Je suis là si tu as besoin

La veille au soir, Hope avait appris pour la première mission de son amie et l’enfer que cela était devenu. La lieutenante McKinney était censée reprendre en douceur et pourtant, sa première affaire qui consistait à faire uniquement du repérage avait viré au cauchemar : capture, tentative d’abus sexuel et plein d’autres choses encore. Elle avait vu ça comme un enfer pour sa collègue fraîchement réintégrée, surtout après les raisons de son arrêt et la potentielle trahison de son ancien coéquipier décédé. C’était une reprise absolument pas en douceur contrairement à ce qui était prévue. Loin de se montrer sentimentale ou affective à l’accoutumée, la brune n’avait pu s’empêcher de vouloir voir comment Kaitlyn gérait cela. Aussi avait-elle envoyé un message à sa collègue pour savoir si elle pouvait passer la voir en ce début de soirée. Lorsque celle-ci lui avait dit ne pas bouger de chez elle, étant de toute façon en arrêt, elle avait pris ses dispositions pour pouvoir passer la voir. Aussi, la brune dut se violenter pour travailler d’arrache-pied toute la journée et pouvoir partir un peu plus tôt. Par un peu plus tôt, évidemment, la jeune femme pensait à sortir à une heure classique du travail plutôt que tardivement comme elle en avait l’habitude.

En ce moment, elle avait plusieurs affaires qui la travaillaient. La plus simple et moins risquée était un cambriolage où deux individus avaient espéré s’en sortir sans croiser la propriétaire des lieux. Evidemment, ça n’avait pas été le cas et l’un d’eux avait dû l’assommer, laissant par la même occasion une trace de son passage, un cheveu. Ce simple cheveu était la meilleure piste que la brune avait sur l’enquête et le consultant extérieur nouvellement recruté par le chef Porcius Cato avait eu des résultats probants dans un délai plus qu’intéressant. Par ailleurs, elle continuait d’enquêter sur les menaces de mort reçues par le maire et elle se demandait si cela allait passer encore longtemps le fait que cette enquête patine complet. Il faut dire que les indices de départ étaient minces et qu’elle se devait de travailler entièrement seule sur l’affaire pour ne pas ébruiter la chose. Selon son grand chef était au courant, personne à qui elle faisait état de ses avancées … inexistantes. Pas de traces à analyser sur le courrier, le visionnage des caméras de surveillance aux alentours de la mairie n’avait pas permis de détecter une personne plus louche que les autres, rien. Deux choses la tendaient particulièrement concernant cette affaire : son incapacité à avancer qui risquait de porter préjudice à sa carrière et les rencontres à répétitions entre le maire et elle qui avaient parfois lieu dans un café ou un bar pour que cela paraisse moins suspect. ce second fait ne convenait absolument pas à la lieutenante qui avait l’impression d’aller à un rencard forcé. La troisième enquête, sur laquelle elle travaillait en collaboration avec Kaitlyn et d’autres policiers, était sur le trafic de Gitche à Philadelphie. Trouver les Gitchers n’était pas si aisé que cela et malgré les bonnes pistes de départ qu’ils détenaient, faire parler des criminels lorsqu’il était question de la Gitche semblait être un défi de taille.

La journée passa assez vite et si la jeune femme avait encore largement de quoi s’occuper, elle se força à quitter son bureau pour passer chez l’un des meilleurs pâtissiers de la ville. Elle avait passé commande pour récupérer un cheesecake, l’un des mets préférés de son amie. Cela était une bien piètre consolation mais elle espérait tout de même lui faire plaisir avec ce petit geste. Lors de sa convalescence précédente qui avait duré six mois, Hope n’avait pas osé s’imposer à son aînée. Elle n’avait pris de ses nouvelles que par message écrit de peur de s’imposer ou encore de la déranger. Si elle ne se montrait pas franchement familière ou attachée, elle n’en pensait pas moins pour autant. Un être humain ne choisissait pas les sentiments qu’il éprouvait, il ne faisait que les subir, faire ce qu’il pouvait pour accepter et vivre avec ses sentiments ou se ronger pour les renier au maximum, les refouler au plus profond de son être. Hope était de ceux qui ne refoulaient pas spécialement ses sentiments mais qui ne les laissaient pas s’exprimer ouvertement pour autant. C’est pour cette raison qu’elle ne laissait pas les gens l’approcher de trop près, se plongeant à corps perdu dans son travail et ses enquêtes personnelles. Une fois passée à la pâtisserie, la brune prit la route en direction de chez sa collègue et se gara non loin de sa maison. Une fois qu’elle eut frappée à la porte, elle n’attendit pas longtemps avant d’entendre sa collègue bougeait de l’autre côté pour venir lui ouvrir. Une bise plus tard et les voilà que les deux femmes s’installaient dans le canapé, après que Hope lui ait remis le gâteau acheté plus tôt.

Est-ce que ça va ou ai-je raison de m’inquiéter Kaitlyn ?

La franchise de la plus jeune n’était plus à prouver. Elle n’aimait pas passer par quatre chemins pour dire les choses et sa venue ici devait déjà sentir l’inquiétude à plein nez pour la lieutenante McKinney. Elle espérait être rassurée mais uniquement à juste titre. Hope n’était pas de ceux qui cherchaient à être consolés plus que la personne qui en avait réellement besoin, bien au contraire.

Je suis là si tu as besoin

Ces derniers temps avaient été éprouvants pour Kaitlyn. Autant physiquement que psychologiquement. La reprise soit disant en douceur s’était avérée plus que mouvementée, la mission s’achevant dans un feu d’artifice où elle avait failli y laisser sa peau, et où un flic était mort. Un des membres de l’équipe du capitaine du SCU, Johan McRawne. Quant à son propre «équipier d’un jour, il avait fini torturé à la perceuse et hospitalisé dans un état sérieux. Heureusement, ses jours n’étaient pas en danger. Kait s’en tirait à bon compte. Quelques contusions et ecchymoses, et une bonne dose de courbature. Quelques jours de repos – une fois de plus – lui avaient été imposé, à son grand désarroi.

Elle avait promis à McRawne de l’aider dans sa croisade officieuse contre les Mad Veterans, nom des fanatiques auxquels ils avaient été confrontés. A côté de cela, elle nourrissait toujours des doutes sur l’intégrité de son ex mentor Silas. Et il y avait cette fichue enquête sur le trafic de Glitche, qui mettait la police de Philadelphie sur les dents. Ca, c’était pour le côté boulot. Côté perso, elle avait également de quoi faire niveau préoccupations. Outre les sentiments troubles que lui inspirait son partenaire et consultant Luc Hellking, voilà qu’il lui soutenait mordicus qu’il était un dieu grec, et pas le moindre, puisque ce n’était autre que celui des Enfers, Hadès. Ce n’était pas la première fois que ce dernier tenait des propos à la limite du délire, et jusqu’à présent, elle avait plus interprété cela comme une sorte de jeu pour lui, sur un fond de provocation. Elle ne l’avait jamais pris au sérieux jusqu’il y a peu. Etait-elle aveuglée par ses sentiments ? Etait-il si persuasif que cela ? Devenait-elle folle à son tour ? Son esprit cartésien refusait à croire aux « preuves » que Luc s’acharnait à vouloir lui démontrer. Mais pourtant son instinct lui soufflait le contraire. Elle ne savait plus que penser.

Face à toutes ces interrogations, elle avait même prit la décision de lui subtiliser un cheveu ou autre ADN, pour le faire analyser. Du concret, du tangible, voilà ce qu’elle voulait. Dans l’immédiat, elle n’en avait soufflé mot à personne. Mais elle frisait l’insomnie.

Ce soir là, elle attendait la visite de sa collègue et amie, Hope Edwards. Les deux jeunes femmes se connaissaient depuis plusieurs années, Hope ayant débuté dans la scientifique. Puis est devenue lieutenant. C’était un très bon flic, tenace et pugnace. Hope était franche, honnête, et Kait l’appréciait pour cela. En revanche Hope ne pouvait pas supporter Hellking et ne comprenait absolument pas comment sa consœur pouvait l’apprécier et travailler avec. D’autant que la jeune femme avait de l’intuition, et lisait en Kait comme dans un livre ouvert la plupart du temps. De ce fait, elle se doutait parfaitement que leur conversation de ce soir dériverait indubitablement sur le sujet qui fâche. Et au vue des états d’âmes de Kait, nul doute que cela ne plaira guère à son amie.

Hope débarqua après son service, un cheesecake – le pêché mignon de Kaitlyn – en offrande. Ravie de la voir en dehors du cadre du commissariat, Kaitlyn l’accueillit avec un sourire chaleureux. A peine installées dans le canapé, tandis que Kait leur servait un verre de vin, Hope entra dans le vif du sujet, lui demandant de tout go si elle avait des raisons de s’inquiéter. La jeune femme retint une grimace. Tout dépend à quel sujet, eut-elle envie de répliquer. Mais elle s’abstint. Elle se rassit, tendit le verre de vin à sa collègue et trinqua avec elle avant de prendre la parole. « Si tu t’inquiète à propos de ma mission commando, je vais bien. Juste un peu courbaturée. » Ce qui était la vérité. Ce n’était pas les tripotages de la « Patty » qui l’avaient traumatisé, comparé aux tortures subies par Smith, c’était du pipi de chat. D’autant qu’elle était parvenue à la maîtriser assez rapidement. Kait bu une gorgée de son verre, jetant un bref regard à son amie. Non, les raisons de ses nœuds au cerveau avaient une tout autre nature, et celle-ci serait loin de plaire à Hope. « Ces quelques jours de congés n’étaient vraiment pas nécessaires. Je me suis assez reposée ces six derniers mois. » Sans compter que l’oisiveté n’était pas son fort. « Et toi, comment vas-tu ? » Volontairement, elle chercha à ramener la conversation sur sa partenaire, tout en se préoccupant sincèrement d'elle.

Je suis là si tu as besoin

Voir Kaitlyn lui faisait plaisir. A vrai dire, à voir sa mine, la brune se sentait déjà un peu rassurée. Le sourire auquel elle eut le droit semblait sincère et faisait ressortir le côté chaleureux de sa collègue auquel elle n’avait plus eu le droit depuis avant son arrêt de six mois. Il faut dire que son aînée n’avait pas eu la vie facile ces derniers temps. Se dirigeant vers le salon, elle se vit offrir rapidement un verre de vin qu’elle accueillit avec le sourire, remerciant son hôte d’un signe de la tête. Evidemment, la jeune femme ne perdit pas plus de temps et enchaîna immédiatement sur la question qui la taraudait le plus, celle pour laquelle elle était venue la voir chez elle en premier lieu. Sa collègue savait parfaitement comment elle fonctionnait et pourquoi elle s’inquiétait. A vrai dire, il serait presque plus simple de faire la liste des raisons de ne pas s’en faire pour son amie que celle contenant les raisons qui la poussaient à s’en faire. A croire que la jeune maman était un véritable aimant à emmerdes, en commençant pas attirer le stupide consultant Hellking. La réponse qu’elle reçut ne lui plut qu’à moitié. Forcément que la jeune femme était contente d’apprendre que la mission ne l’avait pas tant troublée. Mais elle s’inquiétait pour la lieutenante de manière générale. Les soupçons qui continuaient de peser sur son ancien coéquipier décédé devaient très certainement la ronger. Après tout, depuis le temps qu’elle connaissait Silas, si l’enquête interne sur ce dernier se révélait être justifié, il devait être difficile pour elle de ne pas se sentir trahie et de ne pas s’en vouloir de n’avoir rien vu tout ce temps.

Portant son verre à ses lèvres, Hope but une bonne gorgée du breuvage grenat qui était assez sympathique il fallait l’avouer. Habituellement, lorsqu’elle se décidait à ouvrir une bouteille c’était pour passer la soirée à plancher sur ses enquêtes privées dans son salon seule. Partager un verre restait agréable, elle ne pouvait le nier même si elle restait une ermite qui vivait généralement seule dans son coin. Ecoutant sa comparse reprendre la parole, elle tiqua néanmoins sur sa remarque concernant l’absence de nécessité des jours de repos qui lui avaient été imposé. Elle-même mettait le doigt sur le pourquoi du comment. A vrai dire, il était fort à parier qu’elle aurait eu le droit à la même consigne si les rôles avaient été inversé. C’était même étonnant que le chef Porcius Cato ait été aussi léger dans le nombre de jours de repos imposés. Tout le monde savait qu’il avait sa préférence pour Kaitlyn qu’il couvait plus que de raisons. Alors avec le nombre de raisons qu’il avait de la protéger, la brune n’aurait pas été surprise si elle avait écopé de deux semaines de repos forcé.

Tu sais très bien que les circonstances justifiées largement cet arrêt de six mois. Il en est de même pour ce repos forcé.

Cela ne l’étonnait pas trop que sa collègue veuille en faire autant. A sa place, elle réagirait potentiellement pareille à l’exception qu’elle vivait seule et que rester enfermée entre quatre murs la rendrait dingue bien, bien plus vite qu’elle. Son amie avait une petite fille dont elle devait s’occuper seule depuis le décès de son mari. C’était probablement son ancre, sa raison de vivre et de continuer d’avancer depuis qu’elle avait perdu son époux dans un braquage, tout comme elle avait perdu son père. Mais Kaitlyn s’investissait énormément dans son travail malgré son emploi du temps de ministre lié à la gestion solitaire de sa fille. La question qu’elle lui posa fit ciller Hope. Elle la reconnaissait bien là, cherchant à fuire l’attention, à la rejeter sur quelqu’un d’autre. Elle avait beau être la plus jeune, la brune voyait claire dans son jeu, faisant exactement la même chose lorsqu’elle en avait besoin. Sauf que dans les circonstances actuelles, il était bien plus logique que les projecteurs soient braqués sur son aînée.

Moi ça va bien comme d’habitude.

Il y avait bien des choses qui la travaillaient, comme toutes personnes normalement constituées en soit. Certaines de ses affaires étaient plus complexes ou gênantes, parfois les deux en même temps. Les rencontres régulières en tête à tête avec le maire pour faire le point sur les menaces de mort qu’il avait reçu ne l’enchantaient guère. Il faut dire qu’il avait le don de la mettre particulièrement mal à l’aise. D’un autre côté, le bon qu’avait fait son enquête sur le meurtre de son père lui donnait bien plus envie de rentrer chez elle le soir. Il y avait également l’enquête sur la Gitche qui avançait à la vitesse d’un escargot. Les médias commençaient à s’en mêler ce qui n’arrangeait pas l’humeur de la belle. Elle avait franchement du mal avec les journalistes il faut dire.

Je pense que tu t’en doutais mais je ne m’inquiète pas seulement vis à vis de ta dernière mission. J’ai l’impression que tu remets le pied à l’étrier sans difficulté mais je suis aussi persuadée que tu saurais très bien dissimuler le fait qu’il y a un souci. Alors je répète, ai-je une raison de m’inquiéter pour toi Kaitlyn ?

Portant son verre à ses lèvres pour prendre une nouvelle gorgée, elle reprit rapidement la parole pour compléter son interrogation.

Je te rassure, je ne compte pas te poser la question tous les jours et encore moins toutes les heures. Mais … Je voulais que tu saches que si tu as besoin, tu sais où me trouver.

Un petit sourire aux lèvres à demi-amusée et à demi-gênée, Hope porta de nouveau son verre à ses lèvres. Faire preuve de gentillesse, d’affection au point de baisser sa garde rien qu’un peu n’était pas dans ses habitudes. Aussi, lorsqu’elle eut l’occasion de relancer la conversation, après avoir attentivement écouté son amie, elle lui demanda.

Et alors, qu’as-tu fait de ce temps libre durant les six derniers jours ?

Je suis là si tu as besoin

Même si elle savait que son amie avait raison, et que ce repos était justifié, Kait avait beaucoup de mal à ronger son frein néanmoins. Sans surprise, Hope ne mordit pas à l’hameçon lorsque la jeune femme tenta de détourner la conversation sur elle, et éluda rapidement le sujet. Evidemment, elle allait bien. Hope n’était pas venue pour parler d’elle, mais pour faire parler Kaitlyn. Nuance. Faut dire que Kait cumulait depuis quelques temps les ennuis, sans compter la fusillade d’il y a six mois.  Le dossier Silas n’était toujours pas clos. Beaucoup de questions restaient sans réponses. Bon, et puis restait le sujet « Hellking », qui était semblable à de l’huile sur le feu entre elles.

Par ailleurs, elle réitéra sa question : devait-elle s’inquiéter ? Kait repris une gorgée de vin, et posa son verre tout en passant son autre main dans ses cheveux. « Evidemment que je remets le pied à l’étrier facilement. Comment pourrais-je rester inactive lorsque l’on voit l’ampleur des tâches qui nous attendent ? » Elle haussa les épaules. « Mes questions sont toujours sans réponse concernant Silas. » Elle hésita un instant avant de poursuivre. « McRawne m’a demandé de l’aider à coincer les Mad Veterans qui sont encore dans la nature. C’est pas une mission officielle, mais j’ai accepté. » Elle planta son regard dans celui de son amie, histoire de lui faire comprendre que rien ne pourrait la faire changer d’avis. . Kaitlyn espérait qu'elle pourrait être à même de comprendre ce qui pouvait la motiver dans sa démarche. « Je te remercie de ta sollicitude, vraiment, çà me touche Hope. » Elle lui sourit. « A vrai dire, mes préoccupations du jour sont à dix milles lieues du boulot » avoua-t-elle avec un sourire gêné. Mais elle ne voulait pas induire son amie en erreur ni lui mentir. Cela n’aurait pas été juste, ni correct de sa part.

Elle rebondit sur sa dernière question, qui explorait un terrain neutre. Qu’avait-elle fait ces derniers jours ? « Je me suis penchées sur les dossiers en rapport avec les Mad Veterans. Occupée de Cordy. » Elle reprit son verre, cherchant comment poursuivre. « J’ai pas mal réfléchis aussi sur d’autres… trucs. Genre… Luc. Tu vois, il s’est passé….certaines choses entre nous il y a peu, en dehors du boulot. Il m’a parlé de choses qui m’ont donné à réfléchir. » Elle glissa un regard en coin à sa collègue. Celle-ci allait probablement démarrer au quart de tour en entendant le nom du consultant. Jusqu’où allait elle pouvoir dire la vérité à son amie ?

Je suis là si tu as besoin

Hope sentait son amie un peu fuyante contrairement à d’habitude. Y avait-il un sujet sensible qu’elle hésitait à aborder ou bien peut être, comme elle, avait-elle une enquête dont elle ne pouvait ébruiter le moindre renseignement ? La remarque qu’elle lui fit la fit doucement sourire. Elle reconnaissait bien là celle qui l’avait accueilli deux ans plus tôt, la mettant au travail en moins de temps qu’il n’en fallait pour dire “Ouf”. C’était une incorrigible et la brune était devenue comme elle. Tous les lieutenants étaient chargés de plusieurs dossiers. Le nombre afférent à chacun n’avait cessé de croître depuis qu’elle les avait rejoint. Evidemment, elle ne s’en plaignait pas, sachant pertinemment pour quoi elle avait signé. Personne n’avait le temps de chômer dans leur service, comme dans tous les autres services du commissariat. Elle ne sut qu’adresser un léger haussement d’épaules à sa collègue pour agréer ses dires, répétant le même geste qu’elle. Kaitlyn reprit alors de plus belle, lui parlant de sa future coopération avec le capitaine McRawne au Serious Crime Unit. La plus jeune ne savait trop quoi penser de cette unité indépendante. Elle n’avait encore jamais eu affaire à eux. Qui sait, peut-être un jour devra-t-elle à son tour à collaborer avec eux et verra alors l’envers du décor. Dans le cas de sa comparse, difficile de refuser pareille opportunité après ce qu’ils lui avaient fait, à elle et à son binôme d’un jour. D’un autre côté, le lieutenant McKinney était-elle suffisamment d’aplomb pour suivre pareille enquête ? Elle revenait d’un arrêt, venait d’avoir le droit à une mission absolument pas tranquille comme cela était prévue au départ. Le regard déterminé que ses prunelles azurées rencontra eut rapidement fini de la convaincre.

Tu seras bien prudente quand même hein. Je sais pas du tout ce que le SCU fait et vaut.

La remarque suivante concernant sa sollicitude la fit faiblement sourire alors qu’elle portait à nouveau son verre à ses lèvres. Comme si sa démarche allait changer quoi que ce soit. Après tout, Hope n’avait jamais été présente dans le feu de l’action pour venir réellement en aide à son amie et c’était un peu ça qu’elle se reprochait dans le fond, même si elle n’y était pour rien. C’est alors qu’un éclair de surprise traversa ses deux pupilles sapphires alors que son interlocutrice lui avoua avoir eu des préoccupations aujourd’hui absolument pas en lien avec le travail. Qu’est-ce qui pouvait bien travailler la jeune femme ? Curieuse, notant son changement d’attitude pour une façon d’être qu’elle ne lui connaissait pas vraiment au travail, elle ne put s’empêcher une petite remarque amusée et encourageante :

Voyez-vous ça.

Un petit sourire au coin des lèvres, la brune lui donna une occasion d’en dire plus que Kaitlyn saisi pour faire comme un volte face, changeant de sujet ou presque. Pensait-elle naïvement qu’elle allait pouvoir s’en sortir en ne parlant que des dossiers sur les Mad Veterans et de sa fille. Portant son verre à ses lèvres, son sourire s’élargissant légèrement, elle était persuadée que son amie savait parfaitement qu’elle ne s’en sortirait pas avec cette pirouette. Cependant, une chose gênée la plus jeune. Kait semblait mal à l’aise ou gênée par quelque chose et elle ne savait pas quoi. Alors qu’elle reprenait la parole, elle était hésitante, cherchant ses mots, ce qui ne lui ressemblait vraiment pas. Evidemment, lorsqu’elle entendit le prénom d’Hellking, elle comprit pourquoi son aînée était gênée, sachant pertinemment à quel point il ne portait pas Hope dans son coeur et réciproquement. Malgré ses apparences très sobres habituellement, elle ne put s’empêcher d’écarquiller un peu les yeux à l’évocation d’une rencontre en dehors du cadre du travail. Buvant une gorgée supplémentaire comme pour faire passer la pilule, elle garda au maximum une attitude neutre. Si la lieutenante était aussi hésitante, c’est qu’elle devait redouter cette conversation. D’un autre côté, si elle se risquait sur ce terrain, c’est qu’elle devait avoir besoin d’en parler. Lâchant un petit soupir montrant qu’elle prenait sur elle, son regard adouci semblait vouloir encourager son amie.

Qu’a pu te raconter Hellking pour que ça te tracasse de la sorte ?

Elle n'avait aucune idée de ce que son interlocutrice allait bien pouvoir lui raconter. Mais étant donné que Luc n'était pas là en personne, la brune n'aurait pas de mal à rester détendue malgré le sujet épineux. Après tout, en face du consultant, elle arrivait parfaitement à garder son sang froid et à l'ignorer.

Je suis là si tu as besoin

Sans surprise, Hope s’inquiéta lorsque Kait mentionna le SCU et les Mad Veterans. Son amie se méfiait, ne connaissant pas l’unité et ses hommes, ce qui était somme toute logique. Kait s’empressa de la rassurer au mieux. « McRawne est un homme bien. Il m’a vraiment fait une bonne impression. Et ses hommes ont l’air très qualifiés. » Elle ne dit mot sur le fait qu’elle soit prudente ou non. La mission en elle-même était risquée, et la prudence était de mise, mais ne pourrait pas éviter le danger.

L’intérêt de Hope fut vivement éveillé lorsqu’elle ses tracas dans un domaine plus personnel. Kaitlyn s’y attendait,  et se préparait à affronter les interrogations de son amie. Déjà, Hope ne montait pas sur ses grands chevaux à l’évocation du consultant. Elle l’écouta attentivement, et l’étonnement se lut sur son visage quand elle mentionna l’avoir vu en dehors du boulot. Néanmoins, elle ne dit mot, et se ressaisit rapidement. Hope rongeait son frein pour l’épargner, et elle lui en était reconnaissante. Qu’avait donc pu lui raconter Luc ? Kait se passa une main sur le front, en proie aux affres du doute. Que devait-elle répondre à cela ? Que pouvait-elle au juste dire à son amie ? Jusqu’où pouvait-elle aller dans les confidences ?

« Comment te dire…. Ce n’est pas seulement ce qu’il a pu me raconter. » Elle plongea son regard dans celui de Hope. « C’est aussi ce que je ressens moi. » Elle bu une gorgée. Les mots se bousculaient dans sa tête et arrivaient en vrac à ses lèvres. « Je sais que tu ne peux pas le supporter. Je sais qu’il peut se montrer insupportable. Je ne suis pas aveugle. » Elle secoua la tête et replaça une mèche derrière son oreille. « Je ne saurais même pas l’expliquer. C’est complètement insensé ! » Elle se mordilla la lèvre inférieure. « Malgré tout je l’apprécie beaucoup. Je pense que tu t’en doutes déjà. Et Cordélia aussi l’adore. C’est peut être encore plus dingue ! »

Bon çà, c’était pour la partie « sentiments ». Sentiments qui l’effrayait, et qui l’exaltait à la fois. Emotions qu’elle n’avait plus ressenties depuis le décès de Paul par ailleurs. Kait reposa son verre. « Après…. Tu sais comment il est. Il a toujours des propos farfelus, mais sait parfois se montrer diablement convaincant. » Elle ne pouvait décemment pas lui dire tout. Hello, en fait il serait vraiment le dieu des Enfers grecs, il change le minerai en pierres précieuses et est immortel. Euhhhh… non, vraiment pas. Hope la prendrait pour une folle. Définitivement. D’autant qu’elle-même n’était pas encore persuadée de la véracité de ses dires, malgré les quelques preuves qu’il avait voulu lui apporter. Et si c’était vrai, quel impact cela aurait-il sur ses sentiments pour lui ?

Kait préféra alors aborder le sujet d’un autre angle. « Est-ce que tu es croyante ? Je veux dire, est ce que tu crois en un Dieu ou autre ? » demanda-t-elle alors de tout go à son amie. Nul doute qu'elle allait la prendre au dépourvu avec cette question pour le moins sibylline.

Je suis là si tu as besoin

Kaitlyn veillait à être rassurante auprès de la plus jeune alors que le but de cette visite était cela mais avec les rôles inversés. Cela fit légèrement sourire la brune qui n’était pas celle qui devait être consolée. Elle s’inquiétait pour son amie et cela à juste titre. Toujours droite dans ses baskets, hyper sérieuse et consciencieuse, elle voyait bien que son aînée était différente depuis son retour. L’histoire avec Silas l’avait changé. En ajoutant à cela la mission qui avait tourné au calvaire et ce qui ressemblait à des tracas émotionnels liés à Hellking, elle imaginait difficilement la maman qui lui faisait face poursuivre sa route sans rien dire, sans que cela ne l’affecte d’une manière ou d’une autre. Dans tous les cas, le lieutenant McKinney semblait convaincue par sa première impression sur le capitaine McRawne. Peut-être que la jeune femme devrait tout de même se renseigner sur lui et son équipe pour savoir de quoi il retournait un peu. Dans tous les cas, elle souria gentiment à son interlocutrice avant d’ajouter :

Sois prudente plus que de raison quand même. Je me doute que ça ne va pas être une affaire toute tranquille. Je suppose que le chef ne sait pas que tu vas travailler en collaboration avec McRawne ?

Hope préférait se renseigner. Non pas qu’elle comptait courir dans le bureau de Porcius Cato dès le lendemain pour l’avertir. Cela n’était nullement son genre. Kaitlyn était une grande fille après tout. Mais elle préférait éviter de faire une gaffe par mégarde, par méconnaissance. La brune avait confiance en sa collègue. Si elle s’inquiétait, ce n’était pas par crainte qu’elle fasse mal son boulot, bien au contraire. Elle savait qu’elle le ferait trop bien, prenant des risques tout comme n’importe lequel de ses collègues ou qu’elle-même au quotidien. Evidemment, avec les tracas personnels qui venaient se rajouter, ce n’était pas pour la rassurer. La jeune femme savait que trop bien comme les pensées personnelles pouvaient parasiter un esprit aiguisé jusqu’à le pousser à la faute de trop. En tout cas, ce qui était certain, c’est qu’il n’était pas question d’une simple blague vaseuse mal placée par l’idiot Hellking. Son aînée semblait réellement perturbée et travaillée par ce qui s’était passé entre eux ce qui attisa encore un peu plus la curiosité de sa cadette. L’hésitation de sa collègue serait presque touchante si elle n’était pas également aussi inquiétante. Enfin quoi, elles étaient en train de parler de Luc, le mec imbu de sa personne, sans aucun sérieux, qui ne faisait que prendre du plaisir à rabaisser les autres. Elle comprenait que le courant passe entre les deux vu que son comportement était assez différent avec Kaitlyn mais tout de même. Le regard de son amie en disait réellement long sur le trouble qu’il avait réussi à insinuer en elle. C’était le genre de choses qu’elle s’était jurée de ne jamais vivre. Les sentiments d’attachements étaient voués à se transformer en souffrance, d’une manière ou d’une autre. Et cela faisait près de huit ans que la brune avait fermé l’accès à son coeur et avait jeté la clé. En tout cas, si elle avait dû mal à dire les mots, les choses étaient assez claires du point de vue de Kait. Si d’un côté, la chose la répugnait, sachant que l’homme en question était Luc, elle était également touchée par la confusion qui régnait dans l’esprit de sa camarade, ne mettant cela que sur le compte des sentiments amoureux potentiels. Buvant une nouvelle gorgée jusqu’à terminer son verre, elle réalisa à quel point elle n’était pas passée la voir pour rester seulement cinq minutes. Les nouvelles révélations de son interlocutrice la soulagèrent et en même temps la mirent devant le fait accompli. Elle n’avait pas d’oeillères mais de toute évidence son coeur avait choisi tout seul.

Si je suis assez mal placée pour parler de cela compte tenu qu’il s’agit de Luc et de mon manque d’expérience dans le domaine, je crois que ce n’est pas comme si tu avais le choix. Le coeur a ses raisons que la raison ignore parait-il. La question c’est plus, où en êtes-vous ? En avez-vous parlé ?

Savait-elle ce qu’il en était de son côté à lui en somme. Parce que si cet idiot du village la faisait souffrir, Hope se ferait une joie de lui faire regretter. Mais même si ça lui ferait plaisir d’avoir une aussi bonne raison de l’envoyer paître, elle ne voulait pas que son amie souffre. Lorsqu’elle entendit son amie parler des propos farfelus du consultant, alors qu’elle reposait son verre vide, elle ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel. Est-ce qu’une seule personne au poste ignorait que le psychologue était bizarre ? Très certainement pas non …

Il n’est convaincant que pour les personnes qui sont prêtes à le croire je dirais.

Evidemment, elle entendait par là qu’il ne lui ferait pas avaler n’importe quoi. Mais la brune était loin d’imaginer ce que Luc avait pu révéler à son amie. C’est alors que la blonde fit un changement de sujet radical qui fit cligner des yeux la plus jeune. La bouche légèrement entrouverte, aucun son ne sortit de cette dernière pour autant. Pourquoi diable lui posait-elle ce genre de questions ? Cela n’avait rien à voir avec les sujets précédents ce qui n’était pas le style de Kaitlyn. Ou bien, y avait-il un lien qu’elle allait lui exposer par la suite ? Dans tous les cas, ne pas répondre ne servirait à rien.

Non je ne crois pas en un quelconque Dieu. Pourquoi cette question ?

Le regard rivé dans celui de son interlocutrice, elle ajouta avant que cette dernière ne reprenne la parole.

A la mort de mon père, en fouillant son appartement, j’ai appris qu’il s’était mis à croire en une déesse nordique du nom de Freyja. Je t’avoue que si je me suis déjà intéressée à la mythologie plus jeune par curiosité, cela reste des mythes, des contes.

Je suis là si tu as besoin

Hope la rappelait à la prudence vis-à-vis de McRawne. Puis lui demanda sir le chef était au courant de cette collaboration. Kait grimaça. « Non. C’est totalement officieux. Je doute qu’il me donne l’autorisation s’il le savait. » Severus Porcius Cato avait tendance à se montrer parfois un peu trop « protecteur » avec elle. Elle savait qu’il l’appréciait et appréciait son travail, et avait toujours eu de bons rapports avec son supérieur. Rapports qui étaient un peu plus tendus depuis qu’elle faisait équipe avec Hellking. Les deux hommes s’entendaient comme chien et chat et le moindre prétexte était bon pour s’envoyer des piques entre eux.

Contrairement à ce qu’elle aurait pu redouter, son amie se montra très compréhensive lorsqu’elle aborda un thème plus personnel, à savoir le tournant de leur relation avec Luc et ses doutes. Tout naturellement, Hope lui demande où ils en étaient et si ils en avaient parlé. Est-ce que les confidences concernant sa « véritable identité » valaient pour preuve d’attachement sentimental ? Les attentions qu’il pouvait avoir vis-à-vis d’elle, ou mieux, de Cordélia ? La jeune femme se prit la tête entre les mains, ne sachant comment répondre le plus exactement possible à cette question.

« Je ne sais pas du tout où on en est, si du moins on peut appeler çà comme çà. Y a son comportement avec moi, avec Cordy…. Il est vraiment différent de celui que tu connais tu sais. » Elle regarda son amie. « Il a cette façon de me regarder par moment… et puis, il m’a fait certaines…confidences. Sur sa vie. Si elles sont vraies, c’est le genre de truc qu’on ne dit pas à n’importe qui, crois moi ! » Re-grimace. « Et il m’a un petit peu….embrassé ? » avoua-t-elle d’un air embarrassé, mimant le « petit peu » avec sa main. Elle sentit ses joues s’empourprer. Bon sang, son amie allait la prendre pour une midinette à ce rythme là ! Bien évidemment, Hope demeurait sceptique quant à la sincérité des faits et gestes ou paroles du consultant. Méfiante jusqu’au bout, fidèle à elle-même.

La réponse que cette dernière lui apporta pour répondre à sa question sur les croyances fut au-delà de ses espérances. Que Hope soit athée ne l’étonnait guère à vrai dire.  Mais ce qu’elle précisa en mentionnant son père titilla la curiosité de Kait, et son palpitant fit une embardée.  

« Tu me dis que ton père croyait en Freyja, une déesse nordique ? C’est pas commun comme croyance… » murmura-t-elle, l’esprit en ébullition. « Est-ce que tu sais ce qui l’avait poussé à croire en cette déesse là précisément ? » Oui, pourquoi Freyja ? Pourquoi pas Thor, Odin ou autre ? Pourquoi nordique et pas grecque ? Pourquoi ? Kait sentait un frisson d’excitation la parcourir. Peut-être était-ce là le début d’un indice, peut être qu’elle pourrait y relayer un détail qui permettrait de prouver la véracité des dires de Luc ? Car si cette vérité l’effrayait d’une certaine manière – on le serait à moins – elle espérait au fond d’elle que le consultant ne se jouait pas d’elle au final. « Et est-ce que tu sais des choses sur les dieux grecs par hasard ? » Vu que son amie c’était intéressée par le passé à la mythologie, peut être savait-elle des choses qu’elle ignorait.

Je suis là si tu as besoin

Sa collègue lui confirma ce dont elle se doutait. Si le chef avait été au courant, elle aurait été prête à parier qu’il n’aurait jamais accepté cette collaboration qui allait exposer considérablement Kaitlyn. D’un autre côté, elle était bien incapable de reprocher sa décision à la blonde qui lui faisait face. Bien que s’imaginer à sa place ne l’enchantait guère vu ce qu’il s’était passé, elle aurait probablement réagi de la même manière, voulant attraper les coupables elle-même un peu par vengeance. Tant qu’elle ne laissait pas son jugement s’obscurcir, cela ne devrait pas être un problème. Mais il était vrai qu’être impliqué personnellement dans une enquête n’était pas vraiment recommandé. C’était pour cela qu’on lui avait refusé l’accès aux informations de l’enquête sur le meurtre de son père d’ailleurs. Depuis, la brune avait trouvé une autre manière de récupérer les informations et menait elle-même l’enquête sur son temps personnel, à défaut que l’enquête officielle avance. Cela faisait plusieurs années qu’elle avait été classé sans suite, faute de preuve. huit ans après, Hope tenait enfin un début de piste prometteur. Elle ne comptait donc pas le lâcher maintenant, malgré les risques que cela lui faisaient prendre d’espionner les Ninos. Poursuivant sur la vie sentimentale de son amie, celle-ci semblait un peu plus à l’aise pour en parler. Il faut dire que si elle n’appréciait pas Luc, et c’était un doux euphémisme, elle n’avait pas son mot à dire quand aux fréquentations de son aînée.

Cette dernière parla succinctement de ce qui s’était passé ou plutôt de son ressenti vis à vis de comment ce moment entre eux s’était déroulé. Son regard en disait long également. Elle semblait chercher à être approuvé alors que la plus jeune n’était pas du tout la bonne personne pour ça. Et plus les secondes s’écoulaient, plus Kaitlyn osait se confier donnant envie de rire à la brune. Evidemment, la lieutenante se contenait, ayant presque l’impression d’être de retour à l’école primaire ou au collège. Du moins c’est ce qu’elle imaginait, n’ayant jamais été de celles à glousser et pouffer d’une copine amoureuse. Avec le recul, elle se rendait compte qu’elle n’avait jamais connu, même dans sa jeunesse, d’expérience similaire à celle que son amie semblait être en train de vivre. Puis vint l’ultime aveux, celui d’un baiser échangé. C’était la goutte d’eau. Alors que les joues de la blonde était en train de prendre une jolie teinte rougeâtre, Hope éclata de rire de manière très franche et amusante. Se calmant rapidement, elle reprit sa respiration avant de reporter son regard bleu pétillant de malice dans celui de sa collègue.

Tu te rends compte de l’état dans lequel tu te mets pour un baiser ? Enfin je veux dire, je connais pas tout ça moi. Mais je suppose que si ça ne te faisait rien, tu l’aurais juste giflé ou engueulé.

La plus jeune ne voulait nullement vexée son amie par sa remarque. Elle souhaitait juste mettre le doigt sur le fait qu’ils n’avaient fait que s’embrasser et que s’il n’y avait pas quelque chose, elle ne se mettrait probablement pas dans cet état là. Après, n’ayant jamais eu de relation amoureuse avec de véritables sentiments, elle était mal placée pour conseiller, juger ou quoi que ce soit d’autres. Evidemment, la question suivante n’ayant rien à voir, Hope ne put cacher son étonnement. Pourquoi changeait-elle de sujet ainsi ? Sincère avec Kaitlyn, comme toujours, elle lui expliqua son absence de croyance puis elle ne put s’empêcher d’ajouter ce qu’elle avait découvert sur son père en vidant son appartement. La brune ne voulait pas fermer la conversation sur le sujet. Le fait qu’elle ne soit pas croyante ne l’empêchait pas de respecter la croyance des autres après tout, contrairement à certains. La remarque de sa collègue fut accueillie par une moue sur le visage, validant le fait que non, croire en une déesse nordique n’était pas franchement ce qui était le plus répandue aujourd’hui. Ignorant sa question sur le pourquoi de ce sujet, elle la questionna à son tour, question à laquelle elle répondit rapidement, sans chercher plus loin pour le moment :

Absolument pas. Comme je t’ai dit, j’ai découvert ça en triant ses affaires dans son appartement. Je n’étais pas au courant avant ça.

S’interrogeant, elle voyait bien que la blonde était en train de réfléchir et laissa donc un silence s’installer entre elles le temps qu’elle rassemble ses idées. La conversation qu’elles avaient était des plus inhabituelles et si elle n’avait pas prévu de s’éterniser au départ, elle sentait qu’elle n’allait pas décoller dans les prochaines minutes. Heureusement, personne ne l’attendait chez elle, vivant seule. une nouvelle question tomba, une qui devait être sortie de la bouche de sa collègue suite à un raisonnement logique qu’elle seule percevait. Cela ne l’empêcha pas de répondre une nouvelle fois même si elle ne comptait pas partir de chez elle sans un minimum de réponses.

Je connais le nom de certains dieux : Zeus, Héra, Arès, Hadès, Aphrodite, Apollon, Héphaitos, Artémis … Je connais peut-être deux-trois choses sur leur relation, leur domaine de prédilection mais ça sera tout. Cela fait bien longtemps que je m’y suis pas intéressée. Mais je réitère, pourquoi me parles-tu de religion tout à coup ?

Je suis là si tu as besoin

Le rire amusé de Hope résonna aux oreilles de Kait, alors qu’elle venait de mentionner le baiser échangé avec Luc. Interdite, la jeune femme regarda son amie avant d’éclater de rire à son tour. Effectivement, Hope avait raison, pourquoi diable se mettait-elle dans des états pareils pour un baiser ? Peut être parce que ce n’était pas n’importe quel baiser justement. Son amie souligna le fait que si elle n’avait pas été réceptive, elle aurait tout bonnement giflé ou sermonné le consultant. Kait opina du chef. « Je sais, j’ai l’air totalement ridicule. Mais depuis Paul, je n’ai rien connu de tel. C’est la première fois. Ca me fait peur. » Peur oui. Mais tellement enivrant à la fois. Néanmoins, elle tentait désespérément de freiner ses sentiments. En vain. En parler à voix haute à une tierce personne lui faisait du besoin, mais lui renvoyait en même temps la réalité des faits en pleine face.

Hope lui avouait qu’elle ne s’y connaissait pas en matière de relations amoureuses. Hope arqua un sourcil étonné. « Pas la moindre petite amourette Hope ? Personne dans ton entourage qui fait battre ton palpitant plus que nécessaire quand il est dans les parages ? » Elle savait que son amie était une solitaire, et elle trouvait çà dommage. Même si elle était plus ou moins l’hôpital qui se foutait de la charité, du moins ces dernières années. Mais Kait avait sa fille. C’était différent.

La conversation redevint ensuite plus sérieuse, concernant les divinités. Hope lui avoua qu’elle n’y connaissait pas grand-chose, elle ignorait pourquoi ce choix de croyance de la part de son père, et ne savait que quelques détails succincts concernant la mythologie grecque.  Evidemment, elle était désormais curieuse de savoir pourquoi Kait s’intéressait tant et soudainement aux religions. Ce n’était pas son genre, étant complètement athée, et cartésienne. Lorsque son amie mentionna le nom d’Hadès en énumérant la liste des dieux grecs qu’elle connaissait, Kaitlyn ne put s’empêcher de frémir. Entendre ce nom de la bouche de Hope lui paraissait presque irréel. Ou trop réel. Et que répondre ? Pourquoi s’intéressait-elle à tout çà ? Elle répugnait à mentir à sa collègue. Hope ne méritait pas çà. D’autre part, en lui avouant l’entière vérité, elle allait passer pour une folle à lier. Et avait la sensation bizarre de trahir le secret – si tant est que cela en était un – de Luc. Bon sang, pourquoi tout ceci était il aussi compliqué ?

« Hope, je… » Et merde ! Elle inspira profondément. « Disons que j’ai vu et entendu récemment des choses qui pourraient me laisser penser que… » Comment formuler çà ? « Que toutes ces histoires de dieux et de mythologies pourraient s’avérer beaucoup plus… réelles qu’on ne le croit. » Elle ferma les yeux. Hope allait la croire bonne à interner, c’était plus que certain. Elle s’attendait déjà à entendre de nouveau le rire cristallin de son amie. Elle ne lui en voudrait pas. Elle-même se demandait si elle ne devenait pas folle à lier avec tout ceci. Folle de croire un fou. Et dans le cas contraire, folle d’aimer un homme qui en fait serait un dieu, immortel et tout le toutim.

Je suis là si tu as besoin

La réaction de Kaitlyn se fit en deux temps. Le premier donna encore plus envie de rire à la brune qui se retint malgré tout. A croire qu’elle était interdite, ne comprenant pas les mots de la plus jeune. Puis d’un coup, lors du second temps, elle éclata de rire à son tour. C’était peut être stupide mais cela faisait du bien indirectement. Elle ne riait pas souvent de bon coeur ainsi n’en ayant pas plus l’occasion que cela c’est pourquoi cela lui fit grandement du bien, l’aidant un peu à se décontracter et à se dérider. Il faut dire en plus que ce rire était des plus sincères, pour l’une comme pour l’autre. Son amie commença alors à se justifier, parlant de son ex-mari malheureusement décédé. C’était l’un de leur point commun même si elle aurait franchement préféré que cela ne soit pas le cas. Perdre un proche dans un braquage comme simple “dommage collatéral” c’était une souffrance unique, horrible, gravée au fer rouge dans la chair et dans l’esprit. Hope le savait que trop bien. Son sourire devint plus rassurant, plus gentil encore. Elle n’avait pas à s’excuser ou se justifier auprès d’elle. Si elle déplorait un peu son “choix” qu’elle n’avait pas totalement fait, elle ne pouvait que souhaiter à son aînée de s’épanouir et d’être heureuse, surtout avec tout ce qu’elle avait traversé jusque là. La vie ne l’avait pas épargné aussi avait-elle le droit de chercher un peu de répit et de bonheur dans ce monde atroce.

Malheureusement, en essayant de la rassurer, la brune avait lâché une information sur sa vie sentimentale pleine de vide qui n’échappa absolument pas à la lieutenante qui lui faisait face. Souriant de manière plus gênée, elle profita du fait que Kaitlyn lui pose des questions pour attraper la bouteille et les re-servir toutes les deux. Ses relations humaines en dehors du travail étaient déjà relativement limitées. Lorsqu’elle était à la faculté, elle avait eu quelques relations mais rien de bien sérieux. Puis son amie posa une seconde question, une qui lui fit penser à quelqu’un qu’elle avait vu il n’y a pas si longtemps. Le docteur Valeyard faisait en effet s’emballer son coeur et si elle ne pouvait nier que le charmant cardiologue était des plus attirants, elle mettait surtout cela sur le compte de la gêne. Et puis, il s’agissait du médecin qui avait suivi sa mère durant sa maladie et qui l’avait soutenu lorsqu’elle avait passé l’arme à gauche. Elle ne pouvait décemment imaginer une telle chose. Côté déontologie, cela ne se faisait pas d’avoir ce type de relation entre un médecin et un patient. La belle avait un stock d’excuses et de justifications impressionnant pour expliquer pourquoi elle ne voyait pas Melchiah de cette manière et que cela n’arriverait jamais. C’est sur un ton désinvolte et amusé qu’elle répondit innocemment à sa comparse :

Et non ! Que veux-tu, je ne dois pas tant plaire ou plutôt je dois avoir un coeur de pierre !

Attrapant son verre, elle but une gorgée comme pour se féliciter de ne pas être capable de ressentir ces émotions quand au fond d’elle, la plus jeune se refusait à ouvrir son coeur, sachant pertinemment qu’elle l’ouvrirait aussi à une souffrance potentielle qui lui faisait peur. C’était aussi pour ça que ces dernières années, ses rares relations n’avaient été que purement physiques, avec des hommes qui ne l’intéressaient pas spécialement émotionnellement parlant, et qu’elle laissait se réveiller seul chez eux. La brune ne prenait pas de risque sur un potentiellement attachement. Elle ne voulait pas souffrir mais elle ne voulait pas non plus être la source de souffrance d’un homme.

Heureusement le sujet de conversation changea non pas sans surprendre la jeune femme. La religion n’avait jamais été son dada et elle n’aurait jamais pensé que cela puisse intéresser d’une manière ou d’une autre une femme comme Kaitlyn. Dans sa jeunesse, elle s’était un peu intéressée aux mythologies grecques et égyptiennes mais comme on s’intéresserait au conte de fées, à un film ou à une série, très certainement pas de façon sérieuse et pieuse. L’hésitation de son amie quand au pourquoi de ses questions intrigua encore plus la brune. Mais que diable avait-il pu se passer pour qu’elle soit perturbée ainsi par la mythologie grecque ? Etait-ce lié à une affaire qu’elle avait en cours ? Après tout, elle-même avait déjà participé à une enquête sur un tueur en série qui suivait l’évolution d’un livre à ses débuts. Clairement, Kait ne savait par quel bout débuter ses aveux et pourtant elle finit par se lancer. Alors que Hope buvait une gorgée de rouge, elle lui avoua penser que les dieux et les mythologies seraient plus réels qu’ils le pensaient, manquant de faire s’étouffer la plus jeune. Cela aurait pu être une très bonne blague qui l’aurait encore fait rire franchement si la blonde qui lui faisait face n’affichait pas un air aussi sérieu sur son visage avec une moue à moitié confuse à moitié à déjà regretter de lui avoir confié une telle chose. Reprenant sa respiration après avoir difficilement avalé sa gorgée, elle reposa son verre, cherchant à capter le regard de son aînée.

Tu m’expliquerais ce qui pourrait te laisser croire une telle chose ? Non parce que je pense pas que ça soit ton genre de te convertir du jour au lendemain alors je présume qu’il y a plus non ?

Dubitative sur le sujet, elle ne voulait pas pour autant remettre en cause les dires et les pensées de Kaitlyn. Femme de caractère avec les pieds sur terre, il était peu vraisemblable que cette dernière soit devenue folle du jour au lendemain en croyant le premier venu. D’un autre côté, la jeune femme était loin d’imaginer tout ce qui avait en jeu, ce qu’elle savait et surtout de qui elle tenait toutes ses informations.

Je suis là si tu as besoin

Quand Hope biaisa en répondant qu’elle ne devait pas plaire ou avoir un cœur de pierre, Kait lui coula un regard en coin. « Tu plaisantes j’espère ? » rétorqua-t-elle, se retenant de lever les yeux au ciel. « T’es jolie comme tout. Et tu aurais un cœur de pierre, tu ne serais pas là à écouter mes jérémiades ! » la taquina son aînée d’un ton indulgent. Il était vrai qu’elle n’avait jamais eu vent d’une quelconque relation pour sa collègue. Après, elle était peut être tout simplement très discrète sur sa vie privée, chose que Kaitlyn pouvait parfaitement comprendre. Elle n’avait pas l’intention de la harceler pour connaître la vérité quoi qu’il en soit. Elle était à cent lieues de se douter que son amie avait fait récemment une rencontre particulière qui la remuait plus que de convenance et qu’elle avait tapé dans le mille avec sa question.

La conversation repartit sur un terrain plus neutre – du moins pour Hope – tandis que celle-ci avait rempli leurs verres respectifs. Bien évidemment, cette dernière se questionnait sur les motivations qui pouvaient pousser Kaitlyn à s’interroger de la sorte sur la mythologie, et voulait en savoir plus. Des détails. Comment lui expliquer sans trahir Luc ? Comme on dit : elle en avait trop dit ou pas assez. Elle se concentra un instant sur son breuvage, réfléchissant à la meilleure façon de satisfaire la curiosité de son amie. Elle se massa les tempes. « Non, je ne compte pas me convertir. Je cherche plutôt à comprendre. » Kait soutint le regard scrutateur de Hope. « Je ne peux pas tout de dévoiler. Désolée. C’est vraiment délicat. Je me retrouve mêlée à des trucs qui me dépassent. D’où toutes mes questions. Tout ceci à un lien avec la mythologie grecque, enfin du moins dans le cas présent,  et je dois t’avouer que je ne m’y suis jamais réellement intéressée auparavant. »

Elle aurait aimé apporter plus de détails à son amie. Expliquer ce que Luc lui avait confié, la transformation du minerai en pierre précieuse… quoique sur ce point là elle demeurait dubitative, même si elle était persuadée qu’Hellking n’avait pu physiquement retourner dans le cimetière cette nuit-là. Secret d’alchimiste ? Après tout, le mythe de la pierre philosophale remontait à plusieurs siècles en arrière. Mais tout ceci, il était hors de question qu’elle le mentionne ouvertement. C’était un véritable triturage de méninges en bonne et due forme. Elle voyait bien également que Hope était circonspecte face à ses explications vaseuses.

« Imagine, tu serais témoin d’un phénomène inexpliqué, voire irréalisable. Tu le vois de tes propres yeux. Tu réagirais comment ? » Kait voyais mal comment formuler autrement les choses. Elle avait besoin d’en parler à une tierce personne, de façon neutre et impartiale. Hope était idéale dans ce rôle, mais elle ne pouvait se permettre de la mêler à tout ceci plus que de raison. Ni de dévoiler les confidences de Luc.  

Je suis là si tu as besoin

A croire qu’elle avait piqué à vif Kaitlyn en répondant qu’elle ne devait pas plaire ou avoir un coeur de pierre, cette dernière semblait presque outrée par sa réponse. Un sourire en coin apparut sur le visage de la plus jeune alors que cette dernière se disait au fond qu’elle donnerait bien tout ce qu’elle avait pour obtenir un coeur en pierre. Il était tellement plus simple de garder les idées claires et d’éviter les souffrances propres aux sentiments. Son interlocutrice la réprimanda un peu, gentiment, avant qu’elles ne laissent couler le sujet, ce qui lui convenait parfaitement. Voir son amie se mettre dans un tel état pour un baiser échangé avec Hellking lui donnait envie de rire, elle n’était pas insensible après tout. Pour autant, elle savait ce qu’il y avait derrière, les risques que cela engendraient et que son aînée avait déjà pris et subi. Son époux était mort, elle l’avait perdu et en avait clairement souffert comme elle avait elle-même souffert de la perte de ses parents. Se laisser atteindre par des sentiments d’attachement, c’était s’exposer à une potentielle souffrance, faire confiance à quelqu’un au point de lui permettre de faire mal à l’autre. Et il faut dire qu’entre les remords vis à vis de son vieil ami Amos et la douleur de s’être retrouvée seule à la mort de ses géniteurs, Hope s’était refermée comme une huître, faisant le stricte minimum. C’était aussi pour cela que malgré l’impact du docteur Valeyard sur elle, ses réactions en sa présence, il ne s’était jamais rien passé et il ne se passerait jamais rien.

C’est alors que la conversation se concentra principalement sur cette histoire de mythologie et de croyance. S’il y avait bien un sujet qu’elle n’aurait jamais imaginé aborder avec sa collègue c’était bien celui de la religion. A part si elles avaient eu une affaire liée au sujet, sinon elles étaient ni l’une ni l’autre croyante de quoi que ce soit, d’un quelconque culte. Aussi la situation était des plus étranges il fallait l’avouer. Le fait était qu’elle avait dû avoir de sacrées preuves pour se laisser convaincre que les dieux et la mythologie pouvaient être aussi réels qu’elles deux. Elle ne doutait pas de l’aplomb et la solidité donc Kaitlyn pouvait faire preuve. C’était aussi ce qui lui faisait un peu peur. Pour que sa confiance là-dedans ait pu être ébranlé, la personne ou les éléments qu’elle avait récupéré devait être sacrément convaincants. Les explications de sa partenaire semblaient incomplètes et incohérentes et pour cause, elle semblait elle-même nager dans des eaux troubles et être à deux doigts de se noyer tant les nouvelles informations qu’elle avait devaient être d’une véracité invraisemblable. Ses premières paroles ne l’étonnèrent qu’à moitié. D’un côté, cela augmenta drastiquement son inquiétude vis à vis de la lieutenante. Mais de l’autre, elle comprenait aisément que les choses n’étaient pas si simples dans son esprit alors les partager avec quelqu’un d’autre était loin d’être évident.

Je vois ce que tu veux dire. Mais je pense qu’en faisant quelques recherches sur le net, tu trouveras sûrement déjà des premières informations qui pourront t’éclaircir les idées.

Hope sentait que ses interrogations et sa curiosité ne seraient pas satisfaites. A vrai dire, elle avait même l’impression que ses questions mettaient réellement mal à l’aise sa collègue de travail. Quel genre d’informations avait-elle pu avoir ? Et surtout de qui ? Il s’agissait très certainement d’une personne assez proche ou de confiance pour que cela chamboule aussi vite la blonde qui lui faisait face. Attrapant son verre, elle but une nouvelle gorgée, laissant son hôte réfléchir un peu plus tranquillement à cette affaire. C’est alors qu’elle lui posa une question bien particulière et bien étrange. Evidemment, le cerveau de la plus jeune commença à surchauffer, cherchant à imaginer quel genre de phénomène elle avait pu voir pour lui poser ce genre de questions. Il était clair dans son esprit que Kaitlyn avait déjà assisté à ce genre de phénomène, un qui l’aurait convaincu probablement de l’existence des dieux. Mais qu’est-ce que ça pouvait être ? Les yeux légèrement écarquillaient, elle prit le temps de réfléchir un instant avant de commencer une réponse un peu hasardeuse. Il était après tout difficile de se projeter avec aussi peu d’éléments.

J’avoue que sans savoir à quoi tu as assisté il est difficile de m’imaginer quelque chose d’inexpliqué voir d’irréalisable. Mais s’il ne s’agit pas d’un tour de passe-passe, un vulgaire tour de magie quoi, j’avoue qu’il est plutôt difficile de ne pas croire ce que tu vois. Donc même si certaines vérités sont difficiles à admettre, je suppose aussi que dans ta situation tu n’as pas vraiment à choisir de croire ce que tu as vu ou pas n’est-ce pas ?

Attendant la réaction de son amie, elle reprit par la suite.

Après, étant une scientifique de base, je ne risque pas de croire à un quelconque phénomène anormal au premier regard à moins que ce dernier soit réellement incroyable et surtout que absolument rien de logique ne puisse justifier sa réalisation.

Elle n’était pas sûre d’avoir été des plus rassurantes ni d’une grande aide pour Kaitlyn mais avec le peu d’informations qu’elle avait, il était difficile de s’avancer. La brune ne comptait plus insister pour en savoir plus. Elle voyait bien que ses questions mettaient trop dans l’embarras son amie.

Je suis là si tu as besoin


Kaitlyn voyait bien que la pauvre Hope pataugeait dans la semoule. Vu le peu d’élément qu’elle lui apportait et l’aura de mystère qu’elle entretenait autour de ses réponses, il ne pouvait en être autrement. Son amie essayait de lui fournir des pistes, de comprendre, mais rien de ce qu’elle pouvait avancer n’aidait Kait à y voir plus clair.

Elle lui proposa des recherches sur le net. Kait réprima un sourire. Internet était loin d’être la source la plus fiable pour avoir la preuve de que les Dieux existaient. Sur la toile, même le yéti et Nessie étaient réels pour peu que l’on s’y intéresse. Cela n’était d’aucune aide dans le cas présent pour la jeune femme. Hope ne remettait pas en cause ses dires. Au contraire, elle tenait d’analyser et de lui apporter du crédit. Croire en ce qu’elle a vu. Etait-ce un tour de passe-passe ou de magie ? Son cœur lui soufflait que non. Sa raison était beaucoup plus dubitative. Pourtant, Luc n’avait pu physiquement se rendre dans le cimetière à son insu. De cela, elle en était sûre. Un complice ? Serait-il assez tordu pour manigancer un truc pareil ? Après ce qu’il lui avait dit, et ce qui s’était passé entre eux ? Elle refusait d’envisager une telle hypothèse. C’était juste impossible. Car elle se serait alors faite bernée en beauté, et son cœur serait à ramasser à la petite cuillère.

Kait secoua la tête, rebu une gorgée de vin. « Non, je n’ai pas choisi de croire. Ni de voir. » Elle soupira. « Tu me connais, je suis très terre à terre également, et j’aime me baser sur des preuves, du concret. Si je me pose toutes ces questions, c’est qu’il y a plus qu’une simple rumeur, ou une impression, crois moi. »

Le cheveu. Il fallait qu’elle apporte ce foutu cheveu à analyser. Ainsi, elle aurait peut être des preuves concrètes. Elle en avait assez de se tarauder l’esprit avec toutes ces questions sans réponses. Elles auraient pu en débattre pendant des heures, des jours, elles ne seraient pas plus avancées à l’issue du débat. Si tu n’étais pas amoureuse de Luc, tu y prêterais beaucoup moins d’importance à toute cette histoire d’ailleurs, lui rappela la petite voix de sa conscience. Bon sang, dans quoi s’embarquait-elle ? Et si cela s’avérait vrai, que Luc soit Hadès. Que ferait-elle ? Est-ce que cela changerait quelque chose pour elle ? Dans ses sentiments envers lui ? Aurait-elle peur ? Des regrets ? Passerait-elle outre ? Etait-ce seulement possible ?

« Ne t’en fais pas. J’aurais bien le fin mot de mon histoire un jour ou l’autre. » rassura-t-elle son amie, devant sa perplexité grandissante. Par ailleurs, elle n’avait été tout à fait honnête avec cette dernière. Elle avait mentionné un baiser échangé avec Luc. C’était une partie de la vérité seulement. Car il y avait eu plus entre eux. Mais au début, elle redoutait que Hope ne prenne pas très bien la nouvelle et avait voulu la « ménager » en quelque sorte. Ou bien se ménager elle. Ou les deux. Souhaitant reprendre une conversation sur une tournure plus légère, et ayant bien remarqué que le récit de ses « aventures » avec Luc semblaient l’amuser au plus haut point ce soir là, elle décida d’apporter un peu plus de grain à moudre à son moulin, alcool aidant à délier la langue.

« Au fait…. J’ai un truc à t’avouer. Je t’ai pas tout dit tout à l’heure. » Elle esquissa une grimace amusée. « En réalité… il y a eu plus qu’un simple baiser entre Luc et moi. » Voilà, c’était dit. Libre à Hope de se moquer d’elle ou de s’insurger. Peut être même allait-elle la prendre pour une écervelée, étant donné la réputation que pouvait avoir Hellking.

Je suis là si tu as besoin

Les confidences de la blonde étaient réellement très étranges. Imaginer un seul instant que les dieux des différentes mythologies aient pu exister un jour était déjà invraisemblable pour la jeune femme qui n’était pas croyante pour un sous. Alors croire qu’ils puissent exister encore aujourd’hui et vivre potentiellement parmi eux relevait de l’utopie. Et pourtant, quelque chose au fond d’elle la poussait à croire son amie. Elle ne pouvait décemment prendre la lieutenante pour une folle malgré ses mots qui auraient pu sortir de la bouche d’un homme enfermé à l’asile. Hope voyait bien à quel point faire ces aveux étaient difficiles pour elle. Elle était hésitante, interdite presque devant ses propres mots. Cela ne lui ressemblait pas comme comportement et pour cause, elle était relativement comme elle sur le sujet. Si la brune avait été surprise de découvrir que son père admirait et vénérait une déesse nordique de l’amour, elle était vite passée à autre chose, mettant cela sur le compte de la solitude et de la douloureuse et déchirante séparation qu’avait été son divorce. Elle n’aurait pour autant jamais imaginer son géniteur se rattacher à ce genre de choses. La croyance était tellement abstraite pour elle, croire en quelque chose d’inexistant, d’intangible était déroutant et même impossible pour elle. Mais penser rien qu’un instant que les dieux n’étaient pas si inexistants, si abstraits pourraient totalement changer la donne dans son esprit.

A la mort de son père, cette découverte sur Freyja l’avait poussé à s’intéresser un petit peu, faisant des recherches sur internet et à la bibliothèque sur l’histoire de cette déesse de l’amour. La jeune femme cherchait en réalité une raison qui aurait pu pousser son père à se retrancher ainsi dans la religion, la mythologie nordique de surcroît. Elle tenait pas mal de lui pour son côté terre à terre et surtout, elle se croyait proche de son père malgré le divorce. Elle avait toujours fait en sorte de conserver un minimum de proximité avec ses deux parents mais elle avait clairement toujours été plus complice avec ce dernier, n’étant pas une poupée comme l’aurait aimé sa mère. Ne pas savoir pour son besoin de croyant et sa relation avec le docteur Dahlgren l’avait pas mal ébranlé. C’était ce qui avait achevé son désir de fermer son coeur aux autres, de minimiser au maximum l’attachement qu’elle pourrait éprouver quelqu’un. Cela faisait sept ans à présent qu’elle façonnait cette carapace pour se protéger de la douleur et de la déception que pouvait entraîner la proximité avec d’autres.

Je m’en doute Kaitlyn sinon je t’aurais déjà prise pour une folle. Je serais curieuse de savoir quel genre de preuve on aurait pu t’agiter sous le nez pour que cela t’inquiète de la sorte. Après entre avoir la preuve qu’ils puissent exister et rencontrer un véritable dieu, il y a encore un pas à franchir.

Hope était loin de s’imaginer que la blonde avait déjà franchi ce cap en la présence d’une personne qu’elle connaissait elle aussi. A vrai dire, elle était loin d’imaginer qu’elle puisse côtoyer autant d’êtres divins dans son quotidien. Après tout, il n’y avait pas de pancarte lumineuse au-dessus de leur tête pour dire “Je suis un dieu vénérez moi”, heureusement d’ailleurs. Son amie se voulait rassurante à travers ses paroles suivantes. Mais la plus jeune avait la sensation que c’était plus pour elle-même qu’elle disait cela. N’ayant pas les preuves, la connaissance de tous les faits auxquels Kaitlyn avait potentiellement assisté, elle ne pouvait que s’inquiéter pour elle et non pour le dénouement logique ou non de cette énigme.

J’espère surtout que tu me tiendras au courant, surtout si tu prends des risques pour avoir le fin mot.

Sans savoir ce qu’elle faisait exactement, la brune espérait qu’elle la tienne au courant au moins de ses déplacements lorsqu’elle prendrait un risque, juste au cas où. Evidemment, ce bon conseil, elle ne l’appliquait pas elle-même lors de ses escapades nocturnes pour surveiller le gang des Ninos. C’était une belle erreur et bêtise mais elle ne pouvait pas admettre être toujours à la recherche du meurtrier de son père sept ans après. Elle savait parfaitement qu’on ne ferait que lui dire qu’elle perdait son temps et que cela ne changerait plus rien. Mais ça, c’était la réponse des personnes qui ne connaissait pas la douleur d’une perte sans réponse. Sortant de son tourbillon infernal personnel, cela fut le ton employé puis les joues rosies de sa partenaire qui la détendirent, attirant son attention sur tout autre chose. Portant son verre à ses lèvres, Hope ne put s’empêcher de voir ses lèvres s’étirer en un petit sourire amusée, en réaction à la grimace de la blonde. Partagée entre surprise, écoeurement et amusement, la plus jeune ne savait trop comment réagir. Si elle ne pouvait que souhaiter à son amie de repartir sur de bonnes bases et en bonne compagnie elle qui avait perdu le père de Cordélia, elle avait peur que cette dernière fasse fausse route avec le consultant Hellking. Seulement entre un baiser et plus, ce n’était pas la même chose. Avait-elle raison de faire autant confiance au psychologue ?

Plus à quel point ?

Evidemment la lieutenante avait une question qui la démangeait : Etait-elle sûre d’elle sur ce coup ? Elle n’avait clairement aucune confiance en Luc mais ce n’était pas le cas de son amie. Pouvait-il réellement avoir un bon côté, au moins avec Kait ? Finalement la brune craqua, posant une question plus redoutable, se retenant d’un commentaire du type “il pourrait très bien simplement jouer”.

Es-tu sûre de ses intentions ?

Je suis là si tu as besoin


Savoir que son amie ne la prenait  pas pour une folle – du moins pas encore – rassérénait quelque peu Kaitlyn. Bien évidemment elle avait aiguisé la curiosité de Hope avec son récit, et regrettait d’être dans l‘incapacité pour l’heure de satisfaire pleinement celle-ci. Hope fit une remarque sur la probabilité de rencontrer un véritable Dieu. Kait s’efforça de demeurer impassible et se retint de répliquer qu’elle en connaissait peut être un et qu’elle le côtoyait même au travail. Elle ignorait encore qu’il n’était qu’une partie émergée de l’iceberg.

Elle s’empressa de rassurer sa collègue lorsque celle-ci la rappela à la prudence dans sa quête de la vérité. « Ne t’en fais pas. Je ne prendrais aucun risque inconsidéré. » Elle sourit. « Tu seras la première informée. » assura-t-elle. Elle voulait être honnête avec elle, du moins dans la mesure du possible. Elle ne voulait pas laisser Hope dans l’ignorance d’une information capitale, mais ne pouvait non plus se résoudre à trahir la confiance de Luc en dévoilant son secret au tout venant.

La conversation se redirigea vers le consultant. De toute manière, il n’y avait pas grand-chose à dire de plus concernant l’existence ou non des divinités sur Terre, sans plus de preuves. Faire des suppositions durant la toute la nuit n’aurait pas fait avancé le schmilblick. Kait savait pertinemment que Hope n’approuvait pas son rapprochement avec Hellking. Ces deux là étaient à couteaux tirés constamment. Elle ne l’aimait pas et ne lui faisait pas confiance, et lui le lui rendait bien. Si par moment leurs tirs croisés pouvaient être amusants, cela pouvait s’avérer franchement pénible à d’autres. Et cependant, la brune prenait sur elle ce soir là, afin d’écouter son aînée sans monter sur ses grands chevaux. Elle faisait montre d’une certaine méfiance, preuve qu’elle s’inquiétait pour son amie, mais rien comparé à ce qu’aurait pu redouter Kaitlyn.

Bien évidemment, lorsqu’elle lâcha l’information qu’il y avait eu plus qu’un baiser, Hope rebondit là-dessus instantanément. Plus à quel point ? Kait vida son verre et grimaça de nouveau. « Au point de passer la nuit ensemble. » admit-elle enfin. Son amie lui partagea alors ses réticences, lui demandant si elle était sûre de ses intentions à lui. Sous entendu, était-elle certaine qu’il ne jouait pas elle. Etait-il sincère ? Kait ne pouvait lui en tenir rigueur. Luc n’avait pas la réputation de quelqu’un de sérieux. Entre l’enchaînement de conquêtes d’un soir et les abus en tout genre, il brûlait plutôt la chandelle par les deux bouts au quotidien. Elle re-remplit les verres. Les souvenirs de la soirée tournaient en boucle dans tête, ainsi que les paroles prononcées par le consultant. Elle avait ressenti tellement de passion et de déchirement dans celles-ci, et dans ses gestes, qu’elle n’avait absolument pas douté de sa sincérité. Et étrangement, elle ne doutait toujours pas.

Prenant une inspiration, elle releva son visage et plongea son regard dans celui de Hope. « Je sais que tu ne l’apprécies pas, que tu t’en méfies comme de la peste. Mais oui, je suis sûre de ses intentions. » répondit-elle enfin. « Je t’assure Hope, tu ne vois qu’une facette de lui, une sorte de rôle qu’il aime à jouer à l’extérieur. Mais au fond, il n’est pas du tout comme il y parait. » Elle bu une gorgée, prête à lâcher quelques bribes d’informations supplémentaires. « Tu savais qu’il avait été marié et qu’il a une fille lui aussi ? » Pause. « Et il est génial avec Cordélia. Je te jure. Et elle l’adore. » Elle savait que cela ne suffirait à convaincre son amie de le faire entrer dans ses bonnes grâces mais elle aurait au moins essayé.

Je suis là si tu as besoin

Le silence que conservait sa collègue était presque frustrant. Elle imaginait aisément que si cette dernière ne se livrait pas totalement sur le sujet, c’est qu’elle avait ses raisons et probablement de très bonnes raisons. Mais d’un autre côté, la brune allait tout de même devoir garder un oeil sur sa partenaire, juste au cas où. Si l’histoire de Silas leur avait appris à être aux aguets en permanence, potentiellement même avec les collègues, elle ne remettait absolument pas en jeu l’intégrité de la lieutenante. Par contre, elle préférait avoir un oeil sur elle au cas où elle se mette dans de beaux draps en courant après une vérité aussi étrange et improbable qu’effrayante. Des dieux parmi les humains, bientôt elle allait également apprendre que les supers-héros existaient aussi ? La promesse déguisée de Kaitlyn quand au fait qu’elle ne prendrait pas de risque inconsidéré laissa la plus jeune assez sceptique même si elle répondit gentiment à son sourire lorsqu’elle lui affirma qu’elle serait la première informée de ses avancées. Dans le fond, elle espérait surtout que son amie aurait le temps de lui donner les nouvelles informations. Après tout, si les dieux vivaient parmi eux depuis toujours, pourquoi aujourd’hui l’un d’eux voudrait se dévoiler ? Pourquoi maintenant et pourquoi auprès d’un flic comme Kait, avec de l’expérience et une hargne d’enfer ? Hope ne trouvait pas vraiment de logique dans tout cela. La personne en question devait très certainement avoir une idée en tête et la première qui lui venait ne la rassurait pas franchement. Elle était bien loin d’imaginer la situation réelle de la blonde, qui ne l’aurait peut être pas réellement rassuré dans tous les cas étant donné qu’il s’agissait de Luc.

Concernant ce dernier, Kaitlyn ramena le sujet sur la table et non sans une bonne raison. Elle ne semblait pas lui avoir tout dit ce qui n’alerta pas immédiatement la lieutenante, loin de s’imaginer de la suite des événements de leur retrouvaille. Si la plus jeune n’appréciait pas le consultant, ce n’était pas pour rien. Ce dernier s’était montré odieu et méprisable au décès de son père, lorsqu’elle avait voulu mener son enquête de son côté, refusant de l’aider à faire le portrait du meurtrier la jugeant incapable par rapport aux personnes à qui avaient été confié l’affaire. Evidemment, cela, personne n’était réellement au courant. Aujourd’hui, si elle rêvait de lui balancer à la tronche ses avancées, même sept ans après, la brune se retenait pour conserver son enquête dans l’ombre. Elle n’avait aucune confiance en cet homme qui jugeait au premier regard sans savoir et qui se pensait mieux que tout le monde jusqu’à laisser entendre qu’il était infaillible même. Alors forcément, lorsqu’elle entendit son amie lui dire qu’ils avaient passé la nuit ensemble, elle avala sa gorgée de vin de travers, se retenant de tout recrachant en s’étouffant à moitié. Si cela avait été une histoire d’un soir, Hope n’aurait pas été surprise le moins du monde. Mais la lieutenante qui lui faisait face était bien trop déboussolée par tout cela pour que cela soit le cas. Ne connaissant que les expériences sans lendemain, c’était une partie qu’elle gérait un minimum et ce que lui racontait Kait et comment elle semblait ressentir la chose n’avaient strictement rien à voir avec la façon dont ses relations d’un soir l’affectaient elle. Après, il était clair que chaque personne était différente. Mais tout de même, la plus jeune restait persuadée qu’il y avait anguille sous roche aussi ne put-elle pas s’empêcher de lui demander si elle était certaine de ce qu’elle faisait et de la façon dont Hellking percevait la chose. Elle ne connaissait pas encore son aînée lorsqu’elle avait perdu son mari, mais pour avoir perdu des êtres chers, elle ne doutait pas de l’impact que ce fait avait eu sur sa vie à sa fille et à elle.

Ma méfiance est fondée. Mais il s’agit de mes raisons et non des tiennes. Si tu es sûre, moi ça me va.

C’est alors qu’elle lui expliqua qu’elle était arrêtée sur une facette de sa personnalité, parce que Luc semblait ne vouloir montrer que cela de lui. Mais dans le fond, Kaitlyn semblait avoir découvert un homme qui l’avait charmé et séduite. Lui parlant un peu plus du consultant, elle apprit qu’il avait déjà eu une épouse par le passé, union dont était ressortie une fille. hellking en père, cela semblait plus que irréaliste pour la brune. Et pourtant, son amie insista un peu plus en précisant qu’avec sa propre fille cela se passait très bien et que cette dernière adorait la compagnie du psychologue.

J’espère simplement que tu ne fais pas fausse route. Il s’agit de ton choix Kait et même si tu es hésitante dans ta façon d’aborder le sujet, tu ne sembles pas l’être quand à ta position dans l’histoire. Mais ce qui compte là-dedans après tout c’est toi … et Cordélia évidemment.

Marquant un temps de pause, la jeune femme réfléchissait à une ultime question avant de probablement laisser tranquille son amie et rentrer chez elle.

Vu comme tu sembles tout de même convaincu de ses bonnes intentions, qu’est-ce qui te fait hésiter ainsi dans ta façon d’en parler ?

Je suis là si tu as besoin


Hope manqua de s’étouffer lorsqu’elle lui avoua qu’elle avait passé la nuit avec Luc. Réaction plutôt logique de la part de son amie, étant donné qu’elle pouvait dire qu’elle n’en attendait pas moins d’elle. L’aversion de Hope envers le consultant n’était pas un secret. Cette dernière demeura évasive lorsqu’elle évoqua les raisons qui justifiaient le fait qu’elle n’apprécie pas Hellking. Sa rancœur semblait profondément ancrée, bien qu’elle ne lui délivre pas en détail le pourquoi du comment, éveillant la curiosité de Kait à ce sujet. Elle ignorait totalement les éventuelles causes. Néanmoins, son amie semblait malgré tout accepter son point de vue à elle. En cela, elle lui en fut reconnaissante.

Hope enchaîna malgré tout sur une note un peu plus fraîche, réitérant de façon déguisée ses mises en garde. Kait ne pouvait en vouloir à son amie de s’inquiéter pour elle et sa fille, elle ne voulait que son bien dans le fond. Mais son ambivalence dans ses propos ne lui avait pas échappé – flic oblige – et forcément, cela ne pouvait que renforcer ses soupçons à l’égard du consultant. Kait secoua la tête avec vigueur. « Ce n’est pas Luc qui est en cause, ni ses sentiments, c’est moi. Je veux dire…je n’avais rien connu de tel depuis Paul…çà fait forcément peur. » Son amie se méprenait sans doute sur les véritables raisons de ses hésitations et ses peurs. Oui, elle était convaincue des bonnes intentions de Luc. C’était plutôt le côté « divin » qui l’effrayait. Enfin, qui la perturbait. Car il n’y avait que deux issues possible à cette histoire : soit Luc disait vrai et cela impliquait énormément de bouleversements dans la vie de Kaitlyn, sans compter le fait qu’elle était tombée amoureuse d’un Dieu…rien que çà. Soit c’était faux et en réalité il était fou. Et pour tout avouer, Kait ignorait totalement laquelle de ces deux options elle préférait. C’était cela qui l’effrayait. Mais çà, elle ne pouvait pas en parler à Hope.

Cette dernière lui demanda justement ce qui la faisait hésiter ainsi. Kait soupira. Elle avait cette désagréable sensation d’être prise en porte à faux vis-à-vis de son amie, mais répugnait à lui mentir. Sauf qu’elle ne pouvait pas lui dire non plus la vérité, et que Hope était loin d’être une idiote. « Ecoute Hope, je… » Elle se mordilla la lèvre inférieure. « Peut être que j’ai tout simplement peur des conséquences que cela va avoir sur ma vie. » Parce que oui,  cette liaison improbable aura des conséquences, et pas les moindres. Kait était encore loin d’imaginer de quoi serait fait l’avenir, et de l’ampleur que toute cette réalité jusque là ignorée allait prendre dans sa propre vie, et ses propres choix. Car cette rencontre avec les Dieux et sa relation avec Luc/Hadès allait bouleverser son existence, changer son être en profondeur, mais elle ne le savait pas encore. Tout comme Hope ignorait également qu’elle serait amenée elle aussi dans un avenir proche à découvrir la vérité.

« Si un jour tu as envie d’en parler, voudras-tu me dire pourquoi tu le déteste autant ? » demanda-t-elle alors à brûle-pourpoint à son amie.

Je suis là si tu as besoin

Effrayée, voilà ce que son amie était en train de lui avouer. Depuis le décès de son mari, elle avait dû se consacrer à sa fille dès qu’elle ne travaillait pas. Seulement, qu’elle ne remette en question que son propre ressenti et non les agissements du consultant et sa façon de croquer la vie à pleine dents dépassaient totalement Hope. Des hommes comme Hellking, elle en avait déjà croisé pas mal. Cela l’arrangeait bien à vrai dire lorsqu’elle finissait par avoir réellement besoin de se détendre de trouver un homme pour passer une seule et unique nuit chez lui. Au petit matin, elle avait toujours déguerpi avant qu’il n’émerge, laissant entendre qu’il n’y aurait jamais rien d’autres. C’était rare pour elle d’agir de la sorte. Mais rien qu’à écouter le psychologue se vanter de ses conquêtes et de ses sorties au commissariat, cela devait être son quotidien d’agir de la sorte. Hors, si c’était bel et bien ce qu’il attendait de cette soirée avec Kaitlyn, il allait le regretter amèrement. La brune espérait réellement dans le fond que son amie ne faisait pas fausse route. Car de toute évidence, vu comme elle en parlait et comme elle abordait la chose, elle semblait totalement sous le charme de cet idiot pas fini. Continuant de prendre sur elle pour ne pas lui dire qu’elle craignait qu’elle ne commette une erreur, elle restait attentive aux paroles et à l’attitude de son aînée.

Je ne sais pas vraiment ce que ça fait alors j’avoue que sur ce plan là, je risque pas de t’être d’une grande aide. Mais s’il devait ressentir la même chose que toi, la seule solution serait de prendre votre temps non ? Enfin je veux dire, si tu as peur, c’est parce que tu crains de brûler les soit-disantes étapes ? Ou peut être vis à vis de Cordélia ?

Peut-être même qu’elle craignait sa propre réaction vis à vis de son ex-mari décédé. La jeune femme n’avait pas connu l’ancien procureur, elle ne pouvait donc pas vraiment parler en son nom pour rassurer la lieutenante. Evidemment, la voir hésiter de la sorte pour lui répondre attisa une fois de plus sa curiosité, autant que cela la gênait de la voir dans pareille position. La blonde était tellement sûre d’elle, d’aplomb, avec une façon d’être avec les autres farouche que la voir ainsi, avec ses défenses abaissées et une peur dévoilée, lui faisait réellement mal au coeur. Luc n’avait clairement pas intérêt à jouer avec elle. Mais dans le fond, Hope avait du mal à penser qu’il puisse être sérieu un jour, même avec son aînée, et ça l’agaçait de plus en plus. Finalement, cette dernière conclut la conversation affirmant de manière incertaine que cela devait être les impacts sur sa vie actuelle qu’elle craignait. La plus jeune ne comptait pas insister. Elle n’était pas la mieux placée pour parler amour, n’ayant jamais ressenti ce genre de choses pour qui que ce soit excepté ses parents. Il y avait bien eu Amos lorsqu’elle était plus jeune, mais c’était un ami. L’amitié et l’amour pouvaient-ils être comparé ? Rien n’était moins sûr. Et puis, cette amitié passée remontait à bien longtemps en arrière et avait été relégué aux oubliettes depuis de nombreuses années. C’est alors que la blonde changea une nouvelle fois de sujet, s’orientant sur quelque chose bien plus accès sur son invitée qu’elle-même. Un rictus aux lèvres, la lieutenante n’aimait pas franchement parler de cela. Il s’agissait du passé mais surtout, cela se rattachait à l’affaire du meurtre non élucidée de son père. A l’époque, beaucoup de personnes au sein du commissariat lui avait fait défaut, venant tout juste d’arriver. Il y avait d’abord eu le docteur Dahlgren qui avait tout simplement refusé de lui parler de l’affaire alors même qu’elle ne voulait que des informations et nullement se lancer dans une enquête privée. Seulement, plusieurs mois plus tard, lorsque le chef Porcius Cato avait ordonné la classement du dossier en sans suite faute de preuve ou d’une avancée quelconque, Anthea était revenue en arrière, lui fournissant les éléments de départ. Elle avait mis cela sur le fait qu’elle avait été l’amante de son père et qu’elle voulait très certainement que l’on traîne le coupable devant la justice.

J’ai des raisons qui me sont propres et qui remontent déjà à quelques années en arrière. Mais je pense qu’avoir son point de vue en premier sur la chose te donnera très certainement une idée de la chose et du personnage qu’il peut être en même temps.

Attrapant son verre, la brune termina la dernière gorgée de vin dans ce dernier avant de le reposer et de se relever.

Je vais pas t’embêter plus longtemps. Je vois que ça va pas si mal et c’est l’essentiel. Soit tout de même prudent pour l’enquête en collaboration avec le capitaine McRawne. Vigilance est mère de sûreté parait-il. Tu me tiendras aussi au courant de ton avancée pour les fournisseurs de Gitche à ton retour. Profites bien des derniers jours.

Faisant la bise à son amie qui la raccompagna jusqu’à la porte d’entrée, Hope reprit sa voiture et se rentra chez elle. Etant donné qu’elle avait bu, sortir surveiller les Ninos ne serait pas prudent, même si ce n’était que deux verres. Aussi décida-t-elle de s’ouvrir une bouteille chez elle pour plancher sur l’enquête de la soeur de Siofra qui piétinait bien plus que celle du meurtre de son père à présent. Il n’était pas possible de disparaître du jour au lendemain sans laisser de traces. Cela, la jeune femme en était certaine. Seulement, il était clair également que les faibles indices que l’aînée des Daley avait laissé était à l’heure actuelle inutile, ne menant que dans des culs de sacs.

Je suis là si tu as besoin


Kait regretta d’avoir emmené son amie sur ce terrain. Hope ne comprenait pas les fondements de ses inquiétudes, et pour cause, puisque la blonde ne pouvait pas tout lui raconter en détail. Sa collègue restait sur des questions très pratico-pratiques, pensant que ses craintes étaient liées à des soucis somme toute très banaux. Avait-elle peur de brûler les étapes ? Pour sa fille ? Alors que les réelles raisons de ses interrogations étaient à dix milles années lumières de tout ceci. Kait était du genre réfléchie, se lançait rarement tête baissée dans quelque chose sans avoir mesuré les risques au préalable. Sûre d’elle – du moins en apparence – elle ne laissait jamais transparaitre ses faiblesses. Mais la situation actuelle dépassait tout entendement. Elle n’avait pas peur de ses sentiments envers Luc. Mais plutôt du fait qu’il puisse ne pas être totalement « humain », dans le sens où ses propres croyances étaient complètement balayées, du moins si tout ceci était réel.

Sans compter le fait que Hope nourrissait une rancune tenace envers le consultant, sans que Kaitlyn ne puisse en déterminer la cause. De surcroit son amie refusa de lui expliquer le pourquoi du comment. Mais à priori, ce n’était pas récent. Son amie lui glissa d’interroger elle-même Luc à ce sujet. « Je ne manquerais pas de lui poser la question à l’occasion. » répondit-elle simplement, frustrée de constater que Hope ne voulait pas lui en dire plus.

Il était évident que les deux amies étaient en désaccord total au sujet de Hellking. Et que Hope ne démordrait pas de son point de vue. Son opinion était forgée. Kait devinait sans peine que quoi qu’elle dise, elle ne pourrait pas plaider la cause de Luc auprès de la brune. Elle voyait bien  que son amie restait hermétique, ne voyant que les défauts et la façade que voulait bien montrer le consultant. Effectivement, de l’extérieur il pouvait se montrer exaspérant, insupportable. Voire imbus de lui-même. Mais désormais, elle connaissait ses faiblesses, et savait que le véritable Luc n’était pas ce qu’il voulait paraitre. Ou alors, elle était aussi folle à lier que lui. Ce qui faisait également partie de sa liste de probabilité. D’où ses nœuds au cerveau.

Hope prit congé, sans manquer de lui donner de dernières recommandations à la prudence. Formalités d’usage somme toute. Kait s’empressa de la rassurer. « Ne t’inquiète pas, je serais prudente. Comme toujours. » acheva-t-elle avec un clin d’œil entendu. « Toi aussi sois prudente. » L’une comme l’autre savait pertinemment que chacune n’en ferait qu’à sa tête. « Et encore merci d’avoir écouté mes jérémiades. » ne put-elle s’empêcher d’ajouter, avec un sourire, tandis que son amie lui fit la bise et quittait sa maison.