’avait plus qu’à décamper rapidement si elle se mettait à crier pour s’éloigner au plus vite de ce lieu et du danger qui en émanait.

SE FAIRE REPÉRER EN PLANQUE N'EST VRAIMENT PAS UN BON PLAN

C'est pas parce qu'on est la discorde incarnée qu'on respecte pas quelques règles de bases du monde de la criminalité - du moins, de temps en temps. Règle la plus importante : garder autant que possible secrètes les planques, et en changer régulièrement, histoire de pas se faire allumer vite fait bien fait par, au choix : les flics, le gang d'à coté, votre vieil ennemi qui vous en veut à mort. Voir les trois à la fois. Alors quand on vient vous dire que quelqu'un rôde dans le coin, et que ce quelqu'un n'est absolument pas un membre du gang, ça fait direct tilt. La question étant, lequel des trois susnommés avaient fini par gagner au loto ?

Faire des plans et être prudente, on peut pas dire que ce soit dans les habitudes d’Éris. Alors elle se contente du classique couteau dans la botte et d'aller jeter un coup d'œil elle-même.

Elle y va tranquillement, clope au bec et mains dans les poches, comme si la seule chose qui l'envoie dans cette ruelle est une envie de prendre l'air et de s'éloigner des bouffons de son gang. Dès qu'elle aperçoit la petite brune planquée là, elle sait que c'est une flic. Habillée en noir, l'air pas tout à fait rassurée.

« T'es de la police, hein ? qu'elle lâche d'une voix moqueuse. » Juste une pique, une perche tendue pour voir comment elle réagirait, et ça ne rate pas : aussitôt la flic s'approche pour la maîtriser.

Intérieurement, Éris jubile. Elle étouffe son hilarité pour afficher un masque bien différent. La petite criminelle surprise, choquée qu'on ose l'attaquer comme ça, et pas vraiment fichue de se défendre. Elle résiste juste pour la forme, histoire de rendre le tout un peu plus réaliste, avant de se laisser plaquer contre le mur.

Tellement excitant. Elle a espéré un peu d'action toute la journée, mais la plupart de ses camarades étaient en train de planer et elle n'avait pas vraiment envie de jouer seule.

Peut-être a-t-elle enfin trouvé une partenaire de danse... ou une victime, tout dépend du point de vue. La question posée sur les Ninos est amusante, une méthode d'approche pour le moins directe mais Éris joue l'idiotie, le choc.

« Comment vous savez ? »

Elle se débat une dernière fois, feignant la soudaine peur de finir en taule. Le loup déguisé en agneau.

« Vous allez me coffrez ? Vous pouvez pas faire ça ! J'ai jamais tué personne putain ! Ils m'ont sorti de la rue, c'était y a même pas un mois... Je savais pas qui ils étaient ! »

Tellement réaliste. Combien de gamines a-t-elle cueilli sur le trottoir, comme autant de fruits pas encore mûres mais déjà abîmés ?

« Je vous jure, j'avais pas le choix, c'était ça ou... » Hésitation, lèvre qui tremble alors qu'elle jette un regard suppliant par dessus son épaule. « Ou la prostitution. »

Allez, mords à l'hameçon, flicaille. Il sera si amusant de te faire tourner en rond avant de te manger toute crue.

Se faire repérer en planque n’est vraiment pas un bon plan

La remarque fusa et Hope ne se retint pas, sautant sur la nouvelle venue avant que le moindre son supplémentaire ne sorte de sa bouche dont le sourire moqueur s’était effacé en voyant la flic se mettre en action. La résistance fut présente mais très faible et ainsi elle put la plaquer contre le mur, prête à agir si elle appelait à l’aide. Évidemment, quitte à s’être grillée, la jeune femme préférait récolter un maximum d’informations avant de ne plus pouvoir remettre les pieds dans les parages ou ne plus trouver leur repère. C’était la première fois qu’elle avait une piste tangible quant au meurtre de son père. Contrairement aux enquêteurs qui avaient classé le dossier sans suite, elle avait trouvé quelque chose. Non sans se salir les mains, la brune avait dû avoir recours à l’un de ses indics peu recommandable pour enfin remonter la piste des deux gars qui avaient braqué l’épicerie. Si elle n’écartait pas la piste où son père n’était pas qu’un simple dommage collatéral, celle où il était simplement au mauvais endroit au mauvais moment était pour le moment privilégiée. Au vue des éléments en sa possession, c’était clairement plus cohérent. Mais la lieutenante ne savait pas tout, elle était loin d’avoir toutes les cartes en mains aussi préférait-elle ne pas écarter de possibilité pour le moment.

La réponse qu’elle obtint à sa question lui fit lever les yeux au ciel. Mon dieu comme certains malfrats la prenaient pour une idiote, cela avait le don de l’agacer au plus haut point. Il était clair que Hope n’avait pas ni le sexe ni la carrure pour en imposer au premier coup d’oeil. Mais cela ne l’empêchait pas de pouvoir en imposer dans un second temps, lorsqu’elle prenait les choses en main. Forçant un peu sa prise sur la clé de bras de la nouvelle arrivée pour se faire un peu plus menaçante, elle lui somma :

Déjà parle moins fort.

Celle qui venait de lui tomber dessus semblait plutôt inoffensive. Mais la brune savait que trop bien que les apparences pouvaient être trompeuses. Elle en était une belle preuve. Sa captive reprit de plus belle, l’obligeant à appuyer davantage sur son bras pour qu’elle baisse d’un ton. Bordel cette grande gueule qu’elle avait, elle s’attendait à quoi au juste en intégrant un gang. Son histoire restait triste cependant, si toutefois elle était vraie. Parce que si cela arrivait à beaucoup de jeunes filles abandonnées malheureusement, cela n’arrivait pas à tout le monde non plus et faire confiance à un membre de gang n’était pas dans les principes de la lieutenante.

Epargne moi tes plaintes s’il te plait. Comment tu t’appelles ? Combien de membres compte le gang des Ninos dis moi ? Qui est le chef ?

Hope commençait par des questions basiques. Le but était de prendre la température, de voir si elle arrivait à récupérer un minimum d’informations. Toutefois, au vue de la greluche qu’elle avait attrapé, la flic n’espérait pas récupérer beaucoup d’informations, surtout pas au sujet d’un meurtre suite à un braquage dans une épicerie qui remontait à près de huit ans. Malheureusement, elle n’avait que ça à se mettre sous la dent à l’heure actuelle et n’était pas certaine de pouvoir avoir beaucoup mieux. Son temps était à présent limité, elle ne pourrait pas rester très longtemps dans les parages. Cela fait un moment que la jeune femme ne se laissait plus attendrir par le premier regard alors lorsqu’elle la vit tenter un regard de chien battu, elle la secoua un petit coup avant de reprendre les questions.

Sais-tu comment fonctionne le gang ? Comment est-il organisé ?

Pensant qu’elle avait sous la main une nana du bas de chez bas de l’échelle, lui demander l’identité du braqueur et pourquoi le braquage avait eu lieu n’aurait aucun sens. Mais peut-être qu’elle pourrait lui donner suffisamment de renseignements pour savoir qui pourrait répondre à ses questions là, celles qui l’intéressaient réellement à ce jour.

SE FAIRE REPÉRER EN PLANQUE N'EST VRAIMENT PAS UN BON PLAN

La flicaille a décidé d'être plus ferme pour appuyer son autorité. C'est mignon mais agaçant. Éris grimace malgré elle et lève discrètement les yeux en sentant son bras se tordre encore un peu. La douleur est réelle, pas comme cette scène digne d'un film de mauvais goût.

« Leandra, fait-elle précipitamment. Je m'appelle Leandra Villaverde. »

Rien qui suffise vraiment à remonter jusqu'à elle, puisque dans le milieu les rares à connaître son identité en dehors du gang l’appellent directement Éris. La discorde ne s'embarrasse pas de quelque pudeur divine comme beaucoup de ses camarades.

« Je saurais pas dire combien exactement... une vingtaine, peut-être ? »

Première info : correcte. Il suffirait que la flic recoupe sa réponse avec d'autres sources pour se rendre compte qu'elle disait vrai.

Un moyen de préparer le terrain pour la suite.

« On voit rarement le chef, mais... Moment d'hésitation. Elle se mord la lèvre nerveusement ; le petit poisson doit sembler craindre la colère du gang ou l'autre n'y croirait pas. J'les ai entendu l'appeler Esteban. »

Il y a bien un gars qui s'appelle Esteban dans la bande. Un mec chouette, un pyromane adepte des explosifs pour lequel elle ne s'inquiète pas vraiment ; il saurait gérer quelques flics à son cul.

Un truc intrigue Éris, alors qu'elle débite des conneries pour amadouer la jolie flic. Pourquoi a-t-elle décidé d'aller foutre le nez dans les affaires de Niños alors que la police n'a sûrement rien qui puisse permettre de les inculper ? Pas une preuve, que dalle. Elle s'en assurait toujours. Alors qu'est-ce qui avait pu pousser ce minois à vouloir se mêler de ce qui ne la regardait pas ? Revanche personnelle ? Un ami dans le gang, peut-être ? Sûrement quelque chose dans ce goût là.

« Il est pas très organisé, en fait... on reçoit juste les ordres des plus anciens membres du gang, qui les tiennent d'Esteban. C'est aussi eux qui nous filent la drogue... on est obligés d'la prendre, sinon ils nous la font avaler de force. C'est pour nous rendre accro et qu'on ait pas envie d'aller voir ailleurs. »

Ses yeux injectés de sang ne font qu'ajouter au tableau pathétique qu'elle dessine. Discorde ment et il n'y a rien de plus satisfaisant. Bien sûr, qu'ils consomment tous, mais certainement pas parce qu'elle force qui que ce soit - ces bouffons s'empressent d'avaler la came comme si c'était de l'eau bénite, avant de se jeter sous les balles à ses côtés.

« Vous allez me laisser partir, du coup ? J'vous jure que je dirai rien ! Je peux même... je vais partir du gang, ok ? J'trouverai moyen de partir dans le Maine, il doit me rester un cousin là bas... »

Se faire repérer en planque n’est vraiment pas un bon plan

Hope n’avait pas de temps à perdre, encore moins depuis qu’elle avait été repéré. Elle allait devoir se contenter des informations qu’elle allait pouvoir glaner auprès de cette minette apeurée et de toute évidence pas très futée. Usant de la force et surtout d’une clé de bras bien géré, la lieutenante obtint finalement son attention et surtout la baisse de ton qu’elle lui avait demandé précédemment. Son nom se fit entendre et la brune ne nota dans un coin de sa tête, se promettant de faire des recherches pour vérifier qu’il s’agisse bien de son identité. Elle était loin d’imaginer que la jeune femme qu’elle prenait pour une pseudo servante/prostituée/bonne à tout faire dans le gang était en fait la tête pensante, le grand chef. La seconde réponse tomba et elle parut cohérente par rapport aux premières informations qu’elle avait pu rassembler. Le gang des Ninos n’était pas très grand, le faire tomber ne devrait pas être si difficile en soit. La seule chose, c’est qu’elle allait devoir redoubler de vigilance pour la jouer finement et ne pas prendre de risques démesurés, même pour venger son père et rendre justice. Ce dernier lui en voudrait déjà probablement assez des risques qu’elle prenait à l’heure actuelle. Seulement, après huit ans, elle avait enfin trouvé une piste viable et ne comptait pas la lâcher de si tôt. Reprenant la parole, Leandra était plus fébrile, hésitante, à l’idée de balancer le nom du chef dont elle n’était même pas sûre de toute évidence.

Perdue dans ses pensées, croisant les nouvelles informations obtenues avec celles qu’elle avait déjà en sa possession, la jeune femme revint à la réalité lorsque sa captive reprit la parole au sujet de l’organisation du gang. Sa complainte aurait presque fait couler une larme à Hope si elle n’était pas déjà habituée à ce genre d’histoires qui pouvait totalement être vrai mais ne l’était que très rarement. Elle avait découvert depuis ses débuts en tant que lieutenant un foyer pour les femmes abusées, violentées ou simplement dans la panade et ayant besoin qu’on les aide à se tirer vers le haut. Peut-être qu’elle pourrait y recommandait Leandra à terme. Mais elle comptait bien s’assurer de la véracité de ses propos ainsi que de celle de sa bonne volonté avant de la conduire dans un tel endroit. Si ses yeux injectés de sang semblaient appuyer ses propos, rien ne gageait à la flic qu’elle ne se droguait pas volontairement. En tout cas, sa façon d’être terrorisée agaçait la brune de plus en plus. Merde que foutait-elle avec un tel gang si le moindre policier capable de l’immobiliser la faisait trembler ainsi ? Elle n’avait jamais croisé pareille peureuse dans les rues avant ce soir et ça l’interpellait un peu.

Tais-toi tu veux. Laisse moi réfléchir deux secondes.

Elle ne pouvait pas se jeter dans la gueule du loup ni avoir confiance en les paroles de cette minette sans les vérifier. La fliquette devait lui tendre un piège et elle en avait un qui pourrait faire l’affaire. Plutôt que balancer son informateur, elle allait en faire la cible de ses recherches. La question avait un double but. Il fallait qu’elle sache si Leandra pourrait connaître le type qui avait abattu froidement son père et il fallait également qu’elle sache si elle pouvait tirer plus d’informations de sa part, des informations qui pourraient être fiables.

Depuis combien de temps fais-tu partie du gang ?

Reprenant les éléments de la réalité afin que la crédibilité soit à son maximum, elle allait toutefois faire un mix, mélangé à sa sauce les éléments pour que cela n’expose pas Grim, ou pas de la manière dont il devrait l’être avec les vrais éléments. La brune était loin de s’imaginer que Sören l’avait envoyé dans un guet-apens parce qu’il connaissait Eris. Tout ce qu’elle voulait, c’était obtenir le nom de celui qui avait tué son père pour le faire arrêter. Si Hope coffrait tout le gang au passage, elle ne s’en priverait évidemment pas mais elle savait que cette tâche serait plus complexe.

Est-ce qu’il y a un certain Grim dans votre bande ? C’est lui que je chercherais apparemment. Il aurait tué un flic il y a quelques années.

Accusant son indic, le mettant indirectement à l’abri du fait qu’il était son informateur, elle laissait la porte ouverte au fait qu’il puisse ne pas être le bon homme également. La brune cherchait à savoir ce que la midinette aurait à lui raconter sur le sujet. Elle ne pouvait cependant rentrer tête la première dans un piège, c’est pourquoi elle ne lâchait que quelques éléments sur son enquête, suffisamment pour éveiller un esprit qui serait au courant des faits mais ne pas donner beaucoup d’indices à une personne qui ne saurait pas du tout de quoi elle parle.

SE FAIRE REPÉRER EN PLANQUE N'EST VRAIMENT PAS UN BON PLAN

Autoritaire, la gosse. Éris a bien envie de lui dire merde et de sortir un joint d'une poche, mais elle se retient. Ce serait con de faire capoter ce petit jeu juste pour une envie pressante de se défoncer. Alors elle prend son mal en patience, gigotant juste d'un pied sur l'autre. Faut dire que la position est pas super confortable.

« À peine un mois, qu'elle grogne en réponse à sa première question en levant les yeux au ciel. C'est pas comme si je venais pas de vous le dire. »

À moins que ce soit une flic zélée, elle ne la massacrerait pas pour un peu d'impertinence. Et on atterrit pas dans un gang sans un minimum de caractère... ou alors, on survit pas deux semaines. Elle en a vu, des débiles pas fichues de tenir un flingue droit sans trembler de la tête aux pieds. Direct à la casse, ceux là.

En entendant le nom de Grim, l'attention d’Éris se décuple soudain. C'est quoi ces histoires de flic tué par Grim ? Non, c'est pas son genre. Loki fait pas partie des tendres, mais descendre des poulets, c'est pas son kif. Quelqu'un a dû mal l'informer.

« Sören, il fait pas vraiment partie de la bande. C'est plus... un pote du boss, je crois ? Un pote à elle, donc. Hilarant. Je crois que j'ai entendu parler de cette histoire de flic, mais on m'a pas dit que c'est Sören qui l'a descendu. »

Elle n'a pas besoin d'imiter une profonde réflexion puisqu'elle cherche vraiment l'info dans sa mémoire. Les souvenirs sont de plus en plus confus alors que les années passent, mais elle se souvient bien que les Ninos ont descendu plus d'un flic depuis la fondation du gang. La question c'est, quelle est l'affaire qui intéresse tant la demoiselle ? Allez, un braquage, c'est le coup le plus courant. Au pire, tant pis, elle se serait déjà bien amusée avant de la tuer.

« C'était un braquage raté, non ? »

Dans sa tête, elle jette fébrilement une pièce en l'air. Pile : bonne réponse, face : mauvaise réponse.

Se faire repérer en planque n’est vraiment pas un bon plan

La minette semblait réellement se moquer de l’autorité d’un flic. Pour autant, cela n’atteignait par la brune qui avait d’autres choses à penser. Elle devait récupérer un maximum d’informations et c’est ce qu’elle commença à faire. Effectivement, elle lui avait déjà dit que cela faisait qu’un mois. Merde … Elle allait lui être totalement inutile l’étourdie qui l’avait surpris. Ce n’était vraiment pas sa vaine d’être tombée sur pareille empotée incapable de lui fournir la moindre information utile. La grande question était comment elle allait faire pour s’en débarrasser en conservant l’anonymat et la plus grande discrétion. Au vue de l’idiote qu’elle semblait être, elle ne risquait pas d’avoir confiance en elle. Il allait falloir qu’elle trouve le moyen de la tenir, un moyen de pression efficace. Hope n’avait pas grand espoir quand aux réponses qu’elle pourrait lui apporter mais elle lui glissa tout de même une question sur l’affaire qui l’intéressait, même si cela était peine perdue. Et pourtant, elle fit mouche. Contre toute attente, Leandra semblait avoir entendu parler de l’affaire. Pourquoi diable le gang des Ninos continuerait de parler d’un braquage d’épicerie où un flic était mort huit ans après que cela soit arrivé. Dans la seconde, la brune n’envisageait que deux réponses possibles à cette question. Soit, il s’agissait de plus qu’un simple braquage et, auxquel cas, des éléments auraient échappé à la police à l’époque. Soit, la nénette qu’elle tenait toujours plaquée contre le mur en savait bien plus long qu’elle ne le disait. Les deux possibilités étaient cohérentes mais l’une des deux pourrait potentiellement permettre de vérifier la seconde. Car évidemment, l’une n’empêchait pas l’autre d’être vrai également. Dans tous les cas, elle en savait suffisamment pour ne pas inclure Sören dans le gang ni dans le braquage dont elle lui parlait. A croire qu’elle savait parfaitement de quelle affaire la lieutenante était en train de lui parler. Une question franchit les lèvres de la minette et fit aussitôt resserrer sa poigne sur sa clé de bras tout en la plaquant un peu plus contre le mur alors que Hope devint presque lugubre dans sa façon de persifler à son oreille :

Si par raté tu entends que le gang s’en est sorti sans se faire arrêter en prenant la vie d’un honnête policier alors oui c’était un braquage raté, du point de vue d’un flic pas d’un membre du gang toutefois.

Reprenant un coup sa respiration, la jeune femme savait qu’elle devait rester maîtresse de ses émotions, même si cela était d’autant plus compliqué qu’elle était concernée personnellement par cette histoire.

Le gang des Ninos ne fait pas autant de grabuge que les autres gangs sinon, cela fait longtemps que mes collègues et moi serions plus à vos fesses. Seulement il va falloir quand même que tu m’expliques comment une fille récupérée dans la rue comme tu l’as si bien dit peut être au courant que Grim ne trempe pas dans cette affaire vieille de près de huit ans.

Relâchant un peu sa prise pour ne pas abuser outre mesure, même si l’envie de frapper pour se défouler la démangeait, elle reprit de plus belle :

Je te laisse deux minutes pour m’expliquer tout ce que tu peux savoir sur le braquage de l’épicerie qui fait l’angle entre la seizième et George Avenue il y a huit ans. Et je veux évidemment savoir comment une minette qui a intégré le clan depuis un mois est au courant.

Sur le point de lui laisser la parole, Hope ne put s’empêcher de préciser, des fois que la jeune femme tente de la prendre pour une écervelée.

Si ta réponse me semble insuffisante, incohérente ou mensongère, je ferais en sorte de te mettre en cellule au moins pour les quarante-huit prochaines heures et si jamais tu es relâchée, le gang des Ninos saura que tu les as vendu. En revanche, si ta réponse est juste et honnête, je t’aiderais à prendre ce nouveau départ que tu souhaites tant de toute évidence.

La brune avait réellement du mal à croire que la minette qu’elle menaçait avait envie de quitter le gang. Mais elle était aussi de ceux qui croyaient en la seconde chance, sans pour autant tourner le dos à quelqu’un de potentiellement dangereux. A vrai dire, même quelqu’un qui ne semblait pas dangereux avait d’office la méfiance de Hope. C’était ainsi qu’elle fonctionnait. Sa solitude n’était une surprise pour personne tant elle avait du mal à faire confiance. Elle croyait profondément en la noirceur de l’humanité mais surtout en la capacité d’une personne à vous faire mal à partir du moment où elle avait acquise votre confiance. Un grand philosophe a dit un jour que nous ne sommes jamais aussi mal protégés contre la souffrance que lorsque nous aimons. L’année où elle avait perdu ses parents, la jeune femme n’avait jamais aussi bien compris ces mots, se refermant définitivement à l’amour et conservant une distance raisonnable avec son entourage.