Tout est en place, rien n'a bougé, elle n'est pas en soutien-gorge, est bien coiffée, ne sent plus de grains de sable partout sur elle, n'a pas mal nulle part. Normal. Comme si rien n'est arrivé. C'est peut-être ça. C'est sûrement ça. Pourquoi elle a besoin de chercher plus loin ? C'est un rêve, tout simplement. Ce qui explique tout ce qu'elle a pu voir.
Elle l'a devinée en rêvant, elle se l'est dit presque tout le long. Il fallait juste qu'il se termine de la bonne façon. Ce qui assez étrange, ses rêves ne sont jamais comme ça habituellement. Il est vrai qu'elle se souvient rarement de ses rêves. Peut-être qu'ils sont tous comme ça, qu'est-ce qu'elle en sait comme elle se souvient à peine d'eux ?
Un rêve donc. Un très étrange rêve partagé, parce que c'est Loris à ses côtés, habillé et en un seul morceau. Elle ne comprend pas trop ce qui est arrivé. Elle ne sait pas non plus si elle veut comprendre, cela la dépasse complètement. Elle va devoir y penser ou ne pas y penser et tout oublier. Cette option semble être un peu plus facile. Plus rien à prendre en considération. Plus besoin d'y penser. Plus besoin de rien du tout. Ce qui est vraiment bien mieux.
Ils ont réussi. Elle n'éprouve rien de particulier face à cette constatation. Réussit quoi ? À se réveiller ? C'est le cas. Comme elle le fait à chaque matin. Il est plutôt rare que cela se produise debout et à cette heure par contre. Elle ne sait pas trop comment elle a pu arriver dans cet état. Elle ne pense pas que ce soit très important non plus.
Loris la prend par la main et elle le suit, sans réagir. Elle ne sait toujours pas quoi croire. Elle est perdue. Elle fronce des sourcils, elle ne voit pas trop de quoi il parle. Son esprit a décidé pour elle, encore une fois. « J'vois pas de quoi tu parles... » qu'elle répond finalement.
Son déni commence assez rapidement. Elle est toujours perdue, mais elle sait plus au moins où aller. Nulle part. Rien n'est arrivé. « J'dois y aller... » Elle doit aller, elle doit aller... elle ne sait plus, mais elle en est certaine. Elle ne sait pas plus ce qu'elle faisait devant ce tableau ou encore dans cet endroit. Peu lui importe, elle veut juste rentrer chez elle et ne plus y repenser. Ne plus repenser à quoi, elle ne sait pas plus. Ce n'est pas très important. Elle sait juste qu'elle a besoin d'air.
Elle se dirige donc vers la sortie, le pas pas très certain, elle se tient près d'un mur pour pouvoir s'y tenir, elle a besoin de l'air frais de la ville pour une fois. Elle a besoin de se rafraichir les idées.

L'air frais. Habituellement, Min n'aime pas trop l'air frais de Philadelphie, elle a toujours trouvé l'air de San Francisco mieux. Elle a toujours trouvé que San Francisco est mieux sur tous les points en réalité. Elle se demande de plus en plus ce qu'elle continue de faire dans cette ville alors que Clara ne donne plus de signes de vie depuis environ un an à présent. Plus rien ne la retient.
Ce n'est pas le moment pour y penser. Elle se sent débordée sans trop savoir pourquoi exactement et elle n'aime pas trop cette idée. Elle aime bien lorsqu'elle a la situation en contrôle. Lorsqu'elle est en contrôle. Alors, que quelque chose ne le soit pas, la déstabilise. Elle n'est pas vraiment habituée.
Elle essaie de reprendre ses esprits, appuyée contre un mur, luttant contre les pensées et les souvenirs de ce qui est arrivé. Elle ne peut pas penser que tout cela est vrai. C'est un autre événement qui va la mettre dans le déni, qui va lui faire oublier un petit pan de sa vie. Pas très grave, elle ne va pas s'en rappeler.
Elle relève la tête lorsque Loris s'adresse à elle et elle hoche la tête, même si elle ne sait pas trop pourquoi elle devrait craindre quelque chose. Elle est dans la rue, à la sortie d'une exposition. Rien de très effrayant. Elle doit juste se ressaisir, se remettre les idées en place, essayer de se départir de ce qui ne va pas.
« Ça va aller. » qu'elle répond, elle devrait être capable de rentrer chez elle toute seule. Elle le fait à chaque jour, elle sait très bien comment s'y rendre. « Et... je vois pas de quoi on parlerait. » rajoute-t-elle. Surtout pas avec un inconnu. Elle s'éloigne donc, se mettant à marcher lentement afin de montrer qu'elle est tout à fait capable de se débrouiller seule pour rentrer chez elle.
Sans le savoir, elle pense à la même chose : elle a aussi envie d'un bon bain moussant. D'un exfoliant aussi. Elle a l'impression que sa peau est rugueuse, qu'elle a été maltraitée alors qu'elle n'a rien fait de particulier. Elle a juste regardé un tableau beaucoup trop longtemps sans trop savoir pourquoi. Elle n'a pas ce genre de talent, mais ce n'est pas une raison.