Les jours défilent sans jamais se ressembler. Pas une seule fois son travail n’était rébarbatif et fastidieux. Pas un moment à se dire que le cycle d’une vie humaine n’avait de récurrent que leur monotonie constante. C'était ça que la vie en hôpital lui prodiguait. La curiosité l'avait frappé de tel qu'il s'était trouvé deux métiers en un. Celui de consultant pour la police de Philadelphie, et docteur en génétique bactériologique. Ce qui permis aisément à Kendall de se faire un entourage vaste et de ne pas s'ennuyer un instant. Enfin, tout dépendait des personnes que Kendall rencontrait. A défaut de se montrer charmeur, il était surtout très jovial, charismatique et avenant. Ce qui lui permettait aisément de se faire intégrer très rapidement à l'équipe. Tant avec les secrétaires que les infirmières et brancardiers. Notamment avec les patients qui venaient faire régulièrement des prises de sang au laboratoire où il travaillait. Cela ne faisait que quelques jours qu'il était arrivé en ville et déjà le feeling était rapidement passé auprès de ses collègues et autres médecins. Et il fallait bien admettre qu'avec Seth sous le même toit, les deux réunis avaient tendance à faire fureur. Cependant, bien malgré certains côtés frivoles de sa personnalité, Kendall gardait un sérieux professionnalisme et n’allait jamais au-delà d’une entente collégiale. Il préférait réserver ça quand il était avec son groupe et en dehors du travail qui lui demandait une certaine rigueur.

Bien malgré son travail assidu, Kendall n'était pas moins quelqu'un de vivant qui aimait beaucoup discuter avec ses collègues autour d'un café ou d'une cigarette dans le patio. Chose qui lui permettait d'en savoir plus sur ses comparses et d'aborder des sujets divers et variés qui bifurquaient toujours vers les religions. Et ce n'était pas lui qui les lançait généralement. Au contraire, il avait tendance à se montrer plutôt discret jusqu'à ce qu'on lui pose la question, à savoir en quoi il croyait. Ce qui était plutôt amusant pour un dieu de se poser la question. Mais il préféra toutefois rester vague en citant la religion Celte avant de terminer sa pause et de retourner travailler.  Il savait que les curieux reviendraient discuter de ça avec lui.

Je me déplaçais d'un pas lent et calme jusqu'au bâtiment où se trouvait le laboratoire d'analyses. En rentrant à l'intérieur je retirais ma veste pour remettre ma blouse afin de reprendre le travail. Aujourd'hui, j'étais encore seul jusqu'à la fin de la semaine avec quelques internes et infirmières pour faire les piqûres tandis que je m'occupais de faire les analyses demandées selon les ordonnances qui étaient fournies par les patients. Ou encore les analyses d'urgence pour les patients en chambre. Mais alors que j'étudiais assiduement ma coproculture au microscope un bruit se fit entendre dans mon dos, et je relevais la tête pour plonger mon regard sur une jeune femme blonde qui, de toute évidence, n'avait absolument rien à faire ici. Je me demandais d'ailleurs comment elle avait réussi à passer la secrétaire qui était une dragonne à certains moments. Et non sans la détailler de la tête aux pieds avec une mine surprise, je me redressais calmement.

«Bonjour... Vous cherchez quelque chose... Ou quelqu'un ? »

Bon ! D'accord, je suis un géant et ce petit bout de femme est sacrément mignonne ! Mais je n'ai certainement pas le souvenir de m'être occupé d'une patiente lui ressemblant. Et j'espère qu'elle ne vient pas pour avoir des analyses de sa coproculture. Enfin vu les parasites que j'y ai trouvé je doute que ce soit elle... Elle me semble plutôt bien portante pour une jeune femme atteinte de salmonellose... Je baisse les yeux sur la coupole avec le nom. Au temps pour moi, c'est un homme. Donc je me suis trompé. Ça m'a tout l'air de ne pas être une patiente. Une collègue ? Peut être bien, ce qui expliquerai le fait qu'elle ai rapidement passé la secrétaire draconienne de l'autre côté.

Kendall McLight. C’était le nom du nouveau consultant pour la police, ce coup-ci dans le cadre des analyses génétiques, comme les recherches ADN. Kait n’avait encore jamais eu affaire à cet homme. Et pour le coup, elle était sur le point de le rencontrer dans un cadre…officieux. Du moins, pour une requête officieuse. La lieutenant avait longuement hésité avant de prendre sa décision. Suite aux révélations pour le moins fracassantes, et surtout abracadabrante de son partenaire Luc Hellking, la jeune femme était en quête de preuves. Des vraies. Celles qui sont incontestables, même devant un jury au tribunal. Et l’ADN en faisait partie.

Luc se prétendait immortel. Un dieu. Hadès. Et il savait se montrer extrêmement persuasif. Mais malgré tout, Kait doutait. Il y avait de quoi après tout. N’importe quelle personne saine d’esprit serait incapable de gober de telles inepties ! De ce fait, Kait doutait également de sa santé mentale par la même occasion. A moins qu’elle ne fût aveuglée par les sentiments que lui inspirait Hellking, qu’elle veuille l’admettre ou non. C’est donc pourquoi elle a tant hésité avant de se présenter au laboratoire de McLight, un sachet à la main, contenant un cheveu de Luc, ramassé discrètement sur sa veste. Elle se sentait coupable de faire cette démarche dans le dos du consultant, qui, si il disait vrai, lui faisait suffisamment confiance pour sa part pour lui lâcher une telle bombe entre les mains que sa véritable nature. Et elle, le trahissait en quelque sorte. Mais elle voulait en avoir le cœur net.

A son arrivée à l’étage où travaillait Kendall McLight, Kaitlyn se retrouva confrontée à un premier rempart : la secrétaire du généticien. Entre deux âges, chignon sévère et lunettes loupes, lèvres pincées et regard réprobateur. De toute évidence, le palais était bien gardé. Kaitlyn lui présenta son plus beau sourire, et lui sortit son sésame : sa plaque. Immédiatement, le visage du cerbère s’adoucit, celle-ci étant bien entendu informée de la collaboration de son patron avec la police de Philadelphie. Et c’est avec déférence qu’elle lui laissa le champ libre, lui indiquant au passage derrière quelle porte elle pourrait trouver le médecin.

Kaitlyn pénétra dans le laboratoire, et trouva un homme d’une trentaine d’années penché sur un microscope, absorbé par son analyse. Visiblement, il ne l’avait pas entendu entrer. Kait annonça sa présence par un discret raclement de gorge. McLight se redressa et la dévisagea – de la tête aux pieds- avec un air surpris. C’était un homme séduisant, et plus grand que ce qu’elle n’aurait cru au premier abord. Elle haussa un sourcil amusé. « Bonjour. Effectivement, je cherche Kendall McLight. » Elle s’approcha de lui et lui tendit la main. « Lieutenant Kaitlyn McKinney, de la police de Philadelphie. Nous n’avons pas encore eu l’occasion de nous croiser. » Elle soutint son regard, tout en se demandant encore comment elle allait formuler sa requête sans passer pour une illuminée. « J’aurais un petit service à vous demander. » demanda-t-elle alors, se donnant l'air plus sûre d'elle même qu'elle ne l'était réellement.

D’un sourire nettement charmeur, je réajustais les pans de ma blouse et le col de ma chemise de manière légèrement imbue de moi-même. Un regard profond ancré sur la jeune femme en face de moi. Une manière pour le moins théâtrale de me présenter en esquissant un large sourire pour montrer mes quenottes aussi scintillantes qu’une pub Colgate. Je devrais peut-être m’y mettre, à faire de la pub, ça pourrait faire remonter ma côte.

«Il se trouve que vous l’avez juste en face de vous, et je ne parle pas du microscope, bien entendu~.»

Un petit ton plaisantin et je m’approchais pour lui serrer la main lorsqu’elle se présenta. Lieutenant… Lieutenant ? Une nouvelle enquête dont je n’étais pas au courant ? Je penchais la tête sur le côté, baissant les yeux sur sa plaque à la ceinture de la jeune femme et les relevant avec un léger froncement de sourcils. Était-ce une passation d’enquête ou le lieutenant Edwards avait préféré demander à l’une de ses comparses de venir chercher de nouveau résultats sans m’en tenir informé ?

«En effet, nous n’avons pas encore eut l’occasion de travailler ensemble… Que puis-je pour vous lieutenant ?» Demandais-je alors en reprenant mon sérieux.

Un service, il était évident que le généticien ne s’attende pas à un rancart improvisé de la part d’un lieutenant parfaitement inconnu au bataillon pour le moment. Mais, il était peut-être en train de se dire qu’il pourrait un de ces jours se rendre au commissariat histoire de faire la connaissance de ses autres collègues et comparses de la police scientifique. Ce qui lui éviterait bien des problèmes s’il en rencontrait un hors cadre en le rembarrant sans savoir qu’il fait partie de la police. Et ça éviterait bien des contraintes. Et qui sait, croiser le commissaire et quelqu’autres consultants. Il frappa dans ses mains et désigna le lieutenant McKinney avec un large sourire enthousiaste. Il ne cachait pas vraiment son plaisir à pouvoir aider de nouveau sur une enquête alors il ne se fit pas prier pour le faire savoir.

«Vous êtes sur une enquête et vous avez besoin de mes services ! Dites m’en plus. De quoi s’agit-il ?»

J’avais quand même la puce à l’oreille sur le fait que personne ne m’ait prévenu ou envoyé un quelconque échantillon d’une enquête en cours alors, je me disais qu’il y avait probablement un besoin réel de garder l’information le moins détaillé possible. Du moins, moins de transmissions, à moindre personnel au possible afin d’éviter les fuites. Si ça se trouve c’était quelque chose d’important et de personnel comme, je ne sais pas… Un test ADN pour savoir si la fille du président est un alien ? Je relevais la main, puis levais l’index pour couper dans l’élan de la jeune femme. Entrouvrant les lèvres afin de l’informer que j’étais sur une analyse et que je lui demandais quelques minutes pour terminer et ranger la culture dans l’incubateur afin de l’observer plus tard.

«Permettez que je termine un instant ce que j’étais en train de faire ? Je suis à vous ensuite…»

Je me tournais pour observer de nouveau les différentes cellules et bactéries, griffonnais rapidement sur mes notes ce que j’avais trouvé et je rangeais la coupole, mettais la lame à nettoyer et désinfecter après l’avoir rincée et me lavais les mains après avoir retiré mes gants. Maniaque ? Juste un peu. Une fois le tout rangé, mes notes mises de côté, j’étais disposé à prendre en charge la demande du lieutenant.

«Bien ! Allez-y, expliquez-moi ce qu’il vous faut.»

Je me penchais légèrement en avant tout en plaçant mes mains dans mon dos, pinçant les lèvres pour esquisser un bref rictus. Gardant tout de même un certain sérieux, ça restait une collègue de la police, donc si elle était aussi frigide que le lieutenant Edwards, j’allais probablement avoir des difficultés à la faire sourire sincèrement, ou la mettre à l’aise. Surtout qu’actuellement j’ai l’impression que quelque chose la tracasse, sans trop savoir pourquoi.

Kaitlyn se retint de battre un record de roulage oculaire face au numéro de charme de McLight lorsqu’il l’accueillie. Certes, il était séduisant et aurait pu tourner dans des spots publicitaires. Mais étrangement son charme n’avait aucune emprise sur elle, comparé à un certain autre consultant.  Elle grimaça un sourire devant l’enthousiasme exubérant du généticien, visiblement emballé à l’idée de l’aider. Un peu trop ? Avant qu’elle n’ait le temps de rétorquer, ce dernier l’interrompit en brandissant son index. Permettait-elle qu’il achève ce qu’il était en train de faire ? Kait haussa les épaules et balaya l’air d’un geste de la main. « Aucun souci, faites ce que vous avez à faire… »

Elle l’observa du coin de l’œil tandis qu’il terminait ses observations au microscope, avant de tout ranger et nettoyer méticuleusement. Ce type était un véritable rat de laboratoire. Comment pouvait-on rester enfermé plusieurs heures durant, le nez sur des objectifs grossissants, à s’exposer à divers virus ou bactéries en tout genre ? Kaitlyn, qui ne pouvait pas rester sans bouger trop longtemps, ne pouvait s’imaginer faire un tel travail. C’était sûrement très intéressant, voire passionnant, mais elle préférait largement sillonner la ville en patrouille.

De nouveau, elle eut l’attention de McLight, qui revint vers elle, visiblement tout ouïe, se penchant vers elle dans une attitude professorale. Aller. Explique au docteur ma grande. Kait se redressa, bras croisés sur sa poitrine. Elle ne savait encore si le comportement du généticien l’agaçait ou alors l’amusait. Néanmoins, il semblait avoir un fond sympathique. S’armant de courage, elle se lança. « J’aurais besoin de vos talents pour analyser de l’ADN. » Elle fouilla dans la poche de sa veste, où se trouvait le sachet. Dans celui-ci, se trouvait un cheveu noir. Elle  l’avait subtilisé discrètement sur  Luc. Cet inoffensif phanère la mettait mal à l’aise, pour la simple raison qu’elle se sentait l’âme d’une traîtresse. A l’insu de l’homme qu’elle aimait – même si elle refusait de l’admettre encore – elle voulait analyser son ADN, percer ses secrets à jours. A moins que ce ne soit ses mensonges ? Tout ceci l’effrayait, mais elle voulait en avoir le cœur net. En réalité, elle ne savait même pas ce qu’elle espérait comme découverte.

Kaitlyn brandit le sachet et le tendit à Kendall. « Pourriez-vous analyser l’ADN de ce cheveu ? Je ne cherche pas l’identité de son propriétaire,  je recherche juste la moindre anomalie décelable avec vos machines. » Elle tint à préciser ce détail, car généralement, les demandes de ce type concernaient surtout l’identification d’un suspect ou d’un témoin. Hors, dans le cas présent, elle savait pertinemment qui était le propriétaire dudit cheveu.

Elle se racla la gorge, et plongea son regard dans celui du généticien. « C’est un service d’ordre privé que je vous demande là. Il n’y a aucune enquête rattachée à ce cheveu. » Elle replaça une mèche derrière son oreille. « Si jamais vous ne voulez pas, je comprendrais. Si vous acceptez, je vous en serais extrêmement reconnaissante. » La balle était désormais dans le camp de Kendall. Le cœur battant, elle attendit sa réponse.

Kendall se redressa contre le plan de travail duquel il était appuyé. Attentif à la demande de la jeune femme il l'observa, et même plus, il l'analysa comme il avait tant l'habitude de faire avec n'importe qui. Ses regards, ses mimiques de visage, le mouvement de ses lèvres, son attitude générale, la façon dont elle place ses mains ou sa façon de marcher, de piétiner, de prendre appui. Son côté curieux et analyste lui permis de remarquer certains détails sur le comportement de McKinney qui le turlupinaient. Elle semblait confuse, hésitante, avec une sorte de méfiance ou de culpabilité, comme un enfant qui ne veut pas se faire prendre mais qui n'est pas discret parce-que ses gestes ne sont pas naturels. Changeant alors de position, bras et jambes croisées, menton relevé et sourcils légèrement froncés, Kendall la regarda sortir le sachet de sa poche dans lequel était contenu un cheveu. Plutôt sombre vu ce qu'il voyait, assez court. En écoutant les commentaires de la jeune femme, le dieu de la lumière resta fixé sur la blonde avant de descendre son regard sur le sachet. Savoir s'il pouvait tenter d'analyser le cheveu ? Bien évidemment.

«Eh bien oui... Ça ne devrait pas m'être impossible inspecteur...»

Il se redressa et lentement et tendit le bras vers celui-ci pour le saisir, le tournant machinalement dans tout les sens en l'observant à la lumière des néons. En sachant désormais que c'était quelque chose de personnel et non pas au sujet d'une enquête, il se permis toutefois de demander:

«Quel genre d'anomalie vous cherchez à déceler ? C'est pour vous assurer que l'un de vos proches ne soit pas tombé dans les drogues ou quelque chose du genre ?»

Ou est-ce encore autre chose ? Autant dire que cela m'intriguait maintenant qu'elle avait mentionné qu'il s'agissait d'une requête à titre personnel. Même si je ne veux certainement pas m'immiscer dans sa vie privée, cela ne me regarde pas, mais la curiosité étant l'un de mes défaut et point fort, je ne pouvais plus reculer désormais. Un coup d'oeil vers le lieutenant histoire de capter son regard afin d'obtenir des précisions. Je pourrais trouver n'importe quoi si tant est que j'ai suffisamment d'informations à chercher pour se faire. Ou LE détail, même sans développement, qui me permettrait de savoir ce qu'il faut rechercher en particulier. Je reculais pour commencer à préparer mon matériel. Concis et soigné dans l'organisation de mes instruments et produits qui seront utilisés au fur et à mesure. En attendant de faire tout ça j'étais toujours à l'écoute de la jeune femme pour d'éventuels nouveaux éléments. Je me tournais pour la fixer, on peu plus sérieux.

«Si je vous demande cela c'est parce-que selon vos attentes, je ne vais pas utiliser les mêmes révélateurs ou instruments. Si c'eut été pour retrouver l'identité d'une personne c'est une autre technique que pour une analyse complète et détaillée, c'en est une autre encore pour déceler des drogues. Mais chaque précision peut avoir son importance dans mes recherches. À vous de me dire ce que vous recherchez et attendez de tout ceci.»

Je dodelinais du chef en faisant une grimace dubitative et repris.

«Bon en l'occurrence je peux faire la totale, ça risque de me demander plus de temps surtout. C'est à vous de me dire si vous voulez rester ou repasser reprendre les résultats dans la soirée.»

Même pour le meilleur scientifique humain, une analyse peut prendre plusieurs heures, et selon la demande, plusieurs jours. Et même moi qui suis un dieu, je suis limité avec ce matériel humain. Je fixais de nouveau le lieutenant McKinney en attendant qu'elle m'en dise un peu plus. Puis je me tournais pour mettre des gants jetables et commencer à préparer l'échantillon apporté selon sa demande et ses précisions.

«Si vous voulez rester ça ne me dérange pas...»

Je me tournais et lui souriais brièvement.

«Cela pourrait nous permettre de faire plus ample connaissance en tant que collègues et, accessoirement, me dire pourquoi me donner ce cheveu à analyser vous met tant mal à l'aise...»

Reprenant mon sérieux, je me détournais pour prendre un échantillon du cheveu et le placer sur une lame afin de l'observer au microscope de prime abord nu avant de lui mettre des révélateurs ou le passer en machine.

Kaitlyn retint un soupir de soulagement. Kendall ne l’envoyait pas promener avec son cheveu, ce qui était déjà un bon début. Elle le laissa se saisir du sachet, et il observa le cheveu en contre jour de l’éclairage des néons. Bien évidemment, il la questionna, cherchant à connaître ses attentes par rapports aux analyses qu’elle lui demandait. A sa question sur une éventuelle recherche de toxiques, un fou rire nerveux monta en elle. Sans doute que ce maudit cheveu pourrait se révéler positif à quelques substances illicites ! Mais ce n’était pas sa préoccupation. Elle secoua la tête en signe de dénégation, avant d’apporter des précisions. « Ce ne sont pas les drogues qui m’intéresse. » Comment expliquer ce qu’elle attendait de lui, sans passer pour une illuminée ?

Kendall lui expliqua patiemment qu’il avait besoin de précisions pour savoir quelles techniques il devait mettre en application afin d’effectuer les tests. Une orientation dans ses recherches en quelque sorte. « Comment dire… en faite, j’aimerai savoir si quoi que ce soit dans la double hélice contenue dans ce cheveu montre un truc …d’inhabituel. Genre….une maladie génétique ou quelque chose s’y approchant. Une malformation, un défaut… » Etre un dieu pouvait-il s’apparenter à une maladie ou malformation génétique ? Elle ne voulait pas non plus abuser du temps du généticien, qui se prêtait de bonne grâce au jeu. C’est pourquoi elle ne lui demandait certainement pas de faire la « totale » comme il le disait si bien.

McLight lui proposa de rester à ses côtés le temps des analyses, afin de faire plus ample connaissance. Se faisant, il se préparait déjà à examiner le cheveu au microscope. Elle répondit à son sourire. Petit hic, il souleva également la question du « pourquoi ce satané cheveu la mettait autant mal à l’aise ». Mince ! Cela se voyait tant que cela ? Contrariée d’être aussi facilement déchiffrable, elle du réfléchir à une raison plausible et valable, à fournir à Kendall en pâture.  « Disons que la personne concernée n’est pas au courant de ma démarche pour l’instant, et que je déteste mentir aux gens qui comptent pour moi. » Plutôt pas mal comme raison, non ? De surcroît, c’était la pure vérité.

Tandis que son interlocuteur s’installait devant ses objectifs, Kait prit appui sur la paillasse de travail derrière elle, juste à côté. C’était Hope qui lui avait délivré le nom de ce nouveau consultant, ayant eu affaire à lui il y a peu, le généticien avait fait visiblement une bonne impression à sa collègue. Jamais elle n’aurait pensé avoir besoin de ses services aussi vite néanmoins. Encore moins à titre personnel. « J’ai eu vent de votre existence par le lieutenant Edwards, récemment. Faut croire que c’était le bon timing puisque j’ai besoin aujourd’hui que vous me rendiez ce service. Et je vous en remercie beaucoup par ailleurs. » Elle dardait son regard sur lui, à l’affût du moindre signe indiquant une quelconque découverte intriguant le jeune homme. Ou le surprenant. « Rien d’anormal pour l’instant ? » s’enquit-elle malgré elle, tellement elle appréhendait les résultats. D’ailleurs, son rythme cardiaque frôlait des sommets en terme de tachycardie.

Le fou rire de la jeune femme fut accueilli par un haussement de sourcil et un regard dans sa direction. Il la sentait clairement nerveuse et il se demandait bien pourquoi elle semblait aussi stressée à l’idée que ce cheveu fasse autant… de contrariété chez cette jeune femme. Il resta silencieux un instant en clignant des cils mais ne releva pas. Petite moue dubitative et il hocha la tête en se retournant pour placer son matériel sur la paillasse.

«D’accord, pas d’étude des drogues…»

Néanmoins, tout ceci lui semblait relativement louche, et l’attitude du lieutenant ne semblait absolument pas naturel, même en ne l’ayant jamais vu auparavant, ça sautait presque aux yeux. C’est la raison pour laquelle il lui avait fait part que chaque étude avait une spécificité dans l’analyse et la façon de faire. Alors il resta attentif malgré le fait qu’il tourne le dos à la jeune femme pour préparer son équipement. Kendall fit volte-face en plongeant ses yeux azur dans ceux du lieutenant, sourcils un peu froncés, il se demandait réellement pourquoi tant de mystère ou une telle demande sur ce cheveu. Il entrouvrit les lèvres pour parler, mains jointes et index relevés s’agitant dans la direction de l’agent de police. Il lâcha un petit rire avant de capituler. L’idée saugrenue qu’il venait d’avoir en tête ne tarda pas à franchir la barrière de ses lèvres.

«Donc… Vous voulez vous assurer que la personne qui détient cette kératine ne soit pas atteinte d’une maladie génétique ? Vous le pensez autiste ? » Il leva la main. «Non, ne me dites rien ! Vous pensez qu’il a été enlevé par les extra-terrestres et vous voulez vous assurer qu’il ne fasse pas de choses étranges comme monter au plafond !» Il ricana et balaya sa main dans l’air avant de se ressaisir. «C’était une boutade, n’y prenez pas garde, lieutenant.»

Ben quoi, j’avais bien le droit de la taquiner un peu. Surtout que son attitude me semblait réellement louche et sa demande un peu étrange. Alors en commençant un peu à faire le travail demandé avec les quelques informations que je récoltais, proposant à McKinney de rester avec moi et de m’expliquer pourquoi toute ce mystère pour un simple cheveu. Je penchais la tête pour regarder la jeune femme par-dessus mon épaule lorsqu’elle m’expliqua que la personne en question n’était pas au courant. Donc, une personne qu’elle gardait dans son cœur pour ainsi dire et dont elle semblait avoir des doutes. Je plissais les paupières en fronçant les sourcils, le regard en suspend l’espace d’un instant. Il ne me fallut pas longtemps pour avoir la lumière sur la situation. Du moins je supputais quelque chose d’un genre… probable. Un léger hochement de tête et je me détournais pour reprendre ce que j’étais en train de faire. Décidant de poser mes fesses sur le tabouret plutôt que me casser le dos sur le microscope.
«Vous avez peur qu’elle découvre que vous ne lui faites pas suffisamment confiance pour lui en parler ?» Je laissais un blanc avant de réaliser que ma question était peut-être un peu trop personnel et je relevais la tête pour la fixer. «Désolé… Ça ne me regarde pas…» Un léger pincement de lèvres pour émettre un sourire contrit et je retournais à mon analyse, laissant passer un ange au-dessus de nos têtes. Plutôt rassuré quand l’agent McKinney brisa ce silence un peu trop pesant à mon goût.

«En effet, j’ai débarqué en ville il y a peu, mais mon existence reste tout de même relativement plus longue sur l’ancien continent…»

Plutôt énigmatique comme réponse, mais bon, ce n’était pas comme si j’avais popé du jour au lendemain comme par magie. J’arpente depuis plusieurs siècles ces terres, et mes études sont reconnues depuis quelques années déjà. Mon côté volage et frivole m’empêche simplement de rester en place à un endroit fixe trop longtemps. Je me redressais pour regarder du coin de l’œil la jeune femme tandis que je sortais la lame où était contenu le cheveu pour ensuite préparer la suite de l’analyse.

«Pour l’instant rien d’anormal et encore moins à froid… Je vais procéder à une autre méthode pour révéler certaines matières et l’ADN pour étudier plus en profondeur.»

M’attelant durant une bonne grosse vingtaine de minutes, cela ne me perturba pas le moins du monde qu’en même temps je tape un peu la discussion avec le lieutenant.

«Savez-vous Lieutenant, que l’homme peut parfois posséder des brins d’ADN comprenant trois, voire quatre hélices ? Ce sont des cas rares enfin rares… l’ADN G Quadruplexe est notamment retrouvé dans les cellules cancéreuses. »

Mais pas seulement. L’éveil de certains hommes par ces trois ou quatre brins ont permis certaines confirmations génétiques qui tend vers une évolution humaine sur plusieurs années déjà. Autant dire que les choses peuvent parfois être surprenantes pour certains, et aberrantes pour d’autres.

«Lieutenant McKinney, en quoi croyez-vous exactement ?» Dis-je en me tournant vers elle, une main appuyée sur la paillasse tandis que je laissais agir les produits dans l’éprouvette. C’était une question très sérieuse et mon regard ancré sur elle le démontrait bien assez.

Kendall commença à émettre différentes hypothèses, plus ou moins farfelues, quant à la raison de sa requête. De « autiste », il passa sans transition aux extra-terrestres. Ce qui aurait pu prêter à sourire en effet. Riant tout seul de sa blague, il redevint sérieux ensuite. Kait s’autorisa à esquisser un sourire. Nul doute que le réel motif était au moins aussi saugrenu que les petits hommes vert et les soucoupes volantes. « Je ne suis pas en train de rejouer un épisode des X Files, je vous rassure. » se contenta-t-elle de répondre. Bien évidemment, le généticien continua avec ses questions, rebondissant sur les maigres éléments qu’elle daignait lui apporter au compte goutte. Avait-elle peur que Luc découvre le pot aux roses ?

« C’est plus compliqué qu’une simple histoire de confiance. » Il s’excusa pour son indiscrétion. Kaitlyn lui répondit par un signe de tête qui signifiait que cela n’était pas grave. « A votre place, je serais curieuse aussi d’en savoir plus. Je le pourrais, je vous en dirais plus d’ailleurs. Vous n’avez pas à vous excuser. » La conversation se recentra ensuite sur lui. Ce fut d’ailleurs son tour d’apporter des réponses sibyllines. L’ancien continent… quelle expression désuète. « Et pourquoi Philadelphie ? » s’enquit-elle malgré tout. A son tour de jouer les curieuses.

Kendall reprit la parole, pour l’informer qu’il ne trouvait rien d’anormal dans ses premières observations. Kait ne sut si elle était soulagée ou déçue. Il s’apprêtait désormais à effectuer des analyses plus poussées. La jeune femme le laissait travailler dans le silence, entrecoupé par des interventions du généticien. En commençant par un cours accéléré sur l’ADN et ses anomalies potentielles. « Je savais que les cellules cancéreuses étaient modifiées génétiquement, mais sans plus. En revanche, j’étais persuadée que l’ADN n’était existant que sous la forme de double hélice. C’est du moins ce que j’ai retenu des cours de bio à l’école. » Et elle devait avouer qu’elle ne s’était jamais penchée plus que çà sur la question.

La nouvelle question de McLight la prit au dépourvu. Il lui demanda, le plus sérieusement du monde, en quoi elle croyait, tout en la jaugeant du regard. « En quoi je crois ? » Elle haussa les sourcils. Cette question avait elle un sens caché ? Etait ce un test, un piège ? « Et bien… je crois en la science, en la loi, et dans les preuves. Comme tout bon flic, je me base sur des faits et non des rumeurs. C’est pourquoi je n’ai jamais pratiqué aucune religion jusqu’à ce jour. Pourquoi cette question ? » Quel était le rapport avec l’analyse de ce foutu cheveu ? Kendall avait-il décelé quelque chose de louche ? Cette preuve justement, qu’elle espérait tant ? « Et vous, vous croyez en quoi ? » demanda-t-elle à son tour. Donnant-donnant.

Un bref sourire à l'attention de la jeune femme suite à ses réponses. Il appréciait son calme et sa compréhension sur ses questionnements et sa curiosité. C'était maladif pour lui mais en aucun cas il voulait se montrer intrusif. Kendall était conscient qu'il y avait des choses qui ne le regardaient pas. Mais une question le taraudait depuis un moment déjà. Il se détourna pour continuer son travail tout en écoutant la jeune femme.

«A qui appartient ce magnifique cheveu ?»

Oui, magnifique, du moins en grande partie. La kératine n'était pas abîmée, les fibres lisses et continues. Il n'était pas dédoublé, pas de fourche. Il était nickel. Un cheveu entretenu de manière continuelle et à défaut, tout ceci lui semblait relativement intéressant comparé aux cheveux qu'il avait pu étudier plus tôt auparavant.

«Un cheveu qui tombe de lui-même contient très peu de méthionine ou de cystine, ici, c'est un cheveu bien entretenu et comme il contient du paraben il se dégrade moins vite.»

Je continuais mon analyse afin de décortiquer avec soin la composition du cheveu, prenant des notes, le mettant sous révélateurs et une machine qui me faisait le calcul de tout ce dont était composé ce cheveu. Patientant tranquillement le temps que je fasse ceci, je n'en perdais pas le fil de la conversation et continuais comme si je n'étais pas en train de travailler, seulement de prendre le thé avec ma comparse. D'ailleurs en parlant de thé, je me redressais. La regardant quand elle posa sa question sur la raison d'avoir choisi Philadelphie.

« J'ai de la famille ici. Et j'y ai déjà fait quelques stages pendant mes études de médecine... Puis les verts pâturages de l'Ecosse c'est bien beau mais... Ça ne casse pas trois pattes à un canard si vous voulez mon avis... Est-ce que vous voulez boire quelque chose Lieutenant ? Thé, café, chocolat ? »

Quelle impolitesse de ne pas l'avoir fait d'entrée de jeu. Si elle devait rester avec moi le temps de l'analyse elle allait probablement vouloir un petit remontant. Alors comme j'avais le temps avant de reprendre mon cheveu autant que je le prenne pour préparer quelques boissons. Un doux sourire et je me rendais dans la petite salle à l'arrière du labo pour me préparer un thé, et ce que le lieutenant voudra prendre si elle le souhaite, l'invitant même à entrer dans la petite pièce afin de continuer la conversation pendant que je nous préparais ça.

« Et vous lieutenant, qu'est-ce qui vous passionne tant à vouloir arrêter les malfrats ?»

J'étais relativement curieux de connaître ses motivations pour son métier. J'ai croisé deux lieutenants et les deux étaient des petits brins de femmes qui semblaient ne pas se laisser marcher sur les pieds si facilement. Quelque part j'admirais la force de caractère de ces femmes. Et je suis persuadé qu'elles ont largement leurs places. J'écoutais sagement les raisons qui ont pu pousser le lieutenant McKinney à faire ce métier tout en récupérant ma boisson et la sienne -si elle m'en avait demandé une- puis je retournais sur mon travail en buvant une petite gorgée de thé. Posant ma tasse sur un coin de la paillasse je repris sur le génome et les ADN à trois ou quatre brins. Ajustant un regard dans sa direction tout en préparant le cheveu dans une lame pour l'étudier au microscope. Reprenant sur un sujet des plus sérieux, je me redressais pour regarder la jeune femme dans les yeux en attendant sa réponse.

«Et est-ce que vous croyez en ce que vous voyez ou il vous faut également des preuves ? Vous êtes vous déjà retrouvé face à quelque chose que vous ne pouviez pas justifier avec des preuves physiques ?»

Pourquoi je nous amène sur ce sujet, eh bien elle allait très vite comprendre. Mais pour l'heure je répondis calmement à sa question retournée sur mes propres croyances. Un bref rictus et me voilà lui expliquer mes convictions. Bon il est évident que je n'allais pas tout détailler mais... En comprenant que j'étais Écossais et de fait les Écossais étant fiers de leurs coutumes encestrales et celtiques comme les Irlandais ou les Bretons, eh bien j'allais lui expliquer quelques points de vue.

«Je crois en beaucoup de choses, mais j'ai l'âme d'un scientifique alors... J'ai besoin tout comme vous de preuves physiques. Cependant j'ai grandi avec les histoires ancestrales et les croyances celtes de ma famille et toutes ces petites choses auxquelles les enfants croient avant de se dire que ce ne sont que des illusions. Si je vous disais que l'homme est encore loin de réaliser que dans ce monde il y a des choses qui dépassent notre entendement ? En travaillant sur l'étude de ces triples ou quadruples brin j'ai réalisé qu'il y avait des évolutions humaines qui paraissaient complètement absurdes.»

Je posais une main sur la paillasse et m'y appuyais tout en regardant le lieutenant.

«Absurde ou aberrante... Je suis tombé des nues lorsque j'ai vu un petit garçon avec ces fameux triple brins faire des choses que je ne pouvais pas expliquer ni par la physique, ni par la biochimie. Et ça n'a rien de similaire à de l'illusion ou de l'hypnose. L'on croit ou l'on ne croit pas. Je pense surtout que si notre esprit est suffisamment ouvert on peut largement voir des choses qui nous aurait été impossible de voir jusqu'alors ou de croire parce-que nous ne sommes pas habitué à des choses que l'on ne peut expliquer ou de cohérent avec notre quotidien.»

Après mon explication, je détournais calmement mon regard sur le microscope et reposais mon séant sur le tabouret en face pour continuer mon exploration de cheveu. Rien d'anormal, pas non plus de triple ou quadruple brin. Un cheveu tout ce qu'il y a de plus basique et normal. En même temps je me demande si cette jeune femme voulait une étude plus explicite pour trouver quelque chose de surnaturel dans ce cheveu. Il ne faut pas être devin pour comprendre que McKinney a vu quelque chose qu'elle tente de justifier par des preuves physiques.

«Hormis une composition parfaitement normale, ce cheveu n'a aucune malformation, ou de déformation génétique...»

Je regardais le lieutenant et lui souriais de manière contrite.

«Je ne sais pas exactement ce que vous cherchez à prouver ou savoir mais je peux vous assurer que ce cheveu n'a rien de surnaturel ou de bizarre. Navré. Je peux toujours vous fournir la fiche complète de sa composition une fois que l'ordinateur aura terminé le séquençage complet.»

Ça ne devrait plus tarder d'ailleurs. Je faisais rouler le tabouret sur lequel je me trouvais pour aller jeter un oeil sur l'ordinateur et l'analyse en cours qui me complétait toutes les formules biochimiques du cheveu. J'étudiais tout ça en faisant défiler la liste.

«Un cheveu en bon état avec une dégradation ordinaire et pourtant composé de quelques traces de drogues et tabac... »

Hors c'est bien connu que les cheveux se fragilisent lors de la consommation de stupéfiants, de tabac, d'alcool ou ce genre de choses que l'homme aime bien consommer.

Kendall était du genre tenace. Il réitéra sa question, à savoir à qui appartenait le cheveu. Kait réprima un sourire, tout en répondant sur un ton de conspiratrice. « Je ne peux pas vous le dire, autrement je me verrais dans l’obligation de vous tuer. » Il lui fit part de ses observation, notamment sur l’état impeccable dudit cheveu, et visiblement de ce qu’il contenait. « On dirait que cela vous étonnes… est ce que cela signifierait quelque chose qu’il contienne beaucoup de… ces molécules dont vous parlez ? » Elle le laissa poursuivre son analyse, tandis qu’il biaisa sur ses origines écossaises et sa famille. Tout ceci avant de lui proposer une boisson. Elle opina du chef et opta pour un café. Le thé, c’était pas son truc.

« Vous c’est l’écosse, moi ce sont les plaines d’Irlande. A ceci près que je n’y ai jamais vécu, j’ai grandit à Cincinnati. » Elle le suivit dans une petite salle à l’arrière du laboratoire, tandis qu’il préparait leurs boissons respectives. Se prêtant de bonne grâce au jeu des questions/réponses de son hôte, elle poursuivit son récit lorsqu’il lui demanda pourquoi elle avait choisi ce métier là. « Vous savez, j’ai grandit dans une famille de flic. Chez les McKinney, c’est une histoire d’honneur, on est flic de père en fils. En l’occurrence, je fais l’exception en étant une représentante de la gente féminine. » Kaitlyn esquissa un sourire indulgent. « Mon père est à la retraite maintenant. Mon frère est lieutenant à Cincinnati. J’ai toujours été garçon manqué et je voulais prouver à mon père que je pouvais faire aussi bien qu’un mec. » Bon tout ceci, c’était sa motivation première. Au fil des ans, d’autres raisons ont fait qu’elle persévérait dans cette voie, et qu’elle avait d’autant plus la rage au ventre quand il s’agissait de faire payer les criminels.  

La suite de la conversation se poursuivit dans le labo, tandis que McLight reprenait le cours de ses analyses. Il rebondit sur le sujet des preuves et croyances. Sa question sur le fait si elle avait déjà été témoin d’un événement qu’elle ne pouvait étayer avec des preuves physiques était on ne peut plus à propos. « Et bien… en effet. On peut dire çà comme çà oui. » se contenta-t-elle de répondre, écoutant la suite de sa diatribe. Il fit mention des croyances et légendes écossaises. Elle ne pouvait qu’acquiescer, l’Irlande n’étant pas en reste, et ayant eu son enfance bercée par des histoires de Banshees, de Dullahans, de Changelings ou encore de Leprechauns. La seule différence avec ce qu’elle vivait à l’heure actuelle, c’est qu’elle n’avait jamais accordé de crédit à ces histoires, les assimilant à des légendes, comme les histoires de sorcières ou de fantômes bien plus classiques.

Le généticien rebondit sur des cas d’étude au sujet de modification d’ADN. Il évoqua un petit garçon capable visiblement de certains exploits inexpliqués, même pour le scientifique qu’il était, selon toute vraisemblance. Elle lui lança un regard intrigué. « Donc selon vous, certaines personnes seraient capables physiquement ou psychiquement de choses improbables, de part leur ADN modifié ? » Elle espérait tenir là une piste concrète, un semblant d’explication rationnelle, lorsque Kendall donna le verdict. Aucune anomalie génétique du cheveu, sous quelque forme que ce soit. Kait ne sut si elle en était rassurée, ou bien ennuyée. Finalement, elle n’était pas plus avancée. Masquant sa déception, elle répondit à son sourire, tandis qu’il s’excusait presque de ne rien avoir trouvé lors de ses analyses. Il conclut par le fait que c’était un cheveu en parfait état, mais comportant des traces de drogues et tabac. Elle se retint de lever les yeux au ciel. Venant de Luc, c’était tellement…prévisible, au final. Mais agaçant. Néanmoins, quelque chose dans l’intonation du généticien attira son attention. Avant qu’un signal d’alarme ne se déclenche dans un coin de sa mémoire. « Ce type d’abus n’est pas censé détériorer le cheveu au contraire ? » demanda-t-elle alors à tout trac. Elle fronça les sourcils. « Est-ce que çà a une importance quelconque ? »

L’Irlande... Alors comme ça l’agent McKinney était originaire de ce pays. C’était plutôt logique vu le nom qu’elle portait. Et le chercheur semblait se réjouir de sa réponse. Kendall comprenait aisément qu’il n’avait pas le droit d’avoir le nom de la personne à qui appartenait ce cheveu mais ça n’était pas bien grave. Peut-être ferait-il une recherche une fois le lieutenant partie pour savoir pourquoi elle semblait tant vouloir chercher dans ce cheveu des indices… de malformation. Ou de surnaturel. Il ne mettait pas cher à parier qu’il pouvait s’agir de son co-équipier, ou tout du moins d’un proche à elle qu’elle avait pu surprendre. Enfin, il éviterait des constats trop hâtifs et se contenterait de quelques supputations sur la situation. D’autant était-il qu’ils avaient une conversation des plus intéressantes. Ce qui le fit sourire de plus belle.

«Vous devriez au moins tenter l’expérience et vous y rendre un de ces jours, l’Irlande est un très beau pays.»

Je m’attelais à préparer café et thé pour le lieutenant et lui tendais la tasse une fois le tout préparé. Retournant de l’autre côté avec ma tasse de thé en main, soufflant légèrement sur le liquide fumant. Je m’étais assuré que l’eau ne boue pas afin de ne pas se brûler en buvant une gorgée. J’écoutais avec attention le cursus familial de la famille McKinney et l’observais pendant qu’elle m’expliquait tout ceci. Mes doigts sur ma tasse caressant la poignée de façon distraite.

«Donc, tout est relatif à un honneur familial et de fierté du genre. Ceci dit, une femme est relativement capable de bien plus contrairement à ce que les hommes peuvent penser. Parce que vous avez plus de facilité à utiliser votre tête et de déployer plus d’éventualités dans vos investigations qu’un homme. Et je ne parle pas seulement du métier dans la police. Vous êtes plus souvent capable de vous remettre en question et de vous poser les bonnes interrogations pour avancer. Je ne dis pas que certains hommes en sont capable, au contraire.»

Sans me lancer des fleurs, je suis relativement capable de ce genre de prouesses, plus encore, je suis capable de m’adapter très rapidement et d’appréhender, d’analyser et d’assimiler aisément n’importe quelle forme de métier.

«L’avantage d’être un garçon manqué c’est de savoir penser ou agir comme eux malgré notre côté féminin. C’est plutôt une force en soi.»

Reprenant le cours de mes analyses, je bifurquais la conversation sur les croyances et mon expérience d’avoir pu voir des choses inexpliquées et inexplicables à l’agent à mes côtés. Ce sujet sembla même intriguer McKinney au point de renchérir sur d’autres question dans ce domaine. Je ne pouvais pas non plus en dire d’avantage au lieutenant, et encore moins lui dévoiler l’existence des dieux sur terre. Mais je pouvais l’orienter plus facilement à croire des choses qu’elle ne pourrait expliquer malgré ce qu’elle avait pu voir. Non, il ne s’agissait pas de rêve ou d’illusion.

«Les contes pour enfants et les histoires sont souvent tirés de faits réels. Il y a énormément de romance, mais parfois il y a des moyens d’arriver à faire le tri dans tout ça…»

Je me tournais vers le lieutenant McKinney et la regardais avec un petit air mystérieux.

«Je n’ai pas le droit de développer sur ce sujet, même si je ne travaille plus sur ces études, je reste tenu au secret médical. Mais vous brûlez, lieutenant. Bien sûr il faut rester un peu réaliste, il ne s’agit pas non plus de modifications génétiques à la X-men.»

Quoique… Si elle a affaire à une divinité je ne parie pas cher payer de sa stupeur si l’on s’amuse à créer la foudre entre ses mains ou lancer des boules de feu façon Kameha ou Hadoken. Enfin, je reprenais le cours de mes études du cheveu tranquillement. Jusqu’à donner mon verdict à la jeune femme. Son questionnement était bon, plutôt très bon même. En effet, la consommation de drogues, d’alcool ou de cigarettes n’était pas très bon pour le poil. Ça rendait le cheveu fade, à condition de l’entretenir convenablement.

«Il est censé… A moins que cette personne ait un très bon coiffeur ou de très bons produits pour soigner ses cheveux… Dans le cas contraire ce serait presque étonnant. Un cheveu en parfait état malgré tout ce qui s’y trouve…»
Il fallait bien admettre que si je faisais une analyse de mes cheveux, le résultat serait le même, enfin… Il n’y a que la cigarette ou l’alcool qui seraient retrouvés, je ne suis pas du genre à me droguer avec des stupéfiants durs. Même si je dois bien admettre que l’alcool humain n’a aucun effet sur nous. On nous prendrait pour des alcooliques que de toute façon nous serions sobres.

J’imprimais la liste pour le lieutenant McKinney et lui donnais les feuilles de la composition du cheveu.

«Je peux faire plus d’analyses, mais ça prendra un peu plus d’une journée pour se faire. En attendant, vous avez une partie entre les mains. Libre à vous d’en faire ce que bon vous semble. J’espère que cette personne n’aura pas de problèmes par ma faute. Haha !» Petit ricanement et sourire contrit à l’attention de McKinney. Elle avait désormais les cartes en main.

«Tant que j’y pense, vous passerez le bonjour de ma part au Lieutenant Edwards. J’espère que les analyses que je lui ai fournies lui a permis de résoudre son enquête.»

N’ayant pas de nouvelles d’elle pour le moment, j’espérais qu’elle ne se tue pas à la tâche.

Kaitlyn l’écouta vanter les mérites de l’Irlande et se contenta d’acquiescer d’un signe de tête. McLight lui était dans le fond sympathique. Il semblait assez extraverti et la discussion était aisée en sa compagnie. Mais pour l’heure, parler de son enfance ou de ses origines n’était pas dans ses préoccupations premières, et si elle n’en montrait rien, elle brûlait d’impatience d’en savoir plus sur l’analyse du cheveu en cours. Son vœu sembla en partie exaucé lorsque la conversation se redirigea sur les phénomènes « inexpliqués ». Kendall, pour un scientifique, paraissait étonnamment ouvert à d’autres horizons, et semblait même avoir déjà témoin lui-même d’événements peu communs. Cela ne manquait pas de piquer la curiosité de la blonde. Vous brûlez Lieutenant… Qu’entendait-il par là ? Elle-même ignorait ce qu’elle recherchait.

Une petite sonnette retentit dans un coin de son esprit. Kait fronça les sourcils tandis que le généticien s’amusait à entretenir le mystère autour de ses propos. Que savait-il qu’elle-même ignorait ? Un début de migraine pointait derrière ses tempes. Toute cette histoire était complètement dingue, et à dormir debout. Elle avait l’impression d’évoluer dans un rêve étrange, ou la réalité se télescopait avec l’imaginaire. Elle avait conscience que si toute cette histoire de Dieux était véridique, son existence et son âme en elle-même en seraient profondément changées et bouleversées. La perspective s’avérait effrayante en soi. Et Luc, le verrait-elle différemment ? Ses sentiments pour lui pourraient ils en être touchés ? Elle avait beau tourner cette question dans sa tête dans tous les sens, son cœur lui répondait invariablement la même chose : même si il était réellement le Dieu des Enfers, le diable, pour elle, à ses yeux, il n’était que Luc. Celui qui lui avait ouvert son cœur. C’était de la folie pure.

La voix de Kendall la ramena dans le laboratoire, ses propos s’attachants désormais à l’état du cheveu en lui-même. Elle réprima un sourire. Nul doute que Luc prenait grand soin de ses cheveux, tout comme il prenait soin de son apparence en générale, ou de ses tenues vestimentaires. Donc à priori, rien de surnaturel ou de divin là dedans. McLight lui proposa d’étendre le champ de ses analyses, alors qu’il lui remettait sur papier les premiers résultats. Elle triturait les feuilles entre ses mains, tandis qu’elle réfléchissait à la proposition. Etait-ce réellement nécessaire ? Il lui avait déjà dit que l’ADN était normal. De toute évidence il n’y avait rien de divin dans ce cheveu. Se mordillant la lèvre inférieure, elle releva enfin son regard sur Kendall. « Merci mais je ne ais pas abuser plus de votre temps. C’est déjà fort gentil à vous d’avoir fait tout ceci. Merci beaucoup. » Elle répondit à son sourire. Il mentionna ensuite Hope. Cela fit penser à Kait que cette dernière lui avait remis une gélule de Gitche, à l’attention du généticien justement, pour qu’il l’analyse également.

« Je n’y manquerais pas. Elle va bien, mais effectivement, est pas mal prise par ses enquêtes. » Elle ressortit un sachet – encore un – de sa poche intérieure de sa veste. « Elle m’a par ailleurs chargé de vous remettre ceci, en parlant d’analyses. » précisa-t-elle tout en lui tendant le petit sac contenant la gélule.

Il n’était pas rare de voir Lugh enthousiaste à l’idée d’avoir quelque chose à se mettre sous la dent. S’il avait proposé son aide pour faire une recherche plus poussée sur l’ADN de ce cheveu, il était évident que ça ne le dérangeait guère. Néanmoins il hocha vivement la tête en pinçant les lèvres au refus de la jeune femme. Baissant un instant les yeux, puis haussant les sourcils avant de les glisser de nouveau sur Kaitlyn. Il secoua la tête à la négative en réponse.

«Ho non, ça ne me dérange pas. Je peux sortir de mes coprocultures en prétextant avoir des analyses plus intéressantes, alors…» Lâcha-t-il en roulant les yeux au ciel en hochant la tête et haussant les épaules à la suite de sa réponse.

Si travailler pour la police lui était attrayant, il s’ennuyait rapidement à devoir faire régulièrement les mêmes tâches. C’était un peu la raison pour laquelle il avait opté pour un double travail au sein même de son job de base mais qui pouvait apporter une certaine coupure à son quotidien actuel. Et autant être franc avec elle, puisqu’il l’était depuis le début de leur rencontre. Autant dire que lorsque Kaitlyn sorti ce petit sachet avec la fameuse gélule, le regard de Kendall s’intensifia et s’illumina. Son visage s’éclairci par un sourire franc qui dévoila sa dentition parfaitement blanche aux petites canines bien visibles. Ravi, vraiment. Il frappa dans ses mains et se les frotta en montrant une certaine impatience et un profond attrait sur ce qu’elle lui tendait.

«Hooo hoho ! Le lieutenant Edwards a pensé à moi ! Vous la remercierez grandement de ma part. En espérant apporter de nouveaux éléments à cette petite gélule…»

Il ricana en prenant délicatement le sachet pour l’étudier avec un profond attrait. Dévoilant un peu son petit côté savant fou et la réelle curiosité qu’il avait tendance à démontrer par moment. On le sentait comme un enfant ouvrant ses cadeaux un soir de Noel, et c’était presque amusant de voir un grand dadet comme lui si excité à l’idée de pouvoir faire une analyse de la sorte. A croire qu’il s’épanouissait d’un rien. Et c’était presque le cas. Il baissa la tête et ainsi, les yeux sur le lieutenant McKinney.

«Et qu’elle n’hésite pas à m’invoquer si jamais elle a besoin de mon aide. Je serais ravi de prendre part à ses investigations si ça peut la soulager un peu dans son travail. En fait, n’hésitez pas tout simplement à me solliciter, ça me fera un peu sortir de mes tâches quotidiennes.»

Invoquer… Le mot employé avait été assez fort, relativement trop fort mais je ne m’en étais pas spécialement aperçu à l’instant où je l’avais prononcé. Même si ça démontrait presque la même chose, il en valait d’un statut particulier pour réussir à invoquer un dieu sur terre ou à n’importe quel endroit. C’est là que la chose était à la fois amusante et intéressante. Et, sur ce fait, je rebondissais avec l’analyse en cours. Désignant tout le matériel derrière moi tout en restant fixé sur la jeune femme.

«Ho et… Si je trouve autre chose sur l’analyse encore en cours je n’hésiterais pas à vous le faire parvenir. Peut-être avez-vous un mail privé afin de ne pas ébruiter cette pseudo-pseudo enquête sur ce cheveu ?»