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 God's gonna cut you down

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 God's gonna cut you down   Jeu 30 Jan 2020 - 0:03
God's gonna cut you down  

Le bois. La pierre. Ces deux matériaux nobles tenaient une place particulière dans le cœur de Legba. Son vieux disciple, Mabatouo, aujourd’hui à la retraite, avait donc choisi une boutique aux poutres apparentes et aux pierres de construction marquant les murs. Cette boutique possédait une histoire particulière. Ancienne planque et ancien passage lors de la prohibition, elle était construite sur une cave d’où partait un tunnel et dont l’issue demeurait bien incertaine.

Ses rayonnages à droite de la boutique abritaient de nombreux bouquins sur divers sciences ésotériques. Au centre deux grandes vitrines semblables à celles des bijouteries présentaient des pièces particulière, runes, pierres et autres grigris aux étranges propriétés. Enfin, sur la gauche, les plantes séchées, fleurs fraîches ou divers ingrédients utiles à des décoctions se camouflaient dans des pots multiples et variés. Enfin, à la gauche du comptoir au fond de la boutique, trônaient deux tables abritant chacune quatre chaises. Ici, les clients recevaient des mixtures à consommer, discutaient en petit comité autour d’un sujet souvent spirituel, petite propagande pour le vaudou. Le comptoir de bois et de verre présentait la caisse et autres babioles : jeux de tarots, dés, pendules, poupées vaudous, figurines de dieux vaudou et dans une moindre mesure alliés du panthéon de Legba.

La boutique fermait ses portes exceptionnellement à vingt et une heure, pour une soirée spéciale dont Loris était le centre. Seuls les « habitués »  avaient obtenu l’autorisation de participer à cette petite soirée vaudou. La clientèle se composait principalement d’immigrés ou nouveaux arrivants aux Etats-Unis d’Amérique. Ainsi, six pauvres âmes égarées venaient quémander de l’aide aux grands dieux vaudou. Chacun avait traversé le désert, l’océan et parfois les deux pour arriver en cette terre. Sur la route, ils avaient perdu une ou plusieurs parties d’eux : un enfant, un père, une sœur ou un compagnon. Tous venaient ici, dans l’espoir de retrouver l’être aimé mais avec la peur qu’il ne soit plus de ce monde.

Loris se tenait là, représentant fidèle de Ghédé Nibo, pour tenter de guider et faire brûler la flamme des prières pour Ghédé et par la même occasion pour Papa Legba. Chaque invocation d’un dieu vaudou réclamait de demander l’autorisation à Legba qui, alors, ouvrait le passage entre les fidèles et le dieu.

Ce soir, ils avaient éteint les lumières, sorti le nécessaire au rituel dont les bougies.  Tout se devait d’être parfait. Le vieux Legba avait longuement insisté, rabâchant que la mise en scène, le spectacle et le show réalisaient le principal du travail. En effet, l’esprit des humains réagissait parfaitement à ce que les médecins appelaient aujourd’hui le « placebo ». L’environnement créait l'ambiance et donc une parfaite disposition à recevoir. Elle aidait les hommes à mieux écouter, mieux croire. Ils en sortaient alors grandis, rassurés, réconfortés…

Il expliquait souvent que pour déclarer sa flamme, il était préférable de le faire autour d'un diner romantique avec de la musique douce et des petites bougies... Aussi, pour prouver sa dévotion et pour ressentir l'attention et l'amour d'un dieu, il fallait le contexte.

Suivant ces enseignements, les deux tables du fond avaient été poussées pour faire place au trio. Six personnes, pauvrement vêtues, se tenaient face à Mamie Zu, la dernière disciple de Legba. La vieille petite bonne femme rondouillarde se tenait à côté de Loris après lui avoir souri pour l’encourager et du vieux Papa Legba, à qui elle vouait une admiration et un amour sans faille.  Tendrement, Legba lui avait posé la main sur l’épaule, pour commencer le rituel.

Malheureusement, un boucan interrompit la vieille Ma Zu. La vitrine avait été frappée à plusieurs reprises par des pierres et autres projectiles. Les invités s’étaient relevés en panique. Sans un regard pour eux, le dieu tourna sa carcasse vers l’origine du bruit mais ne laissa pas paraître la moindre émotion. Il ordonna simplement à Mamie Zu de placer les invités en sécurité, au sous-sol. La matrone s’exécuta sans se troubler. De pires horreurs avaient marqué son quotidien. Parlant l’espagnol et le portugais à la perfection, les immigrés venant du Brésil, de Cuba ou du Mexique, la plupart comprirent l’attente de la vieille et lui emboitèrent le pas.

« Nous les retiendrons. » Evidemment, l’ensemble englobait Loris et lui. Alors que les coups se multipliaient, des cris et des protestations retentissaient de l’autre côté de la porte. Les intrus tentaient de passer en force, oubliant qu’ils n’avaient qu’à tourner la poignée.

« Derrière le comptoir, il y a des armes. » Blanches évidemment... Legba brancha son « antenne » puisque ses disciples avaient choisi de nommer le don ainsi. Chaque vibration lui parvenait. Il comptait cinq hommes sans savoir si l’un d’eux possédait un ou des dons. Humains ou divinités ? Certains frappaient avec de longs objets batte ou barre de fer, masse ou marteau de guerre … Difficile à dire.  « Si l’un d’eux possède un pouvoir, fuit rejoindre Zu, prenez le portail, dîtes à nos invités d’aller se cacher chez eux et partez pour Sanctum. Zu saura quoi faire. » Un dernier craquement annonça que la porte venait de céder… Enfin ! « Couvre mes arrières… »

L’obscurité donnait un avantage tactique à Legba. Son don localisait facilement chaque individu. A chaque mouvement, il pouvait les positionner. Chaque respiration indiquait la position de l'ennemi. Les hommes ne remarquèrent en rien leur présence, persuadés que la boutique était fermée. Aussi, Legba se positionna au centre de la pièce, entre les deux vitrines. Positionné ainsi, les hommes devraient contourner les vitrines pour l'atteindre ou se séparer pour passer dans les allées. Ces dernières ne pouvaient contenir qu'un homme. Stratégique, le dieu avait pensé à de nombreux détails. Les idiots continueraient à tout casser avant de noter leur présence. Aussi, Legba siffla pour attirer l’attention. Le bruit strident vibra dans l’air, assez pour provoquer une vive douleur dans les oreilles des intrus. Heureusement, le son ne perturba que les êtres positionnés à l'avant du dieu.

« Mesdames, Messieurs…Que nous vaut l’honneur de votre visite ? » Demanda Legba d'une voix forte pour être entendu des oreilles qu'il avait lui-même abimées. Il n'avait pas eu besoin de bouger, toujours affublé de son chapeau et de sa canne, objets fétiches pour les rituels.  Les flammes des bougies cérémonielles vacillaient dans son dos, transformant sa silhouette en ombre gigantesque. Sa canne, devant lui, parfaitement positionnée au milieu de ses deux jambes, retenaient la poigne de ses deux mains. La jointure de ses phalanges blanchissait sous la colère. Pourtant, sa voix retentissait sans émoi, dans une assurance pesante.

« C’est qui ce bouffon ? » Gronda l’une des femmes, visiblement à la tête du groupe, une arme blanche entre les mains, tranchante et prête à l’usage.



@Loris Galente
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 Re: God's gonna cut you down   Lun 3 Fév 2020 - 3:00
God's gonna cut you down

La tenue de Loris était soignée, comme toujours, mais il s'appliquait davantage lorsqu'il participait comme ce soir à un rituel important. L'envie de se coiffer de cette magnifique perruque s'était imposée à lui pour cette occasion, tout comme l'idée de s'orner d'un maquillage des plus théâtral, raccordé à l'image qu'il se faisait d'un prêtre vaudou. Ainsi que Papa Legba le leur avait si bien répété, la mise en scène était un élément clef à ne surtout pas négliger et Loris avait accordé un soin tout particulier à la préparation de l'ambiance. Attentif, zélé et perfectionniste, il tentait de retenir chacune des leçons enseignée par le loa qui l'avait pris sous sa tutelle, en l'absence de Ghede Nibo. Loris ne mesurait pas réellement l'importance du danger qui s'annonçait et n'était pas plus conscient de la réelle possibilité d'une guerre ouverte avec les nouveaux dieux. Sa désinvolture, lui permettait d'être préservé de toute inquiétude à ce sujet, alors qu'il se concentrait sur le présent immédiat. En cet instant, rien n'avait plus d'importance pour lui que cette soirée, grâce à laquelle les prières des croyants pourraient nourrir l'essence de Ghede Nibo. L'absence de ce dernier s'étirait en longueur et même si Loris en souffrait beaucoup, il taisait sa tristesse et se consacrait d'autant plus à sa formation pour compenser ce manque.

Le disciple dissimulait son trac en bougeant énormément, allant et venant dans le magasin pour tracer les vévés avec de la farine de maïs, conformément à ce qu'il venait d'apprendre, jusqu'à ce qu'enfin tout soit prêt et que les participants se soient réunis, dans ce vieux magasin aux murs chargés d'histoire. La salle était plongée dans les ténèbres, seulement brisées par les flammes des bougies. Ajustant les plis de sa longue robe rouge qui cintrait son torse plat, il offrit un sourire délicat en réponse à celui de Mamie Zu. La gentille vieille dame était en train de préparer l'encens qu'elle comptait répandre dans la pièce, lorsque des coups violents rompirent brutalement l'ambiance sacrée des lieux. En quelques secondes ce fut la panique et Loris se redressa, clairement troublé sous son maquillage. Alors qu'il s'était tellement investi pour la réussite de cette soirée, la voir ainsi interrompue le décontenançait complètement et il se contenta d'observer avec consternation le départ des croyants, emmenés par Mamie Zue dans les caves.

A l'extérieur, au travers des fenêtres, il croyait apercevoir dans l'obscurité les silhouettes de plusieurs personnes qui grondaient et frappaient obstinément la porte. Toujours plongé dans ce rôle théâtral qu'il avait répété pendant des journées entières, il n'arrivait pas à se défaire de cette sensation d’irréalité. Les mots de Legba le traversèrent sans le toucher alors qu'il le dévisageait, une moue incrédule aux lèvres. Nous les retiendrons ? Genre. Lui aussi ? Les sourcils froncés, il posa son index contre son torse dans une question muette, son regard passant de la porte - que les intrus se contentaient de bousculer stupidement, alors qu'elle n'était même pas fermée à clef – au loa qui se tenait fièrement dressé devant lui.

- C'est quoi ce plan délirant encore... ? murmura-t-il en tournant distraitement les yeux vers le comptoir.

Loris posa ses poings contre ses hanches. Non mais franchement. Legba voulait lui faire croire qu'il allait combattre à ses cotés contre une meute d'assaillants en furie ? Il le prenait pour qui, Rambo ? Depuis qu'il travaillait dans ce magasin, l'humour très particulier du loa s'abattait très régulièrement sur lui, le poussant à sérieusement mettre en doute ce chaos soudain qui venait d'interrompre la soirée. Il semblait prendre un malin plaisir à l'effrayer en créant des ambiances terrifiantes qui le faisaient sursauter et même souvent crier de surprise.

- Oh, monsieur Waaka !

Il pesta d'un ton de reproche, faisant claquer ses lèvres de consternation, avant d'afficher une moue boudeuse. Si tout ceci n'était encore qu'une mauvaise blague, elle lui paraissait tout de même de plus en plus réaliste. Des coups de plus en plus puissants frappaient la façade du magasin, dans un vacarme impressionnant et Loris se sentait gagner par la nervosité, tandis qu'il rejoignait le comptoir d'un pas agacé, pour fouiller fébrilement les différentes caisses qui étaient cachées dessous, sans se priver de soupirs bruyants pour manifester sa désapprobation. Dans l'une d'entre elle, il découvrit en effet une collection d'armes blanches dont la vision des lames effilées lui fit écarquiller les yeux. Il était réellement censé se servir de ça ? Loris n'avait jamais combattu et il ne s'était certainement jamais retrouvé dans une pareille situation où il avait l'impression d'être plongé au sein d'une guerre. Si Legba voulait lui faire jouer à ça, c'en était presque risible. Ses instructions n'avaient aucun sens pour lui, il n'avait jamais traversé le portail, il ne s'était jamais rendu à Sanctum et il ne se sentait certainement pas prêt à plonger dans une bataille, l'épée à la main, tel un barbare avide de baston. Comme dans un rêve, il ramassa une longue dague d'une main molle et il se posa dans un coin d'ombre, attendant avec incertitude la suite des événements.

Dans cette obscurité, Loris n'y voyait pas grand chose mais il pouvait entendre ce qui se passait. Il perçut le bruit des intrus qui pénétraient dans le magasin, ruinant au passage les si beaux vévés qu'il avait pris soin de tracer, chose qui le choqua plus que le reste. Puis, il y eu ce sifflement désagréable projeté vers eux et qui semblait les meurtrir, à ce qu'il pouvait deviner. La voix de Legba s'éleva alors, bien trop solennelle, comme dans une scène de théâtre, où les ombres créées par les flammes des bougies ne faisait qu'amplifier l'intensité du moment. La réponse, offerte par cette voix féminine cassa soudain l'effet recherché. C'était si imprévu que Loris ne put empêcher un éclat de rire nerveux qu'il étouffa vivement du plat de sa main.

- Oui, un bouffon.
Poursuivit la femme, face à Legba.  La présence de votre boutique de charlatans est intolérable dans le quartier. Vous êtes nuisibles et nous n'avons aucune envie de voir vos adeptes hanter nos rues plus longtemps. On est venu vous inviter gentiment à dégager.

Sur un sourire mauvais, elle marqua son insistance sur ce mot, démontrant ainsi la menace clairement affichée de tout détruire ou même pire, si le propriétaire refusait de se soumettre. Après avoir parlé, elle avança d'un pas.

Au même moment, grimaçant sous la douleur qui leur avait abîmés les tympans, quelques intrus s'ébrouèrent avant de s'imposer plus avant dans le magasin. Trop nombreux pour se faufiler dans les allées trop étroites, ils entreprirent de contourner les vitrines, non sans y balancer des coups et saccager ainsi certains objets au passage, volontairement intimidants dans leur attitude. S'ils continuaient à progresser, Legba serait bientôt cerné. Loris fronça les sourcils. Il ne savait pas exactement ce que le loa attendait de lui. Il était censé couvrir ses arrières ou foutre le camps avec les autres ? Comme à son habitude, la divinité le plaçait face à un dilemme, pour le simple plaisir de se moquer de lui. Si c'était une drôle de mise en scène pour tester son courage, il ne pouvait certainement pas se contenter de rester en retrait. Loris n'avait pas réellement peur. Il se sentait surtout agacé, frustré et peiné d'avoir dû abandonner ce si précieux rituel. Pourquoi Legba lui faisait subir ça maintenant ? C'était sa soirée. Il l'avait dit. Il lui avait promis.

D'un pas assuré et très ennuyé, il se dirigea vers le coté gauche du magasin, où les casseurs commençaient à s'avancer. Loris avait rangé son arme dans la ceinture de sa robe, pour la forme, mais ne comptait bien évidemment pas s'en servir. Ainsi, il apparut devant eux, émergeant de l'obscurité comme une démone au visage artistiquement cadavérique.

- Tout détruire ne vous mènera à rien. Vous avez abimé mon vévé, vous savez ? Ça part trop loin, vos bêtises. Nous ne partirons pas. Nous sommes ici chez nous. Reculez, maintenant et sortez d'ici.

Toujours dans son rôle, Loris avait choisit ses mots, de manière à rester poli et respectueux malgré tout. Il faisait des efforts.L'homme devant lui le dévisagea avec une certaine surprise avant de plisser les yeux dans une grimace méprisante.

- C'est toi qui va nous y forcer ?

A ses mots et comme pour le narguer, l'homme donna un coup de matraque dans un pot qui se brisa aussitôt sur le sol, répandant son contenu de plantes séchées. En guise de réponse, Loris lui fila une baffe bien sentie. Oups, c'était parti tout seul. Mais merde, il l'avait bien cherché.

- Pas qu'un peu. On a autre chose à faire ce soir.

Alors quoi c'était bon ? Il avait réussi le test ? Cherchant le regard de Legba, Loris ne s'attendait pas réellement à risquer quoique ce soit. Mais quand son assaillant - dont la joue portait encore les traces de ses doigts - s'avança vers lui, sa manière de l'attraper par les épaules, dans le but de le repousser pour libérer le passage, lui paru bien trop brutale. Loris lutta, surpris par cette agression alors que l'homme l'attrapait par la gorge, au point de lui faire vraiment mal. Dans un mouvement instinctif, la drag-queen lui balança un grand coup de genoux dans les parties, forçant l'homme à le relâcher pour se courber en deux sous la douleur. Loris en profita pour reculer vivement et, devant la menace du groupe qui le dévisageait avec haine, leurs armes dressées dans sa direction, il recula avec incertitude. Sur une impulsion, il sortit sa lame pour la pointer vers eux.

- M'sieur Waaka... ? J'ai essayé d'être poli mais c'est un peu mal parti maintenant. C'est une de vos blagues, n'est-ce pas ?

Comme pour confirmer ses propos, les casseurs s'attaquèrent alors aux vitrines qu'ils entreprirent de saccager, pendant que Loris cherchait la silhouette du Loa, dans la pénombre. Clairement, la situation dégénérait.
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 Re: God's gonna cut you down   Dim 9 Fév 2020 - 15:49
God's gonna cut you down  

Loris tentait de se montrer ferme. Malheureusement, il ne pesait pas lourd face au poids de la peur qu’avaient facilement distillée les médias dans l’esprit des invités égarés. Legba savait déjà. Soit ils lavaient l’offense qu’ils venaient de lui faire par un sacrifice à lui et à Nibo, soient ils ne ressortiraient pas vivant de cette boutique. Chaque chose en son temps. Tapis dans l’ombre, le mal guettait son heure. Il ne répondit même pas au disciple. Inutile. Il devait l’avoir compris à présent et lui, devait se concentrer pour ne pas déraper.

Alors qu’un intrus levait sa masse pour l’abattre contre sa vitrine, l’arme traversa un portail invisible pour venir s’enfoncer avec violence dans le nez d’un de ses confrères. Un craquement sinistre résonna si fort qu’il semblait amplifier, venir des tréfonds de l’enfer. La première fois, les autres ne réalisèrent rien, excités et gonflés par la folie. Ils poursuivirent. L’un d’eux leva son bras encore une fois songeant atteindre son but : la vitrine des poupées vaudous. Encore une fois, l’arme traversa un portail et matraqua l’arrière du crâne de l’homme le plus proche de Loris.  Ce dernier s’affala mollement aux pieds du disciple, le sang coulant sur le plancher.  Legba l’avait eu à l’œil, constatant qu’il s’était redressé prêt à bondir sur le disciple. Aussi, il avait été une cible de choix.

« Je vous invite tout aussi gentiment à déguerpir… Messieurs. » Reprit la voix puissante du dieu.

Mais ils n’écoutaient pas et lorsque qu’un second défonça le bonzaï fétiche de Legba, il commit l’erreur de trop. Legba perdit patience. Son poil se hérissa subitement.  Tout croyant savait qu’il était formellement déconseillé de s’attaquer aux arbres du vieux protecteur. Les reposoirs du dieu possédaient une essence sacrée ! Le dieu virait mauvais si une écorchure marquait le tronc de ses plantes. Legba avait obtenu cette réputation au fil des siècles et n’en perdait rien aujourd’hui. Poussant un hurlement qu’il amplifia si fort que les murs tremblèrent, il leva sa canne, une main glissa le bout pour allonger la poignée  le plus loin possible du propriétaire. La dernière main tendit l’objet. Le crochet traversa alors un portail, attrapa la nuque du coupable pour le tirer à lui. L’homme termina sur la droite du dieu sans bien comprendre, déstabilisé.

A part cette proie, il ne restait plus que deux idiots qui s’étaient arrêtés au hurlement, effrayés et à juste titre. Les couinements pitoyables de l’homme aux prises avec le dieu attirèrent enfin l’attention. Les regards se rivèrent sur Legba et son prisonnier.

« Ai-je votre attention ? » Gronda le propriétaire d’une voix sourde. « Les esprits ont à vous parler… »

La petite chose tremblante à son crochet fut projetée à terre avant d’être relâché. Même dans la pénombre, les invités indésirables pouvaient facilement apercevoir le premier confrère le visage défoncé pisser autant le sang que le second. La femme poussa un cri strident avant de se ruer vers l’homme aux pieds de Loris et s’agenouiller à ses côtés pour tenter de limiter l’hémorragie. Suivant son exemple un second, le plus jeune, tenta d’aider celui au nez brisé, nommé Fred d’après les multiples appels voués à le réveiller et lancés par le cadet.  Les gémissements et autres râles de douleurs semblèrent muer en d’autres mots. D’abord des sons, des grondements glauques, murmures d’outre-tombe.  Legba modifiait le son pour que les hommes pensent entendre un message de l’au-delà.

« Par le dessin brisé, les esprits vous avez libéré, les dieux dérangés. Pour l’offense laver, le sang doit couler. »

Un autre murmure, un dernier venait souffler un secret à l’oreille du disciple. Un simple « Show time ! » caressa le tympan de Loris.


@Loris Galente
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 Re: God's gonna cut you down   Mar 11 Fév 2020 - 20:13
God's gonna cut you down

A la vue trop tardive de cette attaque, Loris n'avait eut le temps que de se crisper, les yeux agrandis par l'effroi, avant que son assaillant ne s'effondre sur le sol, percuté par une arme surgie du néant. La vision du sang lui fit comprendre instantanément à quel point les choses étaient sérieuses et l'angoisse le recouvrit de plein fouet alors que l'ambiance virait au cauchemar. Durant toute cette scène, Loris ne bougea pas d'un cil, en dépit de la peur qu'il éprouvait dans ce chaos, où le hurlement de colère du dieu faisait trembler les murs. Cette fois, il ne s'agissait pas d'une farce ni d'un test, cet affrontement était réel et il n'était pas question qu'il flanche. Sa posture ressemblait davantage à celle d'une danseuse classique que d'un épéiste mais il tenait sa garde avec stabilité, sa lame pointée vers les intrus sans trembler. Il cilla sous le murmure qui effleura son oreille, ses narines palpitèrent et il arrima plus fermement ses doigts autour de son arme.

Dans un mouvement fluide, il fit tournoyer la lame avec élégance – un geste très joli visuellement, qu'il avait répété longuement, à l'occasion d'un spectacle – avant de la ranger à sa ceinture. Les grands yeux du disciple brillaient d'émotion, mais, sous son maquillage de cadavre, cet éclat ne rendait son visage que plus sinistre. Dans un froissement d'étoffe, il posa un genou à terre, ployant vers l'homme au crâne défoncé dont le sang souillait le parquet. Tandis qu'il dévisageait la femme, Loris pénétra son rôle, s'efforçant de se libérer de son stress, et il lui imposa son aura de disciple. D'une voix rauque, comme en transe, il répéta les derniers mots de la voix sépulcrale.

- Le sang doit couler pour Ghede Nibo et Papa Legba.

Tout en chantant doucement une prière, sa main caressa les cheveux poisseux de sang de la victime, jusqu'à en recouvrir sa paume, négligeant son propre dégoût. Une berceuse macabre. Loris improvisait complètement, mais si Legba désirait du show pour effrayer les humains et les amener à rejoindre la foi du panthéon vaudou, il se devait d'y aller à fond. Sans cesser de dévisager la femme, tétanisée, il dessina du bout de son index ensanglanté le vévé de Ghede Nibo sur son front, puis celui de Papa Legba sur le sol. Ensuite, sans crier gare, il fondit sur le corps de l'homme, pour lécher avidement son sang, comme un véritable vampire. Agenouillée, la femme retomba en arrière sur ses fesses, dans un cri d'horreur. Loris ne lui laissa pas le temps de l'attaquer et se redressa d'un bond sur ses pieds. Il ne savait peut-être pas du tout se battre, mais il était très doué en danse et en gymnastique. Agilement, il fit la roue pour passer au-dessus de la femme, dans un mouvement gracieux et parfait, même avec sa robe et ses hauts talons.

Il rejoignit ainsi le Fred au nez défoncé, soutenu par un jeune homme qui devait avoir pas loin de son âge. Loris dégaina son épée d'un geste large, la pointant contre la gorge du mec impressionné, afin qu'il se tienne à distance.

- Les esprits n'approuvent pas votre présence grossière. Allez-là bas. Près de la table de rituel. Implorez leur clémence.

La pointe de sa lame égratignait la peau de l'humain qui recula doucement, pour rejoindre la femme. Loris en profita pour attraper le blessé défiguré par les cheveux et l'embrasser goulûment à pleine bouche, sous les yeux effarés des humains, avant de le laisser choir. Ses membres tremblaient de nervosité, mais il prétendit être agité par les convulsions de sa transe. S'avançant vers le centre du magasin, son visage de cadavre sanglant avait les yeux si grand ouverts que sa cornée blanche luisait presque dans l'obscurité. Sans élan, il exécuta un salto, son épée en main, pour l'effet tragique, se posant ainsi souplement face à Legba et son otage. Loris se mit en garde, prenant sa pose, pleine d'une grâce artistique et guerrière, sa lame pointée vers l'humain qui avait osé abîmer le bonsaï fétiche du loa.

- Les esprit exigent du sang. Que va-t-on lui trancher ? Sa langue ? Sa main ? Sa queue ?

Dans l'obscurité, sa voix désincarnée résonnait avec plus de puissance, afin que tous en profitent. Il attendit la réponse de Legba, le cœur au bord des lèvres. Le gout du sang lui donnait la nausée et son palpitant battait au rythme de la passion qu'il avait insufflée dans son show.
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 Re: God's gonna cut you down   Lun 24 Fév 2020 - 10:12
God's gonna cut you down  

Certains s’écœuraient, au bord de la nausée. Ils fixaient l’étrangeté de la situation, Loris, avec des yeux ronds. Leurs esprits étriqués avaient été domestiqués par les nouveaux dieux. Aussi, ils étaient sûrs qu’un « truc » pouvait expliquer la situation. Ils en appelaient à la science. Ils en référaient à un canular télévisé ou un prank à la « Youtube ». Pourtant, ils avaient tous obéi sous la menace de la lame et face à l’état lamentable des deux blessés.

Toujours en alerte, le vieux dieu se dirigea vers la porte de sa boutique pour la replacer correctement. Que les badauds passent leur chemin. Un peu d’intimité pour la suite ne serait pas du luxe. Il tira même sur la petite cordelette pour descendre le rideau. Celui en métal pourrait attendre.

« Ils n’ont pas l’air d’implorer qui que ce soit. »

Il était temps d’obtenir de réelles prières, de réelles supplications, de réelles craintes. Aussi, Legba avança dans le sillon de Loris, décidément doué dans ce nouveau rôle. Le dieu aurait apprécié la présence de son disciple mais il savait s’adapter et resta à côté de son allié. Une brèche permettait aux humains captifs de pouvoir s’enfuir en direction de la porte. Legba choisissait sciemment de la laisser à portée. Son regard tombait donc sur les intrus avec dédain. L’un d’eux céda à la panique en entendant la question pointant son anatomie la plus précieuse, probablement la partie où il avait rangé son cerveau. Il cria alors, coupant la parole à Legba :

« Vous êtes tarés ! C’est juste vos trucs de charlatans pour effrayer les touristes qui passent dans votre boutique. Des dieux et puis quoi encore ?! »

Alors il était de ceux-là, un croyant des médias ou de la science, un homme qui se plaisait plus dans la rationalité que dans la spiritualité.

« Es-tu prêt à subir le courroux de Papa Legba et Gédé Nibo toute ta vie ? »

Encore et toujours, les gémissements des blessés se muaient sous l’impulsion du dieu en plaintes venues d’outre-tombe, en craquement d’os et autres horreurs qui pourraient venir des morts et des esprits.
Lâche, la femme laissa reposer la tête qu’elle tenait pour s’enfuir en courant en direction de la porte.  

« Legba est un dieu voyageur, le messager. » Dans sa fuite, elle heurta quelques meubles. Le bruit des chocs étira un sourire à Mayrik. « Il vous placera où bon lui semble. » Pour appuyer ses mots, la femme qui sauta son dernier pas avant d’ouvrir la porte se retrouva brusquement à côté de ses amis, là où Loris les avaient placés. «  Quant à Nibo, il est le gardien des morts, des morts trop jeunes, » Sa canne pointa le cadet de la bande. « des morts violentes » Il désigna alors les deux blessés au sol. « et ses morts violentes ont souvent été causées par des gens comme vous. Je suis certain que les esprits seront ravis de vous cueillir parmi eux pour se venger. » Il laissa une ou deux secondes aux victimes pour analyser la situation. Elle était complexe, surtout pour des néophytes,  il en convenait.  Lorsque la femme cessa de répéter que c’était du délire en s’arrachant les cheveux à force de passer les mains dedans, le propriétaire des lieux repris :

« Alors, que sacrifiez-vous pour les dieux ? »

La femme peinait à se remettre mais semblait plus conquise. Le plus jeune restait furieux, ses mains tâchées de sang n'aidant en rien.



@Loris Galente
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Anonymous
Invité
 Re: God's gonna cut you down   Jeu 5 Mar 2020 - 15:43
God's gonna cut you down

Dans la pénombre du magasin, les plaintes lugubres créaient une ambiance des plus macabres. Se rendant compte qu'elle était cloîtrée dans cet enfer et incapable de s'en échapper, la femme en état de choc semblait tout de même enfin prête à ouvrir les yeux. Ses prunelles brillaient d'un éclat plus crédule tandis qu'elle murmurait d'une voix blême.

- Un sacrifice ? Je ne comprends pas ce que vous attendez de moi., qu'est ce que je dois faire ?

A ses côtés, le jeune homme furieux souffla.

- Ne... ne te laisse pas avoir !

On sentait néanmoins dans le ton de sa voix qu'il n'était pas sûr de ce qu'il affirmait. Il regardait tout autour de lui avec anxiété, tressaillant en entendant les bruits sinistres des craquements d'os. Tous les deux se trouvaient auprès de la table de rituel et ne cherchaient plus à s'en éloigner, visiblement effrayés par le contexte. En revanche, l'homme qui avait détruit le bonsaï de Legba semblait bien plus arrogant.

- On n'y voit rien dans ce foutu magasin, ils jouent là dessus ! Vous avez mis des miroirs partout pour nous faire perdre le sens de l'orientation, avouez-le, j'ai déjà vu ça sur youtube !


Le charisme de Legba avait toutefois ébranlé ses certitudes et sa voix avait déjà perdu beaucoup de sa force. Il ne criait plus. Loris fronça les sourcils, choqué par la bêtise de ces gens à l'esprit si fermé, qui refusaient d'implorer la clémence des loas qu'ils avaient insultés. Les nouveaux dieux manipulaient donc réellement les humains, dans le but de chasser définitivement les anciens panthéons ? S'il les laissait faire, ils auraient tôt fait de provoquer la chute de Ghede Nibo et c'était hors de question. Sans songer à réellement faire usage de son arme qui n'était là que pour le show, Loris marcha vers l'homme d'un pas plein d'assurance. Sa fougue naturelle l'aidait à ne pas démontrer la moindre hésitation, au contraire du mécréant qui recula, déconcerté autant par l'aplomb du disciple que par l'aura qu'il dégageait. La simple idée que son Panthéon et Draven puissent être en danger ne faisait que raviver la flamme de sa détermination alors que Loris attrapait l'homme de sa main libre, par le col de sa chemise.

- Ouvre tes oreilles, pauvre naïf. Tu n'entends pas les voix des esprits te maudire ? Clairement, les intonations des voix spectrales se faisaient entendre, sifflant de tous les côtés, grâce au pouvoir de Legba. Si tes pavillons ne te servent à rien, je peux aussi bien te les trancher. Alors, écoute bien.
- Vous avez planqué des micro, je le sais... murmura l'incroyant avant de s'interrompre, les yeux agrandis par la panique qui commençait à s'emparer de lui.

L'homme se dégagea de l'emprise de Loris, sans pour autant se résoudre à l'attaquer, bien qu'il serrait les poings. Le disciple chercha alors le regard de Legba, s'adressant à lui d'un ton grave, après que les chants lugubres aient résonné encore une fois, plongeant le magasin dans une ambiance résolument fantomatique.

- Crois-tu qu'il nous soit encore possible de sauver ces pauvres âmes ? Ils ont gravement offensé les dieux.

Près de l'autel, la femme qui avait vécu la téléportation, très touchée par son expérience, s'exclama d'une voix tremblante.

- Je ne supporte plus d'entendre tout ça ! Faites quelque chose...

Loris laissa échapper un rire cynique, qu'il alla chercher dans son répertoire de diva tragique. Tout ça ne l'amusait pas, ce n'était pas un jeu. Le sang avait été versé, il en était lui-même souillé, mais si cette mise en scène pouvait l'aider à gagner des croyants et à sauver le Panthéon vaudou, il ne reculerait devant rien pour ça. Sur un dernier éclat de rire appuyé, il disparu à nouveau dans les ténèbres de la boutique, après avoir échangé un regard complice avec Legba. Si ce dernier pouvait l'envoyer magiquement jusqu'à l'autre bout du magasin en un clin d’œil, cela ne ferait qu'ajouter à l'effet dramatique. Mais de toute manière, Loris comptait rejoindre la table de rituel, afin de procéder à la purification des âmes de ces mécréants, dans une scène théâtrale à souhait.
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 Re: God's gonna cut you down   Dim 15 Mar 2020 - 14:01
God's gonna cut you down  

Gentil flic, méchant flic. Jouer les gentils ne réclamait habituellement que peu d’effort. L’éreintant travail qu’il fournissait aujourd’hui réclamait toute son attention. Il rêvait, lui, d’égorger l’outrageux briseur de vitrine en offrande à Nibo. Il songeait à la délectation d’un sacrifice réalisé par la main experte de Ma. Alors que les humains raisonnaient pour s’assurer que la réalité collait à leur petite perspective étriquée, Legba perdait patience.

Sa mâchoire tressautait. Convertir n’avait jamais été simple mais avec les vidéos en ligne, les pseudos explications scientifiques, il fallait avoir recours à de nombreuses magouilles. Lorsque Loris s’adressa à lui, Legba pinça les lèvres. Il doutait en effet, que les importuns puissent retourner leur veste. Au regard que lui lança Loris, Legba ouvrit un portail devant lui pour le transporter devant les interrupteurs.

« Faisons la lumière alors. » Avait-il déclaré tout simplement. Loris avait parfaitement joué le rôle du bâton. Il était temps de sortir la carotte ! « Les miroirs ? Les micros ? » Il s’avança vers l’homme le plus bavard. Le buste se penchait vers l'avant, assez pour rendre son sourire carnassier inquiétant. Son visage ainsi portée dévorait l'espace de la proie, lui prouvant que lui pouvait s'emparer de sa gorge à tout instant. En revanche, la proie ne parviendrait jamais à attraper celle du prédateur. Langage primitif et pourtant ancré en chacun. « Es-tu prêt à mourir pour cette croyance ? Es-tu prêt à risquer sa vie en pensant que ce ne sont que des micros ou des miroirs ? N'oublie pas que vos armes portent le sang de l'homme qui se meure ici-même. »

Il désigna l’homme gravement blessé, toujours au sol et visiblement inconscient. La femme sanglotait au bord du désespoir, tremblant d'impuissance. « Posez ce que vous avez de plus précieux  sur l’autel. Demandez pardon à Gédé Nibo. Demandez, implorez, suppliez le grand Legba de vous sauver et si demain vous vous réveillez en vie, alors revenez ici réparer vos erreurs sans oublier ce qu’il en coûte d’offenser les dieux vaudou. »

La femme fouillait déjà frénétiquement ses poches, cherchant ce qui pourrait avoir le plus de valeur.

« Tu ne vas pas l’écouter. Il va jus… »

« Ta gueule. » Cria la femme presque hystérique. « Y respire presque plus ! Qu’est-ce que j’ai à perdre ? »

Legba souriait intérieurement le désespoir était sa meilleure arme. S’il était celui qui redonnait espoir alors, il était presque certain d’avoir gagné. Finalement, elle retira son pendentif, une petite pierre scintillante, probablement un diamant. Elle marcha vers l’autel tremblante de la tête aux pieds, titubant presque tant l’angoisse la tenait. Les autres la regardaient sans savoir quoi dire. Celui qui tentait de jouer les malins depuis le début observait, trop inquiet pour l’ouvrir. D’après la tenue de la jeune femme, le diamant possédait une grande valeur pour elle. Son jean élimé datait, la semelle lisse de ses chaussures arrivait à leur fin et l’alliance à son doigt n’était pas de première main.

« Je demande pardon à… » Elle jeta un coup d’œil à Loris comme pour s’assurer de bien prononcer le bon nom. « Gédé Nibo. » Elle tira frénétiquement sur ses doigts pour retirer son alliance. Visiblement, elle avait compris le principe. « J’implore le grand Legba de sauver mon mari et je promets de venir dès demain réparer mon offense si mon mari survis.»

L’alliance demeurait appréciable pour Legba qui préférait pourtant la nourriture ou les êtres vivants. Néanmoins, la prière et le geste pesaient lourd.

« Rejoins ton mari. » Annonça Legba se préparant à rapidement ouvrir le portail qui les conduirait à l’hôpital le plus proche. La femme se rua sur l’homme toujours inconscient pour reposer sa main sur sa tête, comme pour limiter l’hémorragie déjà bien avancée. Aussitôt, le portail les engouffra, elle et l’homme à terre. Ils atterrirent dans les buissons, juste à côté de l’hôpital. Elle n’aurait plus qu’à se remuer pour trouver un médecin.  


@Loris Galente
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 Re: God's gonna cut you down   Mar 24 Mar 2020 - 17:56
God's gonna cut you down

En une fraction de seconde, Loris s'était téléporté d'un bout à l'autre du magasin, ce qui n'avait pas manqué de le surprendre, même s'il s'y attendait plus ou moins. Un rire nerveux le secoua, accroissant l'effet dramatique de la scène à laquelle les humains terrorisés venaient d'assister. Devant lui, se trouvaient les interrupteurs qui permettaient d'illuminer le magasin et lorsque la voix de Mayrik résonna, il appuya dessus aussitôt, parfaitement synchrone avec l'annonce du dieu. Les humains tremblaient de plus en plus, tout cela leur paraissait beaucoup trop parfait pour n'être qu'une simple mise en scène. Le captif de Legba, habituellement si bavard, avait la gorge nouée et se contentait de regarder fixement la divinité charismatique, penchée vers lui.

Rejoignant les autres humains auprès de l'autel, Loris croisa les bras dignement, sur un regard sévère, écrasant les mécréants de son aura surnaturelle. Cette fois, le magasin baignait dans une parfaite clarté, ce qui gâchait peut-être une part de l'ambiance mystérieuse mais dévoilait à la fois l'absence totale de trompe-l’œil. Pas de micros, pas de miroir. Essayant de balayer la compassion qu'il aurait pu ressentir pour cette pauvre femme angoissée, Loris acquiesça à sa demande d'un simple hochement de tête, conservant un visage toujours aussi impitoyable. Les offrandes furent offertes et le couple fut emporté, sous les regards impressionnés de tous.

A la vue de ce prodige, le jeune homme aux mains tachées de sang tomba à genoux. Il sortit fébrilement un porte feuille bien mince de sa poche et détacha sa montre avant de les tendre à Loris.

- Pardon Ghédé Nibo, pardon ! J'vous en supplie grand Legba, sauvez Fred... sauvez mon frère... Voilà mes offrandes, donnez-les aux divinités...


Le regard de Loris se déporta sur l'autre blessé dévisagé, qui gisait toujours un peu plus loin. Il hésita quelques secondes à tendre la main vers les offrandes mais la demande de Legba avait été claire : c'était le croyant lui-même qui devait déposer ses biens les plus précieux sur l'autel. Dans le monde des dieux, les détails avaient une importance cruciale et, en tant que disciple zélé, Loris n'en négligeait jamais aucun. Le dernier incroyant profita de cet infime instant de battement pour cracher aux  pieds de Mayrik avant de fulminer à l'intention du jeune homme agenouillé.

- Sale couillon ! Tu vas te laisser faire par ces voleurs, toi aussi ? On va appeler les flics...
- Tu piges rien ! Glapit le jeune homme aux pieds de Loris. On va leur dire quoi aux flics ? C'est avec nos armes qu'ils ont été blessés !

Il retourna un regard suppliant vers le disciple qui fit un pas vers lui pour l'attraper par l'épaule et l'encourager à se redresser. Loris lui désigna l'autel, afin de l'inciter à y déposer les objets lui-même, pour le symbole et pour que l'offrande soit effective, et le jeune homme s'exécuta, déposant la montre en toc avant de vider le porte feuille sous ses yeux (il contenait à peine vingt dollars).

- C'est vraiment tes biens les plus précieux, tu es sûr ? C'est la valeur que tu y portes qui compte, pas la valeur marchande.

L'humain renvoya vers Loris un regard paumé avant de fouiller ses poches pour en sortir un biscuit au chocolat de sa poche.

- Ma copine m'a donné ça ce matin, je devais le manger en pensant à elle... est-ce que ça compte ? Je... je supplie les dieux de me pardonner, j'veux pas être maudit ! Pitié Ghede Nibo, Pitié Legba ! Ajouta-t-il d'un ton implorant, en regardant au dessus de lui, vers les voix invisibles qui sifflaient toujours de manière fantomatique au dessus de leurs têtes.

Loris chercha le regard de Mayrik avant de hocher la tête, laissant l'homme déposer sa dernière offrande sur la table. Il s'occupa alors de l'aspect théâtral, manipulant les objets en marmonnant des prières inaudibles et agitant des clochettes. Il allait bénir les offrandes avec quelques gouttes d'une essence parfumée lorsque la voix de l'homme auprès de Legba rompit le silence.

- Jamais je ne m'abaisserai à supplier qui que ce soit, vous m'entendez ? Je ne sais pas comment vous faites tout ça mais j'en ai rien à foutre ! J'suis athée vous m'entendez ? Vos dieux, j'les emmerde !


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 Re: God's gonna cut you down   Ven 3 Avr 2020 - 19:00
God's gonna cut you down  

Le spectacle ne recueillait que peu de délectation de la part du grand Legba. Les conversions avaient été multiples dans son existence, celles arrachées par la force ne comptaient que pour peu de temps. Il souhaitait donner un sens à l’existence de ces pauvres humains livrés à eux-mêmes. En tant que divinité, guide et protecteur, il voyait en ces fidèles des enfants, ses enfants, ceux qu’il ne pouvait plus engendrer. Parfois, malheureusement, pour les faire venir ou revenir dans le droit chemin, il fallait user de la force et plus l’humain était âgé, plus le degré de violence augmentait. L'humain récalcitrant demeurait l'exemple même de sa théorie.

Aujourd’hui, il lui crachait sur les chaussures, demain, il se pencherait pour les lui lustrer. Cette perspective ne pardonnait en rien l’acte de provocation et la défiance excessive dont faisait preuve le dernier intrus. Jouer les fortes têtes l’aidait à lutter contre la peur, rationaliser et se rassurer sur ses convictions. Intégrer un nouveau paradigme nécessitait plus de temps pour certains.

Seul le regard de Loris posé sur le dieu parvînt à décrocher son attention de l’importun. Un léger hochement de tête donna l’approbation. Mais que faire de celui qui reste ? Le tuer ici ne pourrait que provoquer une rébellion intense chez le nouveau converti. Sa croyance demeurait fragile.

« Avec la science on peut tout expliquer, crétin. C’est pas parce qu’on comprend pas que ça s’explique pas logiquement. »

Un adepte de la science… Un ennemi bien réel. La canne de Legba claqua violemment au sol pour couper court à cette infamie ! Pas de ce sacrilège sous son toit. Le sol trembla légèrement, l'orage grondait.

« Tu as fait ton choix. Tu en payeras les conséquences, l’athée ! » Lança d’une voix tonitruante le grand Papa Legba. « Je vais rappeler les esprits pour qu’ils retournent à leur repos. »

Son rôle, autrefois, l’obligeait à veiller sur la porte entre les deux mondes. Aujourd’hui, cette dernière était définitivement close, scellée et pour tout longtemps. La méthode pour renvoyer les bêtes de l’autre côté restait toujours ancrée en lui, comme une part de son essence. Le temps leur manquait alors la cérémonie officielle se raccourcit de quelques entailles dans le déroulé.

Sa canne frappa un tempo endiablant contre le parquet. Les lamelles tremblaient en écho, résonnaient et semblaient presque chanter à l’unissons de la grosse voix du dieu. Il maugréait quelques paroles dans sa langue d’origine, un dialecte d’une ancienne tribu de l’actuel Togo. Une minute à peine suffit à faire taire les murmures.

« Partez maintenant. Mais n’oublie pas l’athée, même si tu peux franchir cette porte, » L’homme se ruait déjà vers la sortie rapidement suivi par son petit frère. « tu n’échapperas pas au prix du sang. »

Il se moquait des remarques et des mises en garde du dieu. Un doigt d’honneur à son encontre ajouta assez d’agacement chez Legba qui avança dans le sillon des importuns.

« Regarde-moi faire, pauvre con ! »

Arrivé au niveau de la porte, Legba mima l'acte de la refermer. Oui, il regardait faire, pauvre con. Mais le grand dieu admira surtout la rue, le bitume que traversaient les frères et la voiture qui arrivait. Ils avaient le temps de passer. Aussi, Legba plongea la main dans son portail pour attraper la chaussure de l’Athée qui chuta aussitôt. La voiture arrivait, elle, commençant à klaxonner sans comprendre. Pourquoi ne se relevait-il pas pour dégager la voie ? A la dernière minute, Legba relâcha sa prise. Les pneus de la voiture crissèrent dans un freinage d’urgence, tournant pour tenter d’éviter le malheureux. L’aîné de frère bondit sur le côté mais pas assez vite. Sa hanche et sa jambe furent percutées. L’élan propulsa le corps sur quelques mètres telle une poupée de chiffon maltraitée par un enfant capricieux. Les cris, la panique et la précipitation s’entendaient depuis la boutique. Néanmoins, Legba termina de refermer sa porte. Le prix du sang avait été versé et lui avait maintenant six malheureux immigrés paniqués dans sa cave à rassurer.


@Loris Galente
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 Re: God's gonna cut you down   Mer 8 Avr 2020 - 17:39
God's gonna cut you down

Dressé devant l'autel dans une posture solennelle, Loris garda le silence pendant que le grand Papa Legba faisait vibrer le magasin, dans cette cérémonie impressionnante. Ainsi, les esprits avaient été renvoyés dans l'autre monde, libérant les humains de leur courroux, y compris l'athée qui n'avait pourtant rien fait pour mériter la clémence des dieux. Legba était-il sérieux quand il invoquait cette sentence du prix du sang ? Ça n'avait pas l'air d'inquiéter ce type qui conservait toujours son insolence agressive, au moment de quitter le magasin. Pourtant, au dernier moment, Loris retint son souffle en voyant le dieu plonger la main dans le portail. Quand il entendit les hurlements des freins au dehors, il tressaillit de surprise avant de s'avancer de quelques pas pour apercevoir le chaos, au travers de la porte. Pourtant, tout cela ne les concernait plus et Legba refermait déjà la porte, sous le regard impressionné du disciple.

Si un certain vacarme résonnait dans la rue, le magasin avait retrouvé son calme et Loris poussa un soupir avant de baisser les yeux sur ses mains tremblantes et maculées de sang. Il serra les poings pour contenir ses tremblements, encore sous le choc de tout ce qu'ils venaient de vivre.

- Je... je vais aller voir si Mamie Zu et les invités vont bien, murmura-t-il avant de se détourner pour  rejoindre fébrilement le sous-sol.

Ainsi, il se dépêcha de descendre à la cave pour retrouver la vieille femme rondouillarde et les six pauvres clients qu'elle tentait de rassurer. En voyant le sang qui tâchait son visage maquillé, ils poussèrent des exclamation d'horreur en espagnol ou en portugais. Inutile de comprendre ces langues pour deviner leur terreur. Loris essaya de leur offrir des gestes apaisants avant d'expliquer en deux mots la situation à Zu. Après quoi, il s'essuya rapidement les mains avec un chiffon avant de s'affairer auprès des clients, les rassurant de son mieux jusqu'à ce que finalement, il soit décidé que la vieille disciple les raccompagnerait chez eux.

Un bon moment plus tard, les immigrés avaient quitté les lieux en compagnie de Zu et Loris se retrouvait seul avec Papa Legba. Jusque là, le disciple n'avait pas encore pris le temps de souffler ni de s'asseoir, il se sentait bien trop tendu pour cela et il s'affaira à ranger un peu le magasin. Rejoignant une des vitrines que les casseurs avaient pris pour cible, il commença à ramasser les morceaux de pots brisés qui jonchaient le sol. Au bout d'un moment, il se rendit compte de la présence du dieu à ses cotés et il redressa un regard interrogatif vers lui. Il avait énormément de questions sur tout ce qui venait de se produire, au point qu'il ne savait même pas par quoi commencer.

- C'était pas une blague, cette fois...

Merci Captain obvious. Il fallait dire que Legba avait un humour vraiment très spécial mais quand même, est-ce que ce genre d’événements le faisaient rire aussi ?

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 Re: God's gonna cut you down   Sam 18 Avr 2020 - 21:43
God's gonna cut you down  

La pâleur de Loris interpella le grand dieu. Même si les peaux claires avaient toujours cet air maladif aux yeux du divin. Parfois, il se retenait de pincer les joues poudrées de croyants pour faire remonter un brin de couleur ! Occupé à ramasser son précieux bonzaï comme s’il avait été question d’un grand malade, le dieu hocha la tête lorsque Loris se dirigea vers l’arrière.

« Ca va aller, t’en fait pas. Je vais prendre soin de toi mon petit. » Susurrait le dieu à son arbre miniature. « On va te trouver un joli pot avec de la terre parfaite. »

Le dieu s’activait plus occupé par sa plante que par les autres dégâts : sang sur son parquet, débris au sol et meubles brisés. Les priorités se trouvaient ailleurs. Enfin, Mamie Zuwalaguewé, surnommée Ma Zu arrivait en trainant sa carcasse rondouillarde.

« Ma ! J’ai gagné 50 points pour une hanche ! » La grande patte du dieu se tendit vers sa disciple, la mine réjouie, presque trop joyeuse mais surtout dans l’expectation d’un retour heureux. Ma redressa son nez sur la main trop haute pour elle. Blasée, elle attendit que le dieu descende ses phalanges à sa hauteur pour taper en soupirant.

« La prochaine fois, c’est moi qui reste devant et botte les culs ! » Maugréa la vieille avant de passer devant Loris et de lui souffler un compliment « Bien joué, petite veinard ».

« Oh bah non tu es trop vie… » Legba, courbé au-dessus de son pot de terre, sentit le regard meurtrier de sa disciple et se corrigea aussitôt. « belle, pour ça. » Dans un grognement mécontent, Ma lissa son chemisier avant de s'éclipser avec les croyants.

Seul avec Loris, le divin jetait parfois un œil sur le petit. Sa décennie bien tassée ne lui offrait que peu d’expérience de violence. Le monde dans lequel il avait grandi demeurait paisible comparé aux siècles qu’avait traversés Legba. Il en oubliait parfois que les humains d’aujourd’hui vivaient loin, très loin de la violence.

« Avec le temps, ces d’évènements auront des airs de blagues, si. »  Répondit simplement la divinité en appuyant sur la terre pour parfaitement faire tenir son bonzaï à l’intérieur. Les racines n’avaient été que peu atteintes. Il lui restait une chance, raison pour laquelle, Legba demeurait paisible. Tapant dans ses mains pour en faire disparaître la terre, le propriétaire des lieux attrapa l’épaule de Loris. Son dieu saurait apporter bien plus d’apaisement que Papa Legba mais il restait un dieu. Son aura gardait sa puissance et le regard rassurant s’accompagna d’une poigne douce et ferme.

« Tu t’es bien débrouillé, Loris. Ils sont venus par peur, mais resteront par amour. » Délicatement, Legba attrapa la bague qui lui avait été offerte. « Ce que les hommes ne comprennent pas, ils le détruisent. Ca a toujours été ainsi. » Legba enfourna la bague dans sa poche. Elle retournerait auprès du couple lorsqu’ils se montreront dignes de s’unir devant les dieux vaudous. « Et nous, ils ne nous comprennent pas alors parfois, il faut leur botter le cul, juste pour ... qu'ils comprennent. »


@Loris Galente
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 Re: God's gonna cut you down   Sam 25 Avr 2020 - 18:53
God's gonna cut you down

L'ambiance habituelle était revenue dans le magasin, de façon si naturelle qu'on aurait pu croire que rien de spécial ne s'était produit. Loris avait observé les échanges entre Legba et sa disciple sur un regard en coin, attentif à la façon affectueuse et drôle avec laquelle ils se vannaient tous les deux. Tout ça apaisait les choses et soufflait un vent de légèreté très bienvenu après ces événements tragiques. Pourtant, Loris avait bien du mal à se détendre et même s'il faisait tout pour le cacher et donner le change, il n'arrivait pas à se débarrasser de sa nervosité. Bien-sûr, il était habitué à la scène, il était capable de pénétrer un rôle, de s'adapter à un caractère qui n'était pas le sien pour les besoins d'un spectacle. Mais cette scène d'impro qu'il avait dû exécuter était bien trop réelle, il avait été sur le point de se battre avec des gens et même si c'était le dieu qui s'était chargé tout seul de les mettre hors d'état de nuire, tout ça n'en restait pas moins choquant. Alors, quand Mamie Zuwalaguewé l'avait complimenté, il avait forcé un petit sourire crispé, sans penser un seul instant qu'il méritait d'être appelé "veinard". Legba avait beau dire, s'il avait réellement fallu se servir de cette épée et botter des culs, la vieille aurait sûrement été plus efficace que lui.

Une fois seul avec Legba, il l'observa s'occuper tendrement du pauvre bonsaï malmené avant de croiser son regard. Sa réponse ne le convainquait pas vraiment et il afficha une moue sceptique en guise de commentaire. Il ne s'imaginait clairement pas capable de se marrer un jour en repensant à tout ce sang versé. Quand le dieu attrapa son épaule, Loris ne put s'empêcher de tressaillir, comme s'il risquait à tout moment de se prendre une baffe. Pourtant, le geste de Papa Legba était apaisant et sous son aura rassurante, Loris fut aussitôt captivé, s’accrochant avec la plus grande attention à son regard et à ses mots. Il l'écouta jusqu'au bout, hochant doucement la tête avant de le regarder ranger son offrande en poche.

- J'ai bien cru qu'on serait obligé de tous les tuer... murmura-t-il, la gorge un peu nouée avant de s'éclaircir la voix. J'avais aucune envie de botter des culs, ni de leur planter une lame dans le gras. Ce que j'ai fait était dégueulasse.

Rien qu'à repenser aux menaces qu'il avait lui-même proférées, il se sentait dégoûté. Qu'aurait-il fait si Legba lui avait ordonné de découper ces gens en tranches pour de bon ?

- Les gens comme moi se font régulièrement casser la gueule par des gars qui comprennent pas, c'est un peu pareil. Mais je pensais pas qu'on oserait venir démolir le magasin... Genre, on leur fait pas de mal, on les oblige à rien, en quoi ça les dérange tellement ?

Il soupira un peu. S'il fallait absolument répondre à la violence par la violence pour se faire respecter, c'était vraiment un monde de merde. Mais Legba disait aussi que même si les croyants revenaient vers les dieux par peur, c'était par amour qu'il resteraient. Il aurait bien aimé savoir comment faire, dans ce cas.

- Le vaudou n'a pas vraiment une réputation d'amour et de bienveillance, c'est pas comme si on était des hippies... comment on pourrait leur faire croire ça alors que tu caches des armes blanches sous ton comptoir ?

Dans son perfectionnisme et son désir puissant de trouver une famille au sein du Panthéon Vaudou, Loris avait toujours fait des efforts pour soigner sa politesse et son langage. Il appelait Mayrik "monsieur", il le vouvoyait, il ne posait pas de questions irrespectueuses... Mais ce genre de résolution était toujours assez difficile à tenir sur le long terme.

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 Re: God's gonna cut you down   Mar 19 Mai 2020 - 22:05
God's gonna cut you down  

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Il écoutait, patiemment et attentivement. Un dieu savait prêter une oreille aux doléances et questionnements des fidèles. Tant de questions, tant d’interrogations. Les hommes se tournaient continuellement vers les loas lorsqu’ils ne trouvaient pas de réponses à leurs maux. Néanmoins, l’obtenir de vive voix ne pouvait que les braquer. Ils se refusaient à attendre. Si par bonheur ils intégraient la réponse, ils interprétaient de travers ou l’oubliaient pour mieux faire les erreurs qu’ils avaient souhaité éviter. L’homme devait expérimenter pour comprendre.

« Ah oui ? Tu crois vraiment qu’on ne les dérange pas ? » Legba avança doucement vers la caisse pour replacer convenablement l’arme et attraper un petit arrosoir. « Prenons ton cas. Pourquoi crois-tu que des idiots viennent s’en prendre à toi ? »

L’arrosoir sur son petit bonzaï laissait perler une fine pluie délicate. Le petit avait besoin de réconfort, comme Loris. Mais le disciple serait plus dur à consoler et rassurer que la plante !

« Si la mort et la violence te rebutent tant, pourquoi honores-tu un loa comme Ghedè Nibo, Loris ? »

Le Loa de la mort était bien pire que Papa Legba concernant la violence. Il endossait son rôle avec toutes les subtilités liées à sa position. Le dieu revînt à sa plante appuya sur la terre pour s’assurer du maintien du petit arbre fragile. La terre l’apaisait et face à la colère qui grondait encore, ce geste salvateur évitait bien des éclats. Cette flamme dans son regard consumait des siècles d’expérience pour rester sage et réconfortante.

La foi et l’amour de Loris envers son Loa se remarquaient aisément mais demeuraient bien mystérieux pour le premier invoqué. Loris manquait d’expérience et de mental pour affronter l’univers dans lequel Nibo l’avait plongé. Bien sûr, le loa saurait le guider mais jusqu’où ?

« Une arme n’est qu’un outil. L’important n’est pas sa présence derrière mon comptoir mais ce que j’en fais. Et c’est la même chose avec la langue que tu as dans la bouche. »

Son langage ne troublait en rien le divin. L’ordre des choses s’établissait ainsi. Les hommes pourrissaient leur propre monde et reportaient la faute sur un dieu dès qu’un dérapage arrivait. En revanche, Legba connaissait bien la magie du sang, surtout dans son panthéon. La puissance d’une telle sorcellerie ne pouvait être négligée.

« Ton Loa ne t’a pas enseigné la magie du sang ? Ce sont des sorts, des contrats, des maladies que l’on transmet par un échange de fluide, principalement du sang. Prends garde à la magie du sang ! Elle ne se défait presque pas ! »

Le bonzaï parfaitement remis sur racine, Legba replaça le pot sur l’étagère qui était sienne. Un coup de balai et de serpillère s’imposait.


@Loris Galente
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 Re: God's gonna cut you down   Lun 25 Mai 2020 - 23:48
God's gonna cut you down

Loris ne savait pas quoi répondre aux réparties du dieu vaudou. Soudainement, il avait l'impression étrange de se retrouver au collège en pleine interro orale, sans avoir étudié. S'il y avait une bonne réponse à offrir, il ne la connaissait pas et il croisa les bras sur son torse en laissant son regard parcourir le magasin, comme si quelqu'un pouvait lui filer une anti-sèche. Peut-être qu'il s'embarquait sur un terrain glissant avec cette conversation mais à la fois, il avait beaucoup trop envie de comprendre. Le voyage de Ghede Nibo se prolongeait depuis des mois et en son absence, les choses étaient devenues de plus en plus complexes. Peut-être qu'il s'était montré trop insouciant et désinvolte jusque là, mais il commençait à se rendre compte que le monde des dieux était bien plus sombre qu'il ne le pensait. Il relâcha un bref soupir avant de répondre.

- Je ne sais pas, j'ai jamais vraiment compris pourquoi je les énervais tellement. Sans doute parce qu'ils considèrent que ce que je fais est mal.

Et dans le cas du magasin, ces casseurs estimaient probablement que le culte vaudou était mauvais, lui aussi. Loris aurait aimé leur prouver que non. Si jamais il devait défendre les loas auprès des gens, il lui fallait des arguments convaincants, il ne voulait pas se retrouver sans rien à leur rétorquer, même s'il avait toujours la langue assez bien pendue. Alors, en l'absence de son dieu, il n'y avait bien que Papa Legba pour l'aider à être mieux armé pour des joutes verbales. Il le regarda arroser le petit bonsaï avant de froncer les sourcils, un peu décontenancé par sa question suivante. Pourtant, il cacha son trouble autant que possible en redressant la tête, faisant claquer ses lèvres avec une fausse assurance avant de répondre.

- Ghede Nibo respecte la vie, c'est un protecteur et un grand guérisseur.

Ses narines palpitèrent un peu et il arrangea discrètement sa perruque, un peu de travers et ébouriffée suite à la bagarre. Papa Legba avait repris la parole et Loris l'écouta en tournant distraitement sa langue dans sa bouche. Certes, il avait souvent tendance à parler impulsivement mais il n'était pas sûr de comprendre ce que le loa voulait dire. Du moins si, il croyait être sur la même longueur d'onde, concernant les débats avec les incroyants, mais quel rapport avec la magie du sang ? Hésitant un peu avant de répondre, Loris finit par secouer légèrement la tête.

- On n'a pas encore eu le temps d'étudier ce point là.

Cette fois, il dévisageait le dieu avec une curiosité non dissimulée. Est-ce que ça voulait dire qu'il serait capable lui aussi de pratiquer ce genre de magie, en tant que disciple ? Ça, c'était sacrément intéressant. Glauque, mais intéressant.

- Alors, c'est à ça que servent ces lames ? Si tu es d'accord de m'apprendre, je suis prêt à étudier cette magie et à l'utiliser pour gagner des fidèles... Je crois que... on en a besoin, encore plus qu'avant, non ? Si les gens deviennent agressifs, j'aimerais bien qu'ils se calment avant le retour de Drav... enfin de Ghede Nibo. Il aura besoin de prières pour se reposer de son voyage.

Il avait déjà trop vu de sang aujourd'hui et ça le rendait malade rien qu'à y penser. Mais si jamais les choses devenaient plus compliquées, avec des humains de plus en plus braqués contre les anciens dieux, il était prêt à plonger tête baissée.

- Si tu veux, je nettoie pendant que tu prépares tout pour m'expliquer ok ? Enfin vous. Monsieur Waaka. Hum.

Il attendit sa réponse, prêt à filer chercher un balais.

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 Re: God's gonna cut you down   Sam 30 Mai 2020 - 20:54
God's gonna cut you down  

200.webp?cid=790b761182100dbf32b717a8dc818b94ead62a12c4e51dfe&rid=200.webp « Quand tout le monde est pareil, on ne se questionne plus sur ce qui est normal ou pas, si on a raison ou pas. Quand ce n’est plus le cas… » Les tensions naissaient, des guerres explosaient souvent passivement ignorées et des gens souffraient, des minorités silencieuses que les anciens dieux ramassaient, les miettes d’une société aseptisée et dirigée par des nouveaux dieux.

Bien sûr, Loris ne remarquait rien. Ses capacités s’arrêtaient bien avant celles du divin qui, lui, espionnait sa disciple pour s’assurer du bon déroulement de sa mission. La vieille Ma Zu devait revenir en un seul morceau, la moindre blessure sur sa personne placerait le dieu dans une colère destructrice. Aussi, lorsque le vieux dieu écoutait les bruissements des conversations éloignées que lui rapportait son portail, il répondait aussi à Loris, présent devant lui. Est-ce ça l’omniprésence ? Il avait été bien plus… autrefois.

L’étincelle d’envie dans le regard de Loris n’échappa en rien au divin, toujours occupé à ramasser les morceaux cassés çà et là. Ce mauvais puzzle commençait à le lasser. Les humains terrassés avaient promis de revenir nettoyer de toute façon…

« Nos magies ne sont plus ce qu’elles étaient. Si elle a presque disparu, quelques dieux et disciples l’exercent encore. Par exemple, certains te prélèvent une goutte de sang et t’affaiblissent des heures durant. N’avale plus jamais de sang comme ça, s’il te plait. Tu te feras du mal. » En plus d’être porteur de vilaines maladies potentielles le fluide de la vie demeurait trop précieux. Un sourire en coin étira les lèvres du dieu. « J’ai du bien meilleur boudin dans mon frigo, si t’as faim ! Avec du mais grillé, c’est super… » Legba et le maïs grillé… une histoire d’amour. À peine un repas lui était proposé qu’il demandait du maïs grillé ! À l’origine, ses offrandes se centraient sur cette précieuse céréale, lorsque les récoltes étaient si difficiles à obtenir, que la faim torturait parfois les estomacs et que l’hiver rendait la délicate perle jaune aussi rare que des nacrées. Aujourd’hui, son essence même avait été modifiée par l’homme : des organismes génétiquement modifiés… Les nouveaux dieux commençaient à créer leurs nouvelles espèces.

L’impatience de la jeunesse força un nouveau sourire alors que le portail s’agrandissait et déchirait l’espace pour laisser la silhouette de Ma Zu revenir à eux. Le regard de Legba se posait sur la grand-mère pour s’assurer de son état.

« Bah alors qu’est-ce que vous fabriquez ? » Gronda la vieille en plaçant les mains sur ses hanches. « Tu devrais être au lit, toi ! » Le désordre environnant n’aidait pas à se faufiler tranquillement jusqu’à l’arrière-boutique et la partie habitat. Mais Legba savait que la vieille avait raison. Loris devait être épuisé après tant d’heures de travail et tant d’agitation. Soupirant de lassitude devant l’attitude ronchonne de sa disciple, le dieu laissa tomber son balai sans lui prêter la moindre attention

« Prépare une chambre pour Loris, il dort ici ce soir. Je ne voudrais pas qu’il vous arrive quoique ce soit. Vous devez être fatigués. Allez vous reposer. Je veille… » Comme toujours aurait-il ajouté s’il avait pris le temps. Mais déjà, il refermait son portail et plaçait une patte ferme mais douce sur l’épaule de Loris pour le rassurer. Finalement, il attrapait son bonzaï d’amour pour le tenir dans un bras. Son autre main effleurait délicatement une feuille pour lui murmurer doucement des mots qui devaient être des douceurs d’une autre langue car arrivé devant Ma Zu, il fit exactement pareil. Sa main caressa tendrement sa joue avant de souffler quelques paroles dans une autre langue.

« Je suis pas une plante… » Marmonna la matrone dans sa barbe alors que ses joues rougissaient de plaisir, comme une gamine venant de recevoir les compliments d’un parent.

@Loris Galente
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Anonymous
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 Re: God's gonna cut you down   Jeu 4 Juin 2020 - 19:46
God's gonna cut you down

Loris hocha doucement la tête aux explications de Papa Legba. Chacun avait sa propre notion de la normalité et pas mal de gens estimaient que leur point de vue était l'unique valable. Tout ça ne l'aidait pas à mieux accepter l'injustice ni la violence dans le monde, mais il n'y avait sans doute rien de plus à dire là-dessus. Il s'intéressa alors à cette histoire de magie du sang, attentif aux réponses du dieu. Sans s'attendre à ce qui allait suivre, le disciple se préparait déjà fougueusement à une nouvelle expérience sanglante. Il venait tout juste d'affirmer à quel point ses propres actes l'avaient dégoûté mais son impulsivité le trahissait une nouvelle fois alors qu'il piaffait d'impatience à l'idée de développer de nouvelles compétences. La dernière phrase du loa le coupa dans son élan, comme sous l'effet d'une douche froide et Loris piqua un fard. Il n'avait tellement pas pensé à ça... Sur le moment, il se sentit complètement stupide d'avoir été si imprudent. Il fallait vraiment être débile pour faire un truc pareil et même sans être au courant de la magie du sang, il aurait dû penser aux risques s'il avait eu un minimum de jugeote...

- Merde... j'ai pas réfléchi, je voulais juste faire quelque chose de théâtral pour les impressionner et... je voulais y aller à fond... J'ai pas donné l'image de quelqu'un de très responsable, je suis désolé...

Loris se mordit les lèvres d'un air dépité. Ce n'était pourtant pas une vraie réprimande, Legba s'exprimait avec bienveillance, tout en se moquant gentiment de lui au passage. Le disciple fronça le nez dans un vague sourire embarrassé. Il avait bien mérité que Legba se foute de lui. Nan, le sang lui avait complètement coupé l'appétit.

- Je crois que j'ai assez mangé là, c'est bon, répondit-il, sur une note d'auto-dérision.

Mais déjà, le portail s'ouvrait sur le retour de Ma Zu qui semblait toujours en forme, avec la même énergie de matriarche qu'elle possédait toujours. Sa remarque, toute maternelle, lui arracha un sourire, sans qu'il n'y réponde quoique ce soit. Il y avait encore beaucoup de choses à ranger et à réparer dans le magasin et même s'il se faisait tard, il n'allait pas les abandonner comme ça. Loris regarda par la fenêtre, voyant l'obscurité du soir qui tombait déjà. Il devait avouer n'avoir aucune envie de traverser la ville en pleine nuit pour rentrer chez lui. Rien que l'idée d'affronter les ténèbres lui rappelait le poids de la fatigue et du stress... Pourtant, il retourna un regard surpris vers le loa qui avait laissé tomber son balais, sans plus s'en soucier.

- Oh... sérieusement ?

Loris hésita. Il n'aurait pu rêver mieux qu'une telle proposition dans l'immédiat. Dormir sur place, se reposer sans se soucier du reste, avec l'idée réconfortante qu'un dieu puissant veille sur eux... c'était bien ce dont il avait le plus besoin après une aventure pareille, surtout avec cette horrible sensation de solitude que l'absence de Ghede Nibo créait en lui. Pourtant, il n'avait pas l'impression de mériter cette invitation généreuse, toujours gêné d'avoir bu ce sang sans réfléchir. Le geste bienveillant de Papa Legba contre son épaule, finit pourtant par le rassurer un tant soit peu, bien qu'il tenta de protester.

- Je ne suis pas si fatigué que ça... si je dors ici, j'aurai le temps de travailler encore quelques heures...

Il pensa rapidement à l'idée de lui proposer de se relayer pour un tour de garde, au cas où, avant de se souvenir que les dieux n'étaient pas obligés de dormir. C'était quand même un pouvoir génial. En assistant aux échanges entre Legba, son arbre et Ma Zu, Loris ne put s'empêcher de rire doucement. Ils étaient tellement drôles tous les deux, à se vanner avec tendresse. Un sentiment de profonde gratitude l’inonda, pendant qu'il les observait. Sans eux, il se serait retrouvé tout seul, à se morfondre en attendant le retour de Draven, en proie à ses doutes, ses peurs et ses démons. Mais ici, en présence de ces membres du Panthéon Vaudou, il se sentait beaucoup mieux, et les attaques des casseurs n'y changeraient rien du tout. Un sourire toujours posé sur ses traits fatigués, il se laissa pourtant entraîner par la vieille dame vers la partie privée du bâtiment.

- Fini le travail pour ce soir, j'ai dit : au lit !

Elle ne lui laissait pas le choix et Loris se contenta de sourire avant de lever les mains en l'air, comme un criminel qui se rend. Avant de quitter la pièce, il articula un merci à l'intention du dieu avant d'accompagner Ma Zu jusqu'à la chambre d'amis. Son bavardage léger agissait déjà comme une berceuse alors qu'il sentait ses paupières devenir bien trop lourdes.

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