Un battement de cœur, une note, une fraction de seconde qui aurait dû s’écouler comme toutes les autres avant elle et qui pourtant s'éternisait. Touché par une divinité, le temps s'était figé pour quelques cœurs et lorsqu'il accomplit le fruit de son inspiration la musique retentit de nouveau dans le bar. Le groupe reprit sans s’apercevoir qu'ils avaient tenu un silence quelques instants, juste de quoi préoccuper le patron qui passa une tête dans l’entrebâillement d'une porte pour comprendre cette absence totale d'animation. Il vu passer le client élégant qui retournait s'asseoir sur une des banquettes contre le mur, d'où revenait-il ainsi ? L'homme n'en savait rien et après un regard vers son employée qui souriait un peu plus qu'à l'accoutumé il s'en retourna à son office en arrière-boutique.

De nouveau assit, Dagda observait avec un sourire serein la beauté pétillante de la porteuse de plateau mais il fallait dire que cette dernière n'était pas en reste et n'oubliait aucune œillade depuis que ce nouveau venu s'était installé. C'est donc sagement que la divinité jouait de son charme, troublant parfois la mortelle d'un clin d'œil qui faisait heurter ses pieds sur les chaises de clients trop obnubilés par leur conversation ou par l'écoute du groupe pour saisir l'animation qui se déroulait en arrière-cour.

Paradoxalement, Dagda ne s’intéressait pas à celui pour qui il avait fait un effort. Il attendait tout simplement le moment où le musicien réaliserait que deux billets de cinquante dollars s'étaient coincés sous la ceinture de son pantalon à quelques encablures à peine de la fermeture éclair. Et qu'un cœur accompagné de ce qui semblait être un numéro de portable était apparu dans le creux de sa main comme par "magie". Comme par magie aussi, il s'était vu délesté de son précieux pendentif qui à présent trônait sur la main du charmant spectateur qui avait enroulé la corde autour de ses doigts. L'idée de l'offrir en présent à la belle qui revenait vers lui passa bien dans son esprit mais elle fut vite balayé, n'osant guère essayer de voir ce que les artefacts vibrants feraient à cette délicate fleur. Au lieu de cela il s'arma d'un sourire délicat et lui passa commande non sans engager la conversation, au grand plaisir de la jeune femme qui semblait souffrir du manque de considération générale. Ce n'est que lorsque la musique cessa que Dagda consenti à reporter son attention sur le groupe, saluant d'un léger signe de main celui qui avait hérité d'un si beau pourboire.

Il ne le méritait sans doute pas, ce pourboire. Depuis combien de temps n'avait-il pas traîné son petit minois jusqu'à lui ? Un peu trop longtemps alors même qu'il lui avait fait un si précieux cadeau. Ce manque de considération se devait d'être payé et cette perspective laissait en joie le Dieu qui goûtait son allégresse estivale avec délice.

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Tartan, cornemuse, flute traversière, basse, synthé, guitare électrique et batterie. Une musique adaptée au temps et aux mouvements sociaux de ce nouveau siècle. S'il était d'une autre époque, il était aussi du genre à s'adapter rapidement en utilisant sa fonctionnalité de polytechnicien pour rapidement donner du changement dans ses moeurs. Le petit groupe Irlandais dans lequel il jouait lui permettait d'insuffler dans l'âme des gens les origines celtiques des terres lointaines. Autant il s'éclatait à jouer de la cornemuse et de la flute traversière dans un rythme qui donnait envie de remuer son fessier.

Ce que j'aime voir le plus quand je joue dans ce genre d'endroit, ce sont les têtes qui s'agitent discrètement, les visages souriants qui observent la petite scène sur laquelle je me trouvais avec mon groupe. Et surtout ces quelques personnes qui dansaient non loin de leur table. Le courant passait comme la lumière du soleil réchauffant les coeurs sombres de cette société. Et lui, cet homme qui retournait s'asseoir calmement à sa table. J'avais senti le temps s'arrêter l'espace d'un instant dans l'assemblé. Son pouvoir m'avait également touché mais je savais pertinemment que son utilisation n'était pas anodine. La musique repris de plus belle. Quelque chose se froissa dans ma main et je baissais les yeux sur le morceau de papier qui s'y trouvait. Une autre chose à la ceinture qui maintenait mon tartan moderne attira mon regard. Un gros pour-boire vu les deux billets de cinquante dollars qui étaient désormais bien visibles. Mais je ne me décontenançais pas pour terminer mon morceau. Je me sentais étrange, moins lourd, moins oppressé aussi. Et cette sensation d'être nu sans savoir pourquoi jusqu'à ce que mon regard accroche cet homme qui avait sa main relevée et entre ses doigts mon pendentif. Le saligot !
La fin du morceau fut applaudi en grande pompe par les clients qui avaient bien apprécié ce moment en musique. Mais il était temps de laisser la place au Dead Jockey. Je retournais poser mes affaires en coulisses, indéniablement excité par ces retrouvailles. Prenant le pourboire pour la ranger dans ma saccoche, je me tournais vers mes associés pour les prévenir que j'allais me prendre un verre en salle et qu'ils pouvaient en faire autant après avoir rangé leurs affaires. Je pris donc congé pour revenir en salle. Manquant de bousculer la serveuse qui revenait donner sa nouvelle commande. Je m'excusais et lui demandais un petit service, j'étais persuadé qu'elle avait pris commande auprès du beau brun qui n'avait pas arrêté de lui lancer des oeillades et lui murmurant à l'oreille une modification dans sa commande et commandant un verre également pour moi, je repartais avec un sourire charmeur et le billet de pour-boire glissé dans sa main, ce qui la fit rougir.

Il déambula dans l'assemblée avec une telle légèreté qu'on lui donnait l'impression qu'il glissait entre les différents obstacles imprévisibles qui pouvait s'y produire. Une fois à la table qu'il voulait rejoindre, il s'y installa sans gêne tout en fixant le brun en face de lui. Aussi rapide qu'un flash de spotlight de la salle qui disparu aussitôt, le second billet se retrouvait désormais entre les doigts nus du brun, le pendentif ayant retrouvé sa place autour du cou de son propriétaire. Il arborait un sourire franc et compatissant à l'attention du dieu en face de lui.

« Vous attendez quelqu'un ou vous cherchez à faire du gringue à la jolie serveuse ? » Dis-je sur un ton jovial et taquin.

J'étais heureux de le revoir. Et je ne me serais pas attendu à le voir en premier lieu et à peine débarqué en ville. Ça se voyait sur mon visage que j'étais content de le revoir.

« Il paraît que dans cette ville on ne manque pas d'une quelconque compagnie. »

La serveuse revint avec nos commandes et la petite blague à l'attention de Dagda, chose à laquelle il avait eu l'habitude que je lui fasse quand on traînait ensemble. C'était de lui commander un lait-fraise mais alcoolisé c'est à dire avec de la liqueur de fraise à la place de sirop.

« J'ai pensé que l'alcool vous sierrait plus avec un petit lait. Il faut bien garder cette peau de bébé si douce. »

Par quel heureux hasard était-il arrivé ici, à cette heure précise ? Toutes les suppositions étaient ouvertes, de la rumeur à la simple chance (ou malchance) en passant par une potentielle habitude qu'ils pouvaient avoir en commun et dans tous les cas cette interrogation ne pourrait obtenir de réponse car le Dieu ne révélerait guère son secret ce soir. Machinalement, ses doigts jouaient avec le pendentif dont l'aura était toute aussi familière que pesante, lui rappelant ce à quoi il avait renoncé quelques siècles auparavant. Bien heureusement l'heure n'était pas aux regrets et le sourire fixé sur son visage n'était pas prêt de décroître.

Les stars avaient quitté la scène, ne laissant que seul intérêt la demoiselle qui gravitait entre les clients. Lizzie manquait d'assurance, pas véritablement dans son travail qu'elle effectuait avec un brio qui s'amenuisait à peine lorsqu'elle croisait un regard, mais dans sa manière d'être. Elle rêvait son potentiel sans voir qu'elle en possédait déjà une bonne partie. Non ce n'était pas la première fois qu'il venait ici mais il ne lui en avait pas fallu autant pour faire cette analyse. Elle n'avait besoin que d'un soupçon d'intérêt et d’encouragement pour éclore, choses qu'il était parfaitement prêt à offrir.

Bien évidemment ses prévisions merveilleuses n'avaient guère pris en compte l'apparition de l'énergumène de ce soir. Comment aurait-il pu imaginer que l'ingrat disparu se décide ainsi à repointer son bout de nez au beau milieu d'une de ses belles histoires. Jouant toujours songeusement avec le résultat de sa pêche, Dagda ne pu échapper aux messes basses du charmant flûtiste qui ne manqua bien évidemment pas l'occasion de faire monter le rouge aux joues féminines avant de venir le narguer d'un sourire tout en s'installant.

▬ " Vous attendez quelqu'un ou vous cherchez à faire du gringue à la jolie serveuse ? " La chaîne avait filé de ses doigts, il l'avait presque senti avant que son regard ne perçoive la présence d'un billet en lieu et place de sa précédente prise, billet qui rejoignit tranquillement le bois de la table.

▬ " Parce qu'il faudrait faire un choix ? " C'était bel et bien en le voyant se dandiner sur scène que Dagda s'était rappelé que son compagnon d'aventures représentait un manque. Absence qui se comblait à nouveau ce soir, justifiant sans erreur cette allégresse qui agitait son cœur avant d'oser apparaître sur son visage.

▬ " Il paraît que dans cette ville on ne manque pas d'une quelconque compagnie. " Prêt à répondre, Dagda s'était redressée, juste assez pour voir approcher la demoiselle au plateau étrangement équipé. Les deux verres atterrirent sans encombre sur leur table, à ceci prêt que sa commande s'était quelque peu altéré en chemin. Amusé, mais ne voulant guère embarrasser la miss, le Dieu la remercia et attendit de pouvoir observer la silhouette s'éloigner avant de se manifester.

▬ " Quand cesseras-tu de jouer à la timide célébrité qui n'ose avouer les déboires d'une gorge qui passe des heures à souffler dans son engin ? " L'instant d'après les verres s'étaient échangés et l'alcool ambré flirtait déjà avec les lèvres du spectateur, délaissant la commande lactée à son instigateur. " Cela fait plaisir de te revoir mon ami. " Sa main se posa sur la table, paume vers le haut, appelant sa jumelle pour sceller ces retrouvailles inattendues. " Je commençais à croire que tu avais suivi ton fantasme et étais devenu ermite. "

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« La liberté c'est l'obligation de choisir ~ mais les gens comme nous sont exempt de cette faculté. »

Le blond offrait à son homologue brun un sourire à la fois torve et enjôleur. Sentant une nouvelle perturbation dans l'espace autour de lui, Kendall plissa les paupières et baissa les yeux quand il constata que son verre de whisky écossais se retrouvait entre les doigts de Seth. Il pris en main le verre de lait-fraise et porta la paille à sa bouche pour en boire une gorgée. Ce n'était pas trop son truc mais il n'allait pas faire de gachis. Une fraction de seconde plus tard il se retrouvait avec un whisky de la même qualité que sa commande le verre de lait-fraise disparu et la boisson payée, un pour-boire que Lugh avait laissé sur le comptoir avec l'addition. Comme s'il ne s'était rien produit, le musicien était tranquillement assis, jambe croisée sur sa jumelle et faisant tourner le liquide ambré dans son enclos cristallin.

La réplique de Dagda me laissa perplexe. Un haussement de sourcil en le fixant droit dans les yeux. Puis je me mis à éclater de rire. Le pointant de mon index tout en tenant mon verre.

« Tu réalises que ta phrase est pleine de sous entendus ? »

Je n'ai pas tant un esprit mal placé, mais venant de Dagda, je suis persuadé qu'il l'a fait exprès. Et d'une certaine façon dès qu'on était tous les deux réunis c'était un véritable cauchemar pour les autres. Ma main se posa naturellement dans celle qu'il me tendait et la lui serrais avec ferveur. Combien de temps n'avais-je pas passé en sa compagnie ? Des siècles au moins. Cela faisait plaisir de le revoir. Même à l'improviste. Je ne m'étais pas attendu à le revoir ce soir et pourtant c'était comme une évidence. En venant dans cette ville j'avais senti la présence de bon nombre de mes comparses et autres divinités. Quoi de plus normal de les croiser.

« Si j'avais réellement suivi mon fantasme j'aurais ouvert un club BDSM. » Je lâchais un léger ricanement et repris un peu plus calmement mais toujours le rictus au bord des lèvres. « Ceci dit je suis heureux de te revoir aussi. »

Je n'avais pas lâché sa main encore. Serrant un peu plus mes doigts autour de sa poigne. Je posais mon verre de l'autre et l'apposait contre mon pendentif dérobé un peu plus tôt par mon comparse. Une lueur se reflétant l'espace d'un instant dans mon regard qui devint plus bleu encore.

« Tu as pu constater que j'ai gardé précieusement le chaudron que tu m'as gentiment confié. J'en prends bien soin. »

Je lui relâchais la main tout en me repositionnant contre mon siège calmement. Appelant la serveuse pour lui commander un spécial shoot histoire de fêter ces retrouvailles et son numéro de téléphone avec un clin d'oeil qui la fit rougir. Non, bien évidemment ce n'était pas pour moi que j'avais demandé son numéro à la serveuse, mais je voulais voir la réaction de Dagdag. D'où mon petit sourire mesquin et taquin à son attention après avoir remercié la demoiselle.

« Et toi, mon cher, que deviens-tu ? »

Il était évident qu'il en aurait des choses à raconter. Et si Lugh pouvait éventuellement se tenir informé des changements qui avaient opérés entre leurs autres comparses mais également ce rassemblement pour se serrer les coudes entre anciens dieux contre ces nouveaux dieux qui étaient sortis des nouvelles moeurs humaines. Lugh s'adaptait, et jusqu'à maintenant ces nouvelles divinités ne l'avaient aucunement dérangées. Même s'il trouvait tellement risible le fait de liker une salade plutôt que de croire en un dieu. La façon de vivre et d'être adulé des nouvelles déités n'est plus ce que c'était. D'un autre côté il n'était pas le plus à plaindre car grâce à la musique on l'adulait, et des groupes divers avaient déjà écrit et composé des morceaux en son nom. Puis grâce au dieu de Youtube il pouvait aisément faire passer tout ça. La joie du net et de la société de consommation. Pourquoi leur faire la guerre dans ce cas ? Il y avait forcément un moyen de permettre à tous les dieux de continuer à persister et à avoir encore des croyants. C'est la raison pour laquelle Lugh était neutre et préférai ne pas prendre parti sur une guerre qui, en son sens, lui semblait inutile.

L'ambre s'agitait paresseusement entre les doigts du Dieu qui avait donc ravi son verre au nouveau venu. Il laissa ses lèvres flirter avec le liquide, scellant son appropriation avant de distiller sa remarque sur ce fameux lait rosé dont avait hérité Lugh, du moins jusqu'à ce qu'il ne se décide à remédier à cet échange en filant se servir par lui-même. Ce jeu n'avait duré que quelques instants pour les mortels, une fraction d'instant où plusieurs rounds avaient eu le temps de se déployer avant que chacun ne retrouve finalement un contenu de verre plus ou moins correct et digne de ces retrouvailles.

▬ " Tu réalises que ta phrase est pleine de sous entendus ? " Le rire et l'index accusateur furent accueillis par un sourire tendancieux qui se distilla d'angélisme.

▬ " Allons bon, ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit. " Aussi charmantes qu'étaient les illustrations que Morrigan avait distillé sur lui dans les traces de l'Histoire, le Dagda n'était pas un rustre, jamais, ou presque. Par contre il laissait libre interprétation à ses paroles et savait bien souvent sur quel accord se trouvait son interlocuteur. De là à dire qu'il savait amplement les sous-entendus qui pouvaient être entendu... Ce ne serait pas l'intéressé qui l'avouerait.

La paume offerte ne tarda guère à être rejointe et Dagda referma sa poigne sur celle de cet ami qui avait joué les insaisissables durant une période presque indécente. Il ne manqua d'ailleurs pas de faire remarquer cette absence d'actualités, c'était à peine s'il avait eu connaissance de quelques incursions à Sanctum qui n'avaient même pas daignés échouer jusqu'à chez lui.

▬ " Si j'avais réellement suivi mon fantasme j'aurais ouvert un club BDSM. " Deux ricanements se mêlèrent à cette remarque qui éveillait des images charmantes et délicates. " Ceci dit je suis heureux de te revoir aussi. " Les mains se serraient, s'accrochaient après tant d'abandon avant que le regard de Dagda ne suive la nouvelle apparition de son ancienne prise de guerre. " Tu as pu constater que j'ai gardé précieusement le chaudron que tu m'as gentiment confié. J'en prends bien soin. " Cette vision était toujours étrange, les artefacts arboraient là une gloire bien usée ainsi accroché autour du cou de son ami et pourtant la puissance qui s'en échappait n'était qu'un rappel de ce qu'ils pouvaient encore être. Sa main de nouveau libre se tendit brièvement vers l'apparition avant qu'il n'y renonce dans un sourire.

▬ " J'espère bien, il n'a pas traversé les Âges pour être négligé par un vieil accro ! " Dagda glissa une gorgée du contenu de son verre entre ses lèvres alors que son interlocuteur semblait encore vouloir en appeler à la demoiselle qui naviguait entre les tables avec son plateau. " Cependant, si tu estimes que ce prêt t'octroie le droit de t'émanciper ainsi de ma personne je vais peut-être revoir les termes. " Il fut un temps où en effet Lugh revenait le voir bien plus régulièrement, un temps où l'artefact du Dagda ne pouvait le quitter et où le Dieu des Dieux revenait vers lui en quête d’apaisement. S'il fallait cela pour revoir cette trogne régulièrement ils allaient sans nul doute devoir mettre en place une garde partagée...

Lizzie revint donc, sous la bénédiction du sourire divin qui l'accueilli comme il se doit. Égarée entre les deux divinités la délicieuse créature ne savait quels traits observer. Dagda essuya l'affront de Lugh sans sourciller, ne pouvant que noter que la jeune femme rougissait une nouvelle fois sous les requêtes de son audacieux interlocuteur qui se plaisait à triompher sur son territoire. La serveuse repartie il ne se départagea pas de son sourire mais assena un plissement de paupières en guise d'avertissement à l'encontre de la mesquine créature.

▬ " Et toi, mon cher, que deviens-tu ? " L'amusement n'était pas loin sur les traits du Dieu qui observait le liquide ambré contenu dans son verre jouer avec la lumière du lieu.

▬ " Hé bien figure-toi que je me suis trouvé une honnête occupation: tu parles au plus charmant des médecins de l'hôpital de cette modeste bourgade. Je parfais jour après jour mes connaissances sur la bobologie humaine tout en occupant mes nuits. " Son regard entendu se releva de son verre avant d'en attraper une nouvelle gorgée. Il est vrai que ces derniers temps la divinité n'avait pas manifesté son éclat parmi les siens, préférant faire preuve d'un brin d’égoïsme en menant son existence à travers les luttes qui ne disaient pas leur nom. " Et toi ? Quels verts pâturages t'ont ainsi retenus ? Si tu as des adresses je pourrai être preneur. " Le sourire de Dagda évolua, délaissant le sarcasme pour le charme à mesure que la demoiselle revenait vers eux en essayant de ne pas s'égarer dans ce regard qui la couvait.

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Tous deux savaient à quoi s’en tenir et aucun ne pouvait se passer de cette complicité si flagrante. Pourtant le roi des dieux savait qu’il était parti trop longtemps, qu’il n’avait pas daigné donner de nouvelles et bien malgré ce sourire et cette petite effronterie de la part de Dagda, Lugh voyait dans son regard une certaine amertume. Celle de l’avoir laissé seul sans être venu le voir durant plusieurs décennies. Ça, le roi des dieux le savait et sa petite pique le lui confirma. Il se contenta de prendre son verre et d’en engloutir quelques gorgées en détournant le regard. Plissant les paupières pour revenir à lui en entendant un changement des termes au sujet de son chaudron. Il retira calmement sa main et croisa les coudes sur la table.

«C’est vrai, ces dernières années je n’ai pas été raisonnable. J’ai fait mon vieil ermite aigri.»

Un petit regard de chien battu à l’attention de Dagda pour obtenir son pardon, une petite moue sur mon visage. Et voilà que j’attendais qu’il esquisse au moins un sourire en me voyant faire l’idiot, jusqu’à ce que la charmante serveuse ne revienne et que je lui fasse un peu de gringue juste pour lancer un affront amical à mon comparse de beuverie. Même si je voyais pertinemment qu’il ne se laissait pas abattre par ma réaction avec sa « prise » j’étais amusé que dans le fond ça le dérange vu la lueur dans son regard. Un clin d’œil à son attention et j’attrapais la main de la serveuse pour lui glisser le papier avec le numéro de téléphone que Dagda m’avait confié pendant que je jouais. Un large sourire sur mes lèvres et ma commande partait pour être lancée. Je me détournais pour plonger mon regard d’azur dans ses prunelles opalescentes. Demandant ainsi ce qu’il devenait dans cette ville et écoutant son récit avec un sourire qui s’étendit de plus en plus quand il me fit part de son travail et surtout de l’endroit. Je me redressais de ma chaise avec le rictus bien visible, dévoilant mes quenottes blanches. Un ricanement sorti de ma gorge. Je reprenais mon verre pour verser le reste de l’ambre contenu à l’intérieur histoire de m’hydrater la gorge. La charmante serveuse revint avec une bouteille et deux shots qu’elle ouvrit et servit avant de laisser la bouteille sur la table et de nous jeter un regard charmé. Je la remerciais gracieusement et la laissait filer pour revenir à mon frère de cœur.

«Alors comme ça tu joues au docteur avec ces charmants humains ? si je fais en sorte que la charmante serveuse se blesse tu pourrais aussi t’en occuper soigneusement~.»

Toujours dans la taquinerie, Lugh avait tendance à plaisanter d’un rien, et le moindre propos pouvait prendre une ampleur dérivée qui n’aurait pas forcément la même sonorité venant de sa bouche, et les quiproquos ou lapsus avaient souvent tendance à fuser aisément. Il fit glisser le premier shot d’alcool vers son ami et le second devant lui.
«J’étais occupé à maintenir notre culture à nos descendants mortels…» Lança-t-il très calmement.

Il ne s’étala pas pour autant sur ce qu’il y avait fait. Mais il était certain que ça ne relevait pas seulement de son propre nom, mais de celui de tous ceux qu’il considérait comme sa famille. Si protecteur qu’il ne voudrait qu’aucun d’eux ne disparaisse dans l’oubli définitivement. Puis il haussa les épaules et pris le shot pour le lever vers Seth afin de trinquer avec lui.

«En plus, je regrette de ne pas t’avoir enchaîné avec moi. C’était d’un ennui mortel ces pâturages ! Que des moutons et des vaches à perte de vue ! Mais je dois bien admettre que nous faisons les meilleurs alcools que les américains. Rien ne vaut un véritable scotch ou whisky Irlandais ou écossais.»

Attendant patiemment qu’il lève son shot pour le heurter avec le mien dans un son cristallin et le boire cul-sec afin de sceller nos retrouvailles, je reposais ce dernier vide en le faisant claquer sur la table. Un soupir glissant entre mes lèvres. Je redressais les mirettes sur mon visu-vison avec un tendre sourire.

«Figure-toi que tu risques de ne plus me supporter à force. Car je suis au regret de t’apprendre qu’à partir de demain je commence mon nouveau travail…»

Je faisais une pause pour servir de nouveaux shots et lui laisser le temps d’assimiler l’information puis reprenais sans lui laisser un moment pour rétorquer.

«Je serais le plus beau médecin de l’hôpital à m’occuper des analyses biologiques de tes patients afin de déceler leurs maux ou maladies.»

Une œillade, un clin d’œil et mon autre main se dirigea vers sa trogne pour, de l’index, le tapoter sous le menton dans un geste amical et fraternel. Je récupérais ma main pour me radosser à mon siège et le fixer avec cet éternel sourire mesquin.

«Toi le plus charmant, moi le plus beau, en toute honnête modestie… que demander de plus?» Fis-je en laissant un blanc avant d’éclater de rire.

Je n’étais absolument pas sérieux pour les jeux de mots, même si, je devais bien admettre, j’étais plutôt beau gosse quand je n’avais pas une barbe mal taillée et les cheveux en pagaille. Mais je devais bien admettre que Dagda avait réellement l’intention de charmer cette serveuse depuis le temps que je l’observais faire des œillades et de charmants sourires. Je me penchais vers lui, un sourcil redressé et mon regard ancré dans le sien.
«Je sais que tu n’aimes pas partager mais… j’ai bien l’impression qu’elle a le béguin pour moi.» Lâchais-je sur un ton désinvolte.

Si je voulais le taquiner et l’énerver un peu ? Totalement. Et mon sourire tout comme mon regard laissaient présager que mes mots n’avaient pour but que le faire sortir de ses gonds. Je n’irais certainement pas me mettre entre eux, j’avais bien d’autre possibilités et à l’heure actuelle je n’étais pas intéressé par les plaisirs de la chair. J’en avais déjà suffisamment fait durant la croisière. Je buvais cul-sec mon deuxième shot et soupirais après avoir avalé ma gorgée. Distraitement, je regardais le mini verre entre mes grandes mains et lâchais pour revenir aux termes concernant le prêt du chaudron.

«Que tu le veuilles ou non et même sans avoir modifié les termes de notre accord, je vais te coller plus que de raison maintenant. Comme dans le bon vieux temps…» Je levais mon regard sur Seth, un peu plus sérieux. «Il faut que je parle à Morrigan et tes frères. Je sais qu’ils sont là.»

La mine contrite devait être une excuse, pas sûre que cela suffisse à l'abandonné qui avait dû vivre sans ami et sans chaudron durant ce temps indécent, surtout lorsque votre humeur était dans un beau-fixe taquin plutôt intéressé par la potentielle sanction amicale que par le pardon. Cependant, la vengeance n'était pas pour tout de suite, même si les manières de Lugh à l'encontre de sa charmante Lizzie lui donnaient plutôt envie de raccourcir ce délai de latence. Dagda observa donc l'énergumène minauder, embrouillant d'avantage la demoiselle à qui le premier allié glissa un sourire pour se faire pardonner les manières directes de son comparse.

▬ " Alors comme ça tu joues au docteur avec ces charmants humains ? si je fais en sorte que la charmante serveuse se blesse tu pourrais aussi t’en occuper soigneusement. " La nouvelle commande était arrivée sans nouvelle frasque et la conversation s'était orientée vers les nouveautés des dernières décennies. La période était bien trop vaste pour une seule soirée, Dagda s'était focalisé sur le plus récent et le plus massif, pour la joie de son interlocuteur qui glissait un shoot vers son côté de table. Un nouveau sourire et un léger rire accompagnèrent cette allusion bien évidente à décrypter.

▬ " Tu fais déjà tout le travail avec tes grosses pattes de flûtiste, je n'ai même pas besoin de jouer au héro. " Le Dieu avait en effet déjà bien assez analysé le terrain pour savoir qu'il avait hérité là d'un antagoniste parfait pour le mettre en valeur au regard de la charmante Lizzie, Lugh avait juste à continuer sur sa voie. Voie qui s'orienta vers sa personne et ses activités qui l'avaient si longtemps éloigné.

▬ " J’étais occupé à maintenir notre culture à nos descendants mortels… " La main du Dagda rencontra son nouveau verre sur la table, alors même que le whisky subsistait paresseusement. " En plus, je regrette de ne pas t’avoir enchaîné avec moi. C’était d’un ennui mortel ces pâturages ! Que des moutons et des vaches à perte de vue ! Mais je dois bien admettre que nous faisons les meilleurs alcools que les Américains. Rien ne vaut un véritable scotch ou whisky irlandais ou écossais. "

Dagda fit tinter son verre contre celui de son ami avec un sourire qui ne fut guère atteint par l'engloutissement de cette nouvelle gorgée d'alcool.

▬ " Et combien d’animaux de ferme as-tu converti autour d'un verre ? " Lugh n'avait pas été le seul à retourner vers son berceau, loin de là. C'était principalement sur ces terres que le Dieu des Druides trouvaient ses ouailles et il était donc un peu plus navrant que son chemin n'ait pu croiser celui de son ami bien avant.

▬ " Figure-toi que tu risques de ne plus me supporter à force. [...] Toi le plus charmant, moi le plus beau, en toute honnête modestie… que demander de plus ? " Le duo reformé dans un même établissement, la perspective laissa le Dieu imaginatif. Il tenait là une charmante nouvelle qui n'allait rendre la vie que plus douce parmi les mortels.

▬ " Le plus beau vraiment ? Saches que ce sont les infirmières qui décernent les titres et que la concurrence divine sur celui là le rend très variable. " L'hôpital était en effet un de ces nids à divinité, ses collègues immortels ne manquaient pas et leur influence enjouait bien souvent les humeurs qui régnaient dans le bâtiment. Cependant il ne fallait pas douter que Lugh se ferait sa place, surtout au cœur des laboratoires qui était un terrain plutôt vierge.

▬ " Je sais que tu n’aimes pas partager mais… j’ai bien l’impression qu’elle a le béguin pour moi. " Dire qu'il s'était légèrement penché pour entendre cette ineptie qu'il chassa d'une main.

▬ " Ne confonds pas politesse et charme, tu l’embarrasses plus qu'autre chose. " Même avec la conscience que cet idiot cherchait juste à le taquiner le Dieu ne pus s'empêcher de rehausser un brin de fierté et de distiller son analyse sans preuve avec un soupçon de sarcasme solaire. Se redressant de nouveau, Dagda délaissa le shoot pour le fond de son premier verre qui avait un peu plus d'intérêt que cet alcool sans effet ni véritable intérêt gustatif.

▬ " Que tu le veuilles ou non et même sans avoir modifié les termes de notre accord, je vais te coller plus que de raison maintenant. Comme dans le bon vieux temps… Il faut que je parle à Morrigan et tes frères. Je sais qu’ils sont là. " Si la première nouvelle avait tout pour la satisfaire, la suite forma les premiers propos qui atteignirent son sourire. Le Dieu ne le perdit pas pour autant mais la fraîcheur du vent qui souffla sur ses traits parvint à apparaître.

▬ " Ainsi je ne te suffis pas. " Distraitement, Dagda acheva l'ambre de son premier verre, s'abimant à songer à quelques traits féminins. " Oghma ne te sera pas difficile à trouver, pour le reste il te faudra probablement de la patience et de la chance. " Man ne posait que rarement pied à terre, un soupçon de chance ne serait pas de trop. Quant-à Morrigan... La Primat de la Cité daignera peut-être accorder une audience à ce visiteur mais la patience ne serait pas inutile pour parvenir à ses fins. " Serais-tu sujet à la nostalgie pour vouloir te livrer à ces visites ? " C'était bien là la question qui se posait. Dagda avait beau être encore aujourd'hui le Roi des Tuatha Dé Danann, cela faisait bien des siècles que ce titre sonnait creux. Le peuple de Dana s'était fondu dans la masse, incorporée dans la société divine et mortelle, égarant son identité première.

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il lâcha un rire bref et amusé tout en jouant avec son verre. Lugh regarda d’un air complice son compagnon de beuverie tout en gardant ce sourire mesquin alors qu’il agitait lentement la tête, jetant des coups d’œil à la jolie serveuse.

«Tu devrais me remercier, je te mâche tout le travail.»

Il devait bien admettre que tout ce qu’il faisait avec la serveuse était une façon de l’embarrasser mais de se tourner vers le plus calme et le moins lourd des deux hommes. Il leva les yeux au ciel à sa remarque, d’une façon réfléchie et se passa une main sur le menton. Ses doigts glissèrent sur sa lèvre inférieure tandis qu’il observait Dagda. Le fait qu’il veuille voir ses frères et Morrigan n’était pas pour de la simple visite de courtoisie. Disons qu’il avait trouvé une pseudo méthode de pouvoir gagner du pouvoir et de faire adhérer de nouveaux fidèles et il devait en parler aux autres. Mais pas ici, pas dans un endroit où il pouvait être à l’écoute de Monsieur Monde ou de ses sbires. Il balaya d’une main les propos de Dagda en lâchant une légère grimace.

«Nae ! La nostalgie n’y est pour rien. Disons que j’ai trouvé un pseudo moyen pour que notre ère perdure malgré les nouveaux mouvements sociaux.»

Je posais mon coude sur la table pour m’y appuyer, relevant ma main pour venir faire claquer l’ongle de mon pouce entre mes dents. Un regard fixé sur le brun en face de moi. Il me connaissait déjà assez bien pour constater que j’étais songeur et que la contrariété m’avait saisi. Je réfléchissais à la situation, à tous les détails que j’avais pu analyser jusqu’alors, et mon arrivée ici n’était certainement pas anodine pour autant. Je laissais couler mon regard sur la serveuse et avalais mon premier verre cul-sec pour ensuite remplir la bouteille laissée dans le verre vide, prenant de grosses gorgées tout en grimaçant. Lâchant une exclamation.

«Erf ! Y’a vraiment pas de quoi réussir à se prendre une cuite avec ce lait de poule.»

Je me levais ensuite tout en faisant un clin d’œil à Dagda pour ensuite aller voir la serveuse et lui attraper le bras afin de lui demander à quelle heure elle terminait son service. Il fallait que je bouge, rester assit ne me réussissait pas et j’avais souvent la bougeotte. Je demandais sur un ton charmeur comment elle avait trouvé mon groupe, demandant où je pouvais trouver son patron pour discuter affaires avec lui. Quand elle m’indiqua le manager, je la lâchais et lui souffla un baiser en rétorquant qu’elle était un amour puis disparaissais de sa vue pour alpaguer le manager afin de demander à ce que Lizzie, son petit nom, quitte plus tôt ce soir. Bien qu’au début il soit réticent, c’est en regardant qu’il restait une heure avant la fermeture du pub et en insistant un peu qu’il accepta de la laisser partir plus tôt, moyennant une petite rallonge aussi histoire de taire son silence. Je revenais avec la charmante Lizzie bras sans dessus-dessous et revenais à la table de Dagda. Passant devant en laissant la monnaie des dernières boissons plus le pourboire que la table.

«Tu viens bichon ?»

J’avais envie de bouger, de ne pas rester là à ne rien faire plutôt, plutôt m’amuser avec Dagda et raccompagner la demoiselle que j’avais un peu forcé à me suivre un peu, m’arrêtant quand la demoiselle dû aller se changer aux vestiaires pour nous suivre, je me tournais vers Dagda avec un sourire torve.

«C’est le moment de te lancer~ montre lui à quel point tu es généreux.»

Petit ricanement et je sortais du pub pour les attendre, sortant mon barda pour m’allumer une cigarette et la fumer tranquillement.

Courir après tout ce beau monde, l'idée semblait barbante au Dagda qui n'était pas d'humeur à se prendre la tête dans ce genre d'objectif. Cependant, s'il y songeait bien il ne tarderait pas à recroiser la route de Morrigan, leur délai de séparation arriverait à son terme sous peu. Le Dieu se félicitait que la Primat n'avait jamais réalisé que leurs régulières retrouvailles étaient dues à une antique clause griffonnée sur un parchemin sans âge qui aurait dû disparaître depuis plusieurs siècles déjà. De là à déclarer à Lugh que s'il voulait croiser Morrigan il pouvait mettre son plan en action et lui coller aux basques... Si le principe lui allait le sujet lui n'avait pas besoin d'être évoqué en cette charmante soirée.

▬ " Nae ! La nostalgie n’y est pour rien. Disons que j’ai trouvé un pseudo moyen pour que notre ère perdure malgré les nouveaux mouvements sociaux. " Dagda fut tiré de sa réflexion par ces propos. S'accoudant à la table pour s'approcher du mystérieux aventurier qui vantait ses découvertes sans trop en dire.

▬ " Tu m'en diras tant. Vu le temps qu'il t'a fallu pour pondre cette idée elle doit être brillante. " Intéressé ? Oui sans doute un peu, même s'il fallait avouer que de ce côté-là notre Dieu était loin d'être le plus à plaindre, bénéficiant d'une base oscillante à travers les âges mais toujours existante et dont aujourd'hui il prenait grand soin. Néanmoins il serait bien idiot et impoli de ne pas écouter la découverte de son cher ami qui cependant ne semblait pas décider à divulguer tout de suite ce secret.

Amusé, Dagda observa son collègue engloutir les verres qui traînaient sans obtenir ce qu'il semblait souhaiter. Il n'était pas loin de lui proposer un remède plus efficace avant que Lugh ne se résigne de lui-même après une dernière lampée.

▬ " Erf ! Y’a vraiment pas de quoi réussir à se prendre une cuite avec ce lait de poule. " C'est sagement que Dagda supporta ensuite la vision du Roi collant la douce Lizzie qui s'empêtrait dans son plateau et ses commandes qu'elle portait. Estimant que la technique de Lugh ne pouvait définitivement pas porter des fruits concurrentiels aux siens, il le laissa s'amuser en finissant le deuxième shoot qui traînait encore sur sa table et ne releva le nez que lorsque la demoiselle s'arrêta de nouveau à sa table. Il ne manqua pas d'aider la jeune femme à réunir les cadavres transparents de leurs brèves frasques tout en s'excusant des manières empâtées de son ami un peu lourdaud mais guère méchant. Cependant, la pauvre créature n’eut même pas le temps de ramener son plateau chargé à bon port car son chemin recroisa celui de Lugh qui l’entraina dans son sillage. " Tu viens bichon ? " L'intéressé se garda de s'amuser de ces manières face à la demoiselle qui ne savait quoi faire, mais ne put retenir un sourire lorsqu'il consentit à suivre l'ombre du flûtiste d'un soir. Ce dernier le largua finalement lorsque la serveuse définitivement embarrassée réussi à faire remarquer qu'elle avait des affaires à récupérer si elle pouvait partir. Abandonné avec pour seul souvenir une allusion à peine voilée Dagda attendit patiemment de voir si Lizzie allait oser revenir ou au contraire se dissimuler jusqu'à la fermeture.

La réponse ne fut pas trop longue à obtenir, le divin médecin n'avait eu qu'à peine le temps d’égratigner un fragment de mémoire en l'honneur des siècles passés aux côtés de Lugh que la silhouette féminine ré-apparu timidement. Touché par l'égarement de cette pauvre créature qui ne comprenait pas vraiment dans quelle aventure elle était tombée Dagda dévoila en toute sincérité les plans du machiavélique ami tout en s'excusant à nouveau de l'avoir malheureusement exposé à ces grossières manipulations. La sincérité était la beauté de ce siècle, ces dames appréciaient la considération de la gente masculine qui dévoilait les faux-semblants et Lizzie n'était guère une exception à cette évolution. C'est pourquoi, sous la promesse d'une protection contre l'amical importun, elle accepta de rentrer au bras du Dieu.

C'est donc avec cette charmante compagnie qu'il retrouva l'air estivale de Philadelphie et la silhouette fumante de son ami.

▬ " Lizzie accepte notre escorte à condition que tu saches te tenir. Tu penses pouvoir relever ce défi ? " Le nouveau chevalier servant de la douce mortelle lança un regard amusé à son compagnon d'aventure qui n'aurait qu'à peine deux blocs à tenir car la demoiselle ne résidait pas bien loin. Le deal arrangé ils purent prendre la rue à trois en direction du foyer de la charmante Lizzie. " Et dis moi, cela fait longtemps que tu traînes ta flûte avec ce groupe ? " Le rôle de cavalière semblant convenir à la demoiselle un peu égarée dans ces attractions divines, Dagda décida donc d'ouvrir la conversation vers Lugh pour ne pas indisposer celle qui devait encore essayer de comprendre ce qui lui arrivait ce soir. " Est-ce là ton moyen de faire la tournée des bars ? "

La cibiche entre ses lèvres laissant échapper sa volute de fumée sous la combustion du foyer qui, à chaque inspiration, devenait plus rougeoyant dans la rue obscure. A peine éclairée par quelques lampadaires encore en état de marche. Lugh se laissait bercer par l’ambiance tamisée tandis qu’il était dehors à attendre son compagnon de longue route. Pensif ses souvenirs d’une époque lointaine et où il était encore un roi qui avait un sens lui refirent surface. Puis la population a changé, évolué et les minorités se sont retrouvées ensevelies sous les flots de cette technologie et de cette perte constante de croyance qui avait fait apparaître de nouveaux dieux. Quand un bruit dans son dos se fit entendre, Kendall sorti de ses songes et tourna la tête en direction des deux tourtereaux. Un sourire étira ses lèvres et il posa sa main sur son cœur tout en penchant légèrement la tête sur le côté et rivant son regard sur Lizzie.

«Sairy Leddy…» Fis-je calmement avant de lui sourire tendrement.

Je savais bien que je l’avais importuné toute la soirée et je regardais mon indétrônable comparse. Un sourire torve tout en levant la main de manière à lui faire comprendre que c’était une parole que je lui consentais.  

«Défi gagné d’avance très cher.»

Nous avancions tranquillement dans les rues, puisqu’apparemment le lieu de résidence de Lizzie n’était pas très loin. Mais j’étais amusé de voir à quel point Dagdag était précautionneux avec ce qu’il convoitait. C’était même assez amusant de constater à quel point il n’avait pas tant changé. Je marchais tranquillement aux côtés de mon ami, les mains dans les poches et le clope aux lèvres, observant un peu les rues, le quartier, toute cette grandeur qu’il n’y avait pas en Europe avait tendance à me donner une sensation de malaise. En fait ce n’était pas tant les immeubles immenses, c’était l’obscurité qui s’en dégageait. Mon regard se tourna vers Seth et le scruta de haut en bas, puis coula sur la jeune femme à son bras tandis que je faisais tourner ma cibiche fumante avant de répondre à sa question. Lèvres pincées, je sortais le clope de ma bouche pour parler distinctement. Déjà que mon accent écossais ne doit pas être très compréhensible pour les gens de ce nouveau monde. Si en plus je parle avec quelque chose dans la bouche ils ne vont rien comprendre. Enfin, Dagda serait le seul à comprendre, vu qu’il a pris l’habitude.

«Ça doit faire sept ans que je traine avec ce petit groupe. A la base ils n’étaient que deux, puis j’ai fini par croiser leur route et quand ils ont vu à quel point j’étais doué dans la musique, ils ont voulu me garder. Du coup on parcourt le monde dans le but de propager la musique celtique et redonner goût aux vieilles croyances celtes de fait.»

Une façon pour lui de persister, mais également pour les autres de ses comparses celtes de ne pas être oublié. Il remit son clope entre ses lèvres et laissa commenter son compagnon et frère de cœur, ricanant à sa remarque. La tournée des bars, si y’avait que ça…

«J’me plains pas, pendant le concert, dans certains bars, les boissons sont offertes au groupe alors…»

Autant en profiter au maximum quand on peut. Puis autant dire que c’est assez amusant de voir le reste du groupe pété quand moi-même je ne peux pas l’être. Surtout après la fin du concert. Bon, ce soir était une exception. Je leurs avais demandé de ne pas m’attendre et de ranger le matériel, en général ils ne vont pas boire après un concert dans le même bar. Puis apparemment, chacun avait des choses à faire donc ça m’arrangeait bien pour le coup. Une autre rue, dans laquelle nous nous engouffrions et je regardais un peu la demoiselle, lui demandant si elle aimait la musique celtique, histoire de faire un peu la conversation avec cette dernière, puis lui posant quelques questions sans être trop indiscret sur les mythes et légendes et même ses origines. Qui sait, peut-être que Lizzie est une Pagan.

Doucement, au fil de leurs pas, le Dagda sentait que le bras accroché au sien se sentait plus naturel. À défaut de comprendre ce qui lui arrivait ce soir la jeune femme semblait l'accepter, ce qui était un essentiel prometteur. L'énergumène qui l'accompagnait s'était discipliné et le seul nuage qui se dessinait à l'horizon étaient ceux qui s'échappaient parfois des lèvres de Lugh. Dagda décida donc de peupler leur marche nocturne de quelques questions envers son flûtiste préféré qui devait se féliciter de ne pas être affecté par les déboires de ce qu'il glissait présentement dans ses poumons.

▬ " Ça doit faire sept ans que je traine avec ce petit groupe. [...] Du coup on parcourt le monde dans le but de propager la musique celtique et redonner goût aux vieilles croyances celtes de fait. " Venait-il d'avoir un aperçu du fameux plan ? Dagda glissa un regard amusé à son collègue qui se faisait prêcheur des temps modernes avec sa flûte et son boys band en échange de quelques pintes. " J’me plains pas, pendant le concert, dans certains bars, les boissons sont offertes au groupe alors… " Le sourire amusé du Dieu perdurait sans pour autant surenchérir, tenant sans véritablement forcer son rôle de preux chevalier serviable. En réponse à son silence Lugh décida de s'intéresser à la demoiselle silencieuse qui s'aventura à soulever le sujet de ses études en histoire et sa spécialisation sur l'antiquité qui l'avait en effet rendu sensibles à certains mythes. Progressant sagement entre les deux, le sourire et le regard que glissa Dagda à son ami mettaient en évidence sa connaissance des activités de la demoiselle. Il les laissa ainsi discuter sans intervention, se contentant amplement de prêter son bras et sa présence à la jeune femme qui avait trouvé un nouvel interlocuteur intéressé.

Au rythme de cette conversation leur trajet ne fut véritablement pas bien long et c'est naturellement qu'ils finirent par s'arrêter au pied d'une de ces multiples bâtisses à trois étages au cœur d'une semi-obscurité. Et c'est avec un sourire galant que le Dagda fit ses adieux à la demoiselle, lui assurant qu'il tiendrait sa promesse avant de glisser un baiser sur la main délicate qui avait déjà eu l'occasion de parcourir quelques écrits courtois. Les au-revoir effectués, la porte close derrière la silhouette féminine, le Dieu attendit quelques instants, levant ses traits souriants vers le deuxième étage jusqu'à ce que celui-ci ne s'éclaire. Ce n'est qu'une fois qu'il perçut cette clarté qu'il daigna reprendre leur route.

▬ " Elle joue aussi du piano et a perdu sa partenaire de 3ème et 4ème mains, je lui ai promis de les remplacer à l'occasion. " Expliquant ainsi cette promesse mystérieuse à l'intrigué spectateur, le Dagda ne semblait pas peu satisfait de son entreprise. Il n'avait pas la moindre idée de la destination de ses pas mais cette considération ne l'atteignait guère, baignant dans les joies qui lui avaient réservé cette soirée. " C'est ça alors ton grand plan ? Tu veux qu'on rejoigne ton groupe pour convertir les foules en exploitant nos talents artistiques ? " La vision qui s'imposa brièvement à son regard à cette énonciation tira un rire de sa gorge. L'idée même était quelque peu suicidaire car aucun bar ne survivrait à une telle association. " Et tu es là depuis combien de temps ? " Son regard pâle glissa vers Lugh avant d'être attiré par l'arrière-plan où se dessinait les silhouettes obscures et végétales de Fairmount Park. À son grand regret à cette heure-ci il n'y trouverait guère Erlina et ne pourrait donc lui montrer qui daignait faire de nouveau acte de présence. Dommage oui, son minois aurait valu le détour assurément.

Durant le court laps de temps à marcher en direction de l’appartement de la demoiselle, Lugh s’intéressa un peu à elle, à son histoire, sa passion. Desquelles la jeune femme sembla relativement bien répondre. Un peu plus détendue que dans le bar où elle se sentait assez gênée par l’attitude lourdingue du dieu roi. Il discuta un peu de ses études et son intéressement pour les mythes, curieux et surtout, comme toujours, assez invasif sur tout ceci, Kendall aimait en apprendre toujours plus et connaître l’avis des gens qu’il rencontrait, surtout sur toutes ces choses antiques que l’homme d’aujourd’hui n’avait pas connu. Il comprit aisément que Dagda ne l’avait pas choisi au hasard et avait saisi rapidement que Lizzie attisait une certaine curiosité chez lui. Il ne perdait pas le nord en lui faisant savoir que lui aussi était un passionné d’histoire, notamment du côté celtique et le Paganisme relatif à tout ceci. Ce qui pouvait attiser d’autant plus de curiosité chez la jeune femme. Mais bientôt, ils étaient arrivés et ils durent couper court à la conversation. Non sans quelques attentions de la part du géant qui lui souhaita une bonne soirée et un repos bien mérité. Le roi des dieux attendit calmement pour observer dans la même direction que Dagda l’appartement qui s’allumait, silencieux. Il écouta son frère de cœur et riva son regard vers lui. Reprenant la route à ses côtés.

«Comment est-ce arrivé ?»

Les mains dans le dos comme un petit vieux, je sentais la brise fraîche passer sous mon kilt et mordre mes cuisses tandis que je marchais calmement aux côtés de mon vieil ami. Un frisson me parcouru et je renfrognais ma tête entre mes épaules en lâchant un sifflement. Je ricanais cyniquement aux propos de Dagda des suites du plan que je lui avais soumis un peu plus tôt dans le bar. Sa question était plutôt marrante. Et si nous devions réunir tout le panthéon celte pour devenir des stars et se faire de nouveau acclamer il se pourrait qu’il se produise un cataclysme avant même d’y parvenir.

«C’est pas une idée révolutionnaire ça, n’importe quel dieu pourrait le faire en ouvrant un cabaret ou un cirque pour certains. Histoire de se faire connaître des foules. Non, c’est plus complexe de faire croire un peuple même quand il est fan. Un fan, sauf si vraiment c’est un fanatique de l’extrême qui voue un culte, n’ira pas faire d’offrande à quelqu’un qu’il aime écouter. Je me disais simplement qu’il faudrait être plus intelligent que les modernes et détourner leurs méthodes à notre avantage.»

Sauf que je suis trop chaotique et solitaire pour daigner m’allier avec d’autres dieux d’un autre panthéon que ma famille. Et là encore, je reste vague sur mes explications. Ce n’était pas l’heure ni le sujet. Je grimaçais dubitativement tout en dodelinant du chef. Relevant les yeux au ciel pour revenir sur mon comparse.

«Mh… Ça dépend, là, la ville, ou là le pays ? Je suis arrivé en ville aujourd’hui. Pour ce qui est du pays, je n’ai cessé de faire des allers-retours entre ici, l’Europe et Sanctum quand on avait besoin de moi. Et toi ? Depuis combien de temps tu es installé à Philadelphie ? Erlina t’a suivi jusqu’ici ?»

Je pouvais bien tenter de me renseigner après tout. Il est vrai que j’ai pas mal été occupé à aller un peu partout sans jamais me poser réellement. Je suis plutôt du genre à avoir la bougeotte et ne jamais rester en place. C’est mon côté hyperactif et indépendant qui veut ça. Je déteste dépendre d’un lieu, même si actuellement j’ai décidé de me poser ici qu’en connaissance de cause. Je crois que ça fait bien … Dix huit ans que je ne suis pas venu sur Philadelphie, à cette époque, j’étais venu voir furtivement Dagda sans réellement rester à ses côtés. Jouant alors mon jeune rebelle intello en faculté de médecine aux talents de rameur en aviron. C’était les débuts du net à l’époque et les gens étaient encore assez ouverts. Aujourd’hui, les gens sont constamment sur leur téléphone et même quand ils marchent dans la rue ils ne regardent même pas où ils vont. Ce qui me débecte le plus ce sont ceux qui prennent leur plat en photo ou font des selfies dans des endroits ridicules. Ha ! La société actuelle n’est vraiment plus ce qu’elle était. Je me laissais guider vers les pas de mon ami puis en voyant les végétations du parc je me dis qu’il serait agréable d’y faire un tour. J’avais tendance à préférer la nature aux buildings et ce petit brin de pelouse me permettrait d’avoir un semblant d’air naturel malgré la composition lourde et austère de l’air pollué de la ville. Je posais ma main sur l’épaule opposée de Dagda et serrais fermement mais en douceur.

«En tout cas je me réjouis de te revoir, mon ami. Et tu n’as pas perdu de ton charme enthousiaste avec ces dames.»

Petit rire amusé et je baissais le bras en prenant une brève inspiration pour lâcher un soupire penaud. Nostalgie quand tu nous tiens.

La lumière s'était faite à l'étage, le signe qu'il pouvait reprendre son chemin avec son antique connaissance à qui il distilla quelques informations.

▬ " Comment est-ce arrivé ? " Dagda glissa un regard vers l'interrogateur qui manquait d'un brin de précision, laissant à son interlocuteur le choix de l'interprétation.

▬ " La perte de sa compagne de piano ? Aucune idée, je n'ai pas demandé et ne suis donc pas impliqué dans cette malheureuse nouvelle. " Et il n'y avait rien de plus vrai alors même qu'il affichait l'amusement de celui qui pensait déceler cette supposition malaisante dissimulé dans cette interrogation. Ce point éclairé, la divinité décida de lever le voile sur un autre: celui qui semble t-il avait amener Lugh jusqu'ici avec un grand plan d'avenir. Sur sa lancée, Dagda laissa une supposition fantasque et destructrice s'échapper, ce qui ne manqua pas de faire ricaner son interlocuteur qui balaya l'idée du groupe celtique.

▬ " C’est pas une idée révolutionnaire ça, n’importe quel dieu pourrait le faire en ouvrant un cabaret ou un cirque pour certains. [...] Je me disais simplement qu’il faudrait être plus intelligent que les modernes et détourner leurs méthodes à notre avantage. " Dans sa progression, Dagda glissa ses mains dans les poches de son pantalon. Songeur, il tentait de déceler si le plan de son ami dépassait le stade des idées et de l'inspiration mais il se retrouva avec trop peu de matière pour le déterminer. Le principe soulevé était bien évidemment enthousiasmant, d'autres l'avaient déjà eu sans pour autant parvenir à véritablement le concrétiser. Se mettre à la page des Like n'était pas un virage évident à négocier, il n'était pas dans leur nature de recevoir ce genre d'attention.

▬ " Et comment voudrais-tu faire ce hold-up méthodologique ? " Là était toute la question, l'énigme que beaucoup voudrait résoudre depuis l'apparition de ce phénomène. Mais ce qui intéressait aussi Dagda était la présence de Lugh, car l'idée qu'il puisse se balader dans le coin depuis un moment sans daigner le croiser était quelque peu vexante.

▬ " Mh… Ça dépend, là, la ville, ou là le pays ? Je suis arrivé en ville aujourd’hui. " Voilà qui était déjà bien satisfaisant et qui ne peina guère de faire retomber le sourire de Dagda sur ses lèvres. Avoir la primeur des retrouvailles était bien assez gratifiant pour accorder quelques pardons. " Pour ce qui est du pays, je n’ai cessé de faire des allers-retours entre ici, l’Europe et Sanctum quand on avait besoin de moi. Et toi ? Depuis combien de temps tu es installé à Philadelphie ? Erlina t’a suivi jusqu’ici ? " La vision de la charmante demoiselle suffit amplement à amuser la divinité, cela conjugué à leur approche du parc ne pouvait que tourner les songes de Dagda vers sa chère protégée.

▬ " Bien sûr, elle ne saurait m'abandonner. " Pour la plus grande fierté de la divinité qui depuis longtemps déjà n'imaginait plus vraiment une existence sans cette Disciple brillante de fidélité et de tempérament. " Je suis là depuis assez longtemps pour perdre le compte. Et assez de temps pour que la demoiselle fasse son trou, tu sais qu'elle dirige ces honorables kilomètres de verdure. " Dagda désigna d'un signe du menton le parc un peu plus loin. L'écrin champêtre où se dissimulaient mille activités et divertissements et octroyait une certaine position à la jeune femme qui ne pouvait que satisfaire son Dieu. Il ne lui disait naturellement pas mais Dagda avait une pointe de fierté à la voir là, d'autant plus qu'il pouvait ainsi traîner dans cet écrin avec un petit goût de propriété dans la bouche. L'instant d'après, le Dieu se retrouvait calé sous le bras amical avec un sourire.

▬ " En tout cas je me réjouis de te revoir, mon ami. Et tu n’as pas perdu de ton charme enthousiaste avec ces dames. " L'amusement se partagea les traits de l'intéressé avec la satisfaction partagée de ces retrouvailles. Il fallait bien avouer, de toutes ses antiques connaissances l'absence de son antique compagnon d'aventure était celle qu'il remarquait le plus.

▬ " La réjouissance est partagée et j'espère que tu n'as pas l'intention de t'envoler de sitôt. " Dagda sortit brièvement un de ses mains de ses poches pour tapoter sa consœur sur son épaule avant que cette dernière ne s'éloigne dans une inspiration. " Je pourrais te proposer une excursion nocturne dans mon domaine mais je n'ai pas véritablement le cœur à tourmenter cette chère directrice. " Dit-il en désignant à nouveau du menton le parc. Bien évidemment, ils pourraient dignement fêter ces retrouvailles en renouant avec l'antique tradition qui consistait essentiellement à tourmenter la Disciple de Dagda mais ils pouvaient tout aussi bien remettre ça à plus tard, un jour où la Divinité serait plus inspiré. " A la place je peux te proposer ma modeste demeure, où tu sauras trouver cet enivrement plus démontrable que tu semblais rechercher tout à l'heure. " Cette idée semblait emballer son instigateur qui était prêt à puiser dans quelques réserves pour satisfaire l'invité de marque et célébrer de cette autre manière leurs retrouvailles.

D’un mouvement de tête, Lugh jaugea les paroles de Dagda et se contenta de sa réponse. Il comprenait qu’il y avait bien des choses qui permettaient de garder l’intimité d’une personne, et se montrer trop curieux pouvait avoir tendance à ne pas être apprécié par certains, ou à faire fuir d’autres. Si bien qu’ils passèrent sur un autre sujet, plus dans leur mesure en tant que divinités. Hold-up, oui, c’était un peu l’idée. Même s’il ne s’agissait pas d’obtenir des Likes ou des abonnés à tout va, non, c’était encore différent. Rassembler et récupérer des croyants de leur panthéon, ou, tout du moins, développer les croyances en se montrant un peu plus… présent. Utiliser les médias pour se montrer, se dévoiler, comme ils l’avaient fait autrefois pour leurs peuples, de manière discrète mais révélatrice. En récompensant leurs croyants d’une manière ou d’une autre, mais en faisant également en sorte que le monde entier sache qu’ils existent. Là, ce serait carrément se confronter aux autres divinités qui chercheraient à rester cachées et à l’écart tout en gardant le plus de leurs croyants dans l’ombre. Dévoiler l’existence des dieux ne serait pas chose aisée. Et il y avait autant de risques que d’échecs à cela.


«Pas ici, y’a trop d’oreilles qui trainent.»

Et si nous pouvions nous rendre au Sidh l’espace de quelques beuveries entre nous et seuls, je lui expliquerais cette méthode pour le moins risquée. Evidemment, j’étais ravi qu’Erlina soit aux côtés de mon frère de cœur. Un sourire arbora mes lèvres, rien que cette agréable pensée du bon vieux temps m’enjouait. J’avais envie de la revoir, de jouer avec ses émotions un peu. Même si je savais qu’elle était la disciple de Dagda, il était évident qu’elle faisait partie inhérente de la famille pour ma part. Tant d’années passées à leurs côtés.

«Bien au contraire. J’ai déballé les cartons de manière un peu plus permanente ici. Alors nous nous reverrons assez souvent. Surtout au travail.»

Ravi, indubitablement. Alors en regardant les jardins, la proposition de mon ami semblait très alléchante, mais vu l’heure tardive, je n’avais pas non plus envie de la déranger. Quoique… Je ne dirais pas non pour la mettre un peu sur les nerfs, ou, mieux encore, lui faire une visite surprise.

«Directrice… Vous vous êtes enraciné ici assez longtemps pour avoir vos propres fruits à ce que je constate. C’est bien, en plus le portail n’est pas loin d’ici…»

De nouveau mains dans le dos, je marchais tranquillement. Un large sourire et je fixais mon comparse d’un air enthousiaste.

«Avec grand plaisir, Dagdag. Et après, nous irons voir Erlina ! Je meurs d’envie de la revoir et la taquiner comme dans le bon vieux temps.»

Oui, oui ! Je ne lui laissais pas trop le choix. Je comptais bien me saouler un peu avec cet alcool divin des réserves de Dagda pour ensuite aller rendre visite à Erlina avant de commencer le travail. En réalité, je n’avais vraiment pas envie de dormir. Bien trop excité par mon arrivé et mes retrouvailles avec mon frère de cœur pour aller me coucher de sitôt. Et je crois que ça devait se sentir à ma façon de presser le pas et de me déplacer. Une véritable puce. Je suivais sans mal mon ami pour qu’il nous emmène chez lui afin de profiter ensemble du reste de la soirée.

La nuit n'offrait pas beaucoup de spectateurs, peut-être était-il trop tôt pour quitter les bars, ou bien trop tard... L'heure de l'humanité avait bien souvent était une donnée abstraite pour ceux qui n'était pas attaché à leurs besoins physiologique. Quoiqu'il en soit, lorsque son regard cherchait un brin d'animation il était presque contraint de regarder Lugh. Lugh qui se refusait à s'étaler sur son plan fabuleux au beau milieu de la ville. Encore trop peu attaché à lui tirer les vers du nez, la divinité évolua vers un autre sujet, répondant aux questions tout en sondant les intentions de son collègue sur ses projets de mouvements géographique.

▬ " Bien au contraire. J’ai déballé les cartons de manière un peu plus permanente ici. Alors nous nous reverrons assez souvent. Surtout au travail. " "Au travail" le principe même déjà avait toujours amusé Dagda mais dans la bouche de Lugh l’ironie se faisait évidente. Elles étaient belles n'est-ce pas ? Les divinités à suivre le schéma de ces chers humains et à entrer dans la ronde de leurs vies en se faisant une place dans leur organisation sociale.

▬ " Au travail oui. " Amusé, Dagda songea au fait que l'on pouvait déjà lui reprocher de porter une forme de dissipation, du moins en apparence, la présence de son ami n'aiderait guère à réparer cette impression. Mais cela n'inquiétait guère le Dieu qui n'estimait pas les reproches fondés car il aidait sans nul doute son quota d'humains chaque jour.

▬ " Directrice… Vous vous êtes enraciné ici assez longtemps pour avoir vos propres fruits à ce que je constate. C’est bien, en plus le portail n’est pas loin d’ici… " Le sous-entendu n'avait pas besoin d'être plus explicite et amusa de nouveau celui qui était prêt à détourner ces intentions pour offrir un peu de tranquillité à une fidèle demoiselle. Du moins pour l'instant, il n'irait pas s'aventurer en estimant que cet objectif serait sien tout au long de la nuit même si à cet instant il proposa un passage par chez lui à son ami, le détournant du parc et de ses merveilles. " Avec grand plaisir, Dagdag. Et après, nous irons voir Erlina ! Je meurs d’envie de la revoir et la taquiner comme dans le bon vieux temps. " Quelqu'un aurait-il dit "obstiné" ? Dagda lui n'était pas certain de devoir s'amuser de cet intérêt si prononcé pour sa protégée. Naturellement, l'indécision se posa dans son esprit entre amusement et égoïsme qui l'avait toujours pousser à ne pas partager la belle, même avec Lugh. Dans tous les cas, il entraîna ce dernier vers sa résidence à quelques encablures.

▬ " Te lasserais-tu de tes propres mortels pour projeter ainsi des plans sur elle ? " Un brin de curiosité distillé entre quelques pas. Ils changèrent de rue, puis même de quartier, s'éloignant du parc pour trouver une rue calme aux façades soignées et aux volets colorés. Ce n'est que face à une demeure dans la fleur de l'âge que Dagda commença à pivoter, gravissant avec légèreté les quelques marches qui le conduisait au perron dont la porte s'ouvrit après quelques tours de clés. Dans un craquement de parquet ancien, la divinité redonna vie à la demeure, éclairant les boiseries claires de ce simple cocon qu'il arpentait depuis plusieurs années déjà.

▬ " Installes-toi, je vais trouver de quoi te désaltérer. " Il y avait là l'amorce d'une véritable soirée. Installés au cœur d'une garçonnière divine, après tant d'années de silence, le monde pouvait se refaire plusieurs fois.

Un petit rire sorti des lippes de Lugh lorsque Dagda répéta le mot travail. Pour les deux divinités, il était évident que le travail dont il parlait était une chose abstraite. Se caler aux humains était un peu burlesque en soi. Contrairement à certains dieux qui se terraient bien sagement à l’abri des hommes, Seth et Kendall faisaient partie de ceux qui en étaient le plus proche et qui semblaient d’une manière bien à eux se mélanger à eux et leur venir en aide du mieux qu’ils peuvent. Un échange amusé entre les deux hommes quant à une probable visite de la charmante disciple du dieu aux côté de Lugh, la réplique suivante eut pour effet de faire sourire le dieu de la lumière.


«Me Lasser ? Allons-bon ! Tu sais bien qu’Erlina est un peu comme un membre de la famille. Elle est ta disciple, mais je n’ai aucun plan, ni vues sur elle.»

Quoique, pour rendre jaloux Dagdag et le faire devenir tout rouge juste pour m’amuser, et comme dans le bon vieux temps, je n’hésiterais pas à lui faire la cour et la faire rougir par quelques avances qui m’amuseront plus qu’autre chose. Non, j’ai probablement autre chose à faire que d’avoir des vues sur la disciple préférée de Dagda.

«Tu sais bien que la seule raison de projeter des plans sur elle n’est autre que pour te rendre aigri, papy ! Et te taquiner accessoirement.»

Je lâchais un petit rire taquin et fier tout en redressant la tête pour le zieuter d’un regard espiègle et joueur. Il faisait tellement longtemps que nous ne nous étions pas revus que j’avais envie de l’embêter un peu. Bien que je le trouve relativement calme ce soir. Je prenais une inspiration amusée tout en secouant la tête afin de me reprendre. Suivant mon vieil ami jusqu’à chez lui où il m’invita à m’installer et me mettre à l’aise, retirant ma veste, puis faisant un petit tour du propriétaire du regard, les mains dans le dos tandis que Seth m’offrait de quoi boire de la maison. Je pinçais les lèvres avec un grand sourire et des yeux ronds comme des billes, illuminés d’étoiles parce qu’il venait de prononcer le mot magique.

«Il te reste de l’hydromel du pays ?»

Oui, il me tardait d’ne boire, car, c’était l’une de mes boissons favorites et rien de mieux qu’un hydromel divin pour se désaltérer et profiter de la soirée en étant relativement pompette. Surtout qu’il s’agit là d’un alcool qui est à la fois doux et traitre dans son ensemble. Je me posais tranquillement contre le canapé de son salon, récupérant la boisson qu’il était parti servir. Sans transition, je préférais toutefois observer Seth et lâcher d’une manière sérieuse, mais avec un tendre sourire à son attention afin de le rassurer et de ne pas le brusquer.

«Tu me sembles toutefois soucieux. J’espère que tu ne me boudes pas en rapport avec Erlina ? Tu sais comme j’aime te taquiner. En tout cas, tu as un nid bien douillet.»

Un regard tendre à son attention. La lueur de mes azurs sous les reflets de lumière de la maison donnait une certaine nostalgie, et à la fois un engouement certain de revoir ce frère de cœur que je n’avais pas revu depuis quelques années. Je me retrouvais à la fois excité et freiné de partir dans tous les sens autour de mon ami afin de ne pas lui donner le tournis. J’étais tellement enthousiasmé et excité que ma jambe droite vibrait inconsciemment au sol.