Aussitôt a-t-il vu l’encart dans le journal à propos de ce séminaire que Thanatos s’est promis d’y aller. Il n’a pas besoin qu’on lui réexplique ce qu’il a vécu de première main, loin de là, mais voir ce que les humains avaient pu trouver sur les divinités du panthéon auquel il appartient est toujours digne d’amusement. C’est vrai, c’est surtout en gloire à Aphrodite, plus que le panthéon en général, mais que voulez-vous, les gens ont leurs petits favoris. Ce ne pas l’empêche de voir un peu tout ce qui a pu être trouvé en plus des fresques, et puis, Thanatos s’amusera toujours de voir comment ils peuvent représenter Aphrodite, eux qui ne l’ont jamais réellement vu, que son enveloppe humaine, ce qui change beaucoup de chose.

Les séminaires sont longs, il doit le reconnaître, mais il est patient, le dieu de la mort, impossible qu’il en soit autrement après tout, quand votre vocation est littéralement d’attendre que les gens veuillent bien casser leur pipe pour les amener vers Hades. D’autant plus quand à présent, il n’a même plus cette fonction pour s’occuper. Heureusement, il trouve d’autres moyens de s’occuper. Comme ces séminaires. Plusieurs fois, il doit se retenir de rire ouvertement à des choses que les soi-disant “experts” peuvent déblatérer, et qui ne sont que des approximations de la vérité. Même pas une erreur, juste...vraiment la surface des choses. Certains diraient qu’il ne peut pas leur en vouloir, il ne peuvent faire qu’avec ce qu’ils découvrent. Certes, mais s’ils ne les avaient pas écartés de leurs croyances quand le dieu unique est arrivés, ils sauraient d’autant mieux ce qu’il s’est passé. Injuste? Peut-être, mais qu’importe, ce n’est plus de son problème à présent. A présent, il doit faire en sorte de survivre, dans un premier temps, puis de vivre, pleinement, de retrouver cette puissance perdue à cause d’humains trop stupides pour ne pas se rendre compte des manipulations qu’ils subissent en permanence par ces nouveaux dieux.

Plus tard. Les séminaires sont terminés, et les gens vont enfin pouvoir accéder aux trouvailles archéologiques. Si les fresques que l’on croise au début sont intéressante, il est difficile de rater la statue gigantesque d’Aphrodite qui trône dans la salle.

*Comme si elle avait besoin d’un boost à son égo…*

Pense-t-il, à peine quelques secondes avant qu’un jeune homme ne s’agenouille devant la statue, se prosterne même, pour commencer à implorer la déesse. Thanatos écoute, les yeux rivés sur la statue, alors que ses oreilles sont focalisées sur cet homme qui demande à sa déesse de l’aider. Le visage studieusement neutre, le dieu de la mort hésite à agir. Non pas s’il doit ou non, dans son esprit, il le doit, mais de quelle façon. Un rictus qu’il cache derrière son verre de vin rouge étire ses lèvres quand l’idée lui vient. Il s’approche lentement de l’homme, s’agenouille à ses côté et comment à lui parler, à voix basse, que seul lui l’entende. Que l’on pense qu’il va essayer de l’aider.

Soudain, l’ambiance entre eux change radicalement. Le croyant a le regard furieux, il veut lancer un poing vers l’autre homme agenouillé, et Len ne l’évite que grâce aux réflexes que son corps humain a acquis au fil des années et que lui entretient en participant parfois aux combats de free fight qu’il organise lui-même.

“Qui es-tu pour me dire ce que je dois croire ou non?”
“Un profane, à n’en pas douter, mais même ces grands experts seraient d’accord avec moi.”

Ce n’est pas la chose à dire pour le calmer, mais pour être honnête, Thanatos ne cherche pas à le calmer. Il en donne l’impression, il manipule les foules, mais il ne veut pas le calmer, au contraire...

Et la voilà qui entre en scène. Je n’aurais pas pensé qu’elle serait forcément là, mais disons que oui, je l’espérai un peu. Peut-être quelque peu puéril de ma part, mais il faut aussi savoir se complaire dans les petites joies quand on le peut. Ici, je dois avouer que je m’amuse bien, à voir Aphrodite arriver, essayer de calmer le jeu. Si seulement le croyant savait qui il avait en face de lui, que celle qui pourrait répondre à ses demandes (ou pas, sa façon de décider sont toujours bien tortueuses pour moi) est juste à portée de bras. Pour ma part, je lève les mains en signe de paix, prenant l’allure parfaite de celui qui ne cherchait pas la bagarre, alors que c’est faux, bien évidemment et je doute qu’elle soit vraiment dupe à ce sujet, mais en soi, je peux tout à fait passer pour quelqu’un de maladroit qui n’a juste pas su trouver les mots pour aider ce pauvre homme. Tout à fait. Maladroit. Si seulement.

Je recule d’un pas le temps qu’elle fasse son office, je n’ai pas besoin d’entendre les paroles doucereuses et promptement réconfortante de la déesse. Je connais le discours. Pendant un temps, je n’en avais cure. Vraiment. Puis Macaria est entrée dans ma vie, puis en est repartie pour une règle stupide, une règle que j’aurais bien été le plus à même de contourner, aux vues de ma fonction dans ce panthéon d’égo plus enflés les uns que les autres. Je ne m’exclus pas dans cette phrase, mais je sais aussi que je ne suis pas comme ceux qui sont à l’Olympe, ou même comme mon frère Hypnos qui a toujours été mieux vu de mes confrères de panthéon. Ceci appartient au passé. Je suis ici dans le présent et l’enveloppe blonde de la déesse s’est tournée vers moi, avec une question qui m’aurait fait hurler de rire si elle savait qui j’étais, et qu’elle ne m’aurait probablement pas posée, par état de fait. Bien qu’à part Hadès, je doute que beaucoup de dieux soient au courant de ce qu’il s’est passé dans les Enfers. Je hausse les épaules à sa question, observant distraitement l’homme repartir vers la statue, l’air plus calme qu’auparavant.

“Avec l’amour? Non. Ce n’est pas le sujet. J’ai plus de mal avec les gens qui croient au mieux à des pratiques oubliées, au pire à des fadaises écrites par des vieux philosophes un peu trop avinés.” Un regard vers l’homme qui semble ne pas m’avoir entendu, ou bien qui a décidé de m’ignorer, au choix.

Soudain une autre tête blonde apparaît, plus jeune, plus vive, mais aussi plus enfantine dans sa façon de faire. Tiffany. Habituellement, je me serai esquivé d’une telle démonstration d’affection (bien qu’elle ait respecté la règle du pas de câlin dehors, ce qui est déjà une victoire en soi), mais ici, ça me sert bien. Un sourire orne mes lèvres à sa remarque et je hoche la tête.

“En effet. Tu n’as pas eu trop de mal à trouver, ma chérie?” me tournant vers la déesse face à moi, je désigne Tiffany “Ma fille, Tiffany.”

Tiffany qui ne se prive d’ailleurs pas pour faire une remarque de son cru, comme elle sait si bien les faire. Du genre qui serait insultante dans la bouche d’un adulte (ou même d’une ado de son âge...disons plus classique), mais qui, sortant de celle de Tiffany avec cette honnêteté toute enfantine et cette candeur absolue, est plus amusante qu’autre chose. Je dois d’ailleurs me retenir pour ne pas rire. Un petit sourire orne cependant mes lèvres, je ne peux pas faire mieux. Malgré tout, je serre une main sur celle de ma fille sur mon bras.

“Ce genre de critère ne compte pas quand on parle de croyance Tiffany.”

Ce qui est vrai, mais en soi, elle me fait rire, et je suis curieux de voir la réaction d’Aphrodite à présent. Elle semble d’ailleurs...soucieuse, ou du moins, pas assurée de qui elle a en face d’elle. Normal, ma chère, normal.

“Familier”. C’est le terme qu’elle a employé. Ce qui est étrange, car à moins d’avoir eu des informations sur mon incarnation actuelle (ce que très peu de gens savent et certainement pas dans mon propre panthéon), elle ne devrait pas pouvoir dire cela. Surtout que nous ne nous sommes que très peu côtoyés durant l’âge d’or de notre panthéon. Je comprendrais beaucoup mieux qu’Hermès me reconnaisse qu’Aphrodite. Nous étions tous les deux chargés d’amener les âmes à Hadès après tout. Soit, elle me trouve familier, eh bien nous verrons si elle arrive à deviner qui je suis, avec les quelques miettes que je pense lui laisser sur le chemin de cette conversation.

En attendant je la laisse répondre à Tiffany, étant bien conscient que de toute façon ce genre de concept prendra plus qu’une simple énonciation, une fois, pour entrer dans l’esprit de ma jeune disciple. D’ailleurs, je ne retiens pas mon rire à la nouvelle remarque de Tiffany en réponse, son absence de filtre étant vraiment un délice pour l’esprit parfois. Secouant la tête doucement il ajoute.

“Il y a bien des divinités qui se fichent de l’apparence de leurs croyants, tant qu’ils leurs sont fidèles. Et ce qui est moche à tes yeux, peut être beau à d’autres” puis je lâche un soupire “De toute façon, nous ne saurons jamais ce qu’en aurait pensé Aphrodite. C’était un autre temps.”

Moi, aimer les piques savamment déguisées? Noooon, pourquoi croyez-vous cela enfin? J’en profite pour serrer subtilement la main de Tiffany sur mon bras, un geste simple pour lui intimer de ne pas renchérir sur ce sujet précis, car si j’aime l’honnêteté et la franchise que son manque de filtre lui procure, en cet instant il ne faudrait pas qu’elle dévoile, par inadvertance, mon identité à Aphrodite.

Heureusement les petits fours passent par là et je reporte à nouveau ma pleine attention sur la jeune femme en face de moi, les mains derrière mon dos, respectueux, en apparence. Un sourire amusé orne mes lèvres à ses paroles.

“Où sont mes manières? Leonard Maxwell.” je me permet de prendre une de ses mains délicatement pour y apposer un baisemain en règle la relâchant de suite après. “Me moquer de la culture, non. Non j’aime la mythologie, je trouve cette période assez intéressante, mais de là à y croire encore? Allons, restons sérieux.” et puisqu’elle insiste sur son impression de familiarité, je joue le jeu des idiots “Je ne me rappelle pas que l’on se soit déjà vu, mais je suis consultant en sécurité, et je fais régulièrement des vérification voire des amélioration de systèmes, aussi bien pour des professionnels que des particuliers. Peut-être suis-je déjà venu là où vous travaillez ou chez vous? Si c’est le cas, désolé de mon manque de mémoire, mais j’ai un certain nombre de clients…”

Je suis interrompu par Tiffany qui s’extasie devant une statue d’Eros et pour le coup, ce qu’elle dit me fait beaucoup moins rire. Non pas le fait qu’elle veuille rencontrer Eros, mais plus la façon dont elle l’a annoncé...Autant pour conserver le plus longtemps ma couverture, je continue tout de même à sauver les apparences, mais je sens bien que ça va être bien plus compliqué.

“Tu sais que ce n’est pas de mon ressort ma chérie…”