Il commençait à se familiariser peu à peu à une vie dans Philadelphie. Pour combien de temps encore avant qu'il ait un besoin vital de bouger et de voir autre chose, là était la question. Il était évident que Kendall avait réellement besoin de changement, c'est pourquoi il ne restait jamais en place. Et en dehors de son travail en hôpital la journée, le soir il bougeait également, aux bars en général, là où il pourrait jouer avec son groupe histoire de se dépenser en soirée et de s'éclater avec ses compagnon d'art. Si bien que ce soir là n'avait pas été une exception. Et il commençait plutôt bien à prendre du plaisir malgré les sons parfois stridents de certains fans. Après leur concert, ils se retrouvaient souvent entre eux dans un autre coin plus tranquille pour profiter du reste de la nuit pour débriefer sur les divers points à améliorer ou ce genre de choses avec leur manager qui leur trouvait les lieux de concert. Ils commençaient doucement à se faire connaître.

Puis passé plusieurs heures à boire et raconter leurs moments favoris lors de leur petit concert de pub musical ou salle de concert, ils finirent par rentrer chez eux. En général, Kendall ne pouvant difficilement être ivre faisait son Sam et ramenait ses compagnons à leur hôtel. Après quoi il rentrait tranquillement dans son appartement, se garant là où il pouvait avoir de la place.

C'est en prenant une ruelle pour rentrer dans mon immeuble que je le vis, il devait être assez tôt ce matin là. Et j'avais vu ce type dans un sale état. Mais vraiment. C'est la voix sèche et insultante d'une femme qui m'avait interpellée. Me demandant ce qui se passait et je dois admettre que je ne m'attendais absolument pas à voir cet homme se vider de ses entrailles mais qu'en prime il était complètement nu. La stupeur me foudroya un instant avant de réagir. Lorsqu'il tomba à la renverse je me précipitais vers lui pour le rattraper et le soulever. Il était assez léger donc je n'avais pas de mal à le maintenir. Je le reposais au sol et retirais ma veste en cuir pour le couvrir un minimum, gardant mon instrument en bandoulière pour le soulever après avoir vérifié ses signes vitaux. Il était mal en point, très mal même et avait un pouls très faible. Il fallait que je le ramène chez moi, impossible de l'emmener à l'hôpital c'est trop loin et  les risques de le voir mourir dans mes bras sont trop courts. Je remontais donc à mon appartement pour m'occuper de lui. Le soigner avec mes méthodes de médecine Dioscurique. Chose qui me permis de sauver rapidement la vie de ce jeune homme. Ensuite, j'étais parti changer les draps de mon lit pour le laisser se reposer dedans le temps qu'il se rétablisse complètement. Et pendant ce temps là j'étais allé me poser dans la cuisine pour lui préparer une petite concoction qu'il devra boire à son réveil. Jetant un regard en direction de la chambre après plusieurs heures en entendant du bruit, un sourire se dessina sur mon visage mais je repris un sérieux plus calme.

«Vous êtes enfin réveillé ? Sacrée nuit il faut croire... Je vous ai retrouvé en train de vous vider de vos tripes nu en bas de chez moi... » Dis-je de ma voix grave et de façon basse pour ne pas lui exploser les tympans.

Je prenais un verre et versais le contenu de ma préparation dedans pour venir à sa rencontre, l'aider à se poser sur le canapé. J'avais pris soin de lui mettre un pyjama aussi avant de le laisser dormir. Et maintenant je lui tendais le verre.

«Buvez ça, ça vous aidera à aller un peu mieux... »

Un rendez-vous à 14h ? C’était assez surprenant qu’il se souvienne de ça après la nuit qu’il venait d’avoir semble-t-il. Le chercheur le regarda intrigué par la réaction du jeune homme. Comme s’il sortait d’une simple cuite alors qu’il avait failli frôler la mort. Ses cellules étaient encore en train de régénérer d’ailleurs, d’où la faiblesse dans son corps alors que le géant s’était calmement approché pour venir aider le jeune homme. Il le retint pour le ramener calmement afin qu’il ne se casse pas la figure.  

Le nombre d’injures qu’il déblatérait à la seconde était impressionnant. Si bien que ma mine se renfrogna. Je n’aimais pas la vulgarité, et encore moins venant d’un jeune homme semblant tout de même intelligent et raisonnable. Qu’est-ce qu’il avait bien pu faire pour se retrouver dans cet état, je n’en savais rien. Mais il était certain qu’on lui voulait malheur.

«Mesurez votre langage s’il vous plaît…» Dis-je simplement en lui tendant mon breuvage.

Ma voix se voulait ferme mais pas menaçante. Je n’aimais juste pas les jurons à tout va, même dans une situation comme celle-ci. Constatant la méfiance qu’il avait à l’égard de cette boisson, je la déposais calmement sur la table en face de lui.

«Je comprends votre méfiance, mais croyez-moi, si j’avais vraiment voulu vous faire du mal, je m’y serais pris autrement. C’est un remède, tout ce qu’il y a de plus simple pour vous remettre sur pied. J’ai mis du concombre, du citron vert, du kiwi, du jus de pommes et de la menthe. Buvez, je vous assure que je ne compte pas vous tuer. Vous l’avez déjà bien assez frôlé ainsi.»

Oui, j’ai mis tout ceci, mais j’ai omis les ingrédients réels qui le remettront rapidement sur pied. En somme une préparation moléculaire de mes connaissances qui se mélangent de façon homogène avec le reste de la composition. Mais les humains étaient assez satisfaits quand on leur donnait une composition qu’ils pensaient complète, et faite de fruits.

«Et je tiens tout de même à vous faire savoir qu’il vous faut encore un peu de repos. Essayez de ne pas trop forcer.»

Je retournais dans la cuisine pour me servir un verre identique et en boire une gorgée calmement en revenant vers le jeune homme. Un regard neutre, se voulant tout de même rassurant et tranquille afin de ne pas l’effrayer. J’avais déjà prévenu l’hôpital que je ne pourrais pas être là aujourd’hui mais si la police avait besoin de mon aide, je serais toujours joignable.

«Je suis médecin…» Dis-je calmement en lui montrant mon diplôme de docteur accroché au mur à côté d’une étagère pleine à craquée de livres de sciences en tout genre. Et même des livres de droit d’un peu tous les continents. «Je m’appelle Kendall McLight. Et je travaille également pour la police. Donc, rassurez-vous, je ne compte pas vous séquestrer et vous torturer. Quand vous serez en état de poser un pied devant l’autre vous serez libre de partir.»

Buvant une autre gorgée du smoothie que j’avais préparé, je zieutais un peu le jeune blond en espérant qu’il me croit et comprenne que je ne lui voulais aucun mal.

Kendall avisa d’un regard neutre le jeune homme qui tenta de se redresser du lit après avoir lorgné sur la mixture qu’il lui avait préparé et qu’il eut bu non sans une certains hésitation. Ce jeune homme semblait ne pas apprécier le smoothie qu’il lui avait préparé. Rien à voir avec de l’homéopathie, bien au-delà de ces compétences ridicules de soigner avec des granules de sucre. Mais le smoothie, comme il l’avait signalé à son hôte, était un remontant afin de lui redonner suffisamment d’énergie et vitamines pour accélérer les molécules et la guérison qu’il lui avait procurée un peu plus tôt. Alors en le voyant poser le pied au sol, le chercheur se redressa un peu et le toisa.

«Vous devriez…»

Constant sans réelle surprise qu’il avait eut raison de lui dire de rester allongé encore un peu, le scientifique soupira et vint l’aider pour le rallonger dans le lit afin qu’il ne se fasse pas plus mal. De toute évidence pas encore en état pour que le jeune homme puisse soudainement danser comme un gai luron après avoir frôlé la mort.

«Il vaudrait mieux pour vous, oui… »

Je récupérais le verre vide de mon invité pour l’emmener dans la cuisine. Puis me tournais calmement vers lui quand il m’interpella pour avoir un papier et un stylo. Hum, eh bien oui, je devrais avoir ça. Forcément, j’ai toujours un calepin qui traîne et des stylos ce n’est pas ce qui manque. Le ton, en revanche, me fit plisser les paupières légèrement avant de pencher légèrement la tête sur le côté. Je me demandais s’il ne se fichait pas un peu de moi parce que je l’avais repris sur ses injures un peu plus tôt.

«Je vous apporte ça, voulez-vous encore un peu de smoothie au passage ? Cela stimulera vos cellules qui ont besoin d’un apport en vitamines et glucose pour se régénérer…» Dis-je dans le calme le plus complet.

Avisant un dernier regard avant de quitter ma chambre et de m’occuper de trouver un bloc-notes et un stylo pour monsieur, et de laver les verres ou d’en ramener un selon l’aval du jeune homme. Je revenais calmement en direction de la chambre en tendant les effets demandés au plus jeune.

«Tenez, vous pouvez garder le bloc-notes et le stylo.» Ce n’est pas comme si je manquais de stylo, puis ce sont des stylos achetés en paquet de dix alors bon. «Vous semblez déjà plus alerte que la veille où je vous ai trouvé et ce, malgré l’absence de vêtements. J’ai pris la peine de vous prêter un de mes pyjamas histoire de… Est-ce que vous vous souvenez de votre nom ? Si vous avez besoin de signaler à la police que l’on vous a dépouillé faites-le moi savoir…»

Je ne sais pas ce qu’il compte faire avec le bloc-notes, mais il y a aussi des priorités, à savoir lancer des investigations par exemple. Je doute qu’il retrouve ses affaires, mais au moins s’il lui est possible de retrouver les voleurs et de récupérer ses papiers qu’il risque de faire refaire, ça serait tout de même mieux pour lui. Je vaquais à mes occupations tout en le laissant seul dans la chambre, sans pour autant le laisser complètement seul. S’il avait besoin de quelque chose, je ne serais pas loin. Mais, je sortais sur ma terrasse pour me fumer une cigarette et profiter un peu de la vue de mon troisième étage.

C’était sans contestation le moment de laisser son hôte tranquille pour qu’il griffonne sur son calepin récemment acquis. Kendall en avait profité pour ranger sa maison, préparer le repas, et qui sait, le jeune homme aurait peut-être faim à un moment. En laissant le plat mijoter tranquillement, le scientifique revint dans la chambre en entendant son appel. Il hocha simplement la tête et lui apporta le smoothie préparé un peu plus tôt pour le lui apporter. Sa question resta cependant en suspend lorsqu’il lui demanda son nom. Il se contenta de s’appuyer contre l’encadrement de la porte en croisant les bras et les jambes. Avisant un regard attentif au plus jeune mais son silence pesait malgré tout. S’il devait y aller, il était certain que Kendall pourrait le laisser partir sans demander son reste. D’un autre côté, le jeune homme se montrait suffisamment hautain pour ne pas lui répondre.

«Je suppose qu’il vous faudra d’autres vêtements que ce pyjama pour sortir. J’ai bien peur de ne rien avoir à votre taille en revanche.»

Je me redressais et fus légèrement intrigué par la demande de mon vis-à-vis. Je regardais l’heure à ma montre et relevais les yeux vers le blond alité.

«Il vous reste une heure avant votre fameux rendez-vous. Et j’accepte de vous emmener et vous aider à condition que vous me donniez votre nom.»

En revanche, je n’avais pas encore de voiture alors il allait devoir marcher jusqu’au poste de police, ou jusqu’au lieu de son rendez-vous. En espérant que ça ne soit pas à l’autre bout de la ville, sans quoi il faudrait partir immédiatement. Cela ne faisait pas longtemps que j’étais là. Outre le lit et les meubles récents, il restait encore quelques cartons que je n’avais pas défait. Je rentrais dans ma chambre et ouvrais mon armoire pour regarder quel genre de vêtement je pourrais lui prêter.

«Si c’est un rendez-vous professionnel j’ai peut-être un costume trop petit pour moi maintenant…»

Gris anthracite avec une note de bleu indigo. Je sortais l’ensemble de mon armoire et venais le déposer avec délicatesse sur le lit pour ne pas le froisser. Puis tout en me redressant, je fixais le plus jeune par-dessus mon épaule tandis que je refermais la porte de mon rangement.

«S’il vous va, vous pouvez le garder, de toute façon je ne le mets plus. Je vais vous préparer une serviette si vous souhaitez prendre une douche, c’est la porte juste en face de la chambre. Prenez votre temps pour vous lever, n’allez pas vous fracturer le crâne sur mon parquet…» Je me tournais avec un sourire amusé, là c’était clairement une boutade. «Si jamais vous avez encore du mal à tenir debout je peux toujours vous frotter le dos !» Je ricanais un peu et me repris avec un air plus sérieux. «C’était une boutade. Criez ou appelez-moi si vous avez besoin d’un transfert.» De la chambre à la salle de bain et inversement.

Je m’éclipsais pour aller lui préparer serviette et gant au besoin pour qu’il ait ce qu’il faut à disposition dans la salle de bain. Pas de marchelle ou de baignoire à surmonter pour entrer dans la douche. C’était une douche à italienne sans rebord et une simple vitre de verre pour faire la séparation avec le reste de la salle d’eau. Une baignoire d’angle à l’opposé de la douche et un lavabo avec un rangement pour les serviettes et le gel douche et shampoing en rab. Il y avait déjà tout à disposition dans la douche. J’espérais simplement qu’il ne tombe pas et se fracasse la tête. Ça serait tout de même dommage d’être suspecté en étant consultant pour la police. Une fois le tout préparé, j’allais éteindre le feu, au passage devant la chambre, je m’adressais de nouveau au jeune homme.

«Si vous avez faim, j’ai aussi fait à manger, votre corps mets plus de temps à s’en remettre que prévu. C’est qu’ils n’ont pas lésiné sur la dose vos copains.»

Bref sourire pincé et je m’éclipsais donc vers ma cuisine pour éteindre le feu mais laisser au chaud le repas que j’avais préparé.

Enfin, il lui avait donné son nom. Et ça, il ne risquera pas de l’oublier. En revanche, forcément, il restait encore méfiant à l’encontre du dieu, tout à fait normal après ce qu’il venait de vivre. Lugh savait faire preuve de patience et de compréhension vis-à-vis des autres. Son refus de manger ne l’étonna pas non plus. Se contentant de croiser les bras en pinçant les lèvres et fronçant les sourcils. Il l’observa en biais, tête légèrement penchée sur le côté, puis il leva les yeux d’un air réfléchi avant de revenir sur le visage du blond. Donc, il était avocat…

«Voilà qui est intéressant… Et d’autant plus une aubaine sachant que je suis consultant pour la police. Vous avez de la chance dans votre malheur… je dirais.»

J’observais le jeune homme qui cherchait à garder la tête haute. J’ignore si cette information pouvait le rassurer un peu plus sur sa situation, mais il était évident que je n’avais rien à cacher à une personne qui se méfiait déjà de moi alors que je lui avais sauvé la vie. Mais tout ça ne veut pas dire grand-chose, bien entendu, il faut tout de même qu’il aille faire sa déposition et porter plainte jusqu’à ce qu’une enquête soit ouverte pour retrouver les coupables. S’il a été victime aujourd’hui, il peut y en avoir d’autre dans son cas. Toujours est-il qu’il faille trouver les coupables de tout ça. En espérant que la police aura plus de détails avec ses informations que je ne peine à obtenir de sa part rien que pour un nom.

«Soyez sans crainte, je ferais même un rapport et une liste détaillée des drogues qui vous ont été administrées si jamais une enquête s’ouvre. Je me suis permis de prendre un échantillon que j’étudierais en laboratoire. J’espère que vous ne voyez pas d’inconvénient à cela.»

Et quoiqu’il dise, si ça peut nous donner plus de pistes sur la drogue et la dose que l’on lui a données autant que ça serve. Il n’aura rien à redire sur mon initiative. Vaut mieux ça que le voir dépérir et mort dans le caniveau où je l’ai trouvé. Je baissais les bras et me dirigeais vers la porte pour mettre mes chaussures.

«Proche ou non du bar, je ne sais pas, tout ce que je sais c’est que vous vous trimballiez en tenue d’Adam et pas dans un super état.»

Nous ferions mieux d’y aller maintenant si son rendez-vous est important. Pour ce qui est des chaussures, malheureusement, lui donner trop grand lui fera mal au pieds. Je m’arrêtais quand je le vis arriver en vacillant et me rapprochais pour tenter de l’aider, levant une main pour le maintenir s’il tombe mais sans le toucher.

«Mettez mes chaussons, ce sera toujours mieux que marcher pieds nus dans la rue. Je vais vous appeler un taxi pour qu’il vous emmène à votre lieu de rendez-vous…»

Oui, je n’ai pas pensé à acheter des vêtements de plus petite taille au cas où je trouverais un type à l’article de la mort en train de se vider les tripes en bas de chez moi. On ne peut pas tout prévoir non plus…

Je sortais en prenant mes clefs, surveillant Siegfried pour qu’il ne tombe pas, et l’emmenais jusqu’à l’ascenseur, puis jusqu’au lieu de son rendez-vous en appelant un taxi. Je n’ai toujours pas de voiture, donc on fait avec les moyens du bord. Une fois Sieg dans la voiture, je répondis enfin à sa question. Récupérant le stylo que je lui avais laissé pour écrire sur un coin de ses notes pour numéro de téléphone au labo.

«Si jamais vous avez besoin de moi plus tôt voilà le numéro de mon labo. Sinon je vous attendrais devant le poste de police central à l’heure dite. Prenez soin de vous en attendant, et mangez !»

Je me redressais en lui adressant un sourire et regardais le taxi dans lequel il était monté. Une fois hors de ma vue, je retournais chez moi, récupérais l’échantillon pour aller ensuite travailler à l’hôpital et étudier tout ça. Faisant également un rapport détaillé comme je l’avais signalé, jusqu’à l’heure de notre rendez-vous au centre de police. Je prévins la secrétaire que je devais me rendre au commissariat avec des documents et analyses puis me rendais pour 18h au poste central. Attendant patiemment la venue du blond avec dix minutes d’avance.

Dix-huit heures tapantes. Il n’était pas en retard. Devant le commissariat à fumer un clope en attendant le témoin, et accessoirement victime d’un empoisonnement aux drogues dures. Il comptait bien faire ouvrir une enquête et faciliter l’avancement de cette dernière afin de pouvoir retrouver les coupables de ceci. Une fois arrivé, Kendall le rejoignit, constatant un changement, ou plutôt un léger trouble dans sa façon de le regarder. Un froncement de sourcil laissa paraitre sur le visage de Kendall.

«C’est rare en effet. Mais on peut toujours pour certains d’entre eux… Vous allez bien ? Encore le contrecoup de ce qui vous est arrivé cette nuit ?»

Ca ne pouvait pas être impossible. Puis, a mon avis, sa journée a dû être pénible et épuisante. Surtout avec des résidus de drogue que je ne pouvais pas complètement retirer. Ca finira pas passer après une bonne nuit de sommeil. Il faut laisser le corps se reposer un peu et évacuer le reste normalement. Je me penche doucement vers lui, ma chemise contenant les documents pour l’ouverture de l’enquête sous le bras, et pose une main délicatement sur son bras.

«J’ai besoin de vous poser des questions relatives à votre quotidien.»

Je m’éloigne un peu de la devanture du commissariat pour lui poser une question indiscrète à l’abri des oreilles afin de ne pas être dérangé.

«Est-ce que vous avez l’habitude de prendre des stimulants ou une médicamentation relative ? C’est une question purement professionnelle et en rapport avec ce que j’ai trouvé dans mes analyses.» Je n’étais pas là pour lui faire peur ou le mettre en colère sur ma trouvaille, je sais que ce genre de question peut être mal pris par la personne qui se trouve en face et c’est pour ça que je me justifie en rapport avec la situation. «Je ne suis pas là pour vous enfoncer devant les forces de l’ordre, juste, que les stimulants, si vous avez l’habitude d’en prendre en quantité non négligeable, aurait pu vous permettre de ne pas faire d’overdose et vous permettre de vous rappeler quelques détails sur ce qui vous est arrivé. Mais ils ont pu également jouer un rôle non négligeable sur votre état. Je n’ai pas encore approfondi mes analyses pour savoir s’ils inhibaient, ou catalysaient les drogues qu’on vous a fait ingérer la veille. Quoiqu’il en soit, vous êtes avocat, vous savez ce qu’il en est si vous délaissez un détail pour l’enquête, on vous trouvera suspect.»

Ce n’était pas spécialement pour lui faire peur que je disais ça. Mais surtout que si le moindre détail est oublié, ou omis volontairement, l’enquête pourrait être caduc ou être approfondie mais dans l’autre sens et pas forcément à son avantage. Chose que je préférais préciser. Puisqu’il était dans le domaine, il savait très bien ce qu’il en retournerait de la situation. Et même pour moi, ça risquerait de me pousser à faire des analyses plus lointaines et plus poussées sur lui. Une fois ceci dit, je l’invitais à me suivre jusqu’à l’intérieur du commissariat, saluant au passage les agents, notamment la secrétaire administrative qui me reconnu rapidement avec un grand sourire. Je lui demandais si le lieutenant Edwards était dans les parages. Malheureusement non, elle était sur une autre affaire et donc en déplacement. Ce n’est pas bien grave, je verrais plus tard avec elle. Alors j’expliquais brièvement le cas et ma demande d’ouvrir un dossier pour la déposition de Scamander. Comme j’étais consultant et que je commençais à être pas mal sollicité pour mes recherches et l’aide que j’apportais pour le labo, on ne mit pas bien longtemps à m’envoyer vers un des agents qui se chargea d’ouvrir un dossier et d’écouter la déposition de Scamander, puis la mienne, puisque je l’avais trouvé agonisant en bas de chez moi. Ça pris bien plusieurs heures, sachant qu’il y avait nombre de questions répétées afin de s’assurer que la déposition n’était pas un mensonge ou une simple histoire inventée pour donner du travail supplémentaire. Enfin, comme j’étais reconnu comme consultant, ils se doutaient que je n’étais pas là pour rien, sachant que j’avais monté également un dossier médical concernant Siegfried et toutes les informations sur les drogues qui l’ont mis dans cet état. Passé ce moment relativement long et pesant dont nombre de questions avaient été posées à la victime et moi-même qui me portais désormais garant en tant que médecin chargé de l’étude et les analyses de mon patient provisoire, j’étais bien obligé aussi de faire la déposition de mon point de vue. Et ce fut long et fastidieux. La paperasse est une horreur tout de même.

Je sortais du commissariat avec Siegfried, mes mains dans le dos pour m’étirer et faire craquer un peu mes vertèbres tout en lâchant un soupir las. L’air faisait du bien. Heureusement que je n’étais pas humain, sinon j’aurais vu le mal de crâne pointer en migraine fulgurante depuis qu’on est entré dans le bureau de l’agent.

«Pas fâché d’avoir terminé… C’est toujours pénible les dépositions.»

Je m’allumais une cigarette comme si le besoin s’en faisait sentir et en proposais une à Siegfried, même si je ne devrais pas, et ne suis pas sûr qu’il fume.

«Un bon repas, et au lit. Il vous faut du repos avec tout ça. Histoire d’évacuer le restant des effets des drogues que vous avez ingéré. Je vous invite, je connais un bon restaurant dans le coin et assez tranquille.»

Lugus pouvait parfaitement comprendre qu’il pouvait s’agir d’un sujet délicat pour le jeune avocat. Mais il voulait être certain que ça ne joue pas en sa défaveur lors d’une probable enquête, ou d’un jugement à son sujet. Il n’était clairement pas là pour l’enfoncer plus qu’il ne l’était déjà, mais bien pour prendre sa défense, tout du moins faire le maximum pour lui. Il se contenta donc d’écouter ses réponses et de prendre la déposition auprès de ses collègues de la police une fois rentré dans le commissariat. Chose qui prit une bonne grosse partie de la soirée avant qu’ils ne soient enfin libérés.

Ils avaient convenu d’un lieu avant d’entrer, mais Siegfried préféra finalement inviter le dieu chez lui pour parler sans oreilles indiscrètes autour, ni de curieux un peu trop intrusifs au goût du jeune homme. Et il comprenait parfaitement la situation. Si bien, qu’il accepta de se rendre chez lui. Il hocha la tête et lui répondit par un simple « oui » poli.

«C’est on peu plus normal de venir en aide à une personne qui est en danger. Même si c’est une chose qui se perd un peu.»

Il gardait une allure élégante à toute épreuve, et c’est avec un certain panache qu’il s’approcha de la route pour lever la main et siffler suffisamment fort pour arrêter un taxi après lui avoir fait un signe. Son sifflement était si fort qu’il en surprit même les passant à l’opposé de la rue qui se retournèrent pour savoir qui avait pu siffler ainsi. Kendall se tourna vers Scamander et lui fit signe, tout en ouvrant la portière pour le laisser entrer en premier et faire de même à sa suite pour s’installer sur la banquette arrière avec lui. Il laissa Siegfried indiquer son adresse au taxi pour qu’il les emmène à destination. Ceci étant, il se demanda ce que le jeune homme souhaitait manger et s’il avait faim.

«Avez-vous faim ? Peut-être pourrions-nous prendre quelque chose en chemin, ou en bas de chez vous. Sauf si vous avez ce qu’il faut.»

Je m’interrogeais, même si je n’avais aucun besoin de manger, il fallait tout de même que Scamander mange au moins un peu pour que mes soins soient efficients au maximum. Il pourra se reposer ensuite, mais pour l’heure, il lui faut au moins avaler quelque chose de consistant pour être revigoré. Ce n’est pas pour rien que je lui avais conseillé un bon repas et au lit. Il rattrapera toutes les calories qu’il aura pris plus tard, quand il se sentira un peu plus d’attaque pour manger moins, mais tant que je suis dans ses pattes autant que je m’assure qu’il fasse le nécessaire pour sa santé et qu’il ne délaisse rien. C’est la raison pour laquelle je suis un peu trop sur lui. Finalement, nous finissons par descendre du taxi, prendre un plat à emporter au passage sur le trottoir où se trouve un restaurant qui fait des plats à emporter, et nous montons chez lui afin qu’il m’explique plus en détail sa situation. Une fois à l'intérieur, nous passons un moment à discuter de cette journée étrange et il m'explique ce dont il se souvient. En plus de quelques détails personnels qui ont un rapport avec sa prise de médicaments pour garder le cap, ces inhibiteurs. Au bout d'un moment, je quitte son appartement et lui souhaite de bien prendre soin de lui et que s'il y avait quoique ce soit qui lui revenait, qu'il m'en parle ou contacte le labo de l'hôpital où je serais le plus joignable et présent. Ça n'était sans compter que quelques jours plus tard, mon enquête avec Hope Edwards reprenait les faits d'un homicide avec le même type de drogues d'un banquier de la Wells Fargot, chez qui l'agence d'avocats de Scamander était affiliée qui plus est. Coïncidence? J'en doute.