C’est une journée d’été resplendissante à Philadelphie. Le ciel s’est dégagé après l’averse qui a éclaté tôt dans la matinée, laissant une fraîcheur mentholée qui caresse les joues. Dans une robe tailleur au style classique – néanmoins égayée par de petites touches de couleur –, la procureure de la ville monte d’un pas précis les marches du commissariat. Entre une main en haut et une main en bas, elle tient deux porte-gobelets superposés, avec chacun six gobelets de café fumant. À se demander comment la jeune femme arrive à ne pas louvoyer en étant ainsi chargée. Dans un même temps, son assistant paraît peiner à suivre la cadence qu’elle impose. Lui ayant une boîte d’assortiment de donuts et trois sacs de croissants empilés entre son menton et sa main, en plus d’une main qui cale une serviette de feuillets le long de son corps.

"Et avec la presse, efforcez-vous de les manœuvrer de votre mieux. Ils vont suivre l’affaire de très près. Et gratter. Le scandale, il n’y a que ça qui les intéresse. Soyez prudent dans les communiqués, entendu ?"

Irene dicte ses instructions, peu perturbée par le fait que son assistant doive jouer les équilibristes. Au passage, elle salue du chef – avec une inclinaison millimétrée aussi élégante que naturelle – les officiers qui sortent du bâtiment. D’un bon pas, elle se rend ainsi au briefing de l’enquête « des Gitchers ». Les éléments troublants qui entourent la découverte du cadavre d’un « pas tout à fait un suicide » ont attiré l’attention de l’agent de liaison entre les services de police et le bureau du procureur. Si les circonstances de la mort relevaient d’un suicide, drame qui survient ô combien régulièrement dans les grandes métropoles, l’enquête aurait été classée sans tarder. Même si la volonté de mourir trouve ses raisons dans les relations – ou l’absence de relations – avec des tiers, quand on se suicide, on est toujours le vrai responsable de sa fin. Or, un sachet de comprimés Gitche – nouvelle drogue en circulation – a été retrouvé aux côtés du cadavre gisant au pied du gratte-ciel. Récemment, la consommation de la Gitche s’est répandue à toutes les couches de la société de Philadelphie, et l’organisation tentaculaire du réseau de distribution qui en découle, commence à alarmer. Il est urgent de prendre le problème à bras-le-corps, ainsi informée, la procureure Whitestone n’a pas tergiversé pour ordonner l’ouverture d’une enquête.

"Je vous laisse aller devant, j’arrive." informe-t-elle son assistant une fois devant l’entrée du commissariat.

*Je peux bien l’attendre deux minutes*

Peut-être même cinq minutes. Or en se retournant, un sourire s’ébauche sur la bouche de la procureure. Elle n’aura même pas besoin de poireauter une minute. Comme fait exprès – et pourtant c’est l’effet du hasard – elle aperçoit l’agent spécial Oathbridge qui la rejoint à sa hauteur.

"Tu ne mènes pas la grande vie ce matin." le salue-t-elle par une allusion au fait qu’il n’a – évidemment – pas pris la voie des airs, mais un transport propre au commun des mortels. "Un café ? Et ne te fais pas prier, tu me soulageras d’un peu de poids."

Ce n’est pas que les machines à café du commissariat délivrent du jus de chaussette, mais Irene trouve le goût parfaitement insipide. Aussi prend-elle les devants pour le bien de son palais, et si par la même occasion son attention contribue à soigner les collaborations avec les enquêteurs, c’est un bénéfice qu’elle aurait tort de négliger.

"As-tu prévenu la briseuse de cœurs que nous aurons à parler ?" se renseigne-t-elle, tandis qu’ils cheminent vers la salle dudit briefing où assurément son assistant a fait la distribution des pâtisseries aux policiers présents.

Davantage que les premiers éléments d’enquête des humains, ce sont les derniers instants qu’a pu voir Freyja qui travaillent la curiosité de la Primat de l’Ordre.

Dans la salle de réunion où on commence à prendre place, Irene rejoint la place réservée par son assistant dans la rangée de devant. Tout en faisant circuler les cafés, elle salue d’un simple bonjour les policiers, et agrémente d’un « ça va ? » les agents qu’elle connait un peu plus, comme entre autres les lieutenants Edwards et McKinney.

Sortie tôt ce matin là pour aller courir, la jeune femme s’était retrouvée sous une averse en plein milieu de son jogging. Comme lui avait déjà répété maintes et maintes fois son coach, elle n’était pas en sucre aussi, une douche saura très bien remédier à la situation une fois qu’elle serait de retour à son appartement. Et puis, d’un autre côté, la sensation de la pluie fine sur sa peau, dégoulinant sur son visage et dans son dos, lui était agréable. La tension était montée d’un cran au poste. Une nouvelle drogue était en circulation depuis quelques temps et de toute évidence, elle devait avoir fait des ravages pour interpeller de la sorte la procureure en personne. Kaitlyn et elle avaient été réquisitionné pour participer à l’enquête ouverte par la procureure Whitestone. Cette femme était à la fois impressionnante et intriguante. Poursuivant sa course, elle finit par s’arrêter à sa salle de combat pour frapper durant une grosse demie-heure dans un sac avant de rentrer chez elle, jugeant que cela suffirait pour la matinée. De retour à son appartement, Hope passa sous la douche avant d’enfiler un jean brut, un débardeur noir et une veste en cuir. Enfilant ses ballerines qui ressemblaient plus à des converses basses qu’à des chaussures de fille, elle attrapa son sac et une barre de céréales et fila pour le commissariat. La brune aimait arriver tôt le matin. Elle avait des affaires en cours et elle ne savait pas vraiment combien de temps cette réunion allait lui bouffer.

Le début de matinée passa assez vite. Elle avait déjà bu son café du matin et hésitait à en reprendre un autre. Ses dossiers en cours n’étaient pas des plus passionnants excepté celui concernant Mr le Maire. Alexi Ostapenko avait reçu des menaces de mort et c’était elle et uniquement elle qui était chargée du dossier, devant respecter une discrétion des plus grandes. Elle n’avait même pas pu en parler à Kaitlyn avec qui elle partageait beaucoup. Devoir faire les débriefings et les échanges en tête à tête avec le maire ne l’enchantait pas. Alors clairement, elle se donnait dans cette enquête parce qu’il était le maire mais aussi pour diminuer le nombre de leurs rencontres qu’elle redoutait à chaque fois. Le beau brun l’impressionnait et la mettait mal à l’aise de par sa prestance et son charisme uniquement. Chassant ses pensées de son esprit, le lieutenant se concentra de nouveau sur ses dossiers jusqu’à ce qu’elle se rende compte que l’heure approchait à grand pas. Si la brune n’aimait pas être trop en avance, elle n’aimait pas non plus être remarquée parmi les derniers aussi se décida-t-elle à verrouiller son ordinateur pour aller rejoindre Kaitlyn dans son bureau. La porte était entrouverte aussi, n’entendant pas de bruits, elle la poussa doucement avant de dire :

Salut Kaitlyn ! L’heure du briefing est proche, tu n’as pas oublié ?

La lieutenante semblait être plongée dans un dossier elle aussi. Posant ses fesses sur l’une des chaises qui lui faisait face, elle patienta tranquillement que son aînée ait fini avant qu’elles n’aillent toutes les deux en salle de réunion. Elle était contente de revoir Kaitlyn au poste après un tel arrêt de travail et surtout les raisons de cet arrêt. Elle était celle qui l’avait le plus aidé et aiguillé pour prendre ses nouvelles fonctions en mains. Si elle avait pris quelques nouvelles durant son absence, Hope n’avait pas insisté, ne voulant pas s’immiscer dans la vie privée de sa collègue. Juste avant que le dossier ne se referme, la brune était en train de se demander combien de dossiers lui avait-on déjà attribué. Dossier clos, repoussant la chaise roulante pour se lever, le lieutenant McKinney venait de donner le coup d’envoi pour la réunion. Elles arpentaient toutes les deux les couloirs jusqu’à la fameuse salle de réunion et prirent place dans un coin, attendant que toute l’assemblée soit arrivée. L’assistant du procureur arriva peu de temps après elles pour distribuer des pâtisseries que la plus jeune déclina. Puis finalement la procureure arriva, suivi par l’agent spécial Oathbridge du FBI. Elle avait déjà croisé cet homme lors d’une affaire commune à ses débuts comme lieutenant et honnêtement, elle n’en avait pas un très bon souvenir d’un point de vue personnel. Mais ce qui comptait, c’est que professionnellement parlant, il était doué et très sérieux. La saluant en retour, elle lui répondit :

Bien et vous ?

Il s’agissait des politesses d’usage, rien de plus. Vu l’équipe qui avait été réuni, Hope espérait que cela n’était pas pour faire des recherches approfondies mais qu’il y avait déjà un peu de nouveau. Ils ne pouvaient à priori pas laisser en circulation une telle drogue, sinon la procureure n'aurait pas rameuté autant de monde. Pour autant, le peu qu'elle en avait entendu parler ne soulevait pas autant d'inquiétudes que certaines autres drogues. Assise contre le mur, Kaitlyn à côté d’elle, elle accepta un café lorsque le plateau arriva jusqu’à elles et souffla doucement dessus, attendant que cela commence.

Kaitlyn était arrivée tôt au commissariat ce matin, alors que l’orage commençait à gronder au lointain. Elle aimait le calme qui régnait dans le bâtiment, à ces heures matinales, loin de l’effervescence qui dominait ensuite, donnant l’impression d’être au sein d’une ruche bourdonnante. La lieutenant reprenait ses marques doucement depuis son retour. Depuis que les spécialistes l’avaient déclarée apte au service. A son plus grand soulagement d’ailleurs, n’étant peu faite pour l’oisiveté. Et puis, elle était prête, du moins physiquement. Psychologiquement, c’était plus compliqué, mais elle gérait. Kait était consciente malgré tout de subir un léger stress post traumatique – dixit Luc – après tout quoi de plus normal ? Elle avait tout de même failli y laisser sa peau ce jour là. Et son ancien collègue et mentor lui était mort.

Cependant, elle était une professionnelle, et elle allait mettre de côté ses craintes, comme à chaque  fois. Elle ne montrait d’elle que la lieutenant aguerrie, et non la femme fragilisée par les épreuves. Elle devait aussi composer avec les craintes de sa fille Cordélia. La petite fille avait peur que sa maman se fasse à nouveau tirer dessus, logique. Bien sûr, elle bénéficiait d’un suivi psychologique elle aussi, mais ce n’était qu’une enfant de huit ans. Sa maman était tout pour elle. D’autant plus qu’elle n’avait jamais connu son père. Alors Kait s’évertuait à la rassurer, tout en se rassurant elle-même.

Un briefing exceptionnel était prévu un peu plus tard dans la matinée. Irène Whitestone, la procureure – ancienne collègue et remplaçante du défunt mari de Kaitlyn – les avait convoquées, Hope et elle. Le thème de cette réunion était la nouvelle drogue qui circulait sur le marché et faisait déjà des émules : la Gitche. Un fléau en devenir. Outre la procureure, cette réunion concernait également le FBI, qui allait être représenté par un de ses agents de liaison : Godric Oathbridge. Leurs chemins s’étaient déjà croisés, mais elle ne le connaissait pas plus que çà. D’après ce qu’elle en savait, il était compétent, c’était le principal. Car cette affaire promettait d’être complexe.

Profitant d’avoir encore un peu de temps libre – et au calme – elle compulsa les dossiers en lien avec cette drogue, relisant chaque compte rendu, dans l’espoir d’y dénicher quelque chose passé jusque là inaperçu. Plongée dans ses lectures, c’est à peine si elle entendit Hope débarquer dans son bureau. La jeune femme releva son nez du dossier, et adressa un sourire à sa collègue. « Non je n’ai pas oublié. Je profitais d’être tranquille pour relire les dossiers et je n’ai pas vu l’heure passer, je l’avoue. » Elle fronça les sourcils. C’était par ailleurs étonnant cette tranquillité, d’ordinaire, cela faisait déjà belle lurette qu’elle était interrompue par un Luc tout sourire qui débarquait dans son bureau avec sa verve habituelle. « Bizarre… » murmura-t-elle pour elle-même. Elle jeta un regard à Hope. Cette dernière n’appréciait guère le consultant attitré du commissariat et ne se le cachait pas devant son amie. Réprimant un haussement d’épaules, Kaitlyn referma son dossier et se releva sans plus de commentaire. « Allons-y. » dit-elle simplement.

Les deux femmes prirent place dans la salle de réunion. L’assistant d’Irène Whitstone était déjà là, les bras chargés de victuailles. Hope déclina, et Kait se laissa tenter par un donut. Elle allait croquer dedans lorsque la procureure, l’agent du FBI sur ses talons, fit son entrée. Salutations et politesses d’usage faites, un plateau chargé de gobelets de café se matérialisa devant elle. Elle en prit un à son tour, conquise par l’odeur de torréfaction alléchante qui s’en dégageait.

Les affaires se succèdent, parfois se ressemblent.
La drogue ? Les humains en consomment depuis des millénaires. En invente toujours de nouvelles. Crack, mush, amphétamines, MDMA, kétamine et GHB se sont récemment ajoutés au cannabis, à la cocaïne, à l’héroïne et leurs innombrables dérivés.
Jadis l’apanage des chamanes qui cherchaient à déchirer le voile de la réalité – à jeter un fugace regard au-delà –, l’outil de chefs avisés quêtant la sagesse des dieux, les drogues sont devenues au fil des siècles un banal auxiliaire de plaisir. De débauche. On trouve ainsi plus d’opioïdes à Philadelphie que de livres dans les rayonnages de sa bibliothèque. La Gitche est juste un nouveau produit à la mode, un nouveau best-seller. Moins nocif que la plupart des autres produits dans ses effets.
Que certains dieux en fument ou en ingèrent au crépuscule de leur existence n’étonne pas le dieu de l’Ordre. Il sait que sa grande cause est vouée à l’échec. Celle pour laquelle il s’est toujours battu. La Justice se meurt ; noyée sous un océan d’infamies. Týr a eu la naïveté de croire en sa grandeur, en son pouvoir de radiance, en sa victoire sur la sauvagerie, comme des milliers de fidèles ont jadis commis l’erreur de croire en Tiwaz.

Une erreur que même la sage et stratège Athéna perpétue. Nommer le dieu de la Victoire pour la seconder ne lui apportera aucune réussite. Seulement l’assurance d’un dieu probe à son côté.

C’est en qualité de procureure que Whitestone a convié l’agent spécial Oathbridge ce jour-là. Un jour qu’il a marqué d’une pierre blanche. Comme à chaque rendez-vous il arrive pile à l’heure, à la seconde près.
Seule devant l’entrée du commissariat central, la charismatique déesse grecque esquisse son merveilleux sourire qui envoûte, gonfle le cœur des braves. Qui inspire valeur et courage. Foi et dévotion.
Qui laisse Týr de marbre.

Il y a goûté, à son égide. Baissé volontairement ses barrières divines afin de mieux connaître la déesse réputée noble d’âme, celle dont le courage et l’engagement forcent le respect de tous – même de ses opposants. Týr avait alors compris l’extrême ferveur de ses fidèles ; comment elle façonnait des héros à partir d’hommes à l’état brut.
Týr en avait pleuré toute la lassitude de son corps.

Pourtant Athéna aussi approche de la fin. Une fin définitive. La protectrice des justes est trop savante pour l’ignorer. Combien de réincarnations supportera encore sa flamme divine avant de s’éteindre à jamais ?

Il saisit le café tendu – d’aucuns craindraient que la boisson se change en pierre à son contact. Ignore comme d’habitude les allusions qu’il saisit en donnant l’air de n’y rien comprendre.
Primat et Vice-Primat se réunissent pour travailler, non pour s’amuser.

— Et ne faisons pas prier les policiers. Même si tous prient ton nom. Ce ne serait pas correct.

Godric joue le rôle du portier, ouvre le passage à la silhouette solaire derrière laquelle, malgré sa haute stature, il est une ombre étirée que les regards ignorent.
Ce qui lui convient parfaitement.

— La légiste a été prévenue conformément à tes instructions.

Týr a choisi d’envoyer un messager prévenir Freyja, pendant qu’elle patrouillait dans Sanctum. Freyja et son maudit collier. Le messager était rentré avec le rouge aux joues et un sourire béat. La manche de sa veste humide d’une bave répugnante.

Sur le trajet qui mène à la salle de briefing, Godric croise une gratte-papier, lunettes épaisses et cheveux d’ébène. Un sourire charmeur et il se débarrasse du gobelet de café, dont il n’a même pas ôté le couvercle.
Seuls l’hydromel et quelques bières anciennes trouvent encore grâce à son palais nostalgique. La déesse vierge est sans doute trop prude pour ce genre de breuvage.

Pendant que la procureure soigne son entrée, attire toute l’attention, Godric franchit discrètement le pas de la porte. Qu’il referme en silence derrière lui.

Hadès, ici ? Athéna ne l’a pas mis au courant de sa présence. Elle doit avoir ses raisons.

Godric ne salue personne, bien qu’il reconnaisse quelques visages parmi les policiers. Notamment McKinney, un bon atout, et la jeune Edwards – la bleue qui l’est sans doute un peu moins, aujourd’hui. Le Nordique se niche au fond de la salle, debout, là où son regard peut embrasser la totalité de l’auditoire sans tourner la tête.
Ce n’est pas une enquête fédérale, l’agent spécial Godric Oathbridge est seulement présent à titre d’adventice.

S’il y a bien deux choses que le chef de la police détesté plus que tout au monde, c’était premièrement qu’on donne des ordres à SES lieutenants, lui seul en avait le pouvoir et il allait devoir clarifier les choses une bonne fois pour toute avec Athéna. Et la second chose qui avait le don de l’ulcéré c’était le comportement de Luc et ça aussi, il allait mettre un véritable point d’honneur.  Le Chef de la police venait à peine de sortir de son bureau, afin de se rendre dans la salle de conférence pour rejoindre le petit groupe qui avait été convié par le procureur de l’Etat dans le but d’engager une lutter contre des dealers d’une nouvelle drogue. Il était toujours soupçonneux quand il voyait arriver des affaires contenant certaines nouveauté, car très souvent, on avait affaire à des divinités qui s’amusent avec les mortels.

Comme toujours tiré à quatre épingles, portant un éternel costume britannique à trois pièces, le chef de la police pénétra dans la salle avant d’écouter en roulant des yeux, ce cher consultant. Tout en s’avançant petit à petit vers sa place réservée, je me suis doucement exclamé pour rappeler à l’ordre le psychologue. « Monsieur Hellking, je vous prierais de vous asseoir et de vous calmer, nous ne sommes pas dans un vulgaire bouge ou bien dans vos soirées pathétiques où règne la décadence et la perversion. Vous êtes ici en tant que consultant, comportez-vous avec civilité et vous pouvez rester. Encore un mot de travers et vous sortez. » Croisant son regard, je l’ai fixé avec froideur et agacement : « J’espère avoir été très clair, je ne le répéterais pas. » S’il y a bien une fois qu’il ne supportait pas chez le consultant, c’était sa façon de se croire en territoire conquis au poste de police.

S’approchant petit à petit de sa place, il a regardé avec un léger sourire la présence de plusieurs lieutenants de police, les meilleurs qu’il a eu sous ses ordres. Un peu plus loin, il a aussi remarqué la présence de Tyr, l’agent du FBI, dont il a encore oublié le prénom. Puis avec une démarche élégante et pleine de charisme, il s’approcha de Madame Whitestone et il la regarda dans les yeux avec un respect calme avant de lui dire : « Irène, je suis particulièrement ravi que vous m’ayez convié à cette réunion » Puis m’approchant de son oreille, il a murmuré doucement : « Va falloir qu’on discute vous et moi après » Après lui avoir décoché ses deux piques, le chef de la police prit place sur son siège, afin d’attendre le topo qu’allait surement très vite faire, Madame le Procureur.

Un homme retrouvé mort sur un trottoir, et qui s’est aplati en sautant du toit d’un building. Rien d’extraordinaire. Un sachet de gélules d’une drogue douce à côté du cadavre. Là encore pas de quoi fouetter un chat. En pleine conscience, le geste irrémédiable n’est jamais simple pour un mortel, même à un pic de désespoir. Ce n’est pas ce cas isolé qui interpelle Irene Whitestone, mais l’accumulation des dossiers où la Gitche est mentionnée depuis que la drogue est en circulation, et qui rendent compte d’un changement dans sa cible de consommation. D’abord circonscrite aux populations des ghettos, la Gitche gagne du terrain et devient désormais prisée par toutes les couches de la population, des plus démunis aux plus opulents. Des faits remontent aux oreilles de la procureure au sujet d’acteurs économiques et d’autres têtes pensantes de Philly dont les soirées sont amplement saupoudrées de Gitche. Et cela inquiète Irene, non pour des raisons de santé publique, mais pour l’énorme malle financière que ce trafic florissant génère. Et qui doit profiter à toutes sortes d’opérations illicites. Il lui paraît important d’avoir une vision plus précise des fournisseurs qui se font appeler « les Gitchers ». Quels sont leurs profils criminels ? Dans quelles affaires commerciales et politiques sont-ils infiltrés grâce à la mallette d’argent qu’ils peuvent passer sous la table ?

Afin de cerner le corpuscule des Gitchers, la procureure a donc posé une requête auprès des services de police pour un briefing sur la situation dans le but de rassembler les éléments connus et lancer des investigations sur les zones d’ombre. Son intérêt est d’autant plus éveillé que l’homme qui a fait le grand plongeon était l’enveloppe d’une divinité qu’elle connaissait de vue. À nouveau que des dieux mettent fin à leur interminable existence, cela arrive. Cependant, dans le contexte actuel de tensions latentes avec les NGA, elle adopte une attitude interrogatrice sur tout.

"N’essaierais-tu pas par hasard de changer le monde en initiant une chaîne de bonnes actions ?" commente Irene avec un sérieux que dément l’éclat rieur de ses mirettes.

Comme souvent – sinon toujours –, sa boutade ne tire pas l’ombre d’un sourire à son taciturne Vice-Primat.

"Auquel cas, permets que j’y prenne part.. Miiisss ! Miissss avec le café, attendez s’il vous plaît !"

Irene rejoint la femme de l’administratif pour lui offrir un second gobelet.

"J’en riais, or je commence à croire que ton geste peut faire une différence." félicite Irene, de retour aux côtés de l’agent du FBI. "On a fait une heureuse. Mais figure-toi qu’elle m’a dit que celui avec qui elle partagera la dégustation, n’aura pas à chiper le café d’un collègue, comme il en a l’habitude."

En pénétrant dans la salle de briefing, la procureure découvre l’équipe d’enquêteurs rattachée au dossier Gitchers qu’elle a certes sollicitée pour un briefing, mais qu’elle n’a évidemment pas constituée. Elle salue, appréciant de voir des têtes connues, tout en passant les cafés.


"Dans cette bonne énergie, à merveille, merci lieutenant." répond franchement la Déesse à la policière Edwards sur qui elle attarde un regard un brin scrutateur.

L’autre matin, n’est-ce pas Edwards qu’elle a vue sortir de la mairie ? Athéna ignore ce qui amenait la lieutenant en service sur le lieu de travail de Zeus ni même si c’était avec ce dernier qu’elle était en entrevue à vrai dire. Elle arrache son regard pour le porter sur la veuve de Paul qui semble remise de la terrible intervention qui a coûté la vie à son binôme.

S’installant tout devant à côté de Douglas, Athéna tourne le haut de son corps à l’entrée bruyante du psychologue Hellking. Elle ignorait qu’Hadès serait de la partie, mais cela ne change pas de d’habitude. Son oncle infernal – et non d’enfer comme il se plaît à se considérer – a toujours la fâcheuse manie de surgir comme un diable de sa boîte là où précisément personne ne l’y convie. Et d’y faire tout un foin qui met à mal la faible tolérance d’Athéna face au nuisance sonore .

Dans le regard de la Primat de l’Ordre gronde un mélange d’exaspération et de désapprobation qui s’intensifie en entendant les remontrances du chef de la police. Si Hadès n’a pas à étaler sur la place publique les taquineries pour le moins cavalier qu’il peut décocher à une collègue de travail, Enki ne fait guère preuve de plus d’élégance en évoquant la vie privée d’un subordonné.

"Ça va sans dire. Maintenir notre précieuse collaboration est toujours une priorité pour moi." renchérit posément la procureure à l’adresse de Severus dont les accents de griefs dans la voix l’interrogent sur ce qui lui est reproché au juste. "Et je vous remercie pour la constitution au pied levé d’une équipe d’enquêteurs suite à ma demande d’ouverture d’enquête sur les Gitchers. Cela nous permet ainsi de tenir un briefing rapidement, sur un dossier auquel nous avons tardé à nous pencher. Bien, pouvons-nous commencer ?"

Ce n’est pas le premier briefing commun entre les services de police et le bureau du procureur ; chacun connaît le déroulement et s’est préparé en conséquence. Des enquêteurs se lèvent et exposent les éléments connus sur la Gitche allant de sa composition aux pratiques de sa consommation, en passant par ses effets sur l’organisme. Des chiffres sont donnés et une carte sur les zones d’implantation de la drogue a été établie. Des questions sont posées, des précisions sont apportées, et au fil de l’exposé se posent des bases communes et partagées. Puis, les enquêteurs sur l’affaire du cadavre retrouvé en bas de l’immeuble donnent également les éléments en leur possession. À savoir pas grand-chose. La victime n’était pas un marginal et ne vivait pas dans un ghetto. Les analyses toxicologiques montrent qu’il était sous l’emprise de la Gitche au moment de son geste fatal. La chute est-elle un suicide, un accident ou un meurtre, les circonstances autour de la mort restent floues pour l’heure.

Après qu’on ait fait le tour sur les renseignements à disposition, la procureure synthétise pour mettre les jalons de la suite.

"Avec tout ce que nous venons d’entendre, nous convenons que le trafic de la Gitche génère et brasse d’importantes sommes d’argent. Il y a fort à parier que nous allons observer une recrudescence de criminalité autour de ce trafic. Entre tous ceux qui veulent aussi toucher une part du gâteau. Nous avons besoin de mieux comprendre qui sont les Gitchers, comment ils s’organisent et dans quels organismes va l’argent qu'ils amassent. L’un d’entre vous a-t-il déjà une source pour nous lancer sur une piste ?"

Pour ce qui est de la répartition des tâches, la procureure n’est plus concernée et laissera les enquêteurs discuter entre eux. Afin de savoir la fenêtre de temps dont elle dispose pour discuter avec le chef de la police, elle se penche vers son assistant pour lui demander l’heure prévu de son prochain rendez-vous.

Installée dans la salle de briefing en compagnie de Kaitlyn, un gobelet de café fumant à la main, la jeune femme ne s’attendait pas à une telle réponse de la part de la procureure. Cette femme était réellement des plus impressionnantes. Irene Whitestone menait la barque d’une main de maître. Si Hope ne se permettrait pas de critiquer le travail de l’ancien mari décédé de Kaitlyn, ne l’ayant pas connu ni vu à l’oeuvre, elle restait persuadée qu’il serait difficile de trouver un autre candidat au poste de procureur qui pourrait faire mieux que celle en place. Maître Whitestone semblait appréhender chaque chose à sa juste valeur, s’inquiétant que si c’était nécessaire. Si cette réunion sur la Gitche lui avait paru inappropriée, elle était vite revenue sur son avis lorsqu’elle avait appris qu’elle en était l’initiatrice. Si la procureure jugeait que cela était important, elle avait très certainement ses raisons, et probablement des bonnes raisons de surcroit. Lui adressant un sourire sincère et amical, ignorant totalement les pensées qui pouvaient traverser la femme qui se tenait devant elle, elle la vit poursuivre son tour avant de prendre place devant, là où son assistant lui avait gardé un siège. C’est à ce moment là qu’une entrée fracassante et ridicule du consultant en psychologie de la police de Philadelphie eut lieu. Pourquoi diable cet énergumène ne pouvait-il se comporter comme les autres ? Lui faisant lever les yeux au ciel une première fois, elle réitéra rapidement la chose lorsqu’il vint forcer une place entre Kaitlyn et elle. La jeune femme espérait réellement que cette présentation ne soit pas trop longue au vue de son nouveau voisin. Décalant quelque peu sa chaise, elle vit un nouvel arrivant, son chef. Enfin pour être plus précise, Mr Porcius Cato était le chef du chef de son chef, un truc comme ça. C’était simple en fait, toutes les personnes qui travaillaient au commissariat l’avaient pour supérieur. Ce dernier Mit les points sur les I et les barres sur les T à Hellking vite fait bien fait le consultant, arrachant un sourire en coin à Hope.

Etrangement, le comportement de son chef à l’égard de la procureure lui parut étrange. Etait-ce de la tension qu’elle percevait ? Rien d’autres qu’une légère sensation dans l’air laissait présager une telle chose et pourtant. Cette pensée s’en alla bien loin tandis que le briefing débuta. Les enquêteurs défilèrent pour présenter les éléments déjà connus des services de police. Il ne semblait pas y avoir, à première vue, d’éléments concordant entre les affaires en dehors du fait que de la Gitche avait été retrouvé sur place, ou dans le corps d’un individu, ou les deux en même temps. Les enquêtes remontaient sur quelques années. Hope s’y était retrouvée confrontée lors d’analyses toxicologiques à la scientifique avant de croiser elle-même, lors d’enquêtes, des consommateurs de la Gitche ainsi que de petits revendeurs, bien loin d’être en contact avec les Gitchers. Ils restaient toutefois une piste non négligeable. Evidemment, pour remonter le réseau tout entier, cela n’allait pas être aussi simple. Le côté addictif allégé par rapport à d’autres drogues rendait la Gitche d’autant plus convoitée et donc protégée potentiellement même par les indics de chacun. Lorsque la procureure reprit la parole, elle mit alors le doigt sur ce qui la chiffonnait le plus dans l’affaire. Il était clair qu’une telle drogue, avec une faible addiction, signifiait également un grand nombre de consommateurs et des achats en quantités importantes. Irene voulait prendre le taureau par les cornes avant qu’il ne soit trop tard et on ne pouvait pas la blâmer pour ça. Cela fut donc son tour de prendre la parole. La lieutenante se leva de sa chaise mais décida de rester sur place.

Lors de l’enquête sur la prostitution au port, nous avions découvert que certains maques utilisés la Gitche pour tenir leurs filles mais aussi leurs clients, incluant une dose dans chaque prestation. C’était lors des débuts de cette drogue dans les ghettos. je pense qu’il serait judicieux de reprendre le dossier pour rendre une visite en prison à ceux qui ont été arrêtés à l’époque. On pourrait peut-être ainsi obtenir une piste sur les Gitchers par ce biais étant donné que l’affaire remonte aux prémices de cette drogue. Il me semble que celui qui était responsable de l’affaire était le lieutenant Dandridge. Je ne connais que les grandes lignes ayant travaillé dessus à la scientifique.

Après avoir parlé de l’ancien coéquipier de Kaitlyn, elle évita de la regarder, imaginant aisément le mal que cela pouvait lui faire et les souvenirs que cela pouvaient ressasser en elle. A la suite de son intervention, d’autres défilèrent. Puis le briefing sembla toucher à sa fin. Hope était volontaire pour se replonger dans ce vieux dossier, le responsable n’étant plus. Par ailleurs, puisqu’une enquête était réellement ouverte sur cette drogue, elle comptait bien en toucher deux mots à chaque indic qu’elle croiserait, ainsi qu’à chaque criminel. Les Gitchers ne pourraient pas rester dans l’ombre indéfiniment et si cette dope était moins dangereuse que les autres, stopper le réseau mettrait à l’honneur la police de Philadelphie qui réussirait enfin à porter un grand coup contre la criminalité de cette ville.

Kaitlyn fut de nouveau interrompue dans son intention de mordre dans le donut qu’elle tenait entre ses doigts, par l’arrivée tonitruante de Luc cette fois-ci. Fidèle à lui-même, il débarqua dans la salle de réunion en fanfare, s’intercalant entre Hope et elle sans se formaliser outre mesure. Kait dut se retenir de lever les yeux au ciel, mais en revanche le fusilla du regard lorsqu’il appela son amie  par le sobriquet « Lieutenant Ducon ». C’était constamment la guerre entre ses deux là, à son grand désarroi. Elle lui administra un coup de pied sous la table tout en lui faisant les gros yeux. « Je ne crois pas que le moment soit bien choisi pour vous faire remarquer de la sorte Luc. » murmura-t-elle entre ses dents, gratifiant ses paroles d’un sourire entendu. Néanmoins elle ne pouvait nier qu’elle était heureuse de sa présence. Sans qu’elle ne l’ai vu venir ni calculé, Luc Hellking avait prit énormément d’importance dans sa vie – et dans son cœur – en peu de temps tout compte fait. Et elle en était la première surprise.

La jeune femme se redressa tandis que le Chef, Severus Porcius Cato se dirigeait vers eux. D’une voix posée mais vibrante de colère contenue, il remit vertement Hellking à sa place. Kait se mordit la joue pour ne pas sourire et garda son nez baissé dans son gobelet de café. Une fois l’averse terminée, elle se tourna vers Luc et lui coula un regard en coin. « Je vous avais prévenu. » se contenta-t-elle de dire à voix basse, avec un haussement d’épaule. Puis elle reporta son attention sur le débriefing qui commençait. Elle put enfin manger son donut tandis que des collègues commençaient à exposer les faits connus jusque lors en rapport avec la Gitche et son trafic. Hope prit alors la parole à son tour, énumérant certains faits en rapport avec la Gitche, notamment l’une des dernières enquêtes dont s’était occupé Silas de son vivant. Kait eu un pincement au cœur à l’évocation du nom de son ancien mentor. Effectivement à cette époque, Hope faisait encore partie de l’équipe scientifique. La gorge serrée, Kaitlyn décida de prendre la parole à son tour et se leva. « Effectivement, Silas était sur cette enquête, je m’en souviens. Je l’ai aidé. Je dois avoir encore quelques uns de ses rapports en ma possession, avec des noms de contact qu’il avait. Même si à l’époque ce n’était pas tant la drogue qui l’intéressait que le trafic d’êtres humains. » Elle se racla la gorge. « Si vous les voulez, je vous les remettrais. » conclut-elle à l’attention de la procureure, avant de se rasseoir.

L’enthousiasme inépuisable d’Athéna ne cesse d’ébahir le Vice-Primat. Comment réussit-elle à afficher un sourire étincelant, une authentique alacrité après des siècles de luttes ? Týr la connaît suffisamment pour écarter de ses traits de caractère la frivolité – dont son oncle Hadès fait à nouveau étalage.
La déesse vierge ne ressemble à aucune autre.
Tous les membres de cette salle, de la lieutenante Edwards au Mésopotamien qui dirige la police, agissent pourtant en hérauts de la justice. Chacun à sa manière, à son échelle, unis dans leur refus de l’indolence face aux tourments qui malmènent les sociétés humaines.

Leurs efforts sont vains. Tous s’échinent sans l’ombre d’un espoir, à la manière d’un Sisyphe. Muscles tendus dans l’effort, membres écorchés par le contact abrasif d’une surface traîtresse, ils poussent sans relâche le rocher de l’Injustice sur les pentes abruptes de la montagne Équité. Policiers, dieux sages tentent d’élever cette informe agglomérat des bassesses humaines, regards dressés vers l’ordre et l’harmonie qui règnent à son sommet. Depuis des millénaires le cycle se répète obstinément : tôt ou tard la roche fangeuse glisse de leurs mains, dégringole jusqu’aux plus nauséeux marécages. Sauvagerie, avarice, jouissance destructrice et autres calamités qui nourrissent les New Gods of America.
Pour Týr, la pente de la montagne devient chaque année plus raide. Son sommet est devenu une utopie inaccessible.
Il est fatigué de pousser son rocher.


Seul au fond de la salle, Godric acquiesce silencieusement tandis qu’Irene Whitestone évoque l’inquiétante intrication entre le dieu-argent et cette nouvelle drogue. Ses propos se tiennent, ainsi que sa méthode.
Peu efficace en sa qualité de justicière, la déesse de la stratégie fait montre de vision, de majesté dans l’exercice de sa fonction. Et les humains n’y voient que du feu, soupire Godric avec lassitude, tant son aisance paraît naturelle.

Edwards et McKinney avancent une piste. Froide, peut-être, mais assez prometteuse pour l’explorer. D’autres policiers aborderont l’affaire sous des angles différents et au final, il en sortira peut-être quelque chose.
Ou plus vraisemblablement, la Gitche sera un échec supplémentaire dans le combat des forces de l’ordre contre les drogues. Le nombre de victimes, de crimes périphériques s’accroît chaque année. L’héroïne, la cocaïne et des myriades d’autres produits empoisonnent quotidiennement la population américaine.

Le tour de table des policiers s’achève sur l’intervention loufoque d’Hadès. On peut remballer, le consultant Hellking va résoudre l’enquête ! Ce n’est pas à Godric de lui répondre, toutefois il a son propre rapport à présenter.
L’agent du FBI traverse alors la salle d’un pas nonchalant, se positionne devant l’assemblée et annonce d’une voix monotone :

— Selon les rapports préliminaires de nos analystes, la consommation de Gitche se concentre à Philadelphie, avec des signalements sporadiques dans le reste de l’État. L’ampleur du trafic est difficile à évaluer, bien qu’en augmentation constante. Tout porte à croire que la production de Gitche reste contenue, localisée dans la région où opère le gang des Gitchers. Toutefois, comme le souligne la procureure Whitestone (Godric jette un bref regard sur Irene), le succès de ce nouveau produit apporte une manne financière qui nous fait craindre une nouvelle phase de développement.
C’est pourquoi le FBI se positionne avec vigilance sur cette affaire. J’assurerai la coopération avec les services de la ville, mais jusqu’à nouvel ordre les investigations vous incombent entièrement. Mesdames, messieurs, je vous souhaite bonne chance.

Certains d’entre vous y laisseront peut-être la vie, et le crime continuera de prospérer sur vos cadavres.

Godric scrute l’assemblée de son regard pâle, se rappelant les braves qu’il guidait jadis à la bataille. Autrefois son peuple se battait pour l’honneur, pour la dignité. Afin de préserver un ordre sacré. Les combats avaient du sens. C’était avant la mutation des Nordiques en Vikings assoiffés de richesses.
Les mortels finissent toujours par le décevoir. Les autres meurent prématurément.

Il lui semble déceler un résidu d’innocence sur le visage attentif d’Edwards. Survivras-tu longtemps parmi les loups ?
Les regards énamourés que McKinney jette au consultant n’ont pas échappé à Týr. Dans l’art de choisir tes partenaires, tu es assurément la reine des choix malaisants.
Hadès qui ne lui inspire un vague sentiment de curiosité. Y a-t-il une once de sincérité dans ton engagement, ou agis-tu seulement par jeu ?
Quant à Enki, Godric lui laisse la parole en lui souhaitant bien du courage. La criminalité de Philadelphie se situe parmi les plus élevées des États-Unis, ce qui doit être difficile à vivre pour un protecteur de l’humanité.

Godric salue l’assemblée d’un hochement de tête, puis quitte la salle le regard vide.
Il est fatigué de pousser son rocher.

Qu’Enlil me viennent à mon secours, j’avais une sainte horreur des consultants et un consultant comme Hadès était réellement était comme une épine sur mon pied et si, il ne faisait un aussi bon travail en compagnie du lieutenant, je l’aurais viré manu militari de mon commissariat. J’écoutais avec beaucoup d’attention les intervenants et surtout le lieutenant McKinney, ainsi que l’agent du FBI dont le nom avait tendance à m’échapper. J’avais une véritable sainte horreur de cette ville et surtout de son taux de criminalité aussi important. Je souffrais en mon fort intérieur de toutes les personnes qui étaient victimes d’abus, de meurtre, de viol ou encore de la drogue. J’avais durci les forces de police et je faisais tout pour protéger la population des actions des criminels. Pourtant, à chaque fois qu’il y en avait un qui finissait en prison, il y en avait deux qui sortaient de sous la terre.

Au moment où Hadès parlait de faire le mouchard pour récupérer des informations, j’ai eu un petit rire discret. Cet homme était surement l’un des plus gros consommateurs de drogue en tout genre dans notre belle ville et il allait nous aider à coincer ses fournisseurs. Intéressant. Puis vint le tour de l’agent du FBI et ce fut ensuite à moi de parler. Me levant, j’ai regardé mes hommes dans les yeux avant de prendre une grande inspiration. « Bon, je ne vais pas vous faire un discours sur l’importance de traduire ses hommes en justice, cela, je pense que tout le monde l’a très bien saisi. Je vais seulement vous dire une chose. Nous sommes la police et les protecteurs des faibles et des malheureux de cette ville. Nous devons absolument tout faire pour protéger les personnes qui ont besoin de notre protection. Je pense que vous savez tout ce que vous devez faire. Lieutenant Edwards, vous allez vous mettre en relation avec les affaires internes de la police, afin de récupérer les dossiers de Silas au sujet de la drogue. Trouvez-nous des pistes. Et surtout, les documents seront sous votre garde, Personne ne doit y regarder à part vous. »

Son regard se posa ensuite avec dédain sur le consultant et partenaire de Kaitlyn. « Quant à vous, lieutenant McKinney, je vous charge d’enquêter avec votre partenaire avec les différents fournisseurs. Mais je vous préviens tous les deux. Vous avez carte blanche pour obtenir des réponses. S’il se passe le moindre pépin, vous pouvez dire adieu à votre partenariat et le lieutenant McKinney se retrouvera pour les six prochains mois, à faire de la paperasse. J’espère avoir était très clair sur ce point. ». Retournant mon regard vers les autres officiers présents, je leur ai dit de faire bouger leurs contacts dans le milieu pour obtenir des réponses. Puis terminant part Athéna, j’ai eu un petit sourire vers elle, avant de lui demander si elle avait une petite dizaine de minute à m’accorder.

Parler de Silas ne posait aucun problème professionnel à Hope. Elle l’avait connu comme collègue, ayant été l’ingénieur de la scientifique qui travaillait sur certaines de ses affaires. Le lien qui les unissait était purement professionnel et elle ne s’était jamais doutée qu’il puisse avoir été un ripou. en réalité, à l’heure actuelle, il n’y avait encore aucune preuve tangible qui pouvait confirmer cela. Par contre, aborder ce sujet la gênait plus d’un point de vue personnel, pas pour elle-même mais pour son amie Kaitlyn. Ancienne binôme de Silas, présente à ses côtés alors qu’il s’était fait tuer en mission, elle avait surtout été formé par cet homme et ressentait comme une trahison à l’idée qu’il est pu basculer du mauvais côté. Alors forcément, l’évoquer ainsi en pleine réunion devant tout le monde en sa présence n’était pas la chose qui la mettait la plus à l’aise. Pour autant, elle se devait de faire son travail au mieux et de ne surtout pas manquer la moindre piste. Terminant son intervention sur cette piste éventuelle où la Gitche avait commencé à pointer le bout de son nez, ses poils se hérissèrent lorsqu’elle entendit la voix du lieutenant McKinney s’élevait juste après qu’elle ait repris place. La brune ne savait absolument pas qu’elle avait prêté main forte à son mentor sur cette enquête. La voyant se rasseoir après son intervention, elle regrettait d’autant plus à cet instant que cet abruti de consultant se soit invité entre elles.

En parlant de cet énergumène, ce dernier demanda la parole de manière fantasque comme à son habitude, faisant lever les yeux au ciel à la jeune femme. Comment cet idiot dénué de bon sens pourrait réaliser une infiltration efficace dans un tel réseau qui doit s’attendre à ce que la police finisse par s’intéresser à eux ? Hellking ne prenait pas du tout cette affaire au sérieu alors que si la procureure avait décidé d’ouvrir une enquête, c’est qu’il y avait réellement lieu de s’inquiéter. Le bureau du procureure ne pouvait se pencher sur tous les dossiers autant en amont. Lorsque l’intervention inadaptée du consultant fut fini, cela fut au tour de Godric Oathbridge, agent spécial du FBI détaché auprès de la procureure, d’intervenir. Si la brune gardait une certaine rancoeur liée à leur première affaire commune, elle ne pouvait dénigrer les capacités ou le professionnalisme de ce dernier. Le reproche qu’elle pouvait lui faire était d’ordre bien plus personnel. C’était un asocial sans aucune manière. Il n’avait tout simplement pas de savoir faire ni de savoir être. La façon dont il s’était comporté lors de cette vieille enquête avait été comme s’il n’avait jamais été débutant dans le métier. Ce qui était certain, c’est qu’elle avait utilisé cela pour s’accrocher et se perfectionner le plus vite possible. Ce dernier parla de la zone d’implantation du réseau des Gitchers qui était principalement à Philadelphie même. Le regard qu’il lança à la procureure Whitestone parut étrange à Hope, comme s’il cherchait à lui faire passer un message à elle seule. Si tel était le cas, cela serait très certainement réussi. Ou alors peut-être que le superbe agent efficace et sans faille du FBI s’était fait surprendre par les remarques pertinentes de la procureure ? Etrangement, elle l’imaginait bien être le genre d’hommes ne pensant pas les femmes capables de premiers abords. Sa manière hautaine de scruter l’auditoire avant de quitter la salle lui donna encore plus envie de croire qu’il se sentait supérieur aux autres. L’avoir entendu dire qu’il ne serait présent que pour collaborer mais qu’il n’enquêterait pas sur l’affaire la rassura un peu. Si travailler avec lui serait probablement bien moins contraignant que de travailler avec Hellking, elle n’était toutefois pas sûre d’apprécier le fait de réitérer leur collaboration. D’un autre côté, ce dernier regard qui se termina telle l’extinction d’une lumière la poussa à s’interroger sur le véritable caractère de Godric qui semblait toujours entouré d’un voile de mystère.

Vint alors la dernière intervention, celle du chef Porcius Cato. Attentive, elle ne fut pas surprise du discours très moralisateur et un tantinet justicier de ce dernier. Il était un homme qui trempait dans la justice depuis toujours et en intégralité. Ces discours en faisaient toutefois un tantinet trop de son point de vue. Evidemment que la police était là pour protéger les citoyens. Mais les difficultés étaient réelles pour la police qui manquait de moyens et parfois, son discours laissait entendre que cela ne tenait qu’à eux de renverser la situation. D’un autre côté, il était le genre de chef à ne pas lâcher ses subalternes et c’était agréable de se sentir soutenu. La distribution des rôles arriva et la brune fut un peu surprise de se retrouver en charge de la centralisation des dossiers et des pistes qu’ils auraient au vue de la quantité de personnes qui étaient présentes dans la pièce. D’un hochement de tête, elle acquiesça l’ordre de son supérieur, se demandant s’il ne comptait pas sur leur point en tête à tête sur l’enquête du maire pour faire également un point sur l’enquête sur la Gitche et son réseau. Cette marque de confiance restait toutefois appréciable, surtout au vue des membres plus anciens présents dans la pièce. C’est alors qu’il décida d’envoyer Luc sur le terrain accompagné par Kaitlyn. Alors qu’elle venait de revenir, le chef voulait déjà l’envoyer en mission d’infiltration. Cela fut la seconde surprise de son intervention, pensant qu’il la garderait un peu au chaud pour sa reprise, sachant comme tous les autres collègues qu’il couvait un peu le lieutenant McKinney. Mais il était vrai aussi qu’il ne pouvait laisser Hellking s’infiltrer seul. Elle était d’autant plus ravie de ne pas avoir été collée d’office avec lui à la place de la blonde. La réunion prenant fin, la jeune femme se leva et se tourna vers son amie :

Si des détails te reviennent ou si tu remets la main sur des documents tu me diras s’il te plait.

Puis se tournant vers Luc, elle le salua d’un ton neutre avec un soupçon de dédain :

Hellking

En se déplaçant, elle adressa un signe de tête à son chef pour le saluer avant de sortir de la salle pour retourner à son bureau. Elle allait se mettre immédiatement en relation avec le service des affaires internes pour récupérer les dossiers de Silas Dandridge qui pourraient concerner de près ou de loin la Gitche ou les Gitchers.

Luc prit la parole après elle, se proposant d’infiltrer le réseau. L’idée en elle-même pouvait paraître fantaisiste, mais à y réfléchir, n’était pas si saugrenue que cela. La tension entre Hellking et Porcius Cato était palpable. Un véritable combat de coqs. Godric Oathbridge reprit la parole, diffusant des dernières informations sur la Gitche, avant de faire comprendre que si le bureau coopérait, l’enquête relevait pleinement de leur ressort à eux, policiers. Après sa diatribe, l’agent les salua brièvement avant de prendre congé. Le FBI avait fait sa part du job, de toute évidence. A eux de jouer.

Severus s’adressa à l’assemblée à son tour. Kaitlyn écouta le chef avec attention. Il allait leur répartir les tâches, afin de distribuer les rôles dans l’enquête ardue qui les attendait. Il s’adressa en premier lieu à Hope, lui demandant – au grand étonnement de Kait – de se mettre en relation avec les affaires internes pour récupérer les dossiers de Silas. En y réfléchissant, c’était logique. Kaitlyn n’était pas suffisamment impartiale dans cette histoire pour pouvoir étudier à froid les dossiers de son ancien mentor. La suite l’étonna encore plus. Etonnement qu’elle ne put masquer sur son visage lorsque Severus les chargea, Luc et elle, d’enquêter sur les fournisseurs – ainsi que l’avait suggéré le consultant un peu plus tôt – tout en ayant carte blanche pour se faire. Evidemment, le revers de la médaille n’en était pas moindre. Menace d’arrêter leur partenariat et paperasse pour elle. Ben voyons ! Elle se retint de lever les yeux au ciel et soutint le regard de son supérieur. « Très clair. » répondit-elle, un peu fraîchement.

Connaissant le peu d’estime que Cato pouvait avoir envers Luc, c’était néanmoins une grande marque de confiance envers elle de leur laisser ainsi carte blanche.  Et en cela, elle lui en étant reconnaissante dans un sens, ne sachant trop si ce n’était pas non plus une façon détournée de mettre Hellking et leur tandem en péril sciemment. Hope la détourna de ses pensées en s’adressant à elle. « Pas de souci Hope. Je t’apporterais tout ce que j’ai en ma possession. » Son amie s’éclipsa à son tour. La salle de réunion se vidait rapidement. Kait se tourna vers Luc, apposa sur lui un regard lourd de sens. « A nous de jouer alors. J’espère que tu sais ce que tu fais. » dit-elle simplement.