Suis le chemin de ton âme

ft. @Wright Holmes

Bon, inspiration. Faire le vide dans mon esprit, ne pas chercher à influencer le jeu. Trois cartes, un tirage en ternaire. Le plus simple en apparence. Le fait de déterminer si un évènement allait ou non se produire. Une carte pour, une carte contre et la dernière pour le résultat. J’essayais depuis un moment déjà mais je ne parvenais à rien. Aucun résultat. Ou plutôt, j’étais incapable de comprendre ce que je faisais et c’était affligeant.  Wright me disait que ce n’était qu’une question de temps, mais je n’en étais pas aussi sûre. Mes questions étaient trop vagues ou trop précises. Mes interprétations trop hasardeuses ou incomplètes pour un résultat approximatif qui ne menait donc à rien. Cela durait depuis un moment, à tel point que je me demandais si je n’étais pas en train de nous faire perdre du temps. Wright avait une vision du temps qui était bien différente de la mienne et même si je commençais seulement à appréhender ce que représentait l’éternité, c’était encore quelque chose qui était bien trop abstrait pour moi.

Je commençais vraiment à me faire des nœuds au cerveau avec ce jeu de cartes et je me disais que finalement je n’aurais pas dû écouter ce vendeur. Il avait pourtant l’air de savoir ce qu’il faisait et était vraiment passionné alors peut-être que le problème venait de moi finalement. La tête penchée sur les cartes, j’hésitais à faire le tirage. Mauvais départ. Si je n’étais pas sûre de mes mouvements, comment pourrais-je obtenir une réponse satisfaisante ? Le geste de Wright me fit frissonner tandis qu’il repoussait doucement mes cheveux, laissant ma peau à sa merci. Il y déposa un baiser et mes yeux se fermèrent à ce contact, savourant cette proximité qu’il m’offrait. Lorsqu’il m’annonça qu’il allait se reposer un peu, j’ai instant eu envie de laisser mes cartes sur place et de le suivre, mais il ne m’y avait pas invité. Je savais qu’il avait besoin de temps pour effectuer ce que j’apparentais à de la méditation. Certainement pour trier toutes les informations et tout son savoir que sais-je. Réprimant ce désir presque irrépressible de le rejoindre, j’ai tiré ma première carte qui était la positive. L’Appui. Quelle coïncidence. Cela tombait à point nommé vu ce qu’il se passait dans cet appartement.

La seconde carte sortit. Le procès. Je n’aimais jamais tirer les cartes négatives, elles ne m’inspiraient jamais confiance et me poussaient toujours à faire appel à la méfiance. Ma main resta un instant en suspend au-dessus de la dernière carte avant que je ne la prenne et la retourne. Deuxième carte sous le signe de Mars. Si pour une fois ma prédiction s’avérait exacte, cela n’augurait rien de bon. La dernière carte était celle qui symbolisait la tragédie. L’Accident. J’ai soufflé, dépitée une fois de plus par ce que j’avais tiré alors que je ne demandais qu’une chose, savoir comment allait se passer la soirée. Les cartes étaient vraiment incohérentes et je ne les comprenais vraiment pas. Il fallait que je trouve quelqu’un pour m’enseigner tout cela, mais pas aujourd’hui. Je me suis levée et après avoir pris le temps de m’étirer, je suis allée me servir un verre avant de finir de me préparer. Je voulais qu’il ne me quitte pas des yeux, qu’il soit fier que je sois sa disciple. Je ne voulais pas pour autant en faire trop, juste le temps de réarranger un minimum mes cheveux et me repasser un coup de mascara.

Je suis allée m’installer dans le canapé en l’attendant, envoyant des sms à Lola qui était déjà sur place. Elle avait l’air de bien s’amuser vu les stories qu’elle mettait en ligne et elle ne cessait de me demander quand-est ce que nous allions arriver.

« Bientôt »



« Bon sang, qu’est-ce que tu es en train de faire ».

C’était la question que je n’avais cessé de me poser depuis que j’avais accepté de le rejoindre, lui l’étudiant de médecine que j’avais rencontré l’année dernière lors de ma dernière année d’études. Depuis mon départ de Philadelphie, j’avais pris le temps de voyager à travers les Etats-Unis, de travailler un peu à droite et à gauche mais nous n’avions pas perdu le contact pour autant. Durant toute l’année passée, quelque chose m'avait poussé à revenir ici, car en partant de cette ville, j’avais eu une impression d’inachevé.

Il faut dire qu’avec Wright nous avions passé pas mal de temps ensemble l’année où j’étais là. Pas mal de soirées à vrai dire et son sourire me manquait. J’étais cependant à San Francisco, prête à partir vers une nouvelle destination lorsque j’ai reçu son appel. Une proposition de faire une énième soirée ensemble, et pas n’importe quoi, le Spring Break. J’avais tellement regretté de ne pas avoir eu l’occasion d’y participer l’année dernière que je ne pouvais refuser sa proposition. Ne serait-ce que pour le revoir, je ne pouvais qu'accepter et puis, le Canada pouvait bien attendre une semaine de plus. Alors j’ai pris le premier avion pour le rejoindre et arrivée à l’aéroport de Philadelphie, alors que je me dirigeais vers ce taxi qui me rapprochait inexorablement de ma destination, je me demandais ce que j’étais en train de faire.

Le chauffeur me déposa devant la fac et je l’ai remercié, récupérant mes affaires disposées dans un grand sac de voyage. Il m’avait indiqué le bâtiment dans lequel il était et le temps qu’il sorte, je regardais le campus me remémorant l’année passée ici. Des bruits provenant des étudiants qui quittaient les salles de cours commencèrent à se faire entendre depuis le bâtiment et j’espérais que j’étais présentable malgré ces heures de vol. J’avais pris le temps de me refaire une rapide beauté avant d’arriver mais rien de fantastique. J’espérais juste qu’il ne serait pas déçu en me voyant.

Lorsqu’enfin je le vis, je ne pus m’empêcher de remarquer son sourire bien qu’un peu crispé à ce que semblais deviner. Était-il aussi nerveux que moi ? J’étais un peu tendue, me demandant toujours si c’était une bonne idée mais au moment où il arriva à mon niveau tous mes doutes se volatilisèrent. J’ai effectué quelques pas en sa direction mais il était bien plus rapide que moi. Il me prit par la taille, m’attirant vers lui et immédiatement, j’éprouvais cette sensation que je ne ressentais qu’auprès de lui. La sensation d’être enfin chez moi.

Il me regarda avec ce même regard qui m’avait tant manqué depuis l’année dernière, me demandant comment s’était passé le vol.

« Merveilleusement bien. Merci encore pour le billet Wright. Ce n’est pas grand-chose mais pour protéger tes beaux yeux ça te sera utile. » ai-je dit avant de sortir des lunettes de soleil de mon sac et de les lui faire glisser délicatement sur son visage. « Un vrai tombeur mon petit ! » Au vu des deux têtes qu’il faisait de plus que moi facilement, l’adjectif n’était pas le plus approprié mais cela m’était égal. Je me suis reculée d’un pas pour mieux le regarder. Il m’avait vraiment manqué et je ne pouvais que me féliciter pour le choix de ces lunettes. Il était vraiment beau comme un Dieu.

« Je suis vraiment heureuse de te retrouver. »

Suis le chemin de ton âme

ft. @Wright Holmes

Nous n’allions pas tarder. Connaissant Wright et son engouement qui semblait parfois venir de nulle part, sans crier gare, nous ne tarderions pas à arriver, quand il l’aurait décidé. C’était assez déroutant pour une fille comme moi de me fier entièrement à quelqu’un, de me calquer sur lui et de vivre à son rythme car habituellement et surtout depuis petite, c’était toujours moi qui imposais et les gens qui suivaient. Avec lui c’était différent mais aussi surprenant que cela puisse paraître, cela ne me dérangeait pas le moins du monde. Après tout, j’avais accepté de lui vouer ma vie et mon entière existence après avoir appris sa véritable nature. Cela m’avait pris du temps certes, demandé beaucoup de compréhension mais aujourd’hui je ne regrettais rien. Au contraire, j’étais fière mais surtout honorée d’avoir été choisie.

Sa voix me tira de mes pensées et je me suis redressée, le regardant attentivement, prête à exécuter ses quatre volontés sans une question, sans un désaccord, sans chercher à comprendre. Juste lui rendre service et permettre de soulager un tant soit peu le poids qu’il avait à porter sur ses épaules. Il s’approcha de nouveau de moi et j’ai inspiré avant de bloquer ma respiration. Ressentir ainsi son parfum, son odeur me faisait tourner la tête et me privait presque de ma réflexion. Je n’avais qu’une envie, qu’il me parle et qu’il me dise vraiment ce qu’il attendait de moi.

Une question à laquelle j’ai répondu par un hochement de tête. Oui, il me l’avait déjà dit. Oui il m’avait déjà annoncé que les Voies des Seigneurs étaient impénétrables, que le destin et surtout que les Dieux étaient des êtres à part et qu’en tant qu’humaine, je ne pouvais que difficilement les comprendre car il y avait une telle diversité d’enjeux qu’essayer de tous les appréhender me ferait imploser. Surplus d’informations que mon cerveau n’était pas en mesure d’encaisser. Il me dit qu’il s’était trompé et que mon travail consistait justement à les pénétrer et les comprendre. Oui, c’était très certainement pour cela que j’avais comme pouvoir celui de lire dans les cartes mais pour l’instant, je ne lisais rien car au fond de moi, je ne m’en sentais pas capable. J’avais bien trop peur de le décevoir, j’avais aussi bien trop peur de prévoir des malheurs et de ne pouvoir les empêcher. Je ne supportais pas de me sentir impuissante, pieds et poings liés mais parfois ce don tendait sur ses faits et j’avais du mal à l’accepter.

Il me rappela cette journée où je n’étais pas encore sa disciple, ce moment où j’avais sérieusement cru le perdre, même si je savais qu’il était en mesure de se réincarner, je pensais l’espace d’un instant avoir perdu la personne que j’appréciais plus que ma propre vie. Cet accident d’avion. Je me souviens de la peur qui me prenait les tripes, de cette attente incessante, avant de revoir enfin son sourire, ce fameux sourire qui semblait dire « Tu t’es inquiété ? Mais Nao, tu sais pourtant que je m’en sors Toujours. » et surtout, à part lui, qui pouvait chambouler ainsi ma vie d’un simple souffle ? Personne.

Il me parla de deux concepts opposés et ramenant mes genoux contre ma poitrine, je l’écoutais avec attention, regardant ses faits et gestes en silence. Libre arbitre et destin, ces deux termes ensemble ne semblaient pas possible Il y avait quelque chose d’improbable et de surprenant dans cette succession de mots. J’ai suivi la pièce des yeux avant qu’il ne la glisse dans ma main. Je ne l’ai pas regardée tout de suite, préférant regarder les cartes laissées à l’abandon sur la table sur la table.

« Et bien … j’ai fait un tirage ternaire parce que c’était ce que je trouvais en théorie le plus simple. Trois cartes seulement moins de combinaisons, d’interprétations possible, des réponses qui se voulaient simples. Mais d’un autre côté, le fait de baser ma lecture sur trois cartes seulement me force à les maîtriser parfaitement et ne me donne pas plus d’indices, sur leur lecture. A première vue, je ne suis pas rassurée parce que deux d’entre elles sont régies par Mars. Ce qui n’est pas un bon signe je trouve. Le truc, c’est que c’est cette entité qui relie ma carte négative et ma réponse, ce qui renforce le fait que mon tirage soit de mauvais augure. Ma carte réponse, la dernière n’est autre que l’Accident. Alors j’ai juste envie de dire que cette soirée ne va pas bien se passer. Que quelque chose de terrible va se produire mais je n’ai pas envie que des cartes dirigent mon destin. Et si en fait ces cartes signifiaient quelque chose de totalement différent ? Il n’y a aucune certitude en lisant les cartes alors comme puis-je me faire confiance à ce sujet si je n’arrive pas à croire en la véracité de mes actes ? »

Parfois, j’avais l’impression qu’il oubliait que je n’étais qu’une humaine fraîchement transformée mais d’un autre côté, je me disais que s’il m’encourageait c’était parce que j’étais capable de faire de grandes choses et qu’il croyait en moi alors je ne pouvais me permettre de douter de lui. Un petit sourire se dessina sur mon visage. «  Un jour je vais réussir à voir ton avenir mon cher, et tu regretteras certainement tous tes bons conseils ! » Parole de Morgans, enfin, j’espérais que j’allais me tromper et que ce ne serait pas une vraie prophétie car je ne voulais pas être annonciatrice de malheur et encore moins avec lui.

Une vibration me tira de mes pensées. Mon téléphone avec un nouveau message de Lola. J’ai regardé Hermès avec ma si célèbre petite mine d’enfant capricieuse. « Diiis, quand est-ce qu’on y va ? Même s’il t’en faut beaucoup pour ressentir les effets de l’ivresse -ce qui n’est pas mon cas soit dit en passant -  Lola commence à s’impatienter. La soirée sur les bords de la rivière a l’air de battre son plein et je crois qu’ils n’attendent que ta présence divine pour s’amuser comme il se doit ». Je me suis levée du canapé, posant ma main sur la sienne avant de plonger mon regard dans le sien. « Me feriez-vous l’honneur de m’accompagner à cette soirée de mortels ? » lui ai-je demandé, un sourire complice dessiné sur le visage.




Il me répondit que lui aussi était très heureux de me revoir, ce qui eut immanquablement pour effet de me faire sourire. Heureusement que je ne pouvais plus voir à présent ses yeux derrière ses nouvelles lunettes car je n’aurais très certainement pas réussi à sortir quelque chose de logique et intelligible surtout. Se saisissant de ma main, il me fit faire le tour du campus et j’ai à peine eu le temps d’attraper mon sac que déjà il m’entraînait dans son sillage.  Un vrai boulet de canon quand il s’y mettait, mais c’était aussi ça qui me plaisait tant chez lui. Il me déballa les projets et pour une fois je n’avais qu’à me laisser porter. Lorsqu’il me demanda si je voulais me reposer un peu, je ne pouvais que lui répondre honnêtement que si j’avais l’occasion de me poser un peu je ne pourrais dire non.

«  Si dans ton emploi du temps il y a une petite case pour le repos de Nao je prends, mais sinon tu sais très bien que je suivrai le rythme jusqu’au bout de la nuit et plus encore s’il le faut. »

Je n’allais pas m’arrêter à la première difficulté, bien au contraire et j’allais lui montrer que je n’étais pas venue pour me la couler douce. J’étais là pour le Spring Break bon sang et pour m’amuser pas pour dormir. Il m’annonça cependant qu’il préférait que notre Spring Break commence d’une manière différente, dans un lieu huppé. «  Quelque chose qui vient de chez moi à expérimenter ici ? J’espère que tu ne vas pas me faire regretter mon changement de destination, Holmes car je ne t’apprends rien, je ne supporte pas d’être déçue. » et lui ne l’avait jamais fait. Il m’avait déjà vue déçue mais ce n’était jamais de son fait. Comment aurait-il réussi à me décevoir alors qu’il n’était une succession de surprises toujours plus délicieuses les unes que les autres.  En y repensant, il était vraiment étrange de voir à quel point notre relation avait évoluée et tout ce que nous avions vécu tous les deux. Depuis la fin de ma période sombre jusqu’à aujourd’hui, il y avait un continent.

Arrivés au centre du campus, il vit une fontaine et j’ai eu l’étrange impression de voir cette connerie naître dans son esprit et avant que je n’ai le temps de le retenir, j’ai juste eu le temps de lâcher sa main et le voir me balancer à la figure une prétendue tradition pré-Spring Break. « Tu me prends pour une débile Holmes ? Tu penses vraiment que je vais ruiner une robe de couturier dans une fontaine publique ? »  lui ai-je dit en croisant les bras, un demi-sourire de dessiné sur le visage mais ma posture était fidèle à celle que j’arborais enfant lorsque j’étais en plein caprice.. Je m’attendais au pire mais il n’allait tout de même pas oser m’arroser … Avec lui je m’attendais tout de même au pire et à défaut de sauver ma tenue, je pouvais au moins savourer mon lot de consolation en regardant son visage dégoulinant et ses vêtements qui s’empreignaient de plus en plus d’eau. Il allait se mettre à goutter partout mais tant que ce n’était pas sur moi, tout allait bien se passer. Je le regardais telle une mère regardant son enfant s’amuser, me demandant un instant comment cet homme avait pu être durant un temps mon tuteur et m’apprendre à avancer dans la vie quand je le regardais ainsi.

D’un signe de la main, j’ai salué une de mes anciennes connaissances qui regardait Wright faire l’intéressant dans la fontaine. Avec n’importe qui d’autre je me serais sentie gênée, avec lui, c’était presque normal et cela ne me dérangeait pas. La seule chose, c’était juste que je voulais qu’on ne tarde pas trop à filer.  Je me suis approchée de la fontaine, protégeant de ma main les éclaboussures qui tentaient de toucher mon visage. « Sweety, je ne veux pas qu’on traîne trop et surtout, tu ne comptes pas sur moi pour louper la soirée si tu attrapes la crève entre temps compris ? »

Même si les températures étaient plus clémentes ici, nous étions tout de même au mois de mars et un rhume était vite arrivé. Il était hors de question que je rate cet évènement à cause d’une petite maladie, même si au fond, le fait de prendre soin de lui ne me dérangerait pas forcément plus que ça. J’ai essayé de le lancer sur un autre sujet pour qu’il se détourne de ses jeux d’enfants, m’accroupissant devant mon sac pour en sortir une serviette.

« Sèche toi, ça t’évitera de mourir bêtement. Surtout que je veux connaître les derniers potins du campus. Tes nouvelles étaient un peu trop softs et manquaient de détails plutôt …  Intéressants en fait, tout simplement. » Je restais une femme, une jeune femme qui aimait connaître les histoires de tromperie, de coucherie et les ragots du campus. Surtout que pour y avoir passé un semestre, je connaissais quand même quelques acteurs de ce théâtre grandeur nature.

Suis le chemin de ton âme

ft. @Wright Holmes

Hermès me fit tourner sur moi-même un instant, me transportant ailleurs l’espace d’une seconde. Sauf que la suite doucha un peu mon enthousiasme. Je sentais que j’allais avoir le droit à un retour sur le droit chemin. Sans méchanceté car ce n’était pas son genre, mais je reconnaissais ce regard. En même temps, après ma sortie de prison, je ne saurais dire comme les choses s’étaient mises en place mais il était devenu mon tuteur. Il avait cette manière de me faire comprendre que je faisais clairement de la daube sans pour autant que cela me déprime et me mette à terre. Il savait me motiver, il m’insufflait une force et une volonté que j’avais longtemps laissée de côté. Il avait endossé depuis toutes ces années beaucoup de casquettes, peut-être était-ce aussi pour cela que j’acceptais mieux les critiques, parce qu’elles venaient de celui qui était tout pour moi.

Il m’expliquait ce que je savais déjà mais que j’avais pourtant du mal à intégrer. Quoi de plus normal quand on y pensait ? Je n’étais devenue sa disciple que depuis quelques mois. Il y avait un monde entre savoir les choses et les vivre. Je savais qu'accéder à ce rang auprès de lui me donnerait l’accès à un pouvoir, me rendrait différente et que le temps n’aurait plus la même emprise sur ma vie. Mais le vivre était tellement différent. Je le sentais lorsque je prenais les cartes, cette force qui tourbillonnait en moi mais que je retenais, de peur de ne pouvoir contrôler cette force destructrice qu’était le Savoir. Connaître l’avenir, accepter que les cartes me disent de quoi la vie des autres allait être faite, de quoi demain serait fait et savoir que je pouvais agir sur ce que les cartes me disaient était effrayant et je ne me sentais pas prête à faire face à tout cela.

Avant, les choses étaient différentes, je savais, mais je ne le vivais pas pour autant. Mais ce n’était pas à moi de choisir si je voulais ou non me servir de mon don, comme me le disait mon mentor, c’était une responsabilité et je n’avais plus le choix. Même si je ne le faisais pas pour moi, il fallait que j’apprenne à maîtriser ce pouvoir afin de pouvoir être un jour utile à Mon Dieu. Je le regardais dans les yeux, une lueur nouvelle dans le regard, pleine de motivation, de détermination et d’envie. L’envie de me surpasser, de faire mes preuves et de voir la fierté dans son regard. J’en demandais beaucoup, j’en étais consciente mais je voulais lui être utile, et s’il me demandait de m’entraîner pour que je puisse répondre à ses attentes, alors je le ferai.

Un nouveau baiser et il fila un instant, prenant son sac à dos pour aller à la salle de bain. J’ai soufflé doucement, essayant de me détendre un peu et de chasser toutes les pensées que j’avais et qui pourraient nous faire perdre du temps sans l’ombre d’un doute. Je m’étais dirigée machinalement vers la table pour ranger les cartes, regardant une dernière fois le tirage. Ce n’était pas de bon augure, bien au contraire. Mais je ne pouvais me laisser abattre par des cartes, aussi défavorable soit le sort, tant qu’il n’était pas tourné contre nous, cela ne me dérangeait pas. Mais ce soir, si cette prédiction s’avérait exacte il faudrait impérativement que nous soyons sur nos gardes tous les deux car qui pouvait prédire ce qui allait nous arriver étant donné que j’en étais pour le moment incapable ?

Lorsqu’il sortit avec tout son attirail, je l’ai regardé avec un tendre sourire avant de sortir. Direction la fameuse soirée à laquelle nous avions été invités. J’ai appelé un taxi et le temps du trajet, je me suis retenue de lui poser certaines questions, me doutant que ce serait à moi de trouver les réponses. Même s’il était un puit de savoir presque sans fond, je devais par moi-même apprendre à trouver mes propres réponses. Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux de la fête, mon visage s’illumina. J’adorais ces endroits, j’adorais les soirées et cela me rappelait bien souvent mes folles années en compagnie de Wright Holmes, avant que je n’apprenne qu’il n’était autre qu’Hermès. Lola qui nous attendait me sauta au cou, bien heureuse de ne plus être seule à cette fête.

« Je suppose que tu connais déjà Wright, mon … ami de fac. »

Comment le présenter. Ami de fac, tuteur, amant, Dieu Grec ? Bon ok, on oublie la dernière hypothèse, ami de fac convenait le mieux et éveillait le moins les soupçons. Lola nous fit rapidement faire le tour de la soirée qui avait lieu sur un RoofTop. Piscine, buffet, musique plutôt électro, le genre de soirée que j’appréciais mais auxquelles je restais rarement jusqu’au bout. Elles avaient tendance à mal finir entre les différentes drogues et les mélanges qui s’effectuaient sur place. J’ai laissé ma veste au vestiaire avant d’aller nous chercher trois verres et de trinquer avec eux.

« A nous les copains ! »

Prions pour que cette soirée ne se passe pas comme prédit.



Excuse non recevable. Non mais il plaisantait ? Il n’avait pas idée du prix que coutait cette robe et hors de question que je la tâche pour des jeux d’enfants. No Way. L’idée de me baigner avec lui sans ma robe ferait plaisir à bon nombre de curieux qui allaient en profiter pour se rincer l’œil. En soit, cela ne me dérangeait pas plus que ça, mais pas ici bon sang, pas au mois de mars et pas après un vol.

Il se déshabilla, prit au passage la serviette que je lui tendais et dans le plus grand des calmes il commença à me donner quelques infos qui n’étaient pas des plus intéressantes. Rien de captivant là dedans, sauf peut-être l’histoire de Pete. Il prit ses affaires, mon sac et commença à fuir sans me donner l’information attendue.

« Non mais je rêve, crache le morceau ! »

Sauf qu’il était déjà parti me forçant après un soupire à le suivre. Je n’aimais pas que l’on me laisse sur ma faim, surtout avec des informations qui commençaient enfin à devenir juteuses. Mais connaissant mon ami il allait encore me faire mariner avant de me donner ma réponse.

« Hoooolmes, arrête de courir par pitié. »

J'avais déjà suffisamment transpiré durant le trajet ce n'était pas pour courir après lui pour des infos. Je le suivais sans vraiment me presser, préférant admirer sa plastique mine de rien car il ne m'était malheureusement pas donné tous les jours de le voir ainsi vêtu ou plutôt, dévêtu. De part notre relation plutôt ... atypique je ne savais pas trop comment me situer avec lui, ni même comment lui se considérait vis à vis de moi. Un père, un grand frère, un ami ?  Quel rôle avait-il exactement ? Quand je le regardais ainsi, j'avais l'impression d'être avec Wright, mon ami de fac, celui avec lesquels on faisait parfois les 400 coups, quand je réfléchissais à notre relation, je le voyais comme un frère, présent pour m'aider et me conseiller, m'incitant à reprendre le droit chemin. Depuis que nous nous étions rencontrés, il avait toujours été là pour moi, même si ce dernier semestre nous ne nous étions presque pas vus, le fait qu’il m’appelle me montrait bien que la page n’était pas tournée pour lui et que je représentais plus qu’une cause perdue à sauver.

J’ai fini par le rattraper, rattrapant au passage mon sac. Je pouvais le porter seule et je n’avais pas besoin de son aide, ni de ses informations après tout.

« Laisse-moi deviner, il s’est tapé Mme Carter ? Il bavait déjà dessus quand j’étais là et je voyais bien les petits regards en coin qu’elle lui lançait parfois. Essaye d’innover ou de me surprendre au moins une fois cher ami, parce que là, je m’ennuie. »


Avec toute la maturité que j’avais en moi, je lui ai tiré la langue avant de poursuivre à ses côtés la route vers son appartement. J’avais une tonne de questions, mais j’étais également épuisée. Rien que quelques cafés ne pourraient combattre mais j’avais besoin de me poser.

« Il y aura des gens que je vais  connaitre à la soirée, ou tu comptes garder l’exclusivité sur ma personne ? »

Une petite plaisanterie qui n’en était pas une dans le fond, mais je souhaitais savoir dans quoi je m’engageais. Qu’avait-il prévu pour ce soir ? J’ai étouffé du dos de ma main un bâillement, n’attendant qu’une chose, retrouver le confort de son canapé que j’avais tant squatté en étant étudiante.

Suis le chemin de ton âme

ft. @Wright Holmes

Wright salua Lola avec un petit sourire et nous avons fait tous les trois le tour de la soirée, guidés par Lola qui nous présenta certains de ses proches. Des sourires, des accolades, quelques mots échangés, des promesses de se revoir plus tard dans la soirée – promesses vaines et d’usage en toute franchise – et finalement je suis allée chercher à boire pour tout le monde. Mojito Ananas pour Monsieur, Lola et moi, ce serait sans hésitation des Cosmos pour commencer tranquillement la soirée. J’ai fait un aller-retour, leur apportant dans un premier temps leur commande avant d’aller chercher le mien pour pouvoir trinquer avec eux.

Je sentais Lola plus détendue, plus soulagée depuis que nous étions arrivés et je la comprenais. Elle n’aimait pas être seule dans des soirées et elle me considérait d’une certaine manière comme étant soit comme sa sœur, soit comme sa meilleure amie, tout dépendait de sa manière de voir les choses et de son humeur. Mais depuis que nous nous étions rencontrées, elle me voyait comme quelqu’un de différent, une collègue, une amie, mais plus également. Holmes m’avait prévenu que la partie d’essence divine que j’avais en moi suite au rituel pouvait affecter légèrement les humains qui étaient autour de moi. Ils pouvaient me percevoir comme étant plus rayonnante, plus attractive et surtout captivante. Je regrettais que Lola ne soit pas ainsi avec moi de manière naturelle mais cela avait du bon également. Au moins, je ne ressentirai pas de déceptions, comme celles qu’on peut ressentir lorsque l’on est trahi par un ami. Dans mon cas, cela était inenvisageable.

Après avoir trinqué tous ensemble je me demandais ce que j’allais pouvoir faire et qui j’allais aller voir quand Hermès se saisit de ma main. Je l’ai regardé, mi-surprise mais entièrement séduite par ce simple contact, écoutant avec attention sa proposition. Après avoir pris autant de temps à m’occuper de mes cheveux il était inenvisageable que je finisse dans le jacuzzi.

« Pour ma part, je n’ai pas trop envie de danser pour le moment, mais je crois me souvenir que tu as une revanche à prendre au billard, Lola ! »

Lors de notre dernière escapade dans un petit bar plutôt cosy nous avions passé une bonne partie de la soirée à jouer au billard et autant dire que la pauvre Lola n’avait pas le niveau pour me tenir tête. En même temps, j’avais passé de longs moments à jouer au billard, seule, chez mes parents et j’avais eu tout le temps pour m’entraîner adolescente. Ce n’était donc pas une petite partie qui allait me faire peur.

« Holmes affrontera la gagnante si cela vous convient ? »

Autant le faire participer un peu même si je doutais fortement de ses capacités à perdre. Si de mon côté j’avais eu quelques années pour pratiquer, lui avait eu des siècles pour s’entrainer et je ne voulais même pas imaginer son niveau. Cela devait être frustrant parfois, il devait très certainement avoir l’impression de passer sa vie aux côtés d’enfants car à son échelle, nous n’étions tous que des nourrissons.

Lola qui s’était faufilée vers l’espace plutôt jeux prit place à un billard qui venait juste de se libérer et nous fit de grands signes pour que nous la rejoignions. J’ai regardé Hermès avant de lui souffler ces quelques mots, nullement jalouse mais juste pour le prévenir.

« Essaye de ne pas trop regarder ce qu’il se passe autour et de te concentrer sur le jeu… »

J’ai été obligée de me mettre sur la pointe des pieds pour atteindre sa joue et pour y déposer un baiser avant de lâcher sa main pour aller rejoindre ma collègue. La partie commença et nous prenions toutes les deux notre temps pour jouer, nous concentrant pour faire mouche à chaque fois. Alors que je menais, mon dernier coup se fit légèrement moins précis, octroyant par la suite la victoire à Lola qui sauta de joie toute guillerette. J’avais été assez subtile pour qu’elle ne remarque pas que sa victoire n’était en rien provoquée par ses talents de joueuse.

« Je retourne nous approvisionner ! » ai-je lancé avant de tourner les talons, direction le bar de nouveau. Sur le court trajet, j’ai tout de même réussi à me faire percuter par un invité qui avait déjà bien trop bu et qui fit tomber au passage une petite boite de métal qui s’ouvrit en touchant le sol. Ressemblant à un petit pilulier et lui trop arraché pour réagir, je me suis penchée pour la ramasser, remettant ses petits comprimés moins un dans la boite avant de la lui redonner.

« -Merci meuf … tu gères… t’es une vraie toi !

-Oui oui, c’est ça, allez, bonne soirée ! »

M’écartant de lui je suis allée au bar, jetant discrètement un coup d’œil à ce comprimé qui n’était en rien un médicament. Était-ce cela qui allait causer l’incident dont les cartes nous avaient parlé ?

Retournant auprès de Lola et d’Hermès avec de nouveaux verres, je me suis mise aux côtés de mon Créateur, glissant dans sa main le comprimé avant de lui souffler ma question à l’oreille.

« Tu penses que cela a un lien avec les cartes ? »



Les informations intéressantes commençaient enfin à défiler. L’ombre d’un divorce, une aventure sans lendemain avec un étudiant, le chaos de vies qui étaient jusque-là bien rodées et qui pour une raison charnelle quittaient le droit chemin et finissait sur la route des complications. J’adorais ces drames. Sa dernière remarque, purement masculine me fit lever les yeux au ciel. Faisait-il parti de ceux qui avaient tendance à s’en vanter et qui au final ne faisaient pas mieux ou s’en sortait-il plutôt bien dans ce domaine ? La curiosité me titillait mais quand je me souvenais de certains regards que certaines filles lui lançaient et l’assurance qu’il avait en se promenant dans l’établissement comme en terrain conquis, j’avais ma réponse. Et puis, de toute façon, il n’avait certainement pas passé son temps à m’attendre. Pour quelle raison m’aurait-il attendu ? Nous n’étions que des amis, rien de plus. Et puis je ne l’avais pas attendu non plus pour m’amuser durant mes différents voyages, entre l’Angleterre et les Etats-Unis, il y avait de quoi faire et de quoi découvrir…

Alors que je lui demandais si j’allais connaître des gens à la soirée, il m’annonça qu’il y aurait certainement un changement de programme. Resto, Ciné, Netflix ? J’avais changé de vol pour un programme que je pouvais faire n’importe où ? Absolument hors de question. Fatiguée ou pas, on m’avait promis un Spring Break et je voulais donc mon Spring Break. Au moment où j’allais objecter, réfléchissant à la meilleure manière d’amener la chose, il s’arrêta et posa sa main sur ma joue.

Sa main était fraîche à cause de sa baignade improvisée mais cela me fit du bien, un peu de fraîcheur avec cette chaleur, toutefois, je n’étais pas au bout de mes surprises. Il m’avait prévenu pourtant, mais même en sachant ce qu’il allait faire, je fus désarçonnée. Ce n’était pas la première fois que nos lèvres se rencontraient ainsi, j’appréciais ce contact, j’avais déjà souhaité plus, depuis la première fois où ce contact avait eu lieu, mais lorsque ce genre de rapprochement survenait, nous étions dans un état second, plutôt … alcoolisés et pas qu’un peu. Ce qui m’amena à m’interroger.

« Tu … tu as bu ? »

Le regard perplexe, les sourcils froncés, je le regardais sans trop comprendre. C’était la seule hypothèse logique. On ne s’embrassait que sous l’emprise de l’alcool et mis à part pour cette raison, je ne voyais pas pourquoi il aurait fait cela. Je n’étais pas du genre à me prendre la tête, il avait certainement voulu s’amuser, tout simplement. Après tout, nous étions des jeunes, nous amuser c’était notre seconde nature.

« Peu importe. On peut mixer si tu veux. On se fait un resto et après on va en soirée, mais clairement pas de soirée Netflix. J’ai pris une tenue qui va faire tourner plus d’une tête ce soir et ce n’est pas pour qu’elle reste dans mon sac ! »

Il n’en était pas question. J’étais cependant perplexe et surprise avec le geste de Holmes, ce n’était pas son genre, mais après tout, est-ce que je connaissais vraiment son genre ? Nous étions des amis, des amis de soirées, nous nous étions déjà embrassés mais jamais plus alors pourquoi est-ce qu’un simple baiser me travaillait à ce point ? Il ne fallait pas que j’y pense plus que cela. De toute façon, il me voyait comme sa petite sœur, sa protégée et bien souvent, nous nous retrouvions à nous embrasser justement pour fuir des personnes trop collantes, rien de plus. De toute façon j’envisageais bien ce soir de me trouver un étudiant à me mettre sous la dent afin de vivre pleinement cette soirée de folie que je ne connaissais que de nom et je savais que Philly regorgeait d’étudiants au corps d’Apollon, sans mauvais jeu de mots, bien entendu…