Le deal à ne pas rater :
Bon plan achat en duo : 2ème robot cuiseur Moulinex Companion ...
600 €
Voir le deal

Partagez

 Espoirs et lamentations [James & Heather]

Anonymous
Invité
 Espoirs et lamentations [James & Heather]  Mar 7 Avr 2020 - 17:40

Espoirs et lamentations

Ainsi donc s’achevait leur périple, une fois encore. Nulle gloire, nulle reconnaissance. Dieu et disciple quittent déjà Sanctum comme ils y sont venus, laissant derrière eux les croyants qui ont la chance de trouver ici cette place dont ils sont dépourvus.

Le pas lent, le regard bas, Heather remâche une fois encore cette déception qui n’a pas manqué de se rappeler à elle, s’ajoutant à toutes celles qui s’amoncellent déjà depuis la réincarnation de Janus, doux fantasme devenu sa désillusion la plus froide. Qu’est dont devenu l’ambassadeur des arts, le sauveur de Rome, cette divinité ancienne et puissante qu’on lui a décrite dans les livres et dont on lui a annoncé le grand retour ? Alors qu’il est à ses côtés depuis plusieurs mois, sa disciple ne voit qu’un triste passeur amenant les serviteurs d’autrui de l’autre côté d’une frontière que les hommes ne peuvent voir, comme un misérable cocher conduisant des esclaves à leur prochain maître.

Depuis quelque temps, Heather se demande si elle regrette son ancienne vie. Son boulot de l’a jamais enchantée. Elle n’a jamais rien accompli qui lui donne l’impression d’avoir joué un rôle quelconque dans le monde où elle est née. Toutefois, elle n’était pas particulièrement déçue de son sort, comme préparée à l’existence insignifiante qui était la sienne par l’exemple si probant de ses deux parents. Mais pour qui n’espérait rien, rien n’est pire que de donner un rêve terni.

Depuis près d’une heure déjà, l’amertume qui s’est emparée de sa bouche refuse de passer. Les croyants ont été laissés derrière eux, jetés à leur nouvelle vie. Heather et Janus repartent sans rien attendre d’autre que le sentiment du devoir accompli. La déception de la disciple fait naître un mal de crâne ignoble qui s’intensifie un peu plus à chaque minute qu’elle passe sans exorciser le mal qui la ronge. Mais que peut-elle bien dire à un dieu ? De quoi peut-elle se plaindre, elle, cette disciple qu’on lui a imposé, cette femme qui a eu l’audace de choisir pour Janus une enveloppe incapable de le satisfaire ? Comment ose-t-elle nourrir une quelconque aigreur, elle que l’on a tiré de l’ignorance pour lui offrir horizons et pouvoirs comme aucun humain ne peut jamais en rêver ? Comment peut-elle critiquer celui qui l’a créée ?

Pourtant, les pensées qui la hantent une fois la nuit tombée ne manquent pas de revenir chaque jour. Trop souvent, elle se prend à regretter ce temps où elle n’était rien, rien qu’une femme dévouée à des dieux qu’elle n’avait même pas conscience de servir, rien qu’une humaine sans rancœur d’aucune sorte car sans espoirs à décevoir. La transparence, peut-être, était-elle finalement plus enviable que la noirceur.

Longtemps, elle hésite, tant que sa réserve musèle encore sa colère, que son respect pour sa condition et la supériorité de son dieu suffit à contenir ses ardeurs. Mais chaque minute de silence aiguise un peu plus le mal qui sévit dans sa tête. C’est la troisième fois qu’elle et Janus accompagnent les croyants jusqu’à Sanctum, la troisième fois qu’ils quittent la cité comme des parias, sans même y avoir séjourné. Alors, Heather n’y tient plus. Il lui faut savoir s’il lui vaut mieux dès aujourd’hui étrangler ses espérances pour s’éviter de recevoir chaque fois un couteau de plus en plein cœur.

- Est-ce là tout ce que nous ferons jamais à Sanctum ? demande-t-elle alors.

Elle n’a pas osé croiser le regard de Janus. Sa voix s’est faite trop sèche déjà pour qu’elle ne risque pas son courroux.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
 Re: Espoirs et lamentations [James & Heather]  Mer 8 Avr 2020 - 17:31

Espoirs et lamentations

C’est la marche lente des condamnés à l’errance, jamais ici, jamais ailleurs, coincés dans cet entre-deux funeste comme je le suis déjà. À côté de moi, cette présence familière, et pourtant dérangeante, que je continue d’ignorer alors que mon pas s’alanguit, sur le chemin du retour. L’esprit encore coincé quelque part, à l'orée des deux mondes, le corps qui fuit Sanctum, et ses indiscrétions. Deux étrangers en une terre qui ne peut leur appartenir. Elle parce qu’elle n’est que le berceau vide de sa foi déçue, et moi… parce que je suis encore là-bas. Je n’en suis jamais véritablement parti. Alors ici, ça n’a pas de sens, ça n’a pas de sens. C’est l’absolu d’un rejet, sur la peau et dans la chair. Comme une complainte gravée, et qui ne cessera jamais de résonner. Je me tais, à chaque pas ce silence que je manie à son égard se fait de plus en plus pesant. Je songe à ces visages que j’ai à peine inscrits. Dans la conscience ils surnagent avant de disparaître. Une mère de famille, arrachée aux siens, pour aller servir l’exigence de l’inconnu nimbé d’or. Un type paumé, qui alignait sur mon comptoir quelques lignes de coke, et qui trouvera désormais la ferveur dans une destiné qu’il croira longtemps avoir choisie. Élue au milieu des ténèbres qui pavaient son quotidien. Une élection amère, la couronne qui ceindra son front se fera chaque jour plus pesante. Mais à quoi bon s’encombrer de scrupules envers ceux qui sont ici bas pour nous servir, nous prémunir de l’oubli par leurs prières et leur obligeance ?

Philadelphie s’est habillée de deuil, la nuit la recouvre comme une chape de plomb et c’est partout les scintillements d’une modernité à laquelle il semble impossible d’échapper qui nous assaille. De toute part. Heather le sait, nous marcherons, comme les deux premières fois, dans des déambulations compliquées, comme pour profiter de la brutalité des ruelles exiguës, et de leurs coloris passés. Le seuil de Sanctum, l’Eden à peine frôlé, la ville humaine apparaît étrangement aphone. Couleurs dissoutes sur le pavé, sonorités étouffées. J’aime le calme après la tempête qui s’élève dans ma tête à chaque fois que je me vois contraint de passer le portail. L’angoisse dans ma nuque commence tout juste à se dénouer, et trop concentré sur les sentiments contrariés qui s’épanouissent dans ce corps trop neuf, trop maigre, trop sec, je suis absolument aveugle aux abysses qu’elle visite à mes côtés. Nous marchons, côte à côte, sans qu’elle n’ait à trottiner à quelques mètres derrière moi. Je ne me nourris guère de cette déférence-là. Jusqu’à ce que je jette une oeillade pleine de froideur sur elle. Mine basse, posture accablée, aura contrariée. Je respire, animal, les bribes de ressentis froissés qui se dégagent de son être, m’en nourrit. M’en délecte presque.

Trop abîmée dans les songes qui la retiennent, elle ne réalise pas que c’est sans doute la première attention que j’abandonne à ses pieds, depuis que nous nous sommes rencontrés. Mes yeux transitent, de sa tempe à sa nuque, et la connexion entre nous se fait plus prégnante. Presque tangible pour une fois, quand je refuse catégoriquement cette proximité qui m’est d’habitude si désagréable. Mais dans le silence de nos pas, la contrariété que je devine a une saveur exquise. Je m’arrête à l’instant où ses mots délivrent ses pensées. Les accents sur sa langue me déplaisent, ils sont dressés comme pour me rencontrer ou bien me provoquer. Je joue avec le capuchon du zippo en argent, manie que j’ai héritée du musicien, et que j’ai conservée. Ponctuation moqueuse à ses petits discours, mais mes prunelles ne la quittent pas. Je suis interloqué, c’est la toute première fois qu’elle s’adresse à moi ainsi, sans cette sobriété dont elle a toujours fait preuve, application des disciples débutants, qui ne connaissent guère la place qu’ils pourraient conquérir. Et je me garde bien de l’éclairer sur ce point. Le silence égraine cette distance qui se resserre entre nous. Nous sommes à deux pas, mais nous serons toujours ces étrangers, en une terre viciée. J’en suis intimement persuadé. Mon ton est trop doucereux pour que des gouffres qu’elle visite je ne sache tirer quelques aiguillons dangereusement acérés. Autant que la balade soit douloureuse, n’est-ce pas ?

_ Pourquoi ? Les lueurs qui se fanent sur ton épiderme glacé ne semblent-elle pas plus appropriées au deuil de ton humanité ?

La moquerie se fond dans une dureté plus palpable, le visage qu’elle contemple a toujours été celui des ombres. Arraché à l’enfermement, refusant à jamais de se retrouver nimbé par la gloire perdue. Passée. Langue morte qu’il faudrait réapprendre à manier.

_ Avais-tu autre chose en tête ? Je t’en prie, je t’écoute, je n’ai ce soir rien d’autre à faire que de m’ennuyer avec tes récriminations.

Soupir, éloquent soupir. Qui vient habiller la nuit des prémices de ma colère, que je retiens encore sous mon souffle mesuré.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous
Invité
 Re: Espoirs et lamentations [James & Heather]  Mar 14 Avr 2020 - 19:34
Espoirs et lamentations

Battements de cœur alarmés. A peine ses mots ont-ils franchi la barrière de ses lèvres qu’une partie de Heather les regrette déjà. Mais cette dernière n’est pas assez grande pour lui faire douter de sa résolution. Le temps de l’obéissance muette est révolu. Il lui faut des réponses, des certitudes sur lesquelles reposer sans quoi cette esquisse d’éternité qui lui a été promise ne sera qu’une descente infinie vers les confins de la folie. Mieux vaut le bousculement douloureux d’une confrontation violente que la passivité sans fin à laquelle elle se condamne en demeurant cette disciple lisse et parfaite qu’elle pensait devoir être. L’effort est inutile s’il n’apporte aucune reconnaissance.

Pourtant, sa détermination n’empêche pas le détestable haut-le-cœur qui vient percuter son ventre quand le regard de Janus vient se poser sur elle. Cette simple attention lui a si rarement été donnée qu’elle est encore incapable de décrire précisément les nuances qui teintent le bleu de ses iris. Elle n’y a jamais vu qu’une froideur effrayante et un désintérêt crasse semblables à ceux qui la toisent encore aujourd’hui. Mais si la moitié de son âme se glace d’effroi, l’autre s’enflamme d’une colère incendiaire qui lui fait serrer les dents et les poings. Les mots du dieu sont mesquins, insultants, injustement moqueurs comme si rien dans son quotidien ne méritait pareil émoi. Réalise-t-il seulement tous les rêves qu’il a brisés ? Toutes les promesses qu’on a chuchotées à son oreille et qu’il a piétiné dès les premières heures de sa réincarnation ? Pouvait-il se montrer plus décevant encore qu’il ne l’est depuis que le corps de Wilde lui a été donné ?

Un instant, la Heather garde le silence. Les mots percutent les parois de son crâne, se gavent de fureur et de fiel alors qu’elle s’interdit de prononcer les plus acides.

- Mon humanité n’avait jamais été de grande valeur pour qui que ce soit. Ce deuil-là ne fut pas difficile.  

L’agonie incessante à laquelle il réduit ses espoirs, en revanche, n’en finit pas de lui peser. Alors, pour la première fois depuis sa transformation, elle décide de rompre le silence dans lequel tous deux se sont installés, préférant le confort des non-dits à la brûlure des vérités crues.

Elle inspire profondément alors que Janus lui tend la perche qu’il attendait. S’amuse-t-il de son désarroi autant qu’elle le pense ? Son attitude la débecte et pourtant, elle garde assez de contrôle pour ne pas outrepasser les limites de la bienséance auxquelles sa condition l’oblige. Heather a toujours été trop docile, trop respectueux de son rôle, même ingrat, pour en violer les règles. Mais le respect n’empêche pas les morsures.

- J’avais tant de choses en tête, souffle-t-elle, un sourire faux aux lèvres. J’espérais seulement que certaines se réaliseraient comme elles avaient été annoncées.

Elle ne s’est jamais expliqué la présence qui lui a intimé de trouver une enveloppe au dieu romain. Elle sait seulement ne pas l’avoir rêvé et s’être abreuvée de ses augures au point de ne plus aspirer qu’à leur accomplissement.

Heather lève le regard pour croiser celui de son créateur. Elle a rarement osé le regarder si directement. Mais cette fois, l’inquiétude qui accompagne son geste de lui fait pas fuir la noirceur de ses yeux.

- Je ne sais quelle providence vous a mis sur ma route. Je sais toutefois ne pas avoir rêvé ce qu’elle m’a décrit, ni les instructions qu’elle m’a données pour vous rendre cette matérialité dont vous avez été privé pendant plus de temps que je ne peux sûrement l’imaginer. Cette foi qui m’a guidée a permis votre réincarnation. Mais c’est bien la seule chose qui s’est concrétisée dans toutes les paroles qui se sont infiltrées dans ma tête. On m’avait promis une place de choix à Sanctum, le prestige qui accompagne la responsabilité d’être une servante du grand Janus, dieu du commencement et de la fin, seigneur à deux visages, sauveur de Rome et ambassadeur des arts. Mais je ne me vois attachée qu’à un oiseau de mauvais augure promettant mille trésors à des âmes aussi perdues qu’était la mienne pour mieux les abandonner dans un nouveau monde dont ils ne connaissent rien. S’ils sont promis à la même désillusion que moi, nous ne sommes alors guère plus que d’odieux passeurs, comme les vautours qui guettent les désespérés à la frontière mexicaine. Je ne changerai rien au fonctionnement d’un monde dont je ne connais rien et qui me dépasse sûrement. Mais si c’est bien là tout ce que nous faisons, j’aimerais le savoir, cesser d'espérer plus. C'est bien la pire souffrance qui m'est infligée depuis que j'ai cédé mon humanité.

Un temps, puis elle achève, pensive.

- De pauvres passeurs... Cela expliquerait sans doute pourquoi nous ne restons jamais assez longtemps pour profiter de cette cité. Après tout, on ne laisse jamais entrer chez soi un simple livreur.

L’outrage est brutal, autant que le contrecoup auquel elle s’attend. Mais trop de gifles ont déjà claqué sur sa joue. Elle s’en permettra donc une avant de redevenir la disciple docile à laquelle Janus l’a réduite.
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
 Re: Espoirs et lamentations [James & Heather] 
Revenir en haut Aller en bas

 Espoirs et lamentations [James & Heather]

Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Prestidigitation is Gold (James & Alastair)
» Take everything you can, give nothing back - James Fawkes
» Heather - We can’t fall apart
» As de trèfle. (Heather)
» Thief is not the one who steals, but the one that is caught. - James Fawkes

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Blasphemiæ Deorum :: Coliseum :: Limbes :: Récits inachevés-
Sauter vers: