This is just a masquerade

Les événements du 1er Octobre avaient été relaté dans tous les journaux pendant un bon moment. Heureusement, ni sa photo, ni son nom n’étaient parus où que ce soit. Certains articles faisaient référence à une flic qui avait maîtrisé le fils du meurtrier en se jetant dans la foule. Certains parlaient de courage d’autres d’acte d’une grande stupidité. Hope se moquait bien de l’avis des journalistes. Comme beaucoup d’agents de la police, elle ne portait pas vraiment les médias dans son coeur. Après tout, ces derniers étaient rarement d’une grande gentillesse envers les forces de l’ordre. et puis, entre la manifestation qui tourne à l’horreur et la descente aux enfers de la tour des médias le soir venu, cette journée avait été une véritable catastrophe pour tout le monde. Etonnament, les médias s’étaient montrés relativement clément et même gentil concernant ces événements. La lieutenante trouvait cela bien trop étrange pour que cela soit réaliste. Transférée par Kendall à l’hôpital, la jeune femme était restée en observation plusieurs semaines avant d’avoir finalement le droit de sortir de là. Rester enfermée de la sorte entre 4 murs blancs avait mis les nerfs de la belle à rude épreuve. Il était clair qu’elle s’était sincèrement inquiétée de l’état de son vieil ami, même s’il était bien moins amoché qu’elle ne l’avait été. A la fin de son séjour, elle était passée voir le personnel administratif pour régler les honoraires de soins d’Amos. La brune savait pertinemment qu’il n’aurait pas les moyens de couvrir cette dépense. Mais elle savait aussi qu’il n’apprécierait pas ce geste, surtout pas de sa part. Pourtant, s’il avait eu besoin de soins, c’était bel et bien de sa faute à elle. Tout ce qui arrivait de manière négative dans la vie du jeune homme semblait être à cause d’elle. Elle n’avait pas su le retenir à l’époque ni être suffisamment présente à ses côtés pour surmonter le décès de sa mère. Aujourd’hui, elle n’était même pas capable de le garder loin des embrouilles et du danger. Si la fonction de représentant de la loi n’était pas un gagne pain très rentable, une personne comme elle qui ne sortait jamais et qui était propriétaire de son appartement du fait des héritages de ses deux parents arrivait à mettre de l’argent de côté sans mal. Aussi avait-elle tapé dans ses économies pour que son ami ne se retrouve pas dans une mauvaise situation, sans rien lui dire.

Le médecin lui avait prescrit beaucoup de repos. Ce n’était vraiment sans connaître la jeune femme qui n’était pas capable de rester au même endroit sans un but précis et intéressant. A défaut de reprendre ses dossiers officiels, elle fut incapable de ne pas reprendre ses affaires officieuses. L’assassin de son père était toujours dans la nature. Si le gang des Gitchers avait disparu, cela n’était pas le cas des Ninos. Cela faisait des jours qu’elle réfléchissait à reprendre ses planques pour trouver le responsable de son statut d’orpheline. Et finalement, enfermée chez elle à remuer encore et encore les mêmes informations commençait à lui peser. Aussi, Hope décida un matin de sortir prendre son petit déjeuner dehors. Enfin par petit déjeuner, elle comptait surtout boire du café. Les événements avaient eu tendance à lui couper l’appétit, surtout lorsqu’elle voulait prendre des nouvelles au poste et qu’on lui répondait de se soigner. La préparation pour sortir fut un peu longue et fastidieuse. Habituellement maquillée avec du liner et du mascara, elle avait dû apprendre à manier la poudre de fond de teint pour dissimuler les  traces des hématomes qui persistaient sur son visage. Cela faisait un long moment que la brune n’avait pas mis les pieds dans ce petit coffee shop où elle avait l’habitude d’aller lorsqu’elle était étudiante. Les deux jeunes femmes qui tenaient la boutique étaient charmantes, bienveillantes. Se décidant à y aller ce matin là, espérant ne pas croiser ni Amos à qui elle semblait apporter de la malchance, ni Melchiah avec qui elle ne savait plus comment agir depuis qu’elle avait appris la vérité, la belle s’installa dans un box au fond du coffee shop avec le journal du matin mis à disposition. Les passants dehors semblaient vaquer à leurs occupations respectives, aussi méfiants que insouciants. Malgré le temps qui s’était écoulé depuis que les événements avaient eu lieu, Philadelphie ne semblait toujours pas s’en être remise. Si la lieutenante était soucieuse de ce qu’il s’était passé, elle était bien plus travaillée par cette révélation qu’elle avait eu. Les dieux existaient sur Terre. Le savoir ne lui avait clairement pas permis de faire le lien avec les événements du 1er Octobre, rien n’aurait pu lui permettre de faire le lien. Mais cette pensée qu’autour d’elle pourrait se trouver un dieu à tout instant, de n’importe quelle mythologie ou légende, la rendait sceptique.

A l’hôpital, alors qu’elle n’avait pas le droit de se lever, la jeune femme avait fait venir son ordinateur portable afin d’approfondir ses recherches sur les dieux. Il existait bon nombre de croyances différentes, de maisons de dieux qu’elle se disait. Elle connaissait déjà un peu les mythologies grecques et égyptiennes mais en réalité, il en existait bien d’autres. Et à l’image de l’homme, il existait des dieux avec de bonnes intentions et d’autres avec des intentions plus mauvaises. Instaurant une pause dans ses pensées, la gérante vint la voir pour prendre sa commande. Faisant la causette comme bien souvent, elle était d’une grande gentillesse. Hope vit rapidement le regard de son interlocutrice changer à la vue des équimoses qui étaient encore présentes sur son visage. Un faible sourire s’esquissa sur les lèvres de la lieutenante alors qu’elle répondit :

Ne vous inquiétez pas ce n’est rien. Qu’avez-vous comme boisson pour les fêtes qui me permettrait d’avoir ma dose de caféine ?

Observant la jeune femme c’est à ce moment précis que le regard de Hope changea. Se durcissant un peu, affichant un brin de méfiance, elle se fit la remarque comme quoi la propriétaire des lieux n’avait pas changé un sou depuis qu’elle venait ici alors qu’elle était étudiante. Cela faisait près de dix ans qu’elle côtoyait ce lieu. Même si certaines personnes vieillissaient d’apparence moins vite que d’autres, n’importe quelle personne aurait un minimum changé sur une si longue période.

Cela fait combien de temps que vous êtes installées ici avec votre collègue ?

Laissant la demoiselle répondre qui était à présent plus jeune qu’elle, une question la démangea :

Vous aviez quel âge quand vous avez entrepris d’ouvrir ce coffee shop ?

Persuadée que son interlocutrice était plus âgée qu’elle lorsqu’elle avait connu l’endroit, cela ne semblait plus être le cas aujourd’hui. Hors, la seule personne qu’elle connaissait à ne pas avoir changé non plus sur ce laps de temps était un certain cardiologue avec un secret plutôt ahurissant.

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Rester enfermée plusieurs jours, même semaines, avait fini par donner envie à la jeune femme de péter un câble. C’est ainsi qu’elle avait déjà réussi à négocier sa sortie anticipée de l’hôpital. Au départ, les médecins voulaient la garder près d’un mois sous surveillance. Mais finalement, après plusieurs négociations houleuses, elle avait eu le droit de sortir de l’hôpital pour les obsèques de l’agent Oathbridge mort dans l’explosion de la tour des médias, comme bon nombre de journalistes. Alors que certains admiraient le héros qu’il était et son courage à faire face même seul pour tenter de résoudre la situation, la lieutenante était dégoûtée de tous les idiots qui le jugeaient comme un impatient qui n’avait pas su attendre les renforts. A ses yeux, tous ceux qui le pensaient stupide l’étaient bien plus que lui. Une seule seconde pouvait faire la différence dans ce genre de situation. Elle-même s’était ruée sur le fils du meurtrier de crainte qu’il soit armé. Si elle n’avait pas agi de la sorte et qu’il avait bel et bien eu une arme à feu, il y aurait eu plus d’une victime avant qu’un flic ne l’abatte. Hors, si Josh était mort, c’était des suites de la blessure du sniper. Et au final, il n’y avait eu que ces deux victimes. Le bilan aurait pu être bien pire. Mais dans le fond, il y avait tout de même eu deux victimes et ça, la brune continuait de le déplorer tout autant que les nombreuses victimes qui avaient succombé le soir du 1er Octobre à la tour des médias.

Pouvant enfin sortir de l’hôpital et même de chez elle, Hope avait voulu se changer un peu les idées en venant dans ce coffee shop dont elle avait été une habituée surtout pendant ses années d’études. Elle cherchait à laisser ses pensées s’échapper loin de ce qui la préoccupait le plus, bien plus que les derniers événements qui avaient été rude. Melchiah lui avait révélé une vérité qu’elle n’aurait jamais cru s’il ne lui avait pas apporté par la même occasion des preuves incontestables. Ses yeux rouges, son bouclier lumineux, sa résistance aux balles … Tout cela ne pouvait être que des effets, il ne pouvait pas tricher concernant son corps à l’épreuve des armes à feu. Elle-même avait déjà encaissé un tir sur un gilet pare-balles, cela n’était pas anodin et cela ne faisait clairement pas rebondir les balles. La brune n’avait jamais réalisé avant cela à quel point son cardiologue n’avait pas changé au cours des dernières années. Il l’avait vu grandir, passer de jeune fille à jeune femme. Mais lui, pendant ce temps là, n’avait pas pris la moindre ride, la laissant atteindre petit à petit le même âge que lui. Sa présence la troublait bien trop à chaque fois, bien plus qu’elle ne l’admettrait ou qu’elle ne le voudrait. Mais ce n’était pas le cas de Mercy. Certes, la jeune gérante avait une aura étincelante qui donnait envie d’être agréable, d’apprendre à la connaître. Lorsqu’elle lui avait proposé une boisson de Noël aromatisée au pain d’épice, recommandant de la boire en latte, elle lui avait répondu :

Va pour la version latte. Je préfère suivre les conseils du chef.

Malgré le fait qu’elle soit en arrêt, sur la touche, la lieutenante gardait ses vieux réflexes et ses bonnes habitudes. Aussi ne put-elle s’empêcher de poser quelques questions qui semblaient bien vite mettre mal à l’aise son interlocutrice. Les pirouettes maladroites que lui servit Mercy ne dupèrent pas la brune. Il y avait quelque chose. Elle avait promis au cardiologue de ne pas crier sur tous les toits qu’il était un dieu parmi les hommes. Cela ne la gênait nullement de garder son secret. Après tout, la scientifique qu’elle était ne voulait pas passer pour une folle à croire en l’existence de légendes sur Terre. Si elle y croyait grâce à des preuves tangibles, elle ne doutait pas que sa simple voix ne deviendrait pas parole d’évangile. Aussi adressa-t-elle un joli sourire de reconnaissance à la gérante avant que celle-ci ne s’échappe de leur échange. Ce n’était que partie remise et la jeune femme comptait bien réitérer son essai plus tard. Sauf que si Hope voulait prendre le temps de réfléchir à comment si prendre avec subtilité, la conduite de la plus jeune à présent ne semblait pas vraiment la pousser à réfléchir à deux fois. Lui apportant sa boisson, elle y joignit une pâtisserie comme cadeau de la maison du fait de sa longue absence parmi leurs clients fidèles. Ne devait-on pas remercier les clients encore fidèles plutôt que les anciens qui pointent le bout de leur nez exceptionnellement ? C’est l’instinct du lieutenant qui prit le dessus.

Merci bien. Si je ne vous savais pas si gentille, je pourrais croire à une tentative de pot de vin. Mais n’étant plus en service pour un petit moment pour la convalescence ça n’aurait pas de sens.

Le sourire aux lèvres, cela avait été plus fort qu’elle.La jeune gérante la tutoyait de manière très amicale ce qui la gênait nullement. Mais d’un autre côté, elle n’avait pas commencé par l’usage du “tu” et le changement était survenu à un moment bien précis, coïncidence bien trop grande pour que cela en soit une aux yeux de Hope.

Pour ma question de tout à l’heure, je pense qu’il serait facile de trouver la date de l’ouverture du coffee shop sur internet. Mais je suis déjà certaine que cela fait au moins dix ans étant donné que je venais ici lorsque j’étais étudiante.

Le regard azur de la brune était prêt à scruter la moindre réaction de son interlocutrice alors qu’elle se penchait au-dessus de sa boisson fumante pour sentir les doux arômes de pain d’épice qui s’en dégageait. De toute évidence, le sujet de son âge la mettait mal à l'aise et il devait y avoir une raison à cela. Seulement, pour ne pas attirer l'attention, user de l'humour était une bonne solution.

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Ce coffee-shop avait été son refuge pendant ses années d’études supérieures. Le service, la qualité des produits et le prix étaient irréprochables. Les gérantes avaient toujours un accueil exemplaire pour tous les clients, réguliers ou ponctuels. Si la jeune femme avait cessé de venir, c’était par manque de temps principalement. L’établissement n’était pas sur sa route pour aller au commissariat, cela n’aidait pas non plus. C’était l’un des rares point positif à son arrêt pour accident du travail que d’avoir le temps de remettre les pieds dans un tel endroit. Enfin ça, c’était avant que son esprit ne soulève des questions qu’elle ne se serait jamais posée quelques mois auparavant. Mercy, tout comme Tony, était toujours aussi gentille et serviable, allant jusqu’à lui offrir une pâtisserie. Mais ce geste, bien qu’il aurait très certainement pu être fait sans arrière pensée, avait pour but de détourner l’attention de la policière. Evidemment, le résultat ne fut pas au rendez-vous. Hope était bien trop curieuse pour cela. Depuis qu’elle avait découvert que les dieux existaient grâce à son cardiologue, elle était devenue encore plus méfiante. Rien ne lui disait que les dieux étaient présents en grands nombres à Philadelphie. Mais d’un autre côté, elle en avait eu un sous les yeux pendant dix ans sans vraiment s’interroger ou se méfier. C’était pourtant si évident que Melchiah n’avait pas changé d’un pouce depuis qu’il se connaissait. Il était vrai, cela dit, que deviner une telle chose voulait dire aussi qu’on était prêt à l’accepter. Hors, sans les preuves concrètes et incontestables que Baldr lui avait fourni, jamais la scientifique qu’elle était n’aurait pu croire à une telle chose. Mais c’était impossible de contester la chose après ce qu’elle avait vu, ce qu’elle avait vécu à ses côtés, subissant de plein fouet son point faible et son adoration de l’espèce humaine.

Elle adressa un sourire sincère à la jeune femme pour la remercier encore une fois pour le cadeau offert comme réconfort pour sa convalescence. La brune aurait vraiment préféré de pas avoir de convalescence et pouvoir retourner travailler. Seulement, c’était perdu d’avance d’essayer de négocier avec son supérieur direct qui l’avait pris en grippe à cause de ses agissements qu’il jugeait totalement stupides. Evidemment, il s’était frotté au fort caractère de la brune qui était restée campée sur ses positions. Bien sûr qu’elle avait pris des risques, c’est le job qui voulait ça. Et si cela avait été à tort a posteriori, elle recommencerait encore et encore s’il le fallait. Le fils du meurtrier n’avait pas été armé. Mais si tel avait été le cas, il aurait pu faire énormément de dégâts sans l’intervention de la lieutenante. Têtue, elle avait tenu tête à son capitaine et c’est exactement ce qu’elle s’apprêtait à faire dans ce petit coffee shop avec sa propriétaire. Mercy Islington n’avait pas changé d’une ride depuis qu’elle venait de cet établissement. Hors, cela ne faisait pas dix jours mais bien dix ans qu’elle y venait. Aucune chirurgie esthétique ne pouvait permettre de ne pas changer d’un poil. Jouant les malignes, elle était à deux doigts de profiter de l’absence de la gérante pour regarder sur internet via son téléphone. C’était impossible qu’un professionnel ne se souvienne pas de la date d’ouverture de sa boutique, elle n’y croyait pas. Cependant, s’il y a une autre chose qu’elle n’aurait pas cru, c’était la capacité d’une personne à changer d’attitude du tout au tout en l’espace d’une seconde. Or, c’est ce que fit son interlocutrice. A croire que les dix dernières années venaient de s’inscrire dans son attitude bien plus sérieuse, vieillie.

Son regard s’écarquilla légèrement alors qu’un de ses sourcils se haussa intriguée et surprise par ce retournement de situation. La lieutenante regarda la jeune femme prendre place en face d’elle s’installant confortablement, de façon décontractée. Elle ne semblait nullement paniquée par ses questions. Mais par contre, sa réplique suivante fit s’accélérer les battements du coeur de la brune. Mercy ne niait pas le fait qu’ils étaient là depuis dix ans. La surprise que ses paroles avait provoqué chez la policière fût visible dans son regard de façon très fugace. Elle devait se concentrer, elle devait suivre ce filon complètement évident mais qu’elle n’avait jamais décelé auparavant. La seconde surprise arriva lorsque la gérante l’interrogea sur son intérêt pour le coffee shop et son histoire. Elle aussi se mettait à fouiner et s’interroger sur le pourquoi de son interrogation. Les dieux pouvaient-ils être mauvais comme les hommes ? Hope n’avait pas pensé à poser ce genre de questions au seul dieu qu’elle connaissait. Baldr était le dieu nordique de l’amour. Tout ce qu’elle avait trouvé sur lui dans les livres par la suite n’avait fait que renforcer l’image positive qu’elle avait de lui. Elle n’avait pas pris la peine de fouiller plus dans la mythologie nordique ni dans aucune autre. Or, aussi loin qu’elle se rappelle, lorsqu’elle était plus jeune, les mythologies grecques et égyptiennes ne contenaient pas que des dieux sympathiques.

C’est un trait de caractère que nous avons en commun de toute évidence. J’avoue que mes questions ont été un peu maladroites je crois, veuillez m’excuser ...

Regardant autour d’elle, le café n’était pas blindé mais elles n’étaient pas seules. Etait-ce réellement un risque immédiat que de tenter le diable avec des témoins à proximité ? Au vue des capacités de Melchiah, il ne pourrait pas faire disparaître une personne en public sans que les autres ne s’en rendent compte. Evidemment, cela ne voulait pas dire que ses innocents seraient en mesure d’arrêter la gérante si elle décidait de l’embarquer. Mais en soit, Hope ne voyait pas le mal que cela pouvait représenter de connaître l’existence des dieux. Elle était loin d’imaginer tout ce qui était fait dans le royaume des dieux. Il était impensable qu’aujourd’hui il puisse y avoir encore de l’esclavage par les dieux ou des sacrifices et pourtant, c’était bel et bien le risque qu’elle encourait. Plantant son regard au fond des prunelles sérieuses de son interlocutrice, elle finit par oser poser la question qui pourrait potentiellement tout faire basculer :

J’aurais plutôt dû vous demander depuis combien de temps vous aviez cet âge là non ?

Qui croirait donc cette gérante de coffee shop si elle se mettait à la traiter de folle ? C’était sa parole contre la sienne. Elle pourrait nier en bloc avoir posé ce genre de questions absurdes. Mais si elle avait bien compris une chose avec son cardiologue, c’est qu’il restait figé au même âge. Comment en était-il arrivé là ? Aucune idée. A vrai dire, la jeune femme était encore bien loin d’imaginer ce qu’était la réincarnation des dieux et donc les vies qu’ils prennaient à chaque fois qu’ils avaient besoin de changer de corps ...

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En arrêt depuis les événements du 1er octobre, la jeune femme avait eu le temps de réaliser pas mal de recherches sur ce fameux sujet, cette vérité qui avait éclaté au grand jour. Des dieux, il en existait une multitude. Il y avait tellement de cultures qui s’étaient créées des cultes plus ou moins importants. Y avait-il une limite quelque part pour savoir ceux qui avaient réellement existés et ceux qui étaient bel et bien des légendes ? Son interlocutrice semblait détendue malgré le changement radical d’attitude qu’elle avait opéré. Du haut de ses soit-disant vingt-cinq ans, elle ne semblait plus aussi frivole, délurée et innocente. Non, à présent, elle avait une personne sage et réfléchie en face d’elle. Et surtout, malgré la façon dont la lieutenante l’avait piqué à vif avec ses questions et ses remarques, elle semblait presque amusée plutôt que perturbée par la situation. Après tout, peut-être que les dieux se moquaient bien qu’on connaisse leur identité. Ou bien avait-elle déjà un plan joliment construit dans sa tête pour se débarrasser de l’intruse ? Ce n’était pas une pensée qui effleurait à l’heure actuelle Hope. Si elle savait que tous les dieux n’étaient pas fondamentalement bons, comme les hommes d’ailleurs, elle ne se rendait pas compte à quel point le fait de connaître leur existence pourrait la mettre en danger. Elle était loin d’imaginer que des dieux esclavagistes ou adeptes du sacrifices humains ne s’étaient pas adaptés à la vie actuelle et continuaient leur pratique peu recommandable. La remarque de Mercy concernant son métier et donc sa façon d’être au naturel lui fit étirer légèrement la commissure de ses lèvres dans un sourire compréhensif mais surtout aux aguets. Les compliments n’étaient pas gratuits dans la vie d’aujourd’hui et pour la brune, cela en était un.

Une profession nécessaire bien qu’avec une efficacité trop limitée à ce jour.

S’excusant de sa maladresse qui n’en était pas une, jouant des mots pour tester les réactions de son interlocutrice, Hope finit par poser une nouvelle question bien plus cash, bien plus révélatrice. Si dans les Comics, certains héros ou vilains pouvaient avoir la vie éternelle, restant figé dans un âge autour de la trentaine tel Wonder Woman, la réalité était tout autre. La jeune femme aurait adoré que les héros existent réellement pour pouvoir réduire drastiquement les activités des malfrats. Mais il n’en était rien. Melchiah n’était pas un héros et il n’en serait jamais un. Il n’agissait que par intérêt, que par volonté de vouloir retrouver des objets ayant appartenus à sa femme des milliers d’années auparavant. Rien que d’y penser, cette idée était totalement dingue et pourtant, elle n’avait pas rêvé concernant les capacités hallucinantes et inhumaines de son cardiologue. Si Mercy semblait assez décontractée et avenante pour avoir cet échange sur sa véritable nature, le petit sourire qui se dessina sur son visage lorsqu’elle l’interrogea sur le depuis quand elle avait cet âge. La lieutenante ne savait pas que derrière ces réincarnations qui les figeaient dans un corps se cachaient indirectement des meurtres. Puis, prise au dépourvu par sa question, un sourcil relevé, une pointe de surprise dans son regard, elle restait bien concentrée sur la rousse qui lui faisait face. Quel genre de questions pouvait-elle bien vouloir lui poser ? Comment elle savait ? Pourquoi elle s’intéressait à cela ? Tout un tas d’idées traversait déjà l’esprit de la jeune femme. Hésitante quant à l’idée de lui serrer la main, ne sachant ce qu’elle pourrait faire. Avisée, elle s’était déjà renseignée sur les différents types de dons que pouvaient avoir une divinité grâce aux légendes. Mais elle se doutait que cela n’était pas suffisant pour s’en prémunir. Puis finalement, Hope lui tendit la main à son tour, après avoir observé les alentours et vu qu’il n’y avait pas grand monde mais qu’elles n’étaient pas seules pour autant. Echangeant une poignée de mains assez rapide, elle finit par ajouter :

Je vous en prie à vous l’honneur. Je répondrais à votre question au mieux lorsque vous m’aurez confirmé ce que je pense savoir déjà.

Après tout, son interlocutrice ne passerait pas ce genre de deal si elle la pensait complètement folle et qu’elle n’avait pas compris où elle voulait en venir. Aussi, la lieutenante se permit d’ajouter, espérant ainsi faire comprendre qu’elle était relativement intéressée par le sujet et n’imaginant pas Mercy lui poser des questions auxquelles elle ne saurait trouver réponse. Cette situation restait réellement dingue. Son cardiologue puis la fille du coffee shop où elle avait passé une grande partie de son temps durant ses études étaient des êtres qu’on pourrait qualifier de supérieur. La scientifique au fond d’elle n’arrivait pas à nier cette possibilité à cause de ce qu’elle avait vu aux côtés du dieu nordique. Pour autant, elle avait besoin de toujours plus pour essayer de comprendre cette réalité improbable.

Et je suppose que tant que l’échange se passe au mieux, nous pourrons continuer à se poser des questions l‘une à l’autre. J’avoue être très curieuse de votre véritable identité.

Qui était-elle ? D’où venait-elle ? Quels étaient ses attributs ? Son associée était-elle au courant ? Ou bien peut-être était-elle elle aussi de sa trempe ? Qu’est-ce que cela impliquait d’être un dieu ? Pourquoi y avait-il autant d’horreurs dans le monde alors qu’il y avait autant de dieux pour veiller sur l’espèce humaine ? Toute la réalité et l’existence du monde était remise en question dans l’esprit de la jeune femme depuis qu’elle avait découvert ce fait. Elle avait tant de choses encore à découvrir sans le soupçonner ni se rendre compte des risques qu’elle pouvait prendre. Mercy allait-elle lui avouer le danger qui pesait sur ses épaules en tant que simple humaine au courant de leur existence ?

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Depuis le cinquième siècle, était-ce seulement possible ? La jeune femme était bien incapable de dire ce qu’il s’était passé à cette époque là. L’histoire n’avait jamais été une de ses matières fétiches à l’école et aujourd’hui, alors qu’elle venait de découvrir cette énorme vérité, elle le regrettait amèrement. S’il y avait un point positif à ses blessures liées aux événements du 1er Octobre et à son arrêt qui en découlait, c’était bien le fait qu’elle avait du temps pour faire des recherches. Elle avait commencé par le panthéon nordique tout naturellement afin d’en savoir plus sur l’histoire de Baldr. Mais par la suite, la curiosité de la belle l’avait poussé à se renseigner sur tous les dieux qui avaient existé, et il y en avait beaucoup. Tellement qu’elle n’avait pas été capable d’en retenir la moitié. A vrai dire, si les divinités du panthéon égyptien et grec étaient plutôt un rappel à sa mémoire, elle avait découvert bien des origines ethniques concernant les religions et les croyances. Evidemment, sa surprise quand à l’origine de l’enveloppe occupée par la déesse qui lui faisait face était visible sur son visage alors que ses lèvres formèrent un joli O pendant plusieurs secondes. Elle n’avait pas du tout imaginé qu’ils puissent garder la même apparence pendant plusieurs centaines presque milliers d’année. La brune ne put qu’apprécier le temps de réflexion et d’assimilation que lui laissa la gérante du café alors qu’elle finit par clore ses lèvres et écouter attentivement son interlocutrice. Cette dernière ne passa pas par plusieurs chemins pour lui faire comprendre le but qu’elle avait en voulant lui poser des questions en retour. Evidemment que Hope n’avait pas vraiment de secrets à cacher, pas des aussi énormes que le fait d’être un dieu et d’être immortel, figé dans un corps pendant des années, conservant l’apparence physique bloqué à un âge définitif.

Je n’ai pas l’intention de parler de votre secret à qui que ce soit.

A moins qu’elle apprenne qu’une personne était déjà au courant pour Mercy, cela lui permettrait d’en parler également. Mais sinon, la jeune femme ne cherchait pas à en parler aux autres. Elle voulait comprendre, savoir de quoi il retournait, comment cela fonctionnait et surtout qu’est-ce que les dieux espéraient des humains en vivant parmi eux ? Le fait que la gérante du café parle de sa sécurité à elle mais aussi celle des autres y compris celle de la policière avait titillé l’instinct et la curiosité de la brune. Aussi, après avoir bu une gorgée de sa boisson fumante pour se laisser le temps d’ordonner les choses dans sa tête, Hope l’interrogea à son tour :

Quels sont les risques pour savoir ce genre de choses au juste ?

Puis après quelques secondes, elle précisa :

Pour vous et pour moi je veux dire.

La lieutenante n’était pas insensible. Si elle voulait connaître les risques qu’elle encourait et pourquoi elle les encourait, elle se préoccupait aussi du sort de son interlocutrice qui avait l’amabilité de lui répondre contrairement à Melchiah qui avait parlé de son passé mais qui ne lui avait absolument rien dit sur son existence actuelle, son but ou encore ses liens avec les autres dieux. En même temps, ces derniers semblaient être devenus inexistants. Evidemment, la jeune femme ne savait pas qu’il était passé pour mort chez ses homologues et donc que personne ne s’attendait à le revoir. Connaître son existence n’était pas ce qu’il pouvait la mettre en danger. C’était savoir que les dieux existaient et faire des recherches dessus qui risquaient d’attirer l’attention sur elle. Et Hope était loin d’imaginer toutes les pratiques ancestrales que les dieux mettaient encore en pratique tel que l’esclavage, le viol ou encore pire, le sacrifice humain. Une fois qu’elle eut une réponse plus ou moins complète, la déesse lui posa une question et après y avoir répondu, cela fut à nouveau à son tour d’interroger son interlocutrice :

Dites-moi quel est votre véritable nom ? Ou plutôt, quelle divinité êtes-vous ?

Hope était très curieuse de savoir de quel panthéon elle pouvait venir et quels étaient ses attributs. Elle espérait toutefois ne pas encore avoir affaire à une divinité de l’amour, n’ayant franchement pas la tête à ça, ni l’envie qu’un jour cela se concrétise. Elle passait déjà beaucoup trop de temps avec Melchiah, restant sur ses gardes à chaque fois qu’il était dans les parages. Être en présence d’une autre divinité lui permettait de réaliser un peu plus à quel point un dieu générait une aura d’attractivité en permanence qui donnait envie d’être sympa, attentif envers la personne concernée. Evidemment, cela était trop faible pour repérer parmi les gens qui l’entouraient ceux qui pouvaient avoir une telle aura. Cela aurait été tellement pratique sinon. Mais malgré le fait qu’elle savait pour ce charisme inné chez les dieux, il n’était pas toujours simple d’éviter d’être orienté par ce dernier. La lieutenante ne savait pas du tout si son attirance pour le cardiologue provenait simplement de cette aura ou si elle éprouvait réellement quelque chose à son égard. Elle s’était tellement refusée de s’attacher à qui que ce soit au cours des dernières années, qu’il était bien plus facile pour son égo et son cerveau de tout mettre sur le compte de cette attraction naturelle qui émanait des divinités.

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Hope était encore loin d’imaginer dans quoi elle était en train de s’embarquer. A vrai dire, se renseignant depuis quelques mois, depuis que Melchiah lui avait révélé sa véritable nature, elle était loin d’imaginer que ce qu’elle avait lu dans les livres pouvait avoir été vrai un jour et encore moins que cela pouvait être encore d’actualité. Le compliment de la gérante la toucha sincèrement. Elle ne laissait que peu paraître ses émotions mais elle était sincère. La lieutenante ne comptait pas mener une guerre contre les dieux ni même révéler leur existence. Si elle venait seulement de l’apprendre, d’autres devaient le savoir depuis longtemps. Les divinités n’existaient pas depuis dix jours mais depuis des milliers d’années. D’autres hommes avant elle avaient dû faire cette découverte surprenante et perturbante. Seulement est-ce que tous étaient au courant des pratiques ancestrales qui semblaient encore d’actualités d’après son interlocutrice ? Combien de disparitions ne seront jamais résolues simplement du fait de la volonté d’un dieu ? Un frisson parcourut son échine de la base de son cou jusqu’aux creux de ses reins. Elle courait un risque certain. Etait-ce pour cela que le cardiologue n’avait pas voulu la lâcher d’une semelle au cours des derniers mois ? Pourquoi ne lui avait-il pas parlé de ces “inconvénients” ? Avait-il peur qu’elle lui en veuille ? Tant de questions se bousculaient dans sa tête. Puis les mots de la déesse slave percutèrent à nouveau dans son être. Elle aussi courait des risques rien que parce qu’elle lui parlait. Les yeux de la belle s’étaient agrandis à ses dires, surprise par ses mots, par les risques qu’elle prenait pour une inconnue en lui parlant aussi ouvertement et franchement. Si la lieutenante était curieuse, elle n’allait pas non plus harceler une personne pour ce genre de choses, ne sachant pas jusqu’alors dans quoi elle s’engageait. Maintenant qu’elle savait, elle allait d’autant plus être vigilante à ce sujet. Car il était clair que dans l’esprit de l’enquêtrice, si Mercy était aussi ouverte c’est qu’elle ne devait potentiellement pas représenter une menace pour elle. Mais cela ne serait pas forcément le cas de tous les immortels qu’elle pourrait croiser. Son petit sourire obligea la brune à répondre.

Je suis désolée … Vous auriez pu ne pas répondre vous savez.

C’est alors qu’elle lui expliqua n’avoir aucun soucis à parler d’elle, assumant pleinement ce qu’elle était face à une personne qui avait des suspicions. Mais la jeune femme se refusait de parler d’autres divinités qu’elle ce qui était tout à son honneur. Maintenant qu’elle était prévenue, la brune n’irait pas l’embêter sur ce terrain là.

Je comprends parfaitement et je préfère que vous me le disiez dès que j’atteins une de vos limites.

Après tout, peut être que cela n’était pas la seule limite qu’elle rencontrerait et Hope n’était clairement pas là pour se battre. Mais avoir des informations plus sûres que celles qu’on rencontrait dans les livres l’intéressait forcément. L’esclavage, le sacrifice, tout cela était d’une injustice sans nom. Mais vu comment Mercy abordait la chose, cela ne semblait pas être aussi simple dans le monde des dieux. Comme pour les humains, il y avait des règles qu’on ne pouvait transgresser même si on n’était pas d’accord avec. Il est vrai que l’indépendance des hommes, les droits des femmes, tout ne s’était pas fait en un jour, en un claquement de doigts. Comment les divinités définissaient-elles leurs règles, leurs lois ? Est-ce que chacun vaquait à ses occupations dans son coin sans devoir rendre de compte à personne ? Avaient-ils un système législatif un peu comme eux ? Plus la déesse répondait à ses questions et plus elle en suscitait de nouvelles. La suivante était plus personnelle. Beaucoup s’en serait peut-être moqué de savoir. Mais ce n’était pas le genre de la brune qui avait envie de connaître et comprendre la femme à la vie éternelle qui se tenait devant elle. Les premiers mots sortent et déjà la lieutenante se sentait perdue, n’ayant aucune idée de quelle origine pouvait être le nom Zorya Untrennyaya. Rapidement, son interlocutrice répondit à sa question silencieuse précisant que son rôle impactait les Slaves. Sa réaction par la suite dépita un peu la brune. Elle ne comprenait pas très bien ce qu’elle voulait dire par le fait d’être qu’une pâle copie de ce qu’elle avait été et ne comprenait pas la façon dont elle semblait se perdre dans le vide. Hope n’était pas au courant et donc pas consciente de la menace qui pesait sur les anciennes divinités. Cela fut son tour d’écouter la question de son interlocutrice.

J’ai rencontré l’un d’entre vous et … Je l’ai vu faire des choses qui ne sont pas possibles pour un simple humain dirons-nous, qui sont physiquement impossibles. Et il a fini par m’expliquer. Je ne l’ai pas franchement cru au départ. Et puis à force, cela n’était pas possible de faire autrement.

Être à l’épreuve des balles, générer un bouclier de lumière, avoir les yeux rouges … Rien de ce que Melchiah lui avait montré n’était possible sans une telle explication. Cela ne lui avait pas permis d’y croire immédiatement pour autant. Comme si c’était facile d’accepter du jour au lendemain que le Père Noël, les cloches de Pâques ou encore la petite souris pouvaient exister. A ses yeux, le fait que les dieux aient existé et existent toujours était du même acabit. Et pourtant, elle découvrait petit à petit cette facette du monde qui restait inconnue pour beaucoup d’hommes sur Terre. La question suivante que lui posa Mercy méritait un temps de réflexion. A vrai dire, si sa curiosité l’avait poussé à vouloir en savoir plus, elle n’avait pas réfléchi à l’après, encore moins imaginé ce que Mercy était en train de lui confier.

Je ne compte rien en faire de spécial. J’avoue ne pas avoir réfléchi de cette manière. Cette … découverte a évidemment titillé mon imagination mais surtout ma curiosité.

Pouvait-elle utiliser ce qu’elle avait appris ? De quelle façon ? Ce n’est pas en sachant que les dieux pouvaient se cacher derrière bon nombre de disparitions que cela allait permettre de les coincer, encore moins officiellement. Hope ne se voyait absolument pas expliquer à son supérieur quel type de criminels elle recherchait. La première question qui lui vint en tête était le nombre de personnes au courant de cette machination. Mais cela n’avait pas de sens et au lieu de ça une autre question se glissa en dehors de sa bouche avant qu’elle n’y ait plus réfléchi.

Cela représente combien d’humains esclaves et … sacrifiés ?

Sa question la fit baisser le regard sur sa tasse encore un peu chaude. Comment cela pouvait-il encore exister aujourd’hui ? Pire, Mercy venait de lui avouer qu’elle ferait une bonne cible du fait qu’elle était au courant. Et au vue de sa situation personnelle, elle ferait pire qu’une bonne cible, c’était la cible idéale : pas de famille qui l’attendait le soir, peu voir pas d’amis, seulement le boulot et comme elle avait encore plus d’un mois d’arrêt devant elle, sa disparition ne sortirait de l’ombre qu’après un long laps de temps. Seul la présence de Melchiah était un peu sécurisante pour le moment en réalité. Et surtout, le fait qu’il soit le seul à savoir autre que la gérante du café. Personne ne savait qu’il était en vie alors deviner qu’il avait confié le secret des dieux à une lieutenante de police ...Mais ça, la brune ne le savait pas.

Si personne ne sait pour notre discussion d’aujourd’hui, combien de chances avons-nous de passer à travers les mailles du filet ?

This is just a masquerade


Plus le temps passait dans cet adorable coffee shop et plus la jeune femme devenait méfiante et hésitante. Sa curiosité prenait généralement le dessus sur beaucoup de choses. Mais jusqu’à présent, elle n’avait pas eu à se confronter à des êtres divins susceptibles de vouloir la soumettre au rang d’esclave ou pire, vouloir la tuer comme sacrifice humain à leurs causes. Leurs causes, quelles étaient-elles d’ailleurs ? Son cardiologue l’avait mise devant le fait accompli, sans passer par quatre chemins. Il était divin, il était tout puissant, et pourtant il était également lui. Même si son recul soudain et son changement d’attitude avaient été en renfort de cette nouvelle, comme un clown qui venait de retirer son masque, cela n’avait pas été suffisant et la brune avait tout simplement fui. Mais lorsqu’il l’avait sauvé environ un mois plus tard, après avoir chacun joué au silence radio, les choses avaient été différente, dans les mots et dans les gestes. Il s’était permis de l’embrasser une première fois le jour où il lui avait avoué être un dieu. Mais ce soir là, entre l’adrénaline, l’alcool et la fatigue, c’était elle qui avait cherché un semblant de réconfort dans un baiser avec cet homme qui avait toujours été si chaleureux et avenant avec elle. Dire que cela avait été désagréable serait un gros mensonge. Pour autant, alors qu’elle aurait pensé que cela pourrait être différent avec Melchiah, qu’elle avait toujours ressenti cette attraction que les autres hommes n’avaient pas, ce baiser enflammé n’avait pas eu d’autres effets que faire renaître un désir plutôt physique. Au final, le fait qu’il avait voulu bosser avec elle officieusement avait fini d’achever cette faible étincelle, et ce n’était pas un mal à ses yeux. Il avait su se montrer utile même si leur collaboration était née d’un fait des plus agaçant. Le beau brun avait joué les pots de colle en permanence, jusqu’à ce que Hope cède et ne lui dise plus rien quant à sa présence récurrente chaque soir.

Vous dites ça comme si cela vous surprenait aussi lorsque cela arrive.

Evidemment pour la lieutenante, cela était impensable. Ils vivaient tous depuis des centaines voir milliers d’années. Au vue de la multitude de divinités existantes dans les livres, si tous avaient bel et bien une existence sur Terre, elle voulait bien croire qu’ils ne se connaissaient pas tous entre eux. Mais pour autant, le monde de la magie et de l’impossible était le leur depuis toujours non ? Il avait déjà dû en voir, en vivre même des expériences improbables, des choses que aucune science ni aucune logique ne pouvait expliquer. Sa question suivante fut difficile à aborder. Elle avait des sueurs froides et des frissons dans le dos à la simple idée que des humains pouvaient encore être réduits à l’état d’esclavage aujourd’hui, et encore pire être même sacrifiés. La réponse que lui apporta son interlocutrice était décevante. Depuis le début, Hope n’avait toujours pas remis en cause la moindre parole de Mercy. Il faut dire qu’elle avait dû mal à croire qu’elle lui mentait au vue de tout ce qu’elle avait pu lui dire depuis qu’elle l’avait ouvertement soupçonné d’être bien plus âgée que les apparences ne le laissaient croire. Ce qui était certain c’est que sa reprise du travail allait rimer avec heures supplémentaires. La jeune femme se nota dans un coin de son esprit de ressortir tous les dossiers de disparition classés sans suite. Quelqu’un qui s’y prenait bien pouvait aisément disparaître de lui-même sans laisser de traces. Mais quelqu’un qui disparaissait selon la volonté d’un dieu, pour devenir esclave ou être offert en sacrifice, ne risquait pas de laisser de traces non plus ou alors infimes et surtout inexploités car méconnues ou invraisemblables. C’était d’une telle injustice … Mercy jouait-elle si bien la comédie ? Elle était une déesse, pouvait-elle réellement avoir confiance en elle ? La brune avait bien du mal à remettre sa parole en cause tant elle semblait se montrer transparente mais une divinité vivant depuis des centaines voir des milliers d’années, elle avait largement le temps de s’exercer au mensonge et à la tromperie non ?

Pas de soucis vous inquiétez pas.

Vérité ou mensonge ? La lieutenante avait la sensation qu’elle continuait de dire vrai mais son esprit de plus en plus paranoïaque la poussait à favoriser le mensonge jusqu’à preuve du contraire. Ses sourires semblaient teintés d’honnêteté. Et pourtant cela n’était pas suffisant pour la jeune femme dont l’esprit ne cessait de tourner à cent à l’heure. Tant de questions se bousculaient dans sa tête, tant d’inquiétudes s’éveillaient à chaque seconde qui s’écoulait alors qu’elle pensait à cette vérité improbable. C’est alors qu’il lui parla d’une soeur et d’un époux, faisant s’écarquiller les yeux de la brune. Le fait que son identité et le fait qu’elle connaisse la vérité n’étaient pas censés être divilgué à qui que ce soit, surtout pas après ce que Mercy venait de lui avouer. Les risques étaient bien trop élevés.

Vous ne voulez pas que je nous fasse prendre des risques mais vous pouvez vous le permettre vous ? Suis-je bête le véritable danger est pour moi pas pour vous …

Inspirant profondément du nez afin de ne pas laisser ses émotions prendre le dessus, Hope prit le temps de boire un peu plus de sa boisson chaude.

Je ne compte pas remettre en doute la confiance que vous avez en vos proches. Seulement un secret n’en est plus un lorsque beaucoup de gens sont au courant. Et puis, si vous courrez un risque à me répondre et à … me couvrir par rapport au fait que je sais la vérité. Leur dire que j’existe et que je sais pour vous ne fera que les mettre en danger eux aussi.

La jeune femme se retint d’ajouter qu’un mensonge n’en était pas un si elle n’abordait jamais le sujet. Elle ne lui demandait pas de mentir mais seulement de ne rien dire. S’ils venaient à l’interroger, cela voudrait dire qu’ils soupçonneraient quelque chose et alors ils seraient en droit de savoir la vérité pour ne pas prendre de risques. Son regard posait sur sa tasse, elle ne put s’empêcher de réagir aux propos de son interlocutrice.

Justement. Malgré votre longévité, il n’y a pas eu d’adaptation. A croire que les élèves ont dépassés les maîtres ...

Aucune question ne vint. C’était pourtant à son tour mais la lieutenante supposait qu’elle était rassurée du fait qu’elle ne comptait pas aller crier tout ça sur les toits. En même temps, elle courait en premier lieu le risque d’être prise pour une folle si jamais l’envie lui prenait de dire à qui voulait l’entendre que les dieux existaient. Si cela était possible, une énorme fumée s’échapperait de son crâne à l’heure actuelle. Puis finalement, son regard azur se releva pour retrouver les prunelles interrogatives de son interlocutrice. Elle avait encore besoin d’une réponse, au moins une de la part de Mercy. Si la brune était en capacité de lui faire jurer de ne rien dire à qui que ce soit, elle le ferait. Seulement son statut de policière n’avait aucun impact dans cette situation. Et si elle devait se méfier des dieux qui pourraient se retrouver sur son chemin, elle avait besoin de pouvoir les identifier.

Comment peut-on vous reconnaître si on vous croise une seule et unique fois dans la rue ?

This is just a masquerade


Si la lieutenante était du genre persuasive lorsqu’elle en avait besoin, elle ne s’attendait pas à convaincre Mercy aussi rapidement. De toute évidence, divinité ou humain, il y avait des êtres plus sages et raisonnables que les autres et son interlocutrice semblait de toute évidence en faire partie. Cela fut réellement un soulagement d’entendre ces quatre petits mots sortirent de la bouche de la gérante. Depuis le début de leur conversation, le stress et l’anxiété n’avaient fait que croître du côté de la jeune femme. A aucun moment Baldr ne lui avait parlé de tout cela. D’un autre côté, il lui avait clairement dit ne plus se mêler aux autres divinités, peu importe leurs origines. Etait-ce pour cela que le cardiologue lui collait aux baskets chaque soir en l’accompagnant dans ses enquêtes officieuses nocturnes ? S’inquiétait-il pour elle ? Il faut dire qu’être protégé par Melchiah n’était pas une mince protection lui qui était à l’épreuve des balles. Le dieu nordique de l’amour avait des ressources qui pourraient rendre jaloux beaucoup de représentants des forces de l’ordre ou de militaires, surtout ceux en première ligne. Savait-il que ses recherches nocturnes ne le concernaient pas ? Elle avait été intransigeante concernant ses affaires officieuses. La brune ne voulait pas qu’il soit au courant comme tous les autres en somme. A vrai dire, une seule personne savait ce qui lui tenait à coeur. Lors de leur retrouvailles, elle avait été incapable de garder cela pour elle, souhaitant lui faire comprendre à quel genre de personnes il trainait et surtout voir sa réaction pour essayer de savoir si elle l’avait définitivement perdu au cours de la dizaine d’années qui les avaient séparés. Ce soir là, Hope avait eu un petit espoir lorsque son ancien meilleur ami avait été dépité, désolé par l’annonce de la mort de son père tué par un membre du gang des Ninos.

Accepter qu’il y ait encore de l’esclavage et des sacrifices humains de la part des dieux n’était pas chose aisée. C’était même impossible pour la policière qui ne songeait qu’aux innombrables dossiers d’affaires non résolues et aux familles qui ne trouveraient jamais la paix à cause de l’absence de réponses. C’était toujours difficile de s’occuper d’une telle affaire et de devoir annoncer aux proches qui attendaient des nouvelles que leur disparition était dans l’impasse et que le dossier allait être classé faute de nouvelles pistes à suivre. Seulement, la déesse qui lui faisait face ne voyait pas les choses du même point de vue. De toute évidence, elle n’avait pas apprécié les paroles de la lieutenante qu’elle commenta de manière stricte, conservant un calme apparent qui montrait la maîtrise qu’elle pouvait avoir de ses émotions. Ce n’était pas plus mal, Hope n’avait pas pour projet de se faire remarquer en venant ici. Cela dit, elle n’avait pas non plus songé au fait qu’elle allait en apprendre plus sur les dieux grâce à la patronne des lieux. Plus les mots s’échappaient de la bouche de Mercy, plus cette dernière semblait moins en colère et plus boudeuse. De toute évidence, la brune avait réussi à la vexer avec ses mots alors que là n’était pas réellement le but. Elle n’arrivait tout simplement pas à comprendre comment ce genre de pratique pouvait encore exister aujourd’hui. L’idée que certains dieux souhaitaient des orgies humaines lui fit lever au ciel. A croire qu’il fallait être accroc aux fêtes et au sexe pour être dans les petits papiers des dieux. Cette idée la dépassait largement. De plus, si elle pouvait accepter que l’on ne pense ni ne voit les choses comme elle, ce qui faisait la richesse de l’espèce humaine à son sens et ses défauts, elle ne pouvait laisser passer une telle logique illogique au possible. Aussi, tout en gardant son calme, elle expliqua point par point pourquoi le raisonnement de son interlocutrice n’avait ni queue ni tête.

Vous ne pouvez pas comparer le fait que certains policiers abusent de leur fonction avec ce que font ces dieux qui réclament esclaves et sacrifices. La loi punit le comportement des représentants de la loi qui usent de leur position de la mauvaise manière. Vous ne faites que fermer les yeux sur les actions de vos “camarades”. Je suis navrée mais il n’y a pas lieu de comparer ces deux cas.

Peut-être comprendra-t-elle après cela l’injustice de leur existence et le manque d’évolution avec les âges. Les traditions sont faites pour perdurer certes. Seulement il était tout à fait possible de les adapter à l’évolution du temps et des choses. S’il y avait tant de politique et de problèmes dans le monde des dieux, comme dans celui des humains, alors pourquoi ne mettaient-ils pas des règles en place pour supprimer ses comportements barbares et inhumains ? Oui, ils n’étaient pas humains. Mais ils recherchaient tous à leur manière l’amour et le soutien des hommes non ? Ce n’était pas la majorité de la population qui accepterait d’avoir des dieux soit-disant tout puissants qui se serviraient d’eux comme de la chair à canon. C’est ainsi que pour sa propre protection, Hope demanda à la déesse ce qui lui pourrait lui permettre de reconnaître un dieu parmi une masse d’êtres humains, pour se préserver et éviter ce genre de contact au maximum. Malheureusement le verdict tomba et dans les prunelles azurs de la lieutenante pouvaient clairement se lire la déception mêlée à un soupçon de crainte. Comment pourrait-elle éviter d’entrer en contact avec des divinités si elle n’avait aucun moyen de les reconnaître. Un soupir s’échappa de ses lèvres avant qu’elle ne porte la tasse à ses lèvres pour vider son contenu. Elle qui était venue chercher un peu de tranquillité, voilà qu’elle se retrouvait avec beaucoup de réponses à ses questions mais tout autant de questions encore à soulever. Seulement elle ne pouvait décemment retenir son interlocutrice toute la journée. Cette dernière avait un commerce à faire tourner et se préoccuper d’une humaine qui avait appris leur existence devait être le dernier de ses soucis.

Je ne voudrais pas vous retenir toute la journée, je me doute que vous avez bien mieux à faire. D’ailleurs je vous remercie pour vos réponses. J’aurais toutefois une dernière question si vous le permettez.

Attendant l’approbation de Mercy, la lieutenante finit par reprendre la parole :

Vous avez parlé d’un dieu unique puis de nouveaux dieux qui semblent prendre votre place. En quoi vous empêchent-ils de survivre ?