Erreur de Diagnostique ?

"Vous avez vidé la chambre 208 ?"

Le regard perdu sur les différents dossiers de patients étendus sur le comptoir, le dieu aurait dû entendre une réponse, ce n'était pas comme si sa première question du jour était si dérangeante que cela. Des patients mourraient tout les jours, toutes les nuit, en quittant son service la vieille, Shinigami avait été persuadé de ne pas revoir cet homme. Mais au silence des infirmières, le dieu n'eut pas besoin de relever la tête pour sentir le problème venir.

"La chambre 208, monsieur..." Il fouilla dans ses dossiers avant de terminer sa phrase. "... Paul Jamieson. Avez vous vidé sa chambre ?"

Peut être aurait été plus agréable de ne jamais croiser le regard de ces infirmières, miss lunettes et miss parfum entré de gamme étaient tout bonnement en train de dévisager le médecin comme si elle avait croisé la mort, non pas qu'elles aient tord, mais tout de même, cela n'était pas censé se lire aussi facilement sur son visage.

"Mesdames ?" Soudainement plus courtois, avec ce mince sourire charmeur, le dieu eut enfin droit à une réponse.

"M. Jamieson est toujours sa chambre docteur, il affiche depuis ce matin des constantes grimpantes vers son rétablissement. Un véritable miracle."

Miracle en effet... Les sourcils froncés de perplexité, le dieu ne tarda pas à aller vérifier cela de lui même, il rejoignit la chambre en question, et du seuil de la porte il cligna ses yeux une seconde avant d'établir sa prédiction. Un chiffre apparu, un chiffre bien plus long que celui de la vieille. Cela faisait longtemps que le dieu n'avait pas voulu voir quelqu'un mort, non pas le patient mais l'inconscient qui avait décidé de jouer avec le fil de la vie.


"Assurément un cadeau de Dieu." S'osa miss lunettes qui s'était ramené à la porte, miss lunettes qui au coup d'oeil sembla être aussi miss chrétienne de la croix qui pendait de son cou.

"Assurément..." Glissa Asa en s'éloignant de l'endroit, dans une démarche de médecin ordonnant avec rien d'autre que son rythme l'ordre qu'on le suive, chose que fit miss lunettes. "Quelqu'un est passé dans cette chambre ?" Questionna t'il tout en attrapant d'autres dossiers.


"Outre les infirmières de garde, non, pas grand monde, oh..."

"Oh ?"

"Maintenant que vous le dites, il est vrai que le docteur McLight est passé dans le service hier. Un charmant garçon."

McLight huh? Qui l'aurait cru, un si charmant jeune homme en effet. Avec du recul, cela sembla presque faire sens, populaire, doué et ce sourire colgate. Qui était il ? Un de ces grecques de plus ? Chose étant sure, Shinigami garda ce sentiment désagréable que quelqu'un s'était permis de marcher sur ses plates bandes. Les résurrections, les sauvetages au bord du fil, le dieu avait toujours cet avis partagé sur le sujet. La mort était une étape de la vie, un point culminant à respecter. Si la mort pouvait jouer avec la vie, à son opposé, il était souvent malheureux que de vouloir jouer avec elle, à la tenter on perdait.

Le dieu pensa à ignorer cet affront, mais au fil des heures balayant cette journée, son agacement ne fit que s'accentuer. Avait il lui empiété sur le territoire d'un autre dieu ? Occasionnellement peut être, avec légèreté. Si une part de lui aurait préféré ne pas voir tout ceci comme une insulte, cette part fut bien ignorée, si bien que le dieu termina sa journée dans le même couloir que ce fameux médecin miraculeux. Il ne semblait pas avoir changé depuis cette dernière fois au gala, toujours aussi rayonnant. Un dieu aztèque peut être ? Shinigami n'arriva pas à dire, au lieu de cela il s'approcha.

"Docteur McLight ?" Il attendit que ce dernier se retourner pour lui offrir une poignée de main. "Docteur Greyleight, nous nous sommes déjà rencontrés." Là dessus il lui laissa une seconde pour se remémorer puis enchaina par la suite. "J'aurais aimé avoir un mot avec vous." Son regard se tourna vers la blouse blanche qui semblait initialement accompagner le docteur, à qui Shinigami transmit le message froid du "dégage" qui fit bien son effet. "L'un de mes patients, Paul Jamesion, s'est soudainement vu insuffler une seconde vie, un miracle comme dirait les infirmières du service intensif. Il parait aussi que vous êtes allé voir cet ancien condamné. Auriez vous des explications ? Vu ou fais quelque chose qui expliquerait que cette chambre est à cette heure encore occupée ?"

Erreur de diagnostic ?
Sa visite aux soins palliatifs n'était pas un hasard. En réalité, il avait ses raisons de venir ici. Une prière entendue à la chambre 207. Une âme en peine priant pour que sa mère ne succombe pas à un carcinome qui s'était généralisé et découvert fortuitement, mais malheureusement trop tard. La jeune femme au chevet de sa mère ne cessait de prier pour que son rétablissement se fasse. Le Dieu Celte savait pertinemment que la plupart des gens en soins palliatifs étaient en fin de vie, mais certains pouvaient encore avoir du temps de vie pour profiter au maximum de leurs derniers instants.

Ce soir là, il était de garde et était passé voir les infirmières avant de faire le tour du service afin de pouvoir aider un peu. Charmant et charmeur, les infirmières semblaient être éprises du charisme du dieu qui, professionnellement parlant demandait des informations sur les soins à effectuer pour certains patients. C'est à la chambre 207 qu'il s'arrêta un moment, observant Miss Kintenberg alitée et amaigrie par le manque de nourriture probante mais également à cause de son carcinome. Sa fille était encore là, allongée dans un fauteuil. Aux côtés de sa mère, lui tenant la main. Le Dieu Celte voyait la mort tous les jours et la confrontait dès qu'il le pouvait en tentant de sauver des vies aux urgences. Mais il savait qu'il ne pouvait pas toutes les sauver et il était conscient du travail des dieux de la mort en ce sens. Il devait y avoir un certain équilibre. Cependant, en l'examinant, il compris que les médecins n'avaient pas réellement insisté sur la recherche de sa maladie. Le Docteur McLight n'était pas du genre à s'acharner, mais en examinant Miss Kintenberg, il pu constater que l'échéance serait pour bientôt et que les médicaments qu'on lui donnait n'étaient que pour soulager la douleur. Ça le désolait un peu. Même s'il comprenait que les hommes étaient parfois impuissants face à certaines maladies. Il ne pouvait pas toujours aider et sauver toutes les vies de terre. Et même après son diagnostic Kendall ne pu qu'aider la mère à être un peu plus soulagée en usant de sa médecine dioscurique pour lui permettre d'avoir un dernier moment de répit avec sa famille et partir dans de meilleures conditions.

C'est quand il quitta la 207 qu'il s'arrêta dans la chambre suivante. L'analyse du patient de la 208, Paul Jamieson, semblait pourtant n'être pas si catastrophique que cela. Si tant est qu'il permette une probable rémission, le dieu Samildanach était largement capable de soigner la pathologie qui incombait à ce patient. D'après son dossier, Paul ne devrait plus en avoir pour très longtemps, pourtant, Lugh sentait qu'il n'était pas encore trop tard. Il changea la perfusion en y rajoutant quelques notes de sa médecine dioscuriqu, s'occupant de quelques soins avant de finalement quitter la pièce et reprendre son tour de garde pour retourner aux urgences afin d'aller aider un collègue pour un patient en salle de réanimation. Le matin, il comptait aller voir quelques patients en chambre font sa petite protégée qu'il avait sauvée d'un kidnapping et soignée afin de lui permettre une rémission plus ou moins rapide et efficace. Elle sortirait bientôt, et même plus tôt que prévu. Seulement, alors qu'il se rendait à sa chambre avec un des infirmiers, c'est le Docteur Greyleight qui le prit de court.

«Bonjour Dr Greyleight, oui je me souviens très bien de vous.»

Une rencontre lors d'une petite fête dans l'hôpital regroupant plusieurs services, je m'en souviens, bien. Greyleight semble être un homme particulier mais charmant. Un regard à l'infirmier à mes côtés et ce dernier s'éclipsa sans même chercher à insister vu la tension qu'il commençait à y avoir. Un froncement de sourcils accompagna la réaction de mon vis-à-vis et je l'invitais à parler dans une pièce à l'écart, prenant une salle d'examen libre pour refermer derrière nous et me tourner vers mon comparse afin d'écouter ce qu'il avait à dire. Une fois l'explication donnée, j'eus un petit haussement de sourcils et un claquement de langue net.

«Eh bien oui, j'ai fait un tour du service la veille afin d'aider les infirmières et proposer mon aide pour effectuer des soins et changer la perfusion de certains patients. Ancien condamné, le mot est un peu trop… lourd je trouve.»

Quelque chose m'intrigue chez cet homme. Il parle d'une façon bien trop décisives et comme s'il en savait plus qu'il ne semble vouloir montrer. Je croise calmement les bras contre mon buste, relevant la main gauche pour me masser l'arête du menton. Un froncement de sourcils supplémentaire accompagnant mon geste. Je ne quittais pas l'homme du regard, intrigué par ses mots.

«Mais vous semblez plus contrarié qu'il ne soit pas mort plutôt que vous réjouir de sa rémission. C'est assez contradictoire pour un médecin, vous ne pensez pas?»

Certes, c'est un lit qui aurait pu être libéré pour quelqu'un d'autre. Et donc un lit encore occupé peut être problématique si on a prévu une nouvelle entrée. Mais de là à réagir ainsi. C'est assez intriguant.

Erreur de Diagnostique ?

Si un train pouvait être symbole de calme, roulant droit sur ses rails, il serait difficile de revenir sur la voie une fois que celui là ne déraille, il resterait alors à voir combien de dégâts cette fausse route pourrait entraîner avant que la paix ne retrouve son droit chemin.

Le dieu ne sembla pas perturbé par l'emploi de ses propres mots, il reconnu néanmoins que sa courtoisie laisser à désirer et inspira donc, ne se rappelant pas la dernière fois que l'envie de s'emporter l'avait titillé. Peut être enterrait il trop de rancœur, à se penser détaché sans finalement l'être, à refuser de ressentir comme un humain le ferait. Il n'allait pas s'excuser, ses mains vinrent plutôt se ranger dans les poches pendantes de sa blouse tout en écoutant la défense et question du cher docteur.

"Ce qui me contrarie sont ces gens, tel que vous, pensant bien faire sans réellement réfléchir à ce qui serait réellement bon. Connaissez vous le synonyme qu'on donne à une rémission dans ce type de services ? Un "à bientôt". Vous avez peut être offert une ou deux années à cet homme, mais aviez vous discuté avec lui ?" Le dieu connaissait la réponse, cela ne pouvait être possible, l'homme n'étant plus en état la vieille au soir, il n'aurait jamais pu prier qu'on lui vienne en aide, qu'on lui accorde quelques années de plus, il n'aurait jamais pu changer d'avis si ouvertement sur son destin. "Si vous pensez que la mort est une chose terrible qui, dans chaque cas, il faut éviter. Demandez vous plutôt qui de nous deux pose le meilleur regard sur la médecine."

Il recula de quelques pas, comme pour laisser le temps au docteur d'y réfléchir une seconde et s'adossa contre l'un des murs avant de reprendre son argumentation.  "Les hommes meurent, certains peuvent être aidés à ce que cela tombe la bonne heure. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous portons tout deux cette blouse non ? Mais qui vous a dit que la bonne heure se devait d'être l'heure la plus tardive possible ? Je ne vois pas pourquoi je devrais me réjouir pour un patient qui a raté son coche, ni comment je devrais me montrer indulgent devant une personne tel que vous qui s'amuse à créer des petits miracles sans le moindre respect pour le cycle d'une vie."

Erreur de diagnostic ?
Un froncement de sourcils accueilli les propos de son comparse. Lugh semblait réaliser qu’il avait en face de lui un être hors du temps. Trop de complexité et de savoir faire dans ses mots. Il redressa le menton et croisa les bras contre lui en guise d’introspection afin de réellement comprendre ce que son comparse cherchait à lui faire comprendre. Il pinça les lèvres et les humecta du bout de sa langue.

«Mh…»

Petit gémissement intimant une réflexion nécessaire à ce que venait de dire son comparse. Il venait de réaliser qu’il avait fait une erreur de diagnostic en permettant à cet homme de se remettre de son état. Si bien que Kendall se contenta de se masser le menton et de continuer d’écouter les propos de son collègue de travail. Son regard se fit un peu plus froid à l’entente des derniers propos de son vis-à-vis. Certes, il n’avait pas tort, mais Lugh ne cherchait pas constamment à retarder l’échéance de la mort de tous, sans quoi il n’avait pas terminé. Dans le doute, il préférait simplement éviter de dévoiler quoique ce soit de sa nature sans être réellement certain de l’origine du Docteur Greyleight. Il comptait bien faire sa petite investigation. Mais il n’avait certainement pas l’intention de s’écraser devant lui.

«Je suis un homme de science, pas un faiseur de miracles. Je comprends votre point de vue concernant la mort, et le fait que votre patient ait … ‘raté son coche’ alors qu’il avait fait ses adieux. Mais vous y allez un peu fort en ce qui concerne mon respect pour le cycle d’une vie. Je suis conscient que la mort soit nécessaire pour le renouvellement et la sélection naturelle de chaque être vivant. De là à dire que je suis inconscient de retarder la mort de ceux que je tente de soigner c’est un peu fort. Et je ne suis pas d'accord avec vos termes.»

Il baissa les bras pour les mettre dans son dos, relevant le menton et le buste. Secouant ensuite la tête en soupirant. Loin de lui l’intention de vouloir mal faire.

«Soit, selon vous j’ai fait une erreur de diagnostic en pensant soigner cet homme, et à l’avenir je vous consulterai pour donner mon rapport d’analyse médicale et mon point de vue sur les symptômes de vos patients. Certes, Sir Jamieson avait une maladie mortelle, mais il n’était pas, d’après mes analyses, définitivement perdu. Il y avait une infime chance que sa rémission se fasse, cependant et son corps a réagi à celle-ci. Si ce n’eut été le cas, il aurait passé l’arme à gauche comme vous aviez prévu. Mais vous avez raison, c’est la vie, et on meurt tous un jour. »

Presque aussi désinvolte que l’était son comparse, Kendall haussa les épaules. Il comptait bien faire comprendre à celui-ci que ses soins n’étaient faits que si le corps le pouvait. Après tout, ce n’était pas pour rien qu’il avait opté pour la génétique, et non la médecine à proprement parler, même s’il était pleinement capable d’occuper tous les postes relatifs aux corps différents de la médecine.