"Bali Balo, l'or sur ta peau.
La lune s'endort, le soleil est haut.
Tourbillons d'air, fais place au Show.
De si bon matin, prépare toi au Chaos".

La mafia est une forme de Kraken. Gigantesque et malfaisant mollusque aux tentacules nombreuses qui s’étendent sur le monde comme une pandémie. Peu de gens ont réchappé au courroux des hommes qui dirigent ces différents bras. D’aucun dirait qu’ils contrôlent le monde, les politiciens, et tout autre organisme ayant l’ascendance sur les citoyens. Ils n’ont pas tort sur ce point. Mais très peu savent que les dieux manipulent également à leur aise les humains. Les rues sont sordides dans la nuit. Les prostituées tapinent en quête d’un preux chevalier désireux de laisser son or entre leurs cuisses. Une silhouette se dénote des autres mendiants et autres caricatures grotesques qui ne dorment pas la nuit dans les ghettos de Philadelphie. Au coin de la rue, une femme hurle contre son agresseur mais personne ne vient à sa rescousse. Personne n’ose. Ici, les sirènes se font rares, la loi est aux ténèbres. Au chaos. Aux dieux comme Tchernobog qui se complaisent à faire régner la peur dans les rues, dans les lits, dans les sous-sols.

Le dieu noir marche à travers les rues. Le plus effrayant dans tout ça. C’est que malgré les lumières des lampadaires, il ne possède pas d’ombre. Personne ne semble le remarquer cependant. Le peu qui se retourne à son passage sont les femmes sur le bord du trottoir semblant être subrepticement attirées par son charisme divin. Elles le hèlent, mais il ne répond pas. Il continue sa marche, les mains dans les poches. Le regard ténébreux. Il bifurque à l’angle d’une rue. Se dirige vers un lieu public, plus communément nommé le Divina Bar, où du Dark Country se joue. Les clients du bar semblent plutôt bruyants. Ils n’ont pas l’air de remarquer le dieu qui pénètre dans l’enceinte du bâtiment. Il n’est pas là pour se faire des amis ou des ennemis de toute façon. Cependant, il est là pour affaire. Et parce qu’il a pris contact avec l’un de ses confrères, Hadès, afin de faire quelques petites affaires et… en même temps tenter de le rallier à la cause des Glorieux.

Il passe près des tables et s’installe à côté de celui qu’il reconnaît être le dieu grec. S’installant sur le tabouret, il commande une bière. Une pinte. Il pose une main amicale sur l’épaule de son comparse pour le saluer, mais n’utilise aucun mot en ce sens. Il se contente d’un regard en coin, puis il récupère sa commande pour boire une gorgée afin de se rafraîchir. Il exalte. Soupire d’aise et repose sa pinte sur le zinc. Puis se tourne en direction du roi du Tartare.

—Toujours aussi ponctuel. Tu n’as pas perdu tes bonnes manières, tovariš. Je me réjouis de pouvoir passer la nuit avec toi et parler affaires...

Un sourire amusé et torve, obscure et mystérieux se dessine sur le visage à peine expressif de Tchernobog qui semble sincèrement se réjouir de ce petit rendez-vous entre eux. Ils vont en avoir des choses à se raconter. Et peut-être quelques chasses à faire, voire quelques contrats à proposer l’un/l’autre.

—Qu’as-tu donc d’intéressant à me proposer, ou à me dire? Il ne perd pas son temps de parler du beau ou du mauvais temps. Ils ont bien d’autres choses à faire que de se contenter de superflu.

Entre divins au Divina

Se retrouver à l’intérieur d’un circuit mafieux est bien autre chose que de gérer une petite boutique ésotérique dans la Nouvelle-Orléans, mais c’est un défi, un passe-temps même pour lui puisqu’il aime ça. On ne met pas de toute manière un pied dedans sans le vouloir après tout. C’est aussi un défi et il aime les défis, ces petites choses comme ça qui pimente l’existence. Maintenant qu’il n’a plus d’âmes à tourmenter, il faut bien qu’il trouve de quoi occuper son temps libre, sinon il pourrait bien mourir d’ennuis. C’est la nuit qu’il aime le plus sortir, déjà la ville est tellement plus belle ainsi plonger dans l’obscurité et à déambuler dans les rues désertes il y ressent un profond sentiment de bien-être.

Il y règne aussi une atmosphère toute particulière, une certaine forme de désinhibition. On sort faire les fêtes, boire un coup ou se trémousser les uns aux autres ou encore on écume les bars ou les rues dans l’espoir d’une nuit torride. Les gens aiment ça, il recherche ça même, un moyen d’assouvir leurs pulsions cachés ou non, d’échapper à leur quotidien fastidieux. Beaucoup l’ont compris et on ainsi réussi à faire affaire en profitant de cela. Certaines dieux s’en délectent aussi, manipulant ces pauvre âmes pour qu’elles servent à leurs dessins. Pauvres imbéciles, si fragiles et si influençables...

Dans la journée il avait reçu un appel d’un de ses alliés en affaires, Ernst Biren qui se trouve être l’enveloppe charnelle du dieu Čzernobog. Ils font certes partie de deux clans différents, mais cela ne les empêche pas de faire affaire. Quand on parle de faire du profit, il n’a que faire des questions de rivalités, de clans. L’avidité est un train de caractère qu’il lui correspond bien, il aime l’argent et les belles choses et ne s’en cache pas, bien au contraire, faisant souvent étalage de ses richesses. Il a du respect pour le dieu slave et lui semble que cela est réciproque. C’est justement pour cela qu’il s’efforce de le convaincre de rejoindre son camps. Quelqu’un d’aussi intelligent, avisé et cultivé que lui devrait comprendre qu’il y a là une opportunité là à saisir. Il profite souvent donc de l’occasion pour faire résortir le sujet, mais jusqu’à lors chacun campent dans sa position.

Il pénètre dans le Divina Bar, du Dark Country se joue, cela colle très bien au style de l’établissement, dommage que le bruit des gens parlant étant nombreux ce soir gâche un peu cela. Il se fraie un chemin parmi les gens, finit par trouver une table libre, s’y installe et commande une bière. Il remarque que certaines femmes le regardent, mais ce soir il n’est pas là pour ça. Puis le dieu du chaos fait son entrée, lui donnant une tape amicale sur le dos et venant s’installer à côté de lui. Il laisse s’installer son comparse et prend le temps comme lui de savourer une gorgée de sa boisson, tout en gardant un oeil lui. Ce dernier lui confie qu’il est ravi de pouvoir passer la soirée en sa compagnie. Il affiche un sourire en coin.

«Le plaisir est partagé».

Le dieu slave ne perd pas de temps en discussion superflus et entre tout de suite dans le vif du sujet, une chose qu’il apprécie. Il se tourne vers le dieu s’accoudant sur la table pour mieux lui faire face.

«Figure-toi que je me suis lancé un nouveau passe-temps, j’achète des immeubles ou des terrains, pour les louer ou les revendre aux plus offrants. Il y en a toujours que cela intéresse pour gérer leurs petites affaires loin des regards indiscrets. D’ailleurs si tu es intéressé n’hésite pas à me le dire, pour toi je veux bien faire un geste».

Il but de nouveau une gorgée et continua son récit.

«Mais je m’égare. J’essaie d’avoir un terrain récemment, mais les propriétaires refusent de partir. Je me suis dit que tu pourrais peut-être leur faire peur, les violenter, peu importe, tout ce que je veux c’est les voir tellement terrifiés qu’ils seraient prêts à me céder leur propriété à n’importe quel prix». Dit-il, regardant le dieu dans les yeux.

«Enfin, si cela t’intéresse, sinon je ferais le ménage moi-même».